1 00:00:04,880 --> 00:00:09,540 Dans la poursuite de notre séquence numéro 4, des images 2 00:00:09,739 --> 00:00:12,580 aux genres médiatiques, nous allons donc changer de 3 00:00:12,780 --> 00:00:17,540 focale et d'un genre en particulier, le portrait. 4 00:00:18,440 --> 00:00:19,910 Nous allons cette fois-ci 5 00:00:20,110 --> 00:00:24,870 nous intéresser à pourquoi 6 00:00:25,070 --> 00:00:27,930 faut-il s'intéresser au genre 7 00:00:28,130 --> 00:00:32,229 quand on veut comprendre 8 00:00:32,430 --> 00:00:35,070 comment les images ou les productions médiatiques 9 00:00:35,270 --> 00:00:38,370 signifient et sont interprétées par des publics. 10 00:00:39,210 --> 00:00:43,730 En effet, pourquoi s'intéresser au genre des 11 00:00:43,930 --> 00:00:47,830 images pour comprendre comment les messages visuels 12 00:00:48,030 --> 00:00:50,030 signifient et sont interprétés ? 13 00:00:50,230 --> 00:00:54,330 Vous l'avez déjà plus ou moins compris, 14 00:00:54,730 --> 00:00:57,930 mais lors des cours précédents, j'ai essayé de vous montrer 15 00:00:58,130 --> 00:01:02,530 que le sens des images ne 16 00:01:02,730 --> 00:01:06,290 s'impose pas tout seul, uniquement par la présence de 17 00:01:06,490 --> 00:01:10,030 signes internes aux images, mais que les contextes 18 00:01:10,230 --> 00:01:12,630 participent beaucoup à 19 00:01:12,830 --> 00:01:17,589 l'émergence des 20 00:01:18,990 --> 00:01:22,210 significations des images et aux lectures que nous avons 21 00:01:22,410 --> 00:01:23,170 de celles-ci. 22 00:01:24,030 --> 00:01:28,990 Or, quand on zappe à la télévision, entre les différentes chaînes, 23 00:01:29,330 --> 00:01:32,870 quand on scrolle sur les réseaux sociaux numériques, 24 00:01:33,070 --> 00:01:38,029 les images défilent et certaines nous interpellent 25 00:01:38,229 --> 00:01:40,870 plus que d'autres selon la 26 00:01:41,070 --> 00:01:44,010 logique de l'économie de l'attention. 27 00:01:45,050 --> 00:01:49,870 Mais sur quoi repose cette interpellation ? Qu'est-ce 28 00:01:50,070 --> 00:01:50,830 qui nous questionne ? 29 00:01:51,030 --> 00:01:53,330 Qu'est-ce qui fait que finalement on s'arrête plus 30 00:01:53,530 --> 00:01:54,710 sur une image qu'une autre ? 31 00:01:54,910 --> 00:01:59,210 Cette interpellation des images repose la plupart du 32 00:01:59,410 --> 00:02:03,090 temps sur un questionnement quant à leur statut générique. 33 00:02:03,470 --> 00:02:06,970 On voit certes des images, mais on ne les comprend pas, 34 00:02:07,190 --> 00:02:11,790 parce qu'on ne sait pas de quel genre elles relèvent, 35 00:02:11,989 --> 00:02:12,749 ces images. 36 00:02:12,949 --> 00:02:14,700 Sont-elles des images vraies ? 37 00:02:14,899 --> 00:02:17,150 Sont-elles des images fausses ? 38 00:02:17,350 --> 00:02:22,270 En soi ou de façon générale, 39 00:02:25,390 --> 00:02:28,910 il est impossible de distinguer une image 40 00:02:29,109 --> 00:02:33,710 fictionnelle d'une image factuelle, d'une image de la réalité. 41 00:02:34,270 --> 00:02:38,370 Il n'y a pas de signe spécifique à la fiction et il 42 00:02:38,570 --> 00:02:42,850 n'y a pas de signe spécifique aux images authentiques, 43 00:02:43,049 --> 00:02:44,410 aux images factuelles. 44 00:02:44,610 --> 00:02:48,530 Et surtout quand les images fictives, les images de fiction 45 00:02:48,730 --> 00:02:51,750 adoptent le même réalisme que 46 00:02:51,950 --> 00:02:55,490 les images journalistiques ou les images factuelles. 47 00:02:55,690 --> 00:03:00,110 C'est d'ailleurs ce qui s'est produit au moment du 11 septembre, 48 00:03:00,310 --> 00:03:03,790 lorsque certains téléspectateurs ont allumé 49 00:03:03,989 --> 00:03:07,950 leur poste de télévision en début d'après-midi et qu'ils 50 00:03:08,149 --> 00:03:10,910 ont vu une image, l'image 51 00:03:11,109 --> 00:03:15,310 d'un avion s'encastrant dans les tours du World Trade Center. 52 00:03:16,370 --> 00:03:20,810 Ils ont interprété ces images comme plutôt relevant de la 53 00:03:21,010 --> 00:03:23,870 fiction et non pas comme étant une image du réel, 54 00:03:24,110 --> 00:03:25,330 du moins dans un premier temps. 55 00:03:25,570 --> 00:03:28,890 Et ce d'autant plus qu'au début d'après-midi, à la 56 00:03:29,089 --> 00:03:33,510 télévision française, les habitudes de 57 00:03:33,709 --> 00:03:38,470 programmation étaient davantage de programmer des 58 00:03:38,670 --> 00:03:42,850 fictions que des émissions ou que des programmes d'information. 59 00:03:43,750 --> 00:03:48,130 Donc une image comme ça, on ne sait pas uniquement 60 00:03:48,329 --> 00:03:52,010 discerner si elle est fictive, si elle est fictionnelle ou 61 00:03:52,209 --> 00:03:53,830 si elle est authentique, si elle est factuelle. 62 00:03:54,170 --> 00:03:56,530 Et on voit très bien que 63 00:03:56,730 --> 00:04:01,490 cette indétermination nous 64 00:04:03,190 --> 00:04:07,610 plonge dans l'abîme pour essayer de la comprendre cette image. 65 00:04:08,070 --> 00:04:13,030 Il nous faut donc finalement la renvoyer à un genre qui la dépasse, 66 00:04:13,690 --> 00:04:14,730 qui la transcende. 67 00:04:16,089 --> 00:04:19,529 Donc savoir quel est le statut générique d'une image 68 00:04:19,729 --> 00:04:23,730 permet de déterminer notre attitude interprétative par 69 00:04:23,930 --> 00:04:28,190 rapport à elle, permet de les accepter, permet de les refuser, 70 00:04:28,430 --> 00:04:30,710 permet de débattre sur le sens de cette image. 71 00:04:31,310 --> 00:04:35,130 Autrement dit, permet d'y croire ou de ne pas la croire, 72 00:04:35,350 --> 00:04:36,110 cette image. 73 00:04:36,310 --> 00:04:40,770 Nous n'interprétons donc pas de la même façon un extrait vidéo, 74 00:04:41,130 --> 00:04:44,270 sachant qu'il est issu d'une fiction ou sachant qu'il est 75 00:04:44,469 --> 00:04:47,650 issu d'un reportage, selon qu'il s'agisse d'une 76 00:04:47,849 --> 00:04:51,690 reconstitution ou d'un enregistrement pris sur le vif. 77 00:04:53,050 --> 00:04:57,410 Ce besoin de savoir pour les publics consiste précisément 78 00:04:57,610 --> 00:05:00,070 à devoir rapporter les images 79 00:05:00,270 --> 00:05:03,910 à un genre, à leur genre. 80 00:05:05,210 --> 00:05:08,670 De rapporter le caractère inconnu des images que l'on 81 00:05:08,870 --> 00:05:13,070 voit pour la première fois, cet aspect inédit de l'image 82 00:05:13,270 --> 00:05:15,890 à ce qui est connu, à ce qui 83 00:05:16,090 --> 00:05:20,849 est établi socialement et culturellement et qui est 84 00:05:21,570 --> 00:05:26,530 connu par les publics, c'est-à-dire la catégorie du genre. 85 00:05:27,410 --> 00:05:31,270 En outre, cette connaissance des genres vient aussi guider 86 00:05:31,469 --> 00:05:33,670 nos pratiques médiatiques. 87 00:05:34,290 --> 00:05:38,270 Il n'y a pas uniquement que des enjeux interprétatifs ou 88 00:05:38,469 --> 00:05:41,510 des enjeux de signification qui se nouent ici. 89 00:05:42,210 --> 00:05:46,310 Il y a ça, mais il y a aussi le fait que notre 90 00:05:46,510 --> 00:05:51,270 connaissance des genres vient guider nos pratiques. 91 00:05:51,910 --> 00:05:55,830 On peut décider, par exemple 92 00:05:56,030 --> 00:05:59,270 quand on regarde des contenus sur une plateforme, de 93 00:05:59,469 --> 00:06:02,650 regarder soit une fiction, soit un jeu télévisé, 94 00:06:02,890 --> 00:06:05,850 soit un documentaire. 95 00:06:06,090 --> 00:06:10,770 On voit combien le nom des genres et la catégorisation 96 00:06:10,969 --> 00:06:15,490 des genres va présider à nos choix et à nos intérêts pour 97 00:06:15,690 --> 00:06:17,390 certains contenus médiatiques. 98 00:06:23,150 --> 00:06:26,450 C'est d'ailleurs pour cette raison que les médias, 99 00:06:26,650 --> 00:06:29,650 que sont les chaînes de télévision, mais également les 100 00:06:29,849 --> 00:06:33,970 plateformes Netflix ou Prime Video ou encore les journaux 101 00:06:34,170 --> 00:06:38,030 de programme tels que Télé7Jours, Télérama, etc., 102 00:06:38,229 --> 00:06:39,890 ou encore les sites en ligne 103 00:06:40,090 --> 00:06:44,290 des médias, accompagnent la 104 00:06:44,490 --> 00:06:46,290 diffusion des contenus avec 105 00:06:46,490 --> 00:06:51,250 un contexte qui témoigne 106 00:06:54,450 --> 00:06:59,409 explicitement de la catégorie 107 00:06:59,609 --> 00:07:04,370 générique auquel il faut rapporter ce contenu médiatique. 108 00:07:04,830 --> 00:07:07,670 C'est-à-dire que les étiquettes génériques se 109 00:07:07,870 --> 00:07:12,630 rencontrent énormément dans les dispositifs de distribution, 110 00:07:13,450 --> 00:07:16,830 d'accès et de communication des productions médiatiques. 111 00:07:17,530 --> 00:07:20,270 Ce qui laisse entendre que 112 00:07:20,469 --> 00:07:24,650 les contenus, les produits 113 00:07:24,849 --> 00:07:27,630 médiatiques qui seraient en tout cas rangés sous la même 114 00:07:27,830 --> 00:07:32,270 catégorie générique, 115 00:07:32,570 --> 00:07:36,090 seraient dotés de propriétés similaires ou tout au moins 116 00:07:36,289 --> 00:07:38,890 de propriétés ou de caractéristiques communes 117 00:07:39,090 --> 00:07:41,830 parce qu'ils sont rangés dans la même classe générique. 118 00:07:43,030 --> 00:07:47,050 Donc la connaissance par les spectateurs par les publics 119 00:07:47,250 --> 00:07:50,770 du genre permet d'interpréter les images qu'ils regardent 120 00:07:50,969 --> 00:07:54,370 en les rapportant, en les reliant au genre qui va être 121 00:07:54,570 --> 00:07:59,330 déclaré par le média ou qui va être manifesté, communiqué 122 00:08:00,010 --> 00:08:03,070 par les médiateurs des 123 00:08:03,270 --> 00:08:08,030 produits médiatiques. 124 00:08:12,630 --> 00:08:15,950 Pour la télévision qui est un 125 00:08:16,150 --> 00:08:20,909 média qui diffuse sous forme de flux des genres très variés, 126 00:08:21,230 --> 00:08:23,670 comment se repérer finalement ? 127 00:08:23,870 --> 00:08:27,510 Ici François Jost va proposer 128 00:08:27,710 --> 00:08:32,470 justement de synthétiser cette hétérogénéité des 129 00:08:32,670 --> 00:08:37,610 produits télévisuels sous trois grands axes, sous trois 130 00:08:38,330 --> 00:08:40,130 grandes pistes génériques. 131 00:08:40,450 --> 00:08:45,410 Il va qualifier les programmes qui renvoient au monde réel, 132 00:08:46,210 --> 00:08:49,370 qui doivent être distingués des programmes qui renvoient 133 00:08:49,570 --> 00:08:52,530 au monde fictif et qui eux-mêmes doivent être 134 00:08:52,730 --> 00:08:57,390 distingués des programmes qui relèvent du monde ludique. 135 00:08:57,850 --> 00:09:02,810 Il propose de représenter ces trois axes sous la forme d'un 136 00:09:03,010 --> 00:09:07,170 triangle. Donc vous voyez monde réel, 137 00:09:07,370 --> 00:09:08,770 monde fictif, monde ludique. 138 00:09:09,090 --> 00:09:14,050 Ces trois mondes vont constituer des archigenres 139 00:09:14,250 --> 00:09:18,110 qui peuvent être donc déclinés sous des formes, 140 00:09:18,310 --> 00:09:21,830 sous des formats très différents avec des durées 141 00:09:22,030 --> 00:09:23,570 qui sont également variables. 142 00:09:24,250 --> 00:09:29,210 Par exemple du côté du monde réel on peut retrouver aussi 143 00:09:29,470 --> 00:09:34,330 bien le format journal télévisé que le documentaire, 144 00:09:34,670 --> 00:09:38,350 que l'unité discursive plus courte qu'est le reportage, 145 00:09:38,910 --> 00:09:43,750 mais également tout produit 146 00:09:43,950 --> 00:09:48,710 médiatique diffusé en direct, quel que soit effectivement 147 00:09:49,310 --> 00:09:50,910 le contenu qu'il propose. 148 00:09:51,790 --> 00:09:53,510 Et il montre par exemple ici, 149 00:09:53,710 --> 00:09:58,310 vous voyez, il va disposer 150 00:09:58,510 --> 00:10:02,190 les différentes catégories d'émissions ou de produits 151 00:10:02,390 --> 00:10:06,930 médiatiques que l'on peut retrouver à la télévision sur 152 00:10:07,130 --> 00:10:09,370 ce triangle en fonction de 153 00:10:09,570 --> 00:10:13,890 leurs caractéristiques qui 154 00:10:14,090 --> 00:10:16,850 dépendent plus du monde réel, plus du monde ludique, 155 00:10:17,090 --> 00:10:18,210 plus du monde fictif. 156 00:10:27,580 --> 00:10:30,930 Les productions médiatiques qui renvoient au monde réel 157 00:10:31,130 --> 00:10:35,890 sont celles qui mobilisent comme interprétant la réalité 158 00:10:36,630 --> 00:10:40,350 pour pouvoir comprendre le programme. 159 00:10:40,950 --> 00:10:44,490 Les productions qui se rapportent au monde réel 160 00:10:44,690 --> 00:10:48,210 invitent le public à interpréter les images qui 161 00:10:48,410 --> 00:10:52,310 composent ces productions médiatiques comme des images vraies, 162 00:10:52,510 --> 00:10:56,130 comme des images authentiques et donc à construire une 163 00:10:56,330 --> 00:11:00,790 source pour ces images qui puisse être interrogeable en 164 00:11:00,990 --> 00:11:03,730 termes de vérité et en termes de réalité. 165 00:11:06,110 --> 00:11:10,310 Jost nous dit que le monde réel appelle donc que les 166 00:11:10,510 --> 00:11:14,490 spectateurs à une lecture crédule, 167 00:11:14,710 --> 00:11:19,550 crédule qui pousse à croire finalement à l'authenticité 168 00:11:19,750 --> 00:11:21,050 des émissions qui sont 169 00:11:21,250 --> 00:11:26,010 précisément rangées sous ce monde réel. 170 00:11:29,510 --> 00:11:33,270 Alors que les produits qui 171 00:11:35,530 --> 00:11:39,630 devraient être mobilisés par l'interprétant monde fictif 172 00:11:39,830 --> 00:11:43,010 sont d'un tout autre ordre, 173 00:11:43,790 --> 00:11:47,570 et invitent plutôt le spectateur, 174 00:11:48,030 --> 00:11:52,710 le public à comprendre ces images comme relevant d'un 175 00:11:52,910 --> 00:11:56,370 pour de faux et non pas d'un 176 00:12:14,130 --> 00:12:14,890 pour de vrai. 177 00:12:16,190 --> 00:12:21,150 Notre croyance face aux récits audiovisuels racontés 178 00:12:21,870 --> 00:12:26,710 va varier selon que nous les renvoyons soit au monde réel, 179 00:12:26,990 --> 00:12:28,850 soit au monde fictif. 180 00:12:29,210 --> 00:12:32,030 En effet parce que l'investissement spectatoriel 181 00:12:32,230 --> 00:12:36,510 dans les fictions n'est pas du tout de même nature que la 182 00:12:36,710 --> 00:12:39,750 compréhension des récits factuels. 183 00:12:40,570 --> 00:12:44,530 En effet il y a une immersion 184 00:12:44,730 --> 00:12:48,910 fictionnelle qui est mise en 185 00:12:49,110 --> 00:12:53,190 place par les récits inventés, c'est-à-dire que les fictions 186 00:12:53,390 --> 00:12:55,650 elles nous proposent un monde inventé. 187 00:12:55,850 --> 00:12:57,260 Qu'est-ce que ça veut dire un monde inventé ? 188 00:12:57,460 --> 00:13:00,230 C'est-à-dire un monde qui est imaginé par des scénaristes 189 00:13:00,430 --> 00:13:04,570 et qui est mis en image par des réalisateurs et qui fait 190 00:13:04,770 --> 00:13:07,150 que finalement ce monde ne 191 00:13:07,350 --> 00:13:11,290 conduit pas à devoir être lu 192 00:13:11,490 --> 00:13:15,910 comme des images vraies, 193 00:13:16,110 --> 00:13:19,130 mais comme sollicitant une 194 00:13:19,330 --> 00:13:21,750 lecture crédule, mais doit 195 00:13:21,950 --> 00:13:26,710 être apprécié pour qu'on 196 00:13:28,170 --> 00:13:32,250 puisse comprendre ces fictions, comme finalement une 197 00:13:32,450 --> 00:13:37,210 suspension consentie de l'incrédulité. 198 00:13:38,310 --> 00:13:43,030 Ce qu'explique un théoricien du 19e siècle qui s'appelle 199 00:13:43,230 --> 00:13:45,750 Coleridge par cette expression que vous avez 200 00:13:45,950 --> 00:13:48,450 certainement déjà dû rencontrer "willing 201 00:13:48,650 --> 00:13:51,850 suspension of disbelief", c'est-à-dire la suspension 202 00:13:52,370 --> 00:13:53,790 consentie de l'incrédulité. 203 00:13:54,170 --> 00:13:56,210 En effet, face à une fiction 204 00:13:56,410 --> 00:13:59,910 ou face à des images qui sont 205 00:14:00,110 --> 00:14:02,270 catégorisées explicitement 206 00:14:02,470 --> 00:14:07,230 comme des fictions, que ça soit une série ou une sitcom, 207 00:14:08,530 --> 00:14:12,950 le spectateur sait bien que ce qu'il voit est faux et 208 00:14:13,150 --> 00:14:17,190 donc qu'il ne devrait pas y croire, mais le temps de la 209 00:14:17,390 --> 00:14:20,690 parenthèse temporelle du film ou de la série il est invité 210 00:14:20,890 --> 00:14:24,130 à y croire comme si c'était vrai. 211 00:14:24,670 --> 00:14:29,470 Le principe de la fiction et de l'immersion fictionnelle 212 00:14:29,670 --> 00:14:31,390 repose donc bien sur un 213 00:14:31,590 --> 00:14:35,410 "comme si c'était vrai" bien 214 00:14:35,610 --> 00:14:40,370 que l'histoire racontée soit sortie de l'imagination des 215 00:14:40,990 --> 00:14:45,210 scénaristes, et ce même si cette histoire s'appuie ou 216 00:14:45,410 --> 00:14:46,570 s'inspire sur des faits réels. 217 00:14:47,030 --> 00:14:51,190 Ce qui veut dire qu'une fiction, en tout cas des images qui 218 00:14:51,390 --> 00:14:54,550 sont explicitement marquées comme relevant de la fiction, 219 00:14:55,090 --> 00:14:58,710 ne doivent pas être lues, interprétées, comprises comme 220 00:14:58,910 --> 00:15:03,670 si elles étaient vraies, à l'instar des discours 221 00:15:04,350 --> 00:15:09,310 journalistiques, mais plutôt comme si ces images étaient 222 00:15:09,510 --> 00:15:11,270 vraies semblables. 223 00:15:11,590 --> 00:15:14,930 Le vrai et le vraisemblable n'est pas tout à fait la même chose. 224 00:15:15,410 --> 00:15:18,810 Le vraisemblable, je l'ai déjà expliqué dans le cours précédent, 225 00:15:19,010 --> 00:15:21,710 enfin lors d'une séquence précédente du cours, 226 00:15:22,010 --> 00:15:25,070 ça veut dire semblable au vrai. 227 00:15:25,350 --> 00:15:28,890 Or, être semblable au vrai ne veut pas dire vrai. 228 00:15:29,210 --> 00:15:33,470 On peut dire que le " comme si" est ce qui définit les 229 00:15:33,670 --> 00:15:36,950 images fictionnelles. 230 00:15:37,390 --> 00:15:41,570 Donc face à une fiction que l'on sait fiction va 231 00:15:41,770 --> 00:15:45,650 s'établir une crédulité qui va être temporaire pour le 232 00:15:45,850 --> 00:15:50,610 public et cette crédulité temporaire est même 233 00:15:51,050 --> 00:15:54,130 recherchée socialement puisque les fictions vont 234 00:15:54,330 --> 00:15:59,010 nous délivrer des récits qui nous distraient, des récits 235 00:15:59,210 --> 00:16:01,890 qui nous évadent ou des récits qui vont traiter 236 00:16:02,090 --> 00:16:05,230 métaphoriquement des problèmes sociaux qui eux 237 00:16:05,430 --> 00:16:08,030 sont bien réels et qui sont bien existants. 238 00:16:08,270 --> 00:16:10,730 Je vais prendre un exemple, un exemple que vous 239 00:16:10,930 --> 00:16:13,930 connaissez sans doute, "Le voyage de Chihiro" qui 240 00:16:14,130 --> 00:16:18,890 est un film de Miyazaki qui est sorti en France en 2001, 241 00:16:19,410 --> 00:16:21,930 qui est donc une fiction cinématographique qui, 242 00:16:22,330 --> 00:16:26,290 plus est, est une fiction qui est composée d'images d'animation. 243 00:16:26,790 --> 00:16:30,450 Des images d'animation se distinguent des images enregistrées, 244 00:16:30,650 --> 00:16:33,350 des images photographiques puisque ce sont des images 245 00:16:33,550 --> 00:16:35,870 qui sont complètement iconiques et qui ne sont 246 00:16:36,070 --> 00:16:37,450 nullement indicielles. 247 00:16:37,750 --> 00:16:41,990 En plus, l'histoire que nous raconte le film est une 248 00:16:42,190 --> 00:16:46,130 histoire qui se déroule dans un univers merveilleux. 249 00:16:47,890 --> 00:16:50,790 L'univers d'une fiction se 250 00:16:50,990 --> 00:16:55,750 nomme une diégèse et la diégèse décrit, 251 00:16:56,990 --> 00:17:01,610 je dirais, la cohérence du monde inventé par les scénaristes. 252 00:17:01,910 --> 00:17:05,990 En tout cas, la diégèse va définir ce monde inventé et 253 00:17:06,190 --> 00:17:09,970 un des principes importants pour les scénaristes et pour 254 00:17:10,170 --> 00:17:13,130 que l'immersion fonctionnelle fonctionne, c'est bien que 255 00:17:13,330 --> 00:17:17,010 cette diégèse soit cohérente, 256 00:17:17,390 --> 00:17:21,750 sinon on sort de la fiction, on n'y croit plus, et bien 257 00:17:21,950 --> 00:17:25,849 que cette diégèse du voyage de Chihiro soit complètement 258 00:17:26,050 --> 00:17:29,170 éloignée en termes de 259 00:17:29,370 --> 00:17:34,130 ressemblance et de notre réalité de spectateur, 260 00:17:35,230 --> 00:17:38,010 elle nous parle bien puisqu'elle raconte 261 00:17:38,210 --> 00:17:42,270 l'histoire d'une petite fille qui grandit et qui va partir 262 00:17:42,470 --> 00:17:47,230 à la découverte et à la compréhension du monde qui l'entoure. 263 00:17:47,870 --> 00:17:50,990 Finalement, ce qui se passe dans le récit de ce film, 264 00:17:51,330 --> 00:17:55,690 dans cette fiction, c'est bien un récit d'apprentissage 265 00:17:55,890 --> 00:18:00,110 qui se met en place et qui va servir de modèle pour 266 00:18:00,310 --> 00:18:04,570 comprendre comment passe-t-on de l'adolescence au monde adulte. 267 00:18:04,950 --> 00:18:08,630 On voit que, même inventées, les fictions peuvent nous 268 00:18:08,830 --> 00:18:12,530 servir de mode d'emploi pour comprendre la réalité qui nous entoure, 269 00:18:12,790 --> 00:18:16,970 même si elle ne montre pas le réel, même si elle ne raconte pas 270 00:18:17,170 --> 00:18:20,910 des histoires qui ont déjà existé, et même si elles utilisent de 271 00:18:21,110 --> 00:18:22,710 nombreuses métaphores. 272 00:18:26,790 --> 00:18:31,750 Continuons à explorer les trois archigenres dont nous 273 00:18:31,990 --> 00:18:33,270 parle François Jost. 274 00:18:33,470 --> 00:18:38,230 Après avoir parlé du monde réel, après avoir parlé du monde fictif, 275 00:18:38,630 --> 00:18:41,670 je vais m'intéresser au monde ludique. 276 00:18:43,050 --> 00:18:45,990 François Jost nous dit que le monde ludique est un 277 00:18:46,190 --> 00:18:49,930 intermédiaire entre le monde réel et le monde fictif, 278 00:18:50,330 --> 00:18:53,490 et c'est d'ailleurs pour ça qu'il le place tout en haut 279 00:18:53,690 --> 00:18:58,290 de son triangle, justement entre le monde réel et le monde fictif. 280 00:18:58,870 --> 00:19:00,640 Pourquoi intermédiaire ? 281 00:19:02,050 --> 00:19:07,010 Car son organisation interne au monde ludique est régie 282 00:19:07,390 --> 00:19:09,590 par des règles qui lui sont propres. 283 00:19:09,790 --> 00:19:14,390 Par exemple, l'épreuve rituelle des poteaux dans le 284 00:19:14,590 --> 00:19:19,350 programme Koh-Lanta pour décider qui sera le vainqueur 285 00:19:19,550 --> 00:19:20,470 de l'émission. 286 00:19:21,610 --> 00:19:25,390 Donc il y a des règles, des conventions qui sont 287 00:19:25,590 --> 00:19:27,830 propres à l'univers des divertissements et des jeux, 288 00:19:28,110 --> 00:19:31,030 mais ces conventions peuvent 289 00:19:31,230 --> 00:19:35,990 aussi être liées au monde réel, à la réalité par certains côtés. 290 00:19:36,970 --> 00:19:39,890 Dans un jeu télévisé qui prend la forme de quiz, 291 00:19:40,450 --> 00:19:45,030 les réponses doivent être bonnes, doivent être exactes. 292 00:19:45,330 --> 00:19:47,890 Ce sont des vraies propositions qui sont faites. 293 00:19:48,290 --> 00:19:53,250 De la même façon, le saut à l'élastique qui a lieu dans 294 00:19:53,770 --> 00:19:57,970 Fort Boyard est un vrai saut à l'élastique qui s'opère 295 00:19:58,170 --> 00:20:00,690 dans le jeu télévisé Fort Boyard. 296 00:20:02,130 --> 00:20:05,970 On voit que les productions 297 00:20:06,170 --> 00:20:10,190 qui relèvent du monde ludique se situent finalement à 298 00:20:10,390 --> 00:20:14,510 cheval du monde réel et du monde fictif et en plus ne 299 00:20:14,710 --> 00:20:16,970 forment pas une catégorie très homogène. 300 00:20:18,190 --> 00:20:23,150 Certains vont plus être tirés vers le monde réel tandis que 301 00:20:23,610 --> 00:20:27,290 d'autres vont plus être tirés vers le monde fictif. 302 00:20:29,190 --> 00:20:32,230 Par exemple les quiz sont plus du côté du monde réel 303 00:20:32,430 --> 00:20:37,190 alors que par exemple la télé-réalité est plus du côté 304 00:20:37,610 --> 00:20:41,510 du monde fictif avec des candidats qui vont jouer un 305 00:20:41,710 --> 00:20:45,330 rôle souvent préscénarialisé comme les émissions de 306 00:20:45,530 --> 00:20:48,430 télé-réalité nous le prouvent, enfin nous le montrent, 307 00:20:48,630 --> 00:20:50,910 notamment celles qui 308 00:20:51,110 --> 00:20:55,870 s'inspirent des anges de la télé-réalité par exemple. 309 00:20:56,810 --> 00:21:01,350 Donc on peut voir que ces trois archigenres, ces trois mondes, 310 00:21:01,550 --> 00:21:06,350 imposent leurs lois et il faut respecter le spectateur 311 00:21:06,550 --> 00:21:10,190 pour bien interpréter cette production médiatique, 312 00:21:10,390 --> 00:21:15,290 doit comprendre que ces 313 00:21:17,150 --> 00:21:22,110 productions doivent respecter 314 00:21:22,310 --> 00:21:24,870 certaines règles qui leur sont propres. 315 00:21:25,470 --> 00:21:29,310 Donc pour les productions 316 00:21:29,510 --> 00:21:33,670 médiatiques en images qui vont solliciter 317 00:21:33,870 --> 00:21:37,810 l'interprétant du monde réel, il faut que l'énoncé de 318 00:21:38,010 --> 00:21:39,170 réalité fasse loi. 319 00:21:39,470 --> 00:21:43,930 Le journaliste doit prouver que ce qu'il dit est la 320 00:21:44,130 --> 00:21:46,790 vérité et il doit montrer la vérité. 321 00:21:47,090 --> 00:21:50,750 Pour que les images puissent être rapportées au monde fictif, 322 00:21:50,950 --> 00:21:54,750 le narrateur doit respecter les règles de la vraisemblance. 323 00:21:55,110 --> 00:21:57,430 La fiction se doit d'être cohérente. 324 00:21:58,090 --> 00:22:01,990 Quant au ludique, celui qui ne respecte pas les règles 325 00:22:02,190 --> 00:22:06,530 internes au jeu est considéré précisément comme un tricheur. 326 00:22:07,950 --> 00:22:12,470 Alors ce modèle des trois archigenres, des trois mondes, est bien 327 00:22:12,670 --> 00:22:15,770 évidemment un modèle et donc est un idéal. 328 00:22:16,270 --> 00:22:20,570 Mais dans la réalité médiatique, aucune émission, aucune 329 00:22:20,770 --> 00:22:23,870 production médiatique ne peut être rattachée de façon 330 00:22:24,070 --> 00:22:26,290 définitive à un seul moment, 331 00:22:26,610 --> 00:22:30,170 à un seul monde, à un seul archigenre. 332 00:22:30,450 --> 00:22:32,990 En effet, cela serait tellement simple si, 333 00:22:33,210 --> 00:22:36,830 à telle production médiatique, on doit mobiliser seulement 334 00:22:37,030 --> 00:22:40,450 un seul des trois interprétants que sont la réalité, 335 00:22:40,930 --> 00:22:42,350 la fiction ou le ludique. 336 00:22:43,710 --> 00:22:45,220 Pourquoi ce n’est pas si simple ? 337 00:22:45,420 --> 00:22:47,950 Parce qu'en premier lieu, de plus en plus de 338 00:22:48,150 --> 00:22:51,450 productions médiatiques reposent sur un mélange des genres. 339 00:22:52,010 --> 00:22:55,210 Et le mélange des genres est devenu une catégorie, 340 00:22:55,470 --> 00:22:59,130 non seulement une catégorie, mais également une 341 00:22:59,330 --> 00:23:02,930 caractéristique des contenus médiatiques de plus en plus 342 00:23:03,130 --> 00:23:04,830 contemporains. Qu'il s'agisse 343 00:23:05,030 --> 00:23:09,010 d'émissions d'infotainment ou par exemple de docufictions 344 00:23:09,210 --> 00:23:13,390 qui mélangent la réalité avec des procédés fictionnels. 345 00:23:15,990 --> 00:23:19,610 Cette hybridité générique constitutive n'est en 346 00:23:19,810 --> 00:23:21,770 généralement pas cachée par le média. 347 00:23:22,190 --> 00:23:24,090 Elle est même revendiquée 348 00:23:24,290 --> 00:23:28,330 explicitement par l'étiquette 349 00:23:28,530 --> 00:23:32,790 générique et par notamment le 350 00:23:32,990 --> 00:23:37,390 nom du genre qui est mobilisé par le média. 351 00:23:37,790 --> 00:23:40,690 Ainsi, infotainment ou 352 00:23:40,890 --> 00:23:45,650 infodivertissement procèdent, 353 00:23:45,870 --> 00:23:49,710 relèvent de ce que les linguistes appellent un mot valise, 354 00:23:50,090 --> 00:23:53,530 c'est-à-dire construit sur le regroupement de deux noms de 355 00:23:53,730 --> 00:23:55,870 genre qui existaient déjà. 356 00:23:56,070 --> 00:24:00,050 D'un côté l'information et de l'autre l'entertainment ou le 357 00:24:00,250 --> 00:24:01,910 divertissement. Même chose 358 00:24:02,110 --> 00:24:03,530 pour le docufiction. 359 00:24:04,010 --> 00:24:07,710 Alors si la visée générale est de l'ordre du documentaire, 360 00:24:07,910 --> 00:24:11,850 donc voulant mobiliser un interprétant qui est le monde réel, 361 00:24:12,270 --> 00:24:14,450 le fait de raconter des faits 362 00:24:14,650 --> 00:24:19,410 attestés se déroule avec des 363 00:24:20,070 --> 00:24:24,890 procédés qui ressortissent plutôt de la fiction et 364 00:24:25,090 --> 00:24:28,210 notamment la présence de comédiens qui peuvent jouer 365 00:24:28,410 --> 00:24:32,290 des personnages qui n'ont pas forcément existé, mais qui 366 00:24:32,490 --> 00:24:34,890 sont jugés crédibles le temps du docufiction. 367 00:24:35,350 --> 00:24:40,230 Voire même on peut, si ce n'est le recours à des comédiens, 368 00:24:40,750 --> 00:24:44,830 on peut même recourir à des images reconstituées synthétiquement, 369 00:24:45,150 --> 00:24:50,010 à des images virtuelles ou à 370 00:24:50,210 --> 00:24:54,970 des images générées par l'IA générative justement. 371 00:24:57,090 --> 00:25:02,050 Donc le caractère hybride à la fois des visées 372 00:25:02,470 --> 00:25:05,070 communicationnelles de la production médiatique, 373 00:25:05,270 --> 00:25:09,330 mais également des images peut se lire, 374 00:25:09,630 --> 00:25:12,810 ce caractère hybride peut se lire dans l'étiquette 375 00:25:13,010 --> 00:25:15,950 générique qui est proposée 376 00:25:16,150 --> 00:25:20,750 par les médias pour qualifier le contenu médiatique. 377 00:25:22,490 --> 00:25:27,450 En revanche télé-réalité que vous connaissez tout et tous 378 00:25:27,850 --> 00:25:31,550 est une curieuse étiquette puisqu'elle fait 379 00:25:31,750 --> 00:25:34,910 explicitement mention du réel, 380 00:25:35,110 --> 00:25:38,050 réalité, et de sa médiation 381 00:25:38,250 --> 00:25:42,210 par la télévision, omettant de signifier la part 382 00:25:42,410 --> 00:25:45,530 fictionnelle ou la part ludique qui est pourtant 383 00:25:45,730 --> 00:25:49,190 constitutive de ce genre et ce quel que soit les 384 00:25:49,390 --> 00:25:53,650 variations depuis les 25 ans 385 00:25:53,850 --> 00:25:56,390 que ce genre existe en France.