1 00:00:05,540 --> 00:00:09,900 Paragraphe 2 : la relation entre l'objet de l'obligation et le caractère 2 00:00:10,100 --> 00:00:10,860 de celle-ci. 3 00:00:12,260 --> 00:00:19,000 L'obligation qui consiste à donner, donc "dare", peut être certaine 4 00:00:19,200 --> 00:00:20,520 ou incertaine selon son objet. 5 00:00:21,620 --> 00:00:26,580 L'obligation de faire ou de fournir une prestation est en revanche 6 00:00:26,780 --> 00:00:28,680 toujours, toujours incertaine. 7 00:00:29,360 --> 00:00:33,260 Les actions possibles selon les cas seront donc différentes. 8 00:00:34,020 --> 00:00:40,100 En cas de pluralité d'objets, l'obligation peut être cumulative, 9 00:00:41,160 --> 00:00:43,420 lorsque le débiteur doit fournir tous les objets. 10 00:00:44,900 --> 00:00:48,760 Elle peut être alternative, lorsqu'il peut choisir entre différents 11 00:00:48,960 --> 00:00:49,720 objets. 12 00:00:50,420 --> 00:00:54,600 Ou enfin, elle peut être facultative, lorsque deux choses sont mentionnées, 13 00:00:55,100 --> 00:01:01,920 qu'une seule constitue l'objet en tant que tel, l'autre n'étant 14 00:01:02,120 --> 00:01:06,900 indiquée que pour fournir au débiteur une facilité de paiement. 15 00:01:08,100 --> 00:01:10,700 L'obligation, enfin, peut être successive, 16 00:01:11,780 --> 00:01:17,440 non successive, selon qu'elle s'exécute dans un certain laps de temps. 17 00:01:18,200 --> 00:01:23,820 Par exemple, le louage, où vous avez des séquences où le 18 00:01:24,020 --> 00:01:31,500 louage s'étend longtemps et chaque mois la personne va payer un loyer. 19 00:01:33,780 --> 00:01:35,720 Ou ça peut être en une seule fois. 20 00:01:36,580 --> 00:01:40,820 Donc cette relation entre l'objet d'obligation et les caractères 21 00:01:41,020 --> 00:01:44,740 de celle-ci sont tout à fait déterminants. 22 00:01:46,160 --> 00:01:48,960 Voyons maintenant section 2, les conditions que doit remplir 23 00:01:49,160 --> 00:01:49,920 l'objet. 24 00:01:50,120 --> 00:01:51,090 Qu'est-ce qu'il doit être ? 25 00:01:51,290 --> 00:01:53,450 Quelle est son essence ? 26 00:01:53,650 --> 00:01:56,620 On envisagera alors successivement les conditions générales, 27 00:01:56,820 --> 00:02:00,700 et puis la question particulière, on va le voir, de sa licéité. 28 00:02:01,900 --> 00:02:06,140 Voyons paragraphe 1 : les conditions générales que doit 29 00:02:06,340 --> 00:02:08,140 remplir l'objet. 30 00:02:09,180 --> 00:02:11,400 On peut en retenir principalement quatre. 31 00:02:13,920 --> 00:02:19,360 Voyons tout d'abord A, l'objet doit être le fait du débiteur. 32 00:02:21,200 --> 00:02:21,960 A. 33 00:02:22,160 --> 00:02:23,280 L'objet doit être le fait du débiteur. 34 00:02:24,580 --> 00:02:29,260 Comme on le verra, excepté quelques accommodements, on ne peut pas 35 00:02:29,460 --> 00:02:32,360 prévoir une obligation qui serait à la charge d'un tiers, 36 00:02:32,560 --> 00:02:33,580 ce n'est pas possible. 37 00:02:34,520 --> 00:02:38,860 Donc l'objet doit être le fait vraiment du débiteur dans le cadre 38 00:02:39,060 --> 00:02:40,580 de la relation contractuelle. 39 00:02:41,500 --> 00:02:43,140 Deuxième condition. 40 00:02:43,340 --> 00:02:44,100 B. 41 00:02:44,300 --> 00:02:46,120 L'objet doit être possible. 42 00:02:48,040 --> 00:02:54,060 Comme le dit le juriste Celse, dans le dernier livre du Digeste, 43 00:02:54,840 --> 00:02:59,220 qui est un livre tout à fait passionnant parce qu'il contient 44 00:02:59,420 --> 00:03:04,600 ce qu'on appelle des règles du droit général sous forme de grands 45 00:03:04,800 --> 00:03:05,860 principes. 46 00:03:06,480 --> 00:03:08,400 Ce qui est un paradoxe, d'ailleurs, par rapport au droit 47 00:03:08,600 --> 00:03:11,420 romain, qui est plutôt un droit casuistique, le dernier livre, 48 00:03:11,620 --> 00:03:19,080 c'est le livre 50, réunit sous forme d'adages des principes qui 49 00:03:19,280 --> 00:03:20,400 touchent à peu près à toutes les matières. 50 00:03:21,420 --> 00:03:26,760 Et dans ce livre 50, si vous voulez vous y reporter 51 00:03:26,960 --> 00:03:30,820 à travers The Roman Library, vous pouvez retrouver ce texte, 52 00:03:31,040 --> 00:03:36,540 c'est le Digeste 50, 17, 185, on a cette formule : 53 00:03:37,620 --> 00:03:44,940 "L'obligation dont l'objet est impossible est nulle." Donc, 54 00:03:45,500 --> 00:03:52,580 par exemple, nous contractons et je vous demande, l'objet du contrat, 55 00:03:52,780 --> 00:03:56,240 c'est toucher le ciel du doigt. 56 00:03:57,840 --> 00:03:58,600 Impossible. 57 00:03:59,920 --> 00:04:05,660 Donc là, l'objet est impossible et donc l'obligation est nulle. 58 00:04:07,260 --> 00:04:11,080 Troisième élément, troisième condition, C : l'objet doit aussi être 59 00:04:11,280 --> 00:04:13,100 suffisamment déterminé. 60 00:04:13,820 --> 00:04:16,600 L'objet doit être suffisamment déterminé, qu'est-ce que ça veut dire ? 61 00:04:16,800 --> 00:04:19,380 Ceci n'exclut pas les obligations dites incertaines. 62 00:04:21,180 --> 00:04:27,440 Le contrat doit simplement prévoir le moyen de déterminer par la suite 63 00:04:27,640 --> 00:04:28,400 ce qui est dû. 64 00:04:29,680 --> 00:04:38,020 Par exemple, c'est tout à fait courant, on peut décider que le prix sera 65 00:04:38,220 --> 00:04:39,380 fixé par un arbitre. 66 00:04:41,060 --> 00:04:46,100 Pendant, si les parties ne choisissent pas l'arbitre, ignorent que ça 67 00:04:46,300 --> 00:04:47,940 devait déterminer, le contrat est nul. 68 00:04:50,260 --> 00:04:53,380 Quatrième condition, D. 69 00:04:53,780 --> 00:04:57,300 L'objet doit enfin présenter un intérêt pour le créancier. 70 00:04:58,600 --> 00:05:02,360 Si le créancier n'a aucun intérêt à obtenir l'exécution, 71 00:05:04,160 --> 00:05:09,220 aucune action en effet ne lui sera accordée puisqu'il ne peut y avoir 72 00:05:09,420 --> 00:05:10,300 d'action sans intérêt. 73 00:05:11,600 --> 00:05:16,080 C'est pour cette raison que l'on verra que la stipulation pour autrui 74 00:05:16,280 --> 00:05:17,520 est nulle. 75 00:05:17,920 --> 00:05:21,080 À l'époque classique, il faut même un intérêt pécuniaire 76 00:05:21,280 --> 00:05:25,420 puisque, en principe, le juge ne peut condamner qu'à 77 00:05:25,620 --> 00:05:27,260 payer une somme d'argent. 78 00:05:29,300 --> 00:05:33,900 Le droit de Justinien finira par admettre qu'on peut n'avoir qu'un 79 00:05:34,100 --> 00:05:35,060 intérêt d'affection. 80 00:05:36,880 --> 00:05:40,500 Un père, par exemple, peut faire valoir la garantie contre 81 00:05:40,700 --> 00:05:44,320 l'éviction à propos d'un immeuble qu'il vient d'acheter et dont il 82 00:05:44,520 --> 00:05:45,280 a doté sa fille. 83 00:05:46,620 --> 00:05:51,700 Il a effet un intérêt d'affection véritablement à ce qu'elle soit 84 00:05:51,900 --> 00:05:55,500 bien dotée, même si l'immeuble ne lui fera pas retour. 85 00:05:57,100 --> 00:05:58,510 En matière délictuel, en revanche comme on le verra, 86 00:05:58,710 --> 00:06:05,660 on n'admettra jamais le préjudice 87 00:06:05,860 --> 00:06:09,140 moral en droit romain, mais j'y reviendrai en son temps 88 00:06:09,340 --> 00:06:15,780 pour vous expliquer la raison qui a conduit à ce refus de l'indemnisation 89 00:06:15,980 --> 00:06:16,780 du préjudice moral. 90 00:06:18,260 --> 00:06:22,220 L'objet d'un contrat doit être enfin licite. 91 00:06:22,740 --> 00:06:24,800 C'est ce que nous allons voir dans un paragraphe 2. 92 00:06:25,660 --> 00:06:29,580 Paragraphe 2 : la question de la licéité de l'objet. 93 00:06:31,500 --> 00:06:36,220 Le droit romain à ce sujet ne fait que poser des règles assez générales 94 00:06:36,420 --> 00:06:38,040 sans bâtir de théories. 95 00:06:39,040 --> 00:06:42,900 C'est précisément à l'époque médiévale et moderne que des règles précises 96 00:06:43,100 --> 00:06:47,160 ont été développées par le "jus commune" que nous avons déjà défini 97 00:06:47,360 --> 00:06:51,060 sous le droit romano-canonique des 12ᵉ,13ᵉ siècle. 98 00:06:52,160 --> 00:06:57,020 Voyons d'abord dans un grand A, la licéité de l'objet en droit romain. 99 00:06:58,680 --> 00:07:03,860 Le premier principe est l'interdiction évidemment des contrats contraires 100 00:07:04,060 --> 00:07:04,820 aux bonnes mœurs. 101 00:07:05,020 --> 00:07:08,420 Ça ne vous étonnera pas, ce principe apparaît au 3ᵉ siècle 102 00:07:08,620 --> 00:07:12,600 dans une Constitution impériale, donc un texte législatif très 103 00:07:12,800 --> 00:07:16,920 important, de l'Empereur Dioclétien que j'ai déjà évoqué un peu plus haut, 104 00:07:17,240 --> 00:07:18,780 en 293. 105 00:07:19,680 --> 00:07:22,220 Une Constitution qui va être reprise d'ailleurs dans les Constitutions 106 00:07:22,420 --> 00:07:25,760 de Justinien, dans le Code de Justinien. 107 00:07:26,760 --> 00:07:29,320 Voilà la référence si vous voulez vous y reporter pour faire un petit 108 00:07:29,520 --> 00:07:30,340 exercice de recherche. 109 00:07:31,140 --> 00:07:39,980 C'est le code qui est désigné par la lettre C : C., 8.38-4. 110 00:07:40,180 --> 00:07:41,860 Toujours pareil, vous vous reportez à The Roman Library, 111 00:07:42,100 --> 00:07:44,760 vous allez dans le Corpus juris civilis, vous cliquez sur code 112 00:07:44,960 --> 00:07:52,940 et vous allez ensuite dans le livre 8, au titre 38, et vous regardez le 113 00:07:53,140 --> 00:07:53,900 paragraphe 4. 114 00:07:56,140 --> 00:08:03,140 Il est dit dans ce texte, je cite : "Une stipulation contraire 115 00:08:03,340 --> 00:08:10,880 aux bonnes mœurs est nulle et de nul effet." Donc dans son édit, 116 00:08:11,240 --> 00:08:15,200 par ailleurs, le préteur annonce qu'il protègera les pactes à condition 117 00:08:15,400 --> 00:08:18,980 qu'ils ne soient pas contraires aux lois, aux plébiscites, 118 00:08:19,640 --> 00:08:23,300 aux senatus-consultes et aux Constitutions impériales. 119 00:08:24,560 --> 00:08:30,640 À propos de ce texte, le juriste Papinien écrit au début 120 00:08:30,840 --> 00:08:37,260 du 3ᵉ siècle, autre grand juriste, il sera cité dans le Monument du 121 00:08:37,460 --> 00:08:40,760 Corpus juris civilis qu'est le Digeste, nous avons déjà croisé, 122 00:08:41,520 --> 00:08:45,440 il indique, je cite : 'Le droit public ne peut être changé 123 00:08:45,640 --> 00:08:56,340 par des actes des particuliers." Il semble entendre par droit public 124 00:08:56,540 --> 00:08:59,480 qu'on appellerait nous aujourd'hui les lois impératives. 125 00:09:00,440 --> 00:09:05,540 Il n'existe cependant, malheureusement, aucune théorie 126 00:09:05,740 --> 00:09:08,300 en romain relative à ce qu'on appellerait les lois supplétives. 127 00:09:10,280 --> 00:09:18,480 Les éléments qui ont abouti à l'article 6 du Code civil n'ont donc été 128 00:09:18,680 --> 00:09:21,800 dégagés qu'ensuite, progressivement, au cours des siècles. 129 00:09:23,100 --> 00:09:28,600 Il est à noter que cet article 6 est le même depuis 1804, 130 00:09:28,800 --> 00:09:30,280 qu'il n'a pas bougé. 131 00:09:31,320 --> 00:09:34,640 vous pouvez enfin aujourd'hui le consulter et le retrouver sous 132 00:09:34,840 --> 00:09:37,940 sa forme originelle, établie en 1804. 133 00:09:38,940 --> 00:09:42,180 Voyons maintenant B : la licéité de l'objet dans le "jus 134 00:09:42,380 --> 00:09:43,140 commune". 135 00:09:45,080 --> 00:09:49,500 S'agissant tout d'abord des bonnes mœurs le texte de Dioclétien de 136 00:09:49,700 --> 00:09:54,500 293 est repris dès le 12ᵉ siècle par les glossateurs et les canonistes. 137 00:09:55,320 --> 00:09:59,300 En droit canonique, la règle s'est d'ailleurs imposée très tôt, 138 00:10:00,880 --> 00:10:05,940 selon laquelle un serment contraire aux bonnes mœurs n'est pas obligatoire. 139 00:10:08,420 --> 00:10:11,720 Il y a un adage qui a été forgé à cette époque, qui est le suivant, 140 00:10:13,020 --> 00:10:15,540 c'est tout à fait sympathique, vous allez voir : "Au diable, 141 00:10:15,800 --> 00:10:22,460 on n'est pas obligé de tenir serment." Les canonistes vont entrer dans 142 00:10:22,660 --> 00:10:25,900 les distinctions qui vont leur permettre d'adapter leur régime 143 00:10:26,100 --> 00:10:27,480 de la licéité. 144 00:10:28,320 --> 00:10:31,720 En effet, les canonistes distinguent les bonnes mœurs naturelles, 145 00:10:32,220 --> 00:10:36,200 c'est-à-dire la morale chrétienne, contre laquelle le serment ne peut 146 00:10:36,400 --> 00:10:43,080 prévaloir, et de l'autre côté, les bonnes mœurs  civiles, 147 00:10:43,280 --> 00:10:48,240 c'est-à-dire un droit humain qu'un serment peut fort bien transgresser. 148 00:10:49,060 --> 00:10:53,220 La notion d'illicéité est donc formellement traitée par cette 149 00:10:53,420 --> 00:10:54,180 doctrine. 150 00:10:54,900 --> 00:10:59,020 La situation s'explique par l'absence ou la quasi-absence d'État, 151 00:10:59,680 --> 00:11:03,200 du moins dans le premier versant du Moyen Âge, aux récits moraux, 152 00:11:03,400 --> 00:11:08,280 l'État se reconstitue dans le fait de s'affranchir de cette féodalité 153 00:11:08,480 --> 00:11:11,400 que nous avons déjà évoquée, qui était un système politique, 154 00:11:11,600 --> 00:11:18,400 économique, social, qui enserrait toute personne dans une relation 155 00:11:18,600 --> 00:11:20,720 de dépendance à l'égard d'autrui. 156 00:11:23,120 --> 00:11:32,340 Et donc, l'usage chez les cocontractants, est alors de renoncer 157 00:11:32,540 --> 00:11:36,620 à toutes sortes de droits par convention, notamment aux exceptions 158 00:11:36,820 --> 00:11:41,980 diverses et variées que le droit romain accordait aux cocontractants. 159 00:11:44,480 --> 00:11:49,460 On peut considérer, d'ailleurs, 160 00:11:49,660 --> 00:11:54,060 que les glossateurs et les commentateurs vont, dans cette 161 00:11:54,260 --> 00:11:58,080 difficulté d'appréhender ces questions, essayer un peu de jouer leur carte, 162 00:11:58,280 --> 00:11:59,040 si je puis dire. 163 00:12:00,620 --> 00:12:05,320 Les glossateurs et les commentateurs, alors, essaient d'introduire certaines 164 00:12:05,520 --> 00:12:06,280 règles. 165 00:12:06,480 --> 00:12:09,580 Petite précision, petite incise, les glossateurs, je vous ai expliqué 166 00:12:09,780 --> 00:12:17,820 il y a quelque temps déjà que c'étaient ceux qui glosaient les textes des 167 00:12:18,020 --> 00:12:21,120 compilations de Justinien, soit des gloses marginales, 168 00:12:21,320 --> 00:12:22,100 soit interlinéaires. 169 00:12:22,580 --> 00:12:26,280 Les commentateurs, ce sont les successeurs des glossateurs qui 170 00:12:26,480 --> 00:12:31,760 vont essayer de s'abstraire de la casuistique romaine et qui vont 171 00:12:31,960 --> 00:12:38,280 écrire des sommes, c'est-à-dire des traités, pour essayer de 172 00:12:38,480 --> 00:12:44,060 systématiser des matières et donc ils abandonnent la glose pour prendre 173 00:12:44,260 --> 00:12:50,580 part à rédiger des commentaires plus généraux qui vont former en 174 00:12:50,780 --> 00:12:54,100 quelque sorte des traités, qui sont tout à fait remarquables 175 00:12:54,300 --> 00:12:55,060 et tout à fait intéressants. 176 00:12:55,260 --> 00:13:01,500 On trouve beaucoup de choses dans le droit des obligations qui en 177 00:13:01,700 --> 00:13:02,460 ressortent. 178 00:13:02,660 --> 00:13:09,340 Mais dans cette pratique du renoncement 179 00:13:09,540 --> 00:13:14,320 à toutes sortes de droits par convention, et notamment aux exceptions 180 00:13:14,520 --> 00:13:17,180 du droit romain, les glossateurs et les commentateurs ont essayé 181 00:13:17,380 --> 00:13:18,520 d'introduire certaines règles. 182 00:13:19,140 --> 00:13:23,360 On peut, disent-ils, renoncer à un privilège établi 183 00:13:23,560 --> 00:13:25,700 par les lois, ça il n'y a pas de souci. 184 00:13:26,460 --> 00:13:30,100 En revanche, on ne peut pas renoncer au droit commun. 185 00:13:31,260 --> 00:13:34,620 Donc une distinction fondamentale va être établie. 186 00:13:36,620 --> 00:13:42,380 Lorsqu'une règle est fondée sur l'utilitas publica, c'est l'utilité 187 00:13:42,580 --> 00:13:45,360 publique, on ne peut pas y renoncer. 188 00:13:46,740 --> 00:13:51,240 Si elle est fondée sur l'utilitas privata, c'est-à-dire intérêt propre, 189 00:13:52,640 --> 00:13:53,700 alors il faut distinguer deux cas. 190 00:13:54,820 --> 00:13:58,140 Lorsque la loi offre un bénéfice, comme par exemple une exception 191 00:13:58,340 --> 00:14:03,780 de dol ou de violence que l'on peut utiliser dans une procédure 192 00:14:03,980 --> 00:14:11,800 opposée, lorsqu'on dit qu'on dit voilà, vous contestez de valider ce contrat 193 00:14:12,000 --> 00:14:20,440 pour obliger la personne, 194 00:14:20,640 --> 00:14:24,460 en quelque sorte, à respecter les termes du contrat, vous pouvez 195 00:14:24,660 --> 00:14:27,440 opposer une exception de dol, non non, il y a eu des manœuvres 196 00:14:27,640 --> 00:14:29,300 frauduleuses, moi je n'exécuterai pas ce contrat. 197 00:14:30,240 --> 00:14:33,240 Donc on peut l'opposer en justice. 198 00:14:34,240 --> 00:14:38,420 Eh bien pour ça, lorsque la loi offre un bénéfice, on peut toujours 199 00:14:38,620 --> 00:14:39,380 y renoncer. 200 00:14:43,100 --> 00:14:48,700 Lorsqu'en revanche, la loi est édictée en haine de quelqu'un, 201 00:14:48,900 --> 00:14:51,600 comme par exemple la loi contre les usuriers, qui était vraiment 202 00:14:51,800 --> 00:14:54,160 un vrai problème, l'usure, on aura l'occasion d'en reparler, 203 00:14:54,360 --> 00:14:57,380 le prêt à intérêt, condamné à multiples reprises par l'Église, 204 00:14:57,860 --> 00:15:01,360 qui contraignait les marchands et tous ceux qui voulaient faire 205 00:15:01,560 --> 00:15:04,740 du commerce à des contournements dans tous les sens pour essayer 206 00:15:04,940 --> 00:15:07,780 d'arriver tout de même à avoir de l'argent, parce que le commerce 207 00:15:07,980 --> 00:15:12,200 a besoin d'argent et de financement, eh bien on ne peut pas, 208 00:15:12,400 --> 00:15:14,740 en revanche, y renoncer. 209 00:15:16,700 --> 00:15:19,440 Au cours du 16ᵉ siècle, alors que s'installent les États 210 00:15:19,640 --> 00:15:24,080 nationaux, la distinction entre lois impératives ou lois prohibitives, 211 00:15:28,760 --> 00:15:32,120 et les lois supplétives ou interprétatives, c'est un binôme, 212 00:15:32,340 --> 00:15:36,520 à chaque fois que l'on peut trouver, eh bien cette distinction se dégage 213 00:15:36,720 --> 00:15:37,480 progressivement. 214 00:15:38,200 --> 00:15:40,380 La position entre lois impératives et lois supplétives. 215 00:15:40,960 --> 00:15:44,820 Les lois supplétives sont celles qui ne font que suppléer la volonté 216 00:15:45,020 --> 00:15:46,820 des parties, on peut donc y déroger. 217 00:15:47,660 --> 00:15:51,460 Les lois impératives sont en revanche celles qui reposent sur ce que 218 00:15:51,660 --> 00:15:55,420 les juristes médiévaux appelaient l'utilitas publica et que l'on 219 00:15:55,620 --> 00:16:00,840 désigne sous des termes intérêt public ou simplement de droit public. 220 00:16:01,200 --> 00:16:05,300 Les termes d'ordre public que l'on trouve chez Jean Domat, 221 00:16:05,520 --> 00:16:10,020 à la seconde moitié du 17ᵉ siècle, désignent plutôt ce qu'on appelle 222 00:16:10,220 --> 00:16:13,060 aujourd'hui le droit public en tant que tel. 223 00:16:14,260 --> 00:16:18,000 La version du sens de ces expressions à la fin du 18ᵉ siècle aboutit 224 00:16:18,200 --> 00:16:21,180 à la rédaction par un des quatre rédacteurs du Code civil, 225 00:16:21,380 --> 00:16:24,520 Portalis, que vous connaissez pour l'avoir croisé, je dirais, 226 00:16:24,720 --> 00:16:27,380 dans votre cours d'introduction historique au droit l'an passé, 227 00:16:27,920 --> 00:16:31,700 eh bien, cela aboutit à la rédaction de l'article 6 du Code civil, 228 00:16:34,040 --> 00:16:38,120 je cite : "On ne peut déroger par des conventions particulières aux 229 00:16:38,320 --> 00:16:42,340 lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs."