1 00:00:05,380 --> 00:00:07,780 Voyons maintenant chapitre 3 : la cause. 2 00:00:09,420 --> 00:00:16,460 Le Code civil français de 1804 traitait la cause aux articles 1108, 3 00:00:16,740 --> 00:00:19,600 il a été évoqué, on en avait déjà parlé un peu plus tôt, 4 00:00:20,660 --> 00:00:24,380 comme une condition, une convention et 1131, 5 00:00:25,240 --> 00:00:28,160 faisant de la cause un élément essentiel des conventions. 6 00:00:28,940 --> 00:00:31,520 Il n'est pas nécessaire, selon l'article 1132, 7 00:00:31,820 --> 00:00:35,520 que la cause soit exprimée à l'époque, mais il fallait qu'elle existe 8 00:00:35,720 --> 00:00:36,500 et qu'elle soit licite. 9 00:00:37,360 --> 00:00:41,400 Cette cause dont parlait le Code civil était définie par la doctrine 10 00:00:41,600 --> 00:00:44,960 comme étant la cause finale de l'obligation. 11 00:00:45,780 --> 00:00:49,580 On la distingue ainsi de la cause efficiente qui est la cause de 12 00:00:49,780 --> 00:00:50,540 l'obligation. 13 00:00:51,640 --> 00:00:56,740 On la distingue également de la cause impulsive et déterminante 14 00:00:56,940 --> 00:00:59,860 qui est le motif individuel de contracter. 15 00:01:01,380 --> 00:01:08,240 Nous allons voir que cette notion qui devrait être considérée comme 16 00:01:08,440 --> 00:01:15,280 un vestige d'un autre monde, sa suppression en 2016 en tant 17 00:01:15,480 --> 00:01:19,860 que telle a été une surprise qui en a étonné plus d'un en France 18 00:01:20,060 --> 00:01:23,500 comme à l'étranger, mais comme je l'ai laissé entendre au tout 19 00:01:23,700 --> 00:01:26,520 début de ce cours, si l'on a chassé la cause par la porte, 20 00:01:27,180 --> 00:01:30,960 elle est revenue par la fenêtre sous la forme d'une notion de 21 00:01:31,160 --> 00:01:31,980 contrepartie. 22 00:01:32,640 --> 00:01:35,040 C'est pourquoi il est important de comprendre d'où venait cette 23 00:01:35,240 --> 00:01:39,740 notion de cause si importante et qui a fait couler beaucoup d'encre 24 00:01:39,940 --> 00:01:42,800 et qui a suscité énormément de contentieux. 25 00:01:43,500 --> 00:01:47,540 À Rome, le droit romain en général, c'est ça qui est intéressant et 26 00:01:47,740 --> 00:01:51,120 paradoxal, n'est pas causaliste, n'était pas causaliste. 27 00:01:51,980 --> 00:01:54,320 Dans l'ancien doit romain, qui ne connaît que des contrats 28 00:01:54,520 --> 00:01:58,600 formels, donc des contrats qui répondent à des conditions très 29 00:01:58,800 --> 00:02:01,880 précises, solennelles, dans les paroles, les gestes, 30 00:02:02,080 --> 00:02:09,380 le rituel, un formalisme étroit, eh bien Rome, dans cet ancien droit 31 00:02:09,580 --> 00:02:13,420 romain, le contrat évidemment valide indépendamment de sa cause. 32 00:02:14,460 --> 00:02:17,880 Le débiteur n'est engagé qu'à raison de l'accomplissement de certaines 33 00:02:18,080 --> 00:02:18,840 solennités. 34 00:02:19,340 --> 00:02:21,040 Sans solennité, pas d'engagement. 35 00:02:22,260 --> 00:02:26,340 En revanche, quand bien même la cause en vue de quoi le débiteur 36 00:02:26,540 --> 00:02:31,520 s'est engagé n'existerait pas, l'engagement demeure valide dès 37 00:02:31,720 --> 00:02:35,180 lors que les formalités requises ont été accomplies. 38 00:02:36,040 --> 00:02:40,040 La notion de cause n'est apparue finalement que très progressivement, 39 00:02:40,240 --> 00:02:43,340 très timidement même, dans le droit classique et 40 00:02:43,540 --> 00:02:45,000 post-classique romain. 41 00:02:46,200 --> 00:02:51,200 En réalité, comme on va le voir, elle n'a vraiment été dégagée que 42 00:02:51,400 --> 00:02:52,600 par les juristes du Moyen Âge. 43 00:02:52,800 --> 00:02:58,400 Encore une fois, ce Moyen Âge central est très important, il est un creuset, 44 00:02:58,800 --> 00:03:03,240 tout à fait remarquable, le principe des notions de distinction 45 00:03:03,440 --> 00:03:05,860 qui se sont appuyées sur les précédents Romains. 46 00:03:06,460 --> 00:03:08,720 Alors voyons, tout de même, partons de Rome. 47 00:03:09,840 --> 00:03:13,240 Section 1: les origines romaines de la notion de cause. 48 00:03:14,580 --> 00:03:19,000 À défaut de reconnaître la cause comme un élément indispensable 49 00:03:19,200 --> 00:03:24,440 du contrat, les Romains ont d'abord inventé le terme même de "causa", 50 00:03:25,020 --> 00:03:26,200 qui va donner le mot cause. 51 00:03:27,360 --> 00:03:30,300 Ce terme cependant ne renvoie pas nécessairement à ce que l'on nommerait 52 00:03:30,500 --> 00:03:32,440 aujourd'hui la cause d'une obligation. 53 00:03:33,260 --> 00:03:36,420 On va le voir dans un instant. 54 00:03:37,740 --> 00:03:41,900 Voyons paragraphe 1 : une ambivalence du terme "causa" 55 00:03:42,100 --> 00:03:43,760 dans les sources juridiques romaines. 56 00:03:45,600 --> 00:03:50,680 Dans la langue du droit, ce terme "causa" peut revêtir des 57 00:03:50,880 --> 00:03:55,180 acceptions assez variées, assez différentes. 58 00:03:56,260 --> 00:04:00,640 On le trouve à de nombreuses reprises dans le Corpus Juris Civilis, 59 00:04:01,760 --> 00:04:06,960 avec des sens assez précis. 60 00:04:07,960 --> 00:04:18,720 On parle par exemple de "causa liberalis", pour le procès en liberté. 61 00:04:19,560 --> 00:04:23,500 Il peut aussi désigner, ce terme, la situation dans laquelle 62 00:04:23,700 --> 00:04:24,720 se trouve un individu. 63 00:04:25,680 --> 00:04:30,880 On le trouve par un principe "melior 64 00:04:31,080 --> 00:04:47,200 est causa possidentis", qui signifie la situation de celui 65 00:04:47,400 --> 00:04:48,800 qui a la possession est la meilleure. 66 00:04:50,280 --> 00:04:55,000 Il peut aussi désigner le motif, ce que nous, nous appelons la cause 67 00:04:55,200 --> 00:04:56,800 impulsive et déterminante. 68 00:04:57,580 --> 00:05:02,380 Le juriste Julien que nous avons déjà croisé dit que la cause est 69 00:05:02,580 --> 00:05:14,820 moins importante que le motif. 70 00:05:15,200 --> 00:05:20,800 Il fait une distinction entre la 71 00:05:21,000 --> 00:05:21,760 cause et le motif, la cause finale et le motif, et donc il nous dit, 72 00:05:21,960 --> 00:05:22,720 Julien, que le motif est plus important que ce qu'on appellerait la cause 73 00:05:22,920 --> 00:05:23,680 finale. 74 00:05:23,880 --> 00:05:24,640 Le mot peut aussi désigner la source de l'obligation puisqu'on a vu 75 00:05:24,840 --> 00:05:25,600 dans les nouvelles distinctions établies sur les sources de 76 00:05:25,800 --> 00:05:26,560 l'obligation par Gaïus qu'on avait les diverses figures de causes 77 00:05:26,760 --> 00:05:44,680 donc ça fait partie des sources. 78 00:05:45,600 --> 00:05:48,100 La plupart du temps, le terme "causa" désigne la forme 79 00:05:48,300 --> 00:05:49,060 du contrat. 80 00:05:49,260 --> 00:05:53,480 Ainsi, dans les contrats formels, qui par essence sont étrangers 81 00:05:53,680 --> 00:06:00,480 de la notion moderne de cause finale, il parle couramment de "causa civilis". 82 00:06:04,360 --> 00:06:07,660 L'expression désigne la forme civile, c'est ça que ça veut dire, 83 00:06:08,120 --> 00:06:11,410 que doit revêtir le contrat, le rite qui doit être suivi, 84 00:06:11,610 --> 00:06:17,060 et donc suivre les solennités établies par le droit civil, le droit des 85 00:06:17,260 --> 00:06:18,020 citoyens romains. 86 00:06:19,660 --> 00:06:24,940 "Causa" peut aussi désigner la contrepartie économique de l'engagement 87 00:06:25,140 --> 00:06:31,340 et, à l'époque classique, sans en être reconnue comme un 88 00:06:31,540 --> 00:06:34,540 élément essentiel, l'idée de cause va être prise en considération 89 00:06:34,740 --> 00:06:36,840 dans les contrats solennels. 90 00:06:37,720 --> 00:06:43,580 Alors voyons, paragraphe 2 : l'émergence timide de l'idée de 91 00:06:43,780 --> 00:06:46,380 cause à l'époque classique. 92 00:06:48,060 --> 00:06:52,160 Lorsque la stipulation n'a pas de cause ou lorsque sa cause est 93 00:06:52,360 --> 00:06:56,700 illicite, elle demeure, bien entendu, civilement valable. 94 00:06:58,280 --> 00:07:03,240 La stipulation, c'est un contrat solennel, un contrat verbal où 95 00:07:03,440 --> 00:07:06,700 il y a une solennité d'échange de parole pour la formation du contrat, 96 00:07:06,900 --> 00:07:08,260 c'est un contrat formaliste. 97 00:07:09,180 --> 00:07:12,020 Mais deux moyens permettent de remédier à cette situation. 98 00:07:12,980 --> 00:07:15,980 C'est d'abord l'exception de dol, dont on a déjà parlé, 99 00:07:16,800 --> 00:07:26,880 et c'est ensuite un système intéressant qui est le système dit des 100 00:07:27,080 --> 00:07:33,760 "condictiones", qui sont des actions que l'on peut exercer pour revenir 101 00:07:33,960 --> 00:07:36,240 sur un transfert. 102 00:07:36,560 --> 00:07:37,600 On va le voir dans un second temps. 103 00:07:37,840 --> 00:07:42,460 Mais voyons d'abord, A : l'exception de dol. 104 00:07:43,780 --> 00:07:47,480 J'en ai parlé à plusieurs reprises et un peu dessiné les contours 105 00:07:47,680 --> 00:07:48,440 de cette exception. 106 00:07:51,500 --> 00:07:57,220 On considère que c'est une malhonnêteté, un dol de réclamer 107 00:07:57,420 --> 00:08:01,340 en justice l'exécution d'un contrat qui n'a pas de cause ou dont la 108 00:08:01,540 --> 00:08:02,360 cause est vicieuse. 109 00:08:05,020 --> 00:08:10,480 Gaius envisage ainsi le cas d'un individu qui, espérant obtenir un prêt, 110 00:08:11,180 --> 00:08:14,660 s'engage par avance par une stipulation à le rembourser. 111 00:08:16,180 --> 00:08:20,420 Si le créancier réclame le paiement de la dette née de la stipulation 112 00:08:20,620 --> 00:08:25,580 sans avoir prêté, le débiteur peut alors lui opposer l'exception de dol. 113 00:08:27,020 --> 00:08:29,880 Le deuxième moyen qui permet de remédier à l'absence de cause dans 114 00:08:30,080 --> 00:08:33,620 les contrats formels, c'est le moyen des "condictiones" 115 00:08:33,820 --> 00:08:35,520 que nous allons voir à présent. 116 00:08:36,520 --> 00:08:37,280 B. 117 00:08:37,760 --> 00:08:39,060 Les condictiones. 118 00:08:40,220 --> 00:08:49,760 La "condictio" donc est une action 119 00:08:49,960 --> 00:08:53,780 que l'on peut exercer pour revenir sur une "datio", sur un transfert, 120 00:08:53,980 --> 00:08:59,540 une "datio", de "dare", autrement dit un transfert, 121 00:08:59,940 --> 00:09:01,180 que l'on doit accomplir. 122 00:09:01,380 --> 00:09:06,140 Si le transfert a été accompli sans cause ou pour une cause, 123 00:09:06,840 --> 00:09:12,400 marquée  du sceau d'une turpitude, la "jurisprudence admet, 124 00:09:12,600 --> 00:09:17,800 donc la doctrine romaine admet 125 00:09:18,000 --> 00:09:21,080 que l'on puisse réclamer la valeur de la chose qu'on a transférée. 126 00:09:22,020 --> 00:09:27,520 Celui qui a reçu est obligé de restituer parce qu'il s'est enrichi 127 00:09:27,720 --> 00:09:28,480 injustement. 128 00:09:29,240 --> 00:09:31,460 C'est une obligation quasi contractuelle. 129 00:09:33,480 --> 00:09:37,960 C'est dans ce domaine que les juristes romains ont sans doute approché 130 00:09:38,160 --> 00:09:41,040 de plus près la notion actuelle de cause. 131 00:09:42,260 --> 00:09:48,240 Ils classent en effet les transferts, les "dationes", pluriel le "datio", 132 00:09:50,920 --> 00:09:54,660 transfert, d'après le but qu'il poursuit. 133 00:09:55,880 --> 00:10:02,180 On distingue ainsi la "datio", le transfert, en vue d'obtenir 134 00:10:02,380 --> 00:10:15,220 une contrepartie, donc on l'appelle "datio ob rem", que l'on distingue 135 00:10:15,420 --> 00:10:26,020 de la "datio ob causam", pour une cause antérieure, 136 00:10:26,680 --> 00:10:28,160 par exemple pour exécuter un contrat. 137 00:10:29,220 --> 00:10:30,140 Je vous donne un exemple. 138 00:10:31,520 --> 00:10:35,600 Imaginons une promesse faite en vue d'obtenir un prêt. 139 00:10:36,400 --> 00:10:40,060 Le prêt n'est pas fait, mais l'obligation est exécutée 140 00:10:40,260 --> 00:10:42,600 car le promettant pense avoir reçu le prêt. 141 00:10:43,980 --> 00:10:47,620 Ayant payé, alors qu'il aurait pu opposer une exception de dol, 142 00:10:48,660 --> 00:10:50,340 l'indu a été versé. 143 00:10:51,640 --> 00:10:57,880 On peut donc réclamer du créancier une restitution en se servant d'une 144 00:10:58,080 --> 00:11:02,600 "condictio", donc d'une de ces actions, pour revenir sur ce transfert. 145 00:11:03,220 --> 00:11:06,000 On l'appelle la "condictio indebiti". 146 00:11:13,440 --> 00:11:18,480 Si on se place maintenant dans l'hypothèse d'une stipulation dont 147 00:11:18,680 --> 00:11:24,400 la cause est immorale ou illicite, on peut obtenir le même résultat 148 00:11:24,600 --> 00:11:31,860 en exerçant cette fois-ci une "condictio" pour cause injuste 149 00:11:32,060 --> 00:11:36,180 ou de turpitude, donc le terme en latin est un peu long, 150 00:11:36,380 --> 00:11:51,940 mais "condictio ob turpem vel"  ou bien en latin "iniustam causam", 151 00:11:55,480 --> 00:12:02,160 donc une "condictio ob turpem vel iniustam causam" qui peut être 152 00:12:02,360 --> 00:12:04,620 engagée si la cause est immorale. 153 00:12:04,820 --> 00:12:06,600 Il faut cependant essayer d'opérer une distinction. 154 00:12:07,400 --> 00:12:13,680 S'il y a eu turpitude des deux parties, la "condictio" est inopposable. 155 00:12:14,320 --> 00:12:19,460 Il faut être clair dans sa demande, en quelque sorte, de ne pas être 156 00:12:19,660 --> 00:12:22,680 soi-même coupable de turpitude. 157 00:12:25,380 --> 00:12:28,640 C'est le cas, par exemple, lorsqu'un transfert a été fait 158 00:12:28,840 --> 00:12:30,600 pour rémunérer un crime. 159 00:12:31,700 --> 00:12:34,280 On considère qu'il vaut mieux alors laisser les choses en l'état. 160 00:12:35,560 --> 00:12:40,280 On applique alors la formule qui est connue. 161 00:12:40,820 --> 00:12:42,880 Je vous donne la formule en français, je vous la donnerai en latin ensuite, 162 00:12:43,080 --> 00:12:46,360 parce que ça fait partie des adages latins qui existent. 163 00:12:46,560 --> 00:12:51,260 Vous avez d'ailleurs des livres autour des adages et les locutions 164 00:12:51,460 --> 00:12:59,000 latines, notamment par Laurent Boyer et Henri Roland, 165 00:12:59,280 --> 00:13:00,760 que vous pouvez consulter à la bibliothèque. 166 00:13:00,960 --> 00:13:02,360 C'est tout à fait passionnant. 167 00:13:02,980 --> 00:13:05,760 On trouve encore ces expressions latines dans le droit français, 168 00:13:06,640 --> 00:13:09,080 donc c'est intéressant de s'y reporter. 169 00:13:09,560 --> 00:13:13,120 Voici la formule en français : "À égalité de turpitude, 170 00:13:13,320 --> 00:13:17,040 on doit donner la préférence à celui qui est en possession." Donc 171 00:13:17,240 --> 00:13:18,000 en latin : "In pari causa turpitudinis melior est causa posidentis", 172 00:13:29,560 --> 00:13:30,320 la formule, on l'a déjà vue tout à l'heure donc je ne l'épelle pas . 173 00:13:30,520 --> 00:13:44,620 La solution est passée dans le 174 00:13:44,820 --> 00:13:48,840 droit contemporain, qui la justifie par une action imaginée au 13ᵉ siècle, 175 00:13:49,040 --> 00:13:51,600 cette fois-ci par les canonistes, qui est beaucoup plus connue, 176 00:13:51,800 --> 00:13:54,200 et ça vous l'avez vu certainement en cours de droit privé. 177 00:13:54,680 --> 00:14:26,500 Vous la verrez en tout cas, qui est la suivante : 178 00:14:26,700 --> 00:14:27,460 "Nemo auditur propriam turpitudinis allegans." "Nul ne peut alléguer 179 00:14:27,660 --> 00:14:30,160 sa propre turpitude." Si en revanche, la turpitude n'existe que du côté 180 00:14:30,360 --> 00:14:32,800 de celui qui a reçu. 181 00:14:34,060 --> 00:14:36,020 Celui qui a donné peut attenter une "condictio". 182 00:14:37,840 --> 00:14:42,060 S'il y a deux personnes en situation de turpitude, c'est impossible. 183 00:14:42,520 --> 00:14:45,460 Par contre, s'il n'y a que d'un côté, on peut effectivement engager la 184 00:14:45,660 --> 00:14:46,420 "condictio". 185 00:14:46,620 --> 00:14:49,080 C'est le cas par exemple si on a promis une somme à quelqu'un 186 00:14:49,280 --> 00:14:50,720 pour qu'il ne commette pas un crime. 187 00:14:51,780 --> 00:14:54,640 Le malfaiteur, en exigeant de l'argent pour ne pas accomplir son méfait, 188 00:14:55,140 --> 00:14:56,100 a commis une turpitude. 189 00:14:57,120 --> 00:15:01,080 L'argent versé constitue un enrichissement injuste pour lui, 190 00:15:01,860 --> 00:15:09,960 le droit romain classique, donc conçoit limite à l'exercice 191 00:15:10,160 --> 00:15:11,580 sur les turpitudes. 192 00:15:13,680 --> 00:15:19,180 Le droit romain a admis également la nullité de certains actes par 193 00:15:19,380 --> 00:15:23,150 cause illicite, ce que nous allons voir à présent. 194 00:15:23,350 --> 00:15:24,110 C.  195 00:15:24,500 --> 00:15:29,280 La notion de cause immorale ou illicite. 196 00:15:30,280 --> 00:15:33,880 Il n'existe pas de théorie générale en droit romain de la cause immorale 197 00:15:34,080 --> 00:15:35,100 ou illicite. 198 00:15:36,660 --> 00:15:41,560 Certaines conventions particulières, parce qu'elles sont prohibées, 199 00:15:41,780 --> 00:15:46,060 peuvent cependant entraîner la nullité d'autres conventions qui 200 00:15:46,260 --> 00:15:47,680 les dissimuleraient. 201 00:15:48,780 --> 00:15:54,160 Ainsi, le droit classique romain admet la nullité des actes dissimulant 202 00:15:54,360 --> 00:15:55,320 des donations entre époux. 203 00:15:55,520 --> 00:15:59,180 On a déjà parlé de cette prohibition un peu plus tôt, donations entre 204 00:15:59,380 --> 00:16:04,020 époux qui sont interdites pour donc une cause illicite. 205 00:16:04,560 --> 00:16:08,180 Au Bas-Empire, la cause illicite ou immorale a fini par entraîner 206 00:16:08,380 --> 00:16:12,960 aussi la nullité de certains contrats appelés stipulations, 207 00:16:13,280 --> 00:16:15,440 dont on parlera, ce n'est pas la première fois que j'en parle, 208 00:16:16,060 --> 00:16:20,160 mais ces stipulations étaient un peu un moule à opérations juridiques. 209 00:16:21,060 --> 00:16:24,700 On aura l'occasion d'en reparler parce que la stipulation a joué 210 00:16:24,900 --> 00:16:29,540 un rôle très important pendant très longtemps à Rome. 211 00:16:30,480 --> 00:16:34,600 En revanche, jamais le défaut lui-même de cause n'a été admis comme une 212 00:16:34,800 --> 00:16:35,720 cause de nullité. 213 00:16:36,740 --> 00:16:42,660 Alors voyons, paragraphe 3 : l'insuffisance de la notion romaine 214 00:16:42,860 --> 00:16:43,620 de cause. 215 00:16:44,980 --> 00:16:49,800 Dans plusieurs domaines, le droit romain est parvenu à des 216 00:16:50,000 --> 00:16:54,620 solutions qui équivalent en matière contractuelle à celles des droits 217 00:16:54,820 --> 00:17:01,660 contemporains, mais sans faire intervenir la notion actuelle de cause. 218 00:17:02,420 --> 00:17:07,020 Ainsi pour ce qui est des contrats non formels, l'engagement consenti 219 00:17:07,220 --> 00:17:11,960 sans cause ou pour une cause immorale n'oblige pas celui qui l'a pris. 220 00:17:12,900 --> 00:17:15,960 Ce résultat ne s'obtient pas en faisant intervenir la notion de cause. 221 00:17:16,800 --> 00:17:20,620 Dans les contrats réels, qui donc sont des contrats formels, 222 00:17:21,420 --> 00:17:25,300 la remise de la chose constitue la cause efficiente du contrat, 223 00:17:25,660 --> 00:17:27,600 la source même de l'obligation. 224 00:17:28,380 --> 00:17:32,720 En l'absence de cette remise, le contrat est inexistant car le 225 00:17:32,920 --> 00:17:35,860 transfert de la chose est l'élément essentiel. 226 00:17:36,920 --> 00:17:40,640 Il n'est donc pas utile de recourir à l'idée de cause finale. 227 00:17:41,860 --> 00:17:44,040 La situation est proche dans les contrats innommés. 228 00:17:45,140 --> 00:17:52,380 Celui qui exécute le premier fait ce qu'on appelle un transfert à 229 00:17:52,580 --> 00:17:59,380 cause de la chose, une "datio ob rem", transfert de la chose à cause de 230 00:17:59,580 --> 00:18:00,340 la chose. 231 00:18:00,540 --> 00:18:04,840 La contreprestation qu'il escompte est bien la cause de sa "datio". 232 00:18:05,700 --> 00:18:09,380 S'il n'obtient rien, il peut donc reprendre ce qu'il 233 00:18:09,580 --> 00:18:16,180 a donné en exerçant une "condictio" qui est la condition suivante très 234 00:18:16,380 --> 00:18:17,140 logique. 235 00:18:17,340 --> 00:18:24,700 "Condictio ob rem dati", "condictio" pour la cause transférée, 236 00:18:25,660 --> 00:18:27,400 en vue de la récupérer. 237 00:18:28,380 --> 00:18:34,140 Mais ce n'est pas ici la cause 238 00:18:34,340 --> 00:18:36,940 de l'obligation qui est envisagée mais celle de la "datio" en fait. 239 00:18:38,440 --> 00:18:42,440 D'un autre côté, le bénéficiaire de la "datio" doit exécuter, 240 00:18:43,520 --> 00:18:47,620 son obligation à bien pour cause le transfert, mais cette "datio" 241 00:18:47,820 --> 00:18:51,820 constitue la cause efficiente, la source de l'obligation, 242 00:18:52,540 --> 00:18:53,740 non la cause finale. 243 00:18:54,920 --> 00:18:59,880 Dans les contrats consensuels, enfin, qu'on aura l'occasion de revoir, 244 00:19:00,080 --> 00:19:04,820 la vente, le mandat, la société, la location, 245 00:19:05,660 --> 00:19:11,220 très courant, un consensualisme étroit, 246 00:19:11,620 --> 00:19:16,960 très répandu à cause de l'internationalisation des échanges 247 00:19:17,160 --> 00:19:21,520 à Rome, il ne fait pas dans ces contrats intervenir l'idée de cause 248 00:19:21,720 --> 00:19:25,760 pour expliquer l'interdépendance des obligations découlant des 249 00:19:25,960 --> 00:19:27,140 engagements synallagmatiques. 250 00:19:27,340 --> 00:19:29,860 Ça c'est un point important parce que ça a été correctement ensuite 251 00:19:30,060 --> 00:19:35,660 transformé jusqu'à nos jours avant que l'on évince la cause en 2016. 252 00:19:36,340 --> 00:19:41,040 Ainsi, vous apprendrez dans le droit de l'obligation qu'il existait 253 00:19:41,240 --> 00:19:43,960 une exception d'inexécution. 254 00:19:44,160 --> 00:19:46,560 À Rome, il n'y a pas d'exception d'inexécution. 255 00:19:47,920 --> 00:19:53,040 Le principe de simultanéité d'exécution se rattache uniquement au droit 256 00:19:53,240 --> 00:19:54,300 romain à l'idée de bonne foi. 257 00:19:55,400 --> 00:19:58,100 On pourrait multiplier les exemples, mais il suffit de retenir que le 258 00:19:58,300 --> 00:20:02,140 droit romain n'a généralement pas recours à l'idée de cause finale 259 00:20:02,340 --> 00:20:04,860 pour justifier la non-exécution d'un contrat. 260 00:20:05,480 --> 00:20:08,100 Voilà l'essentiel à bien intégrer. 261 00:20:08,740 --> 00:20:12,220 Le concept moderne de cause finale comme élément nécessaire d'un contrat 262 00:20:12,420 --> 00:20:17,040 a en fait été élaboré par le jus commune dans le droit médiéval.