1 00:00:05,590 --> 00:00:10,180 Dans un chapitre 4, nous allons maintenant traiter de l'exécution 2 00:00:10,380 --> 00:00:15,140 forcée en nature, c'est ainsi que la dénomme le Code civil aujourd'hui, 3 00:00:15,610 --> 00:00:19,690 avec la réforme du 10 février 2016, nous avons deux textes, 4 00:00:19,890 --> 00:00:22,720 les articles 1221 et 1222. 5 00:00:22,920 --> 00:00:27,910 Alors le premier texte, l'article 1221, a un peu été modifié 6 00:00:28,110 --> 00:00:30,880 par la loi de ratification de 2018. 7 00:00:31,080 --> 00:00:35,260 Je reviendrai sur cette condition puisqu'il a été précisé un ajout 8 00:00:35,460 --> 00:00:39,820 par rapport aux dispositions de l'ordonnance, que la bonne foi 9 00:00:40,020 --> 00:00:43,180 était nécessaire pour le débiteur qui est visé par l'article 1221, 10 00:00:43,380 --> 00:00:46,060 mais enfin je reviendrai évidemment sur cette condition. 11 00:00:46,690 --> 00:00:52,210 Alors on parle ici, dans le Code civil, de l'exécution forcée en nature. 12 00:00:53,020 --> 00:00:56,530 Selon la majorité de la doctrine, il s'agit ici d'une formulation 13 00:00:56,730 --> 00:00:59,860 qui est un peu malheureuse, puisque, en matière contractuelle, 14 00:01:00,060 --> 00:01:03,790 c'est la même chose, si on parle d'exécution forcée, 15 00:01:03,990 --> 00:01:07,720 l'exécution forcée, forcément, aura lieu en nature. 16 00:01:07,920 --> 00:01:11,260 Donc la formule un peu est redondante, en matière contractuelle, 17 00:01:12,040 --> 00:01:15,220 l'exécution forcée, elle est possible uniquement en nature. 18 00:01:15,520 --> 00:01:18,190 Quand on parle de dommages et intérêts, on le verra plus loin, 19 00:01:18,520 --> 00:01:22,810 on parle alors d'une exécution par équivalent et donc on est sur 20 00:01:23,010 --> 00:01:24,250 un terrain un peu différent. 21 00:01:24,590 --> 00:01:28,600 Alors sur cette sanction de l'exécution forcée en nature, on va quand même 22 00:01:28,800 --> 00:01:33,220 utiliser cette terminologie posée par le Code civil, on a des conditions 23 00:01:33,420 --> 00:01:37,180 qu'on va voir dans un premier temps et ensuite, je viendrai sur les 24 00:01:37,380 --> 00:01:39,580 effets tels qu'ils sont envisagés par les textes. 25 00:01:39,780 --> 00:01:43,630 Alors sur les conditions de cette exécution forcée, on a des conditions 26 00:01:43,830 --> 00:01:48,760 de fond et puis on a une condition de forme, condition de forme sur 27 00:01:48,960 --> 00:01:51,430 laquelle je n'insisterai pas ici, j'y reviendrai plus loin, 28 00:01:51,640 --> 00:01:55,360 c'est la mise en demeure et on y reviendra quand on verra plus 29 00:01:55,560 --> 00:01:58,690 en détail la question de la responsabilité contractuelle. 30 00:01:58,990 --> 00:02:03,850 Alors d'abord, sur les conditions de fond, il faut préciser que pour 31 00:02:04,050 --> 00:02:08,440 que le créancier puisse demander l'exécution forcée du contrat, 32 00:02:09,430 --> 00:02:12,460 il n'a pas à démontrer l'existence d'un préjudice. 33 00:02:12,790 --> 00:02:15,950 Donc le préjudice est ici totalement inutile, pourquoi ? 34 00:02:16,960 --> 00:02:20,710 Parce qu'obtenir l'exécution forcée des obligations qui ont été prévues 35 00:02:20,910 --> 00:02:24,940 par le contrat, c'est tout simplement un droit pour le créancier d'obtenir 36 00:02:25,140 --> 00:02:30,040 ce qui lui est dû, d'après le principe tout simplement de la force obligatoire 37 00:02:30,240 --> 00:02:31,000 du contrat. 38 00:02:31,200 --> 00:02:35,020 Donc le créancier n'a pas ici à démontrer qu'il existe un préjudice, 39 00:02:35,220 --> 00:02:38,860 il demande simplement l'exécution des obligations contractuelles. 40 00:02:39,360 --> 00:02:43,930 Alors ensuite, dans l'exécution forcée, c'est quelque chose qui renvoie 41 00:02:44,130 --> 00:02:46,710 à une autre matière qu'on étudie en droit notamment en M1, 42 00:02:46,910 --> 00:02:51,820 et qui s'appelle les voies d'exécution, puisque le créancier va parfois 43 00:02:52,180 --> 00:02:57,040 devoir mettre en œuvre et procéder à ses mises en application des 44 00:02:57,240 --> 00:02:58,000 voies d'exécution. 45 00:02:58,200 --> 00:03:04,270 Simplement, précision ici, l'obligation dont il s'agit d'obtenir 46 00:03:04,470 --> 00:03:07,990 l'exécution forcée peut être soit une somme d'argent, il s'agit d'obtenir 47 00:03:08,190 --> 00:03:11,380 le paiement d'une somme d'argent, soit une obligation qui est une 48 00:03:11,580 --> 00:03:14,080 obligation en nature, c'est-à-dire une obligation de 49 00:03:14,280 --> 00:03:15,940 faire ou une obligation de ne pas faire. 50 00:03:16,140 --> 00:03:20,650 Alors, en ce qui concerne simplement une créance qui tient à une somme 51 00:03:20,850 --> 00:03:24,130 d'argent, ce qu'il faut retenir, c'est que l'exécution forcée sera 52 00:03:24,330 --> 00:03:27,370 toujours possible, le créancier pourra toujours la réclamer, 53 00:03:27,760 --> 00:03:32,530 simplement dans les voies d'exécution, on exige, pour que cette exécution 54 00:03:32,730 --> 00:03:36,340 forcée soit possible, que la créance présente certaines 55 00:03:36,540 --> 00:03:37,360 caractéristiques. 56 00:03:37,900 --> 00:03:42,550 La créance d'abord doit être certaine, c'est-à-dire que son existence 57 00:03:42,750 --> 00:03:44,020 doit être incontestable. 58 00:03:44,470 --> 00:03:48,700 En effet, il n'y a pas d'exécution forcée possible si on est en présence 59 00:03:48,900 --> 00:03:52,690 d'une créance douteuse ou d'une créance qu'on appelle aussi une 60 00:03:52,890 --> 00:03:54,310 créance litigieuse. 61 00:03:54,510 --> 00:03:57,310 Donc première caractéristique, la créance doit être certaine. 62 00:03:57,510 --> 00:04:01,760 Ensuite, la créance doit être liquide, la créance liquide en présence 63 00:04:01,960 --> 00:04:04,390 donc d'une créance de somme d'argent, cela veut dire tout simplement 64 00:04:04,600 --> 00:04:08,800 que son montant est fixé, elle fait l'objet d'une évaluation 65 00:04:09,000 --> 00:04:09,760 en monnaie. 66 00:04:09,960 --> 00:04:14,980 Ensuite, troisième condition pour qu'il y ait exécution forcée possible, 67 00:04:15,790 --> 00:04:19,630 la créance doit être exigible, c'est-à-dire qu'il ne doit pas 68 00:04:19,830 --> 00:04:20,620 y avoir un terme. 69 00:04:21,040 --> 00:04:24,850 En effet, s'il y a un terme, on a laissé un délai au débiteur 70 00:04:25,050 --> 00:04:27,140 pour exécuter l'obligation. 71 00:04:27,340 --> 00:04:30,520 Donc évidemment, il n'y a pas d'exécution forcée, lorsqu'un terme 72 00:04:30,850 --> 00:04:35,800 a été consenti, c'est simplement lorsqu'il y aura échéance du terme 73 00:04:36,000 --> 00:04:39,580 que l'exécution forcée sera possible, parce que, à ce moment-là, 74 00:04:39,780 --> 00:04:41,170 la créance devient exigible. 75 00:04:41,500 --> 00:04:44,980 Et enfin, normalement, il faut que la créance soit constatée 76 00:04:45,180 --> 00:04:46,540 par un titre exécutoire. 77 00:04:46,870 --> 00:04:50,170 Donc ça, ce sont les conditions pour l'exécution forcée, 78 00:04:50,410 --> 00:04:53,440 lorsqu'on est en présence d'une créance de somme d'argent et on 79 00:04:53,640 --> 00:04:58,210 passe alors pour la mise en application au droit des procédures civiles 80 00:04:58,480 --> 00:04:59,240 d'exécution. 81 00:04:59,440 --> 00:05:05,200 Maintenant, ce que va réglementer ici le Code civil, c'est l'exécution 82 00:05:05,400 --> 00:05:09,820 forcée d'une obligation lorsque celle-ci est une obligation en nature, 83 00:05:10,020 --> 00:05:13,450 que ce soit une obligation de faire ou une obligation de ne pas faire, 84 00:05:13,650 --> 00:05:18,100 même si la distinction, qui était une distinction classique 85 00:05:18,490 --> 00:05:22,000 entre les obligations, n'a pas été reprise dans la réforme 86 00:05:22,200 --> 00:05:22,960 de 2016. 87 00:05:23,160 --> 00:05:28,270 Alors l'exécution forcée d'une obligation, elle est possible en 88 00:05:28,470 --> 00:05:32,380 principe, elle sera écartée simplement en cas d'impossibilité. 89 00:05:32,950 --> 00:05:36,010 Mais ce qu'on peut relever, c'est que, avant la réforme, 90 00:05:36,910 --> 00:05:41,200 en dernier lieu, la jurisprudence de la Cour de cassation semblait 91 00:05:41,620 --> 00:05:47,650 avoir reconnu un principe du droit à l'exécution forcée des obligations. 92 00:05:48,040 --> 00:05:52,150 On peut ainsi citer et se référer à un arrêt de la première chambre 93 00:05:52,350 --> 00:05:54,640 civile du 16 janvier 2007. 94 00:05:55,000 --> 00:05:59,080 D'après cette décision, "la partie envers laquelle un 95 00:05:59,280 --> 00:06:04,210 engagement contractuel n'a point été exécuté a la faculté de forcer 96 00:06:04,410 --> 00:06:08,470 l'autre à l'exécution de la Convention lorsque celle-ci est possible". 97 00:06:08,740 --> 00:06:13,600 Donc dans cet arrêt de 2016, la Cour de cassation reprend et 98 00:06:13,800 --> 00:06:19,120 pose un principe général du droit à l'exécution forcée avec la seule 99 00:06:19,320 --> 00:06:20,560 réserve de l'impossibilité. 100 00:06:20,990 --> 00:06:24,880 Alors l'impossibilité renvoie à ce qu'on avait vu au tout début 101 00:06:25,080 --> 00:06:28,000 de l'année sur la classification des obligations, de certaines 102 00:06:28,200 --> 00:06:31,510 obligations de faire, mais pas toutes, ces obligations 103 00:06:31,710 --> 00:06:35,530 de faire qui sont intimement liées à la personne et pour lesquelles 104 00:06:35,730 --> 00:06:40,480 finalement, la contrainte n'a aucune efficacité, n'a aucun intérêt pour 105 00:06:40,680 --> 00:06:41,440 le créancier. 106 00:06:42,130 --> 00:06:45,580 Alors on peut dire, mais j'y reviendrai un peu plus loin, que l'exécution 107 00:06:45,780 --> 00:06:50,200 forcée également sera écartée lorsqu'elle ne présente plus d'intérêt 108 00:06:50,400 --> 00:06:56,110 pour le créancier parce que parfois, si l'obligation doit être exécutée, 109 00:06:56,310 --> 00:06:59,560 mais avec retard, tout simplement, elle n'a plus d'intérêt, 110 00:06:59,760 --> 00:07:03,400 alors elle ne présente plus d'intérêt pour le créancier qui préférera 111 00:07:03,730 --> 00:07:06,400 avoir une indemnisation et des dommages et intérêts. 112 00:07:07,690 --> 00:07:12,040 Ce qui est nouveau dans la réforme de 2016 – alors nouveau, 113 00:07:12,240 --> 00:07:15,520 pas entièrement puisque ça reprend une partie de la jurisprudence 114 00:07:15,720 --> 00:07:20,230 qui existait là encore antérieurement à la réforme –, c'est une exigence 115 00:07:20,430 --> 00:07:22,000 de proportionnalité. 116 00:07:22,450 --> 00:07:25,840 En effet, d'après les textes, il faut que cette demande de 117 00:07:26,040 --> 00:07:31,120 l'exécution forcée, pour que le juge y fasse droit, reflète un élément, 118 00:07:31,320 --> 00:07:35,740 un critère de proportionnalité entre l'intérêt que l'exécution 119 00:07:35,940 --> 00:07:39,550 va revêtir pour le créancier et le débiteur. 120 00:07:39,750 --> 00:07:44,200 Le critère, c'est qu'il ne doit pas y avoir de disproportion manifeste. 121 00:07:44,710 --> 00:07:47,290 Alors avant la réforme, je dis que cette règle n'est pas 122 00:07:47,490 --> 00:07:50,470 totalement nouvelle parce que tout simplement, avant la réforme de 2016, 123 00:07:50,980 --> 00:07:54,850 la jurisprudence, parfois, appliquait la notion d'abus de droit, 124 00:07:56,710 --> 00:07:58,690 et selon certains membres de la doctrine, effectivement, 125 00:07:59,740 --> 00:08:03,940 il y avait faute à pousser son droit jusqu'à l'extrême pour le 126 00:08:04,140 --> 00:08:07,300 créancier quand le créancier exigeait l'exécution forcée, alors qu'il 127 00:08:07,500 --> 00:08:10,840 n'y avait pas réellement d'intérêt pour lui et que le coût pour le 128 00:08:11,040 --> 00:08:12,670 débiteur était très important. 129 00:08:13,270 --> 00:08:16,750 Alors précision importante, la loi de ratification de 2018 130 00:08:17,440 --> 00:08:23,350 a précisé que ce critère de la proportionnalité bénéficie simplement 131 00:08:23,550 --> 00:08:26,830 au débiteur de bonne foi, c'est-à-dire qu'on va apprécier 132 00:08:27,030 --> 00:08:32,080 la proportion, s'il s'agit d'imposer l'exécution forcée à un débiteur 133 00:08:32,280 --> 00:08:36,160 de bonne foi à qui on va imposer l'exécution en nature. 134 00:08:36,580 --> 00:08:40,660 Alors pourquoi on a rajouté l'exigence de bonne foi pour que le débiteur 135 00:08:40,960 --> 00:08:45,490 puisse éventuellement contester l'exécution forcée et se prévaloir 136 00:08:45,690 --> 00:08:46,480 d'une disproportion ? 137 00:08:47,470 --> 00:08:51,580 Tout simplement parce que sinon, le texte se présente comme une 138 00:08:51,790 --> 00:08:54,280 atteinte à la force obligatoire du contrat. 139 00:08:54,910 --> 00:08:58,090 Le créancier a en effet, en principe droit à obtenir ce 140 00:08:58,290 --> 00:08:59,050 qui a été prévu. 141 00:08:59,320 --> 00:09:02,770 On lui retire ce droit s'il y a une disproportion, mais alors il 142 00:09:02,970 --> 00:09:07,120 faut que ça bénéficie uniquement à un débiteur de bonne foi. 143 00:09:08,170 --> 00:09:11,140 Alors cette exigence de proportionnalité, si on regarde 144 00:09:11,340 --> 00:09:16,180 un peu la jurisprudence antérieure à 2016, qui retenait un peu la 145 00:09:16,380 --> 00:09:20,950 même solution avec la notion d'abus de droit seulement, ce qu'on aperçoit, 146 00:09:21,150 --> 00:09:23,890 ce dont on prend conscience, c'est qu'il y a une incertitude 147 00:09:24,280 --> 00:09:28,150 dans les arrêts, il y a des hésitations en jurisprudence, des solutions 148 00:09:28,350 --> 00:09:32,780 un peu contradictoires, notamment, pour prendre un exemple topique 149 00:09:32,980 --> 00:09:37,300 de ces difficultés, de savoir si on peut recourir ou non à l'exécution 150 00:09:37,500 --> 00:09:41,740 forcée, en ce qui concerne la destruction, la possibilité pour 151 00:09:41,940 --> 00:09:46,990 le juge d'ordonner la destruction d'un bâtiment qui aurait été construit 152 00:09:47,320 --> 00:09:50,050 en méconnaissance des obligations contractuelles. 153 00:09:50,250 --> 00:09:52,780 Alors par exemple, si on prend l'année 2018, on va avoir, 154 00:09:52,990 --> 00:09:55,240 sur la même chambre, la troisième chambre civile, 155 00:09:55,630 --> 00:09:58,660 deux espèces avec des solutions différentes, un arrêt, 156 00:09:58,860 --> 00:10:03,870 la troisième chambre civile du 12 avril 2018 dans lequel la Cour 157 00:10:04,070 --> 00:10:08,580 de cassation va casser un arrêt d'appel qui refusait de condamner 158 00:10:08,780 --> 00:10:12,930 un entrepreneur à démolir, puis reconstruire une maison qui 159 00:10:13,130 --> 00:10:16,380 avait été mal implantée au sol, plus haut que ce qui avait été 160 00:10:16,580 --> 00:10:19,770 convenu contractuellement, mais qui demeurait habitable. 161 00:10:19,990 --> 00:10:24,300 Donc ici, la Cour d'appel avait refusé de condamner à la démolition, 162 00:10:24,660 --> 00:10:28,530 l'arrêt d'appel est cassé par la troisième chambre civile de la 163 00:10:28,730 --> 00:10:31,140 Cour de cassation le 12 avril 2018. 164 00:10:31,350 --> 00:10:35,100 En revanche, un autre arrêt de la même troisième chambre civile 165 00:10:35,370 --> 00:10:40,590 du 22 novembre 2018 va, lui, refuser la démolition d'un 166 00:10:40,790 --> 00:10:44,520 bâtiment qui était quasiment terminé en jugeant que la sanction sera, 167 00:10:44,790 --> 00:10:46,800 était en l'espèce, disproportionnée. 168 00:10:47,000 --> 00:10:51,450 Donc on le voit, sur cette même appréciation d'un éventuel abus 169 00:10:51,750 --> 00:10:55,410 ou aujourd'hui du critère de la proportionnalité, on peut avoir 170 00:10:55,770 --> 00:10:59,610 des solutions en sens contraire dans l'appréciation qui va être 171 00:10:59,810 --> 00:11:01,590 faite par la Cour de cassation. 172 00:11:01,790 --> 00:11:05,520 Donc hésitation, on verra ce que la jurisprudence future donnera 173 00:11:05,720 --> 00:11:06,480 sur cette question. 174 00:11:06,870 --> 00:11:09,990 Alors à côté de ces conditions de fond, on a une condition de forme, 175 00:11:10,190 --> 00:11:13,650 je l'ai dit, c'est la mise en demeure, mise en demeure qui d'ailleurs 176 00:11:13,920 --> 00:11:18,000 est une condition généralisée pour la plupart des sanctions prévues 177 00:11:18,200 --> 00:11:21,480 par l'article 1217 du Code civil mais comme je l'ai dit, 178 00:11:21,680 --> 00:11:22,440 j'y reviendrai plus loin. 179 00:11:22,640 --> 00:11:26,460 Alors ce qu'il faut retenir simplement, c'est que la mise en demeure reposait 180 00:11:26,660 --> 00:11:29,700 à l'origine sur des formalités assez rigoureuses, mais que 181 00:11:29,900 --> 00:11:34,830 progressivement, la jurisprudence et la loi ont assoupli les conditions 182 00:11:35,030 --> 00:11:37,230 de forme relatives à la mise en demeure. 183 00:11:38,300 --> 00:11:43,170 Alors ces conditions étant posées, maintenant dans les effets provoqués 184 00:11:43,370 --> 00:11:47,370 par l'exécution forcée, on a deux situations qu'on peut 185 00:11:47,570 --> 00:11:48,330 distinguer. 186 00:11:48,530 --> 00:11:52,410 La première, c'est l'exécution par le débiteur lui-même donc après 187 00:11:52,610 --> 00:11:56,550 la mise en demeure du créancier, le débiteur va effectivement exécuter 188 00:11:56,750 --> 00:11:57,510 l'obligation. 189 00:11:57,870 --> 00:12:00,660 Mais il y a une deuxième possibilité qui est prévue aujourd'hui par 190 00:12:00,860 --> 00:12:06,120 les textes, qui est l'exécution, situation dans laquelle le créancier 191 00:12:06,320 --> 00:12:07,410 va recourir à un tiers. 192 00:12:07,860 --> 00:12:11,280 Donc d'abord l'exécution par le débiteur, ensuite l'exécution par 193 00:12:11,480 --> 00:12:14,460 un tiers qui se fera évidemment aux frais du débiteur. 194 00:12:14,790 --> 00:12:18,570 Alors d'abord, première situation, exécution par le débiteur. 195 00:12:19,170 --> 00:12:23,010 La question qui va se poser, c'est de savoir si le débiteur 196 00:12:23,550 --> 00:12:28,560 va avoir le droit d'imposer l'exécution en nature au créancier. 197 00:12:28,760 --> 00:12:33,630 Est-ce que le débiteur peut forcer le créancier à accepter cette 198 00:12:33,830 --> 00:12:38,070 sanction-là, cette voie-là, au lieu de permettre au créancier 199 00:12:38,270 --> 00:12:41,460 d'agir, par exemple, en résolution du contrat avec 200 00:12:41,660 --> 00:12:44,190 éventuellement la perception de dommages et intérêts ? 201 00:12:45,480 --> 00:12:50,370 Alors la réponse à cette question semble positive dans la jurisprudence, 202 00:12:50,570 --> 00:12:53,430 on peut citer notamment un arrêt de la troisième chambre civile 203 00:12:53,630 --> 00:12:58,800 du 27 mars 2013 dans lequel la Cour de cassation estime que le 204 00:12:59,000 --> 00:13:02,820 preneur, donc d'un bail, ne peut refuser l'offre du bailleur 205 00:13:03,240 --> 00:13:06,070 d'exécuter en nature son obligation. 206 00:13:06,270 --> 00:13:09,390 Donc il semble que ce soit véritablement un droit pour le 207 00:13:09,590 --> 00:13:12,390 débiteur d'imposer cette exécution en nature. 208 00:13:12,590 --> 00:13:16,620 Alors il y a un auteur en doctrine qui est Alain Bénabent, 209 00:13:16,820 --> 00:13:20,880 qui approuve cette possibilité pour le débiteur de forcer finalement 210 00:13:21,390 --> 00:13:27,750 le créancier à accepter cette voie, en estimant que dans le Code civil, 211 00:13:27,950 --> 00:13:32,340 tel qu'il résulte de la réforme de 2016, le fait que les sanctions dans 212 00:13:32,540 --> 00:13:36,090 cette réforme soient précédées d'une mise en demeure montre bien 213 00:13:36,600 --> 00:13:40,760 que le débiteur peut imposer l'exécution forcée au créancier. 214 00:13:40,960 --> 00:13:41,720 Et pourquoi ? 215 00:13:41,920 --> 00:13:45,330 Tout simplement parce que si la mise en demeure est suivie d'effet, 216 00:13:45,930 --> 00:13:49,860 le créancier ne pourrait pas refuser ce qu'il vient lui-même d'exiger, 217 00:13:50,520 --> 00:13:54,690 la mise en demeure, on somme finalement le débiteur d'exécuter et ensuite, 218 00:13:54,890 --> 00:13:57,990 si le débiteur propose effectivement d'exécuter le contrat, 219 00:13:58,190 --> 00:14:01,920 on ne va pas ensuite lui dire, " non, je préfère aller vers la 220 00:14:02,120 --> 00:14:05,100 sanction de la résolution et l'octroi de dommages et intérêts". 221 00:14:05,300 --> 00:14:09,510 Donc l'exécution forcée, effectivement, c'est une possibilité 222 00:14:09,710 --> 00:14:14,340 pour le débiteur d'imposer cette sanction au créancier. 223 00:14:14,540 --> 00:14:19,740 Néanmoins, cette exécution par le débiteur ne pourra pas, 224 00:14:19,940 --> 00:14:23,340 il ne pourra pas l'imposer au créancier dans deux hypothèses. 225 00:14:23,540 --> 00:14:27,390 D'abord, première hypothèse dont j'ai un peu parlé tout à l'heure, 226 00:14:27,930 --> 00:14:31,200 quand l'exécution forcée ne présente plus d'intérêt pour le créancier. 227 00:14:32,130 --> 00:14:37,110 Donc il faut bien vérifier ici que l'exécution en nature qui va 228 00:14:37,310 --> 00:14:41,730 être proposée par le débiteur va encore satisfaire le créancier. 229 00:14:42,210 --> 00:14:48,180 Si une obligation devait être exécutée sans retard le 1ᵉʳ décembre, 230 00:14:48,960 --> 00:14:53,910 il n'est d'aucun intérêt que le débiteur veuille imposer l'exécution 231 00:14:55,980 --> 00:14:58,560 en nature de cette obligation le 10 décembre. 232 00:14:58,760 --> 00:15:00,740 Donc à ce moment-là, il n'y aura plus d'intérêt s'il 233 00:15:00,940 --> 00:15:05,210 était impératif que l'obligation soit effective à telle date, 234 00:15:05,410 --> 00:15:07,220 donc ça, c'est la première situation. 235 00:15:07,580 --> 00:15:12,350 Deuxième situation, on ne pourra pas, un débiteur ne pourra pas imposer 236 00:15:12,550 --> 00:15:16,520 l'exécution forcée lorsqu'on l'inexécution dans un premier temps 237 00:15:16,720 --> 00:15:20,660 de son obligation, a démontré qu'il était incapable, qu'il était 238 00:15:20,860 --> 00:15:26,060 incompétent pour accomplir l'obligation qu'il avait accepté d'assumer. 239 00:15:26,260 --> 00:15:32,450 L'idée, c'est ici que le créancier pourra légitimement craindre que 240 00:15:32,650 --> 00:15:36,180 l'exécution par le débiteur ne soit pas satisfaisante, et donc 241 00:15:36,380 --> 00:15:39,890 à ce moment-là, il pourra préférer mettre fin au contrat et obtenir 242 00:15:40,250 --> 00:15:41,870 éventuellement des dommages et intérêts. 243 00:15:42,070 --> 00:15:47,840 Sinon, mis à part ces deux situations, le débiteur pourrait imposer au 244 00:15:48,040 --> 00:15:49,730 créancier une exécution forcée. 245 00:15:51,200 --> 00:15:54,530 Mais le Code civil va prévoir une autre situation, situation dans 246 00:15:54,730 --> 00:15:59,060 laquelle le créancier va faire appel à un tiers et va faire exécuter 247 00:15:59,260 --> 00:16:03,560 la prestation initialement due par le débiteur, il va faire exécuter 248 00:16:03,760 --> 00:16:05,390 cette prestation par un tiers. 249 00:16:05,720 --> 00:16:09,830 Alors évidemment, il va vouloir faire exécuter cette prestation 250 00:16:10,030 --> 00:16:10,790 aux frais du débiteur. 251 00:16:11,480 --> 00:16:16,100 Le recours à un tiers existait déjà avant la réforme du droit 252 00:16:16,300 --> 00:16:19,850 des contrats, c'est ce qu'on appelait de façon générale la faculté de 253 00:16:20,150 --> 00:16:20,930 remplacement. 254 00:16:21,800 --> 00:16:25,340 La faculté de remplacement, faire exécuter à la place du débiteur 255 00:16:25,540 --> 00:16:30,710 défaillant l'obligation contractuelle, supposait de manière générale une 256 00:16:30,910 --> 00:16:34,220 autorisation judiciaire préalable, il fallait demander avant 257 00:16:34,580 --> 00:16:38,240 l'autorisation du juge, aujourd'hui, ce n'est plus le principe. 258 00:16:38,440 --> 00:16:41,780 Donc aujourd'hui, le créancier peut prendre l'initiative, 259 00:16:41,980 --> 00:16:46,640 en cas de défaillance du débiteur, d'aller demander à un tiers d'exécuter 260 00:16:46,940 --> 00:16:47,700 la prestation. 261 00:16:47,900 --> 00:16:53,390 Sauf, nous dit le Code civil, lorsqu'il s'agit de détruire ce 262 00:16:53,590 --> 00:16:56,420 qui a été fait en violation de l'obligation donc quand il s'agit 263 00:16:56,720 --> 00:17:02,510 de détruire cet élément, enfin, l'obligation qui a été réalisée 264 00:17:02,710 --> 00:17:06,350 par le débiteur, là, on estime que c'est une solution 265 00:17:06,550 --> 00:17:11,060 qui est rigoureuse pour le débiteur, et comme les effets sont importants, 266 00:17:11,330 --> 00:17:14,210 il faudra une autorisation du juge préalable. 267 00:17:15,200 --> 00:17:19,970 Alors si on met de côté ce cas où il s'agit d'une destruction, 268 00:17:21,020 --> 00:17:25,190 le créancier pourra avoir l'initiative de recourir à un tiers. 269 00:17:25,760 --> 00:17:28,070 Deux conditions sont posées par la loi. 270 00:17:28,490 --> 00:17:33,290 Il faut que ce soit dans un délai raisonnable et à un coût raisonnable. 271 00:17:33,920 --> 00:17:37,610 Et à nouveau, il faut une mise en demeure du débiteur de s'exécuter, 272 00:17:37,810 --> 00:17:39,380 toujours cette condition de forme. 273 00:17:40,550 --> 00:17:45,890 Le recours à un tiers fera l'objet d'un remboursement qui sera demandé 274 00:17:46,370 --> 00:17:50,240 au débiteur donc le créancier se fera rembourser les frais exposés 275 00:17:50,450 --> 00:17:51,900 par le débiteur. 276 00:17:52,100 --> 00:17:53,870 C'est pour ça qu'il faut que ce soit à un coût raisonnable. 277 00:17:54,170 --> 00:17:57,170 On ne peut pas faire exécuter la prestation du débiteur défaillant 278 00:17:57,440 --> 00:18:00,800 par un tiers à un coût qui serait manifestement beaucoup plus élevé 279 00:18:01,040 --> 00:18:02,540 et demander ensuite le remboursement. 280 00:18:02,780 --> 00:18:07,070 Donc là encore, on a une exigence du raisonnable, un critère qui 281 00:18:07,270 --> 00:18:09,320 sera apprécié par le juge. 282 00:18:10,190 --> 00:18:13,070 Donc il y a un remboursement normalement qui a lieu après 283 00:18:13,270 --> 00:18:15,050 l'exécution de la prestation par le tiers. 284 00:18:15,250 --> 00:18:18,710 Néanmoins, il est prévu par les textes que le créancier peut même 285 00:18:19,070 --> 00:18:20,750 demander en justice, mais à ce moment-là, 286 00:18:21,290 --> 00:18:24,650 il faut à nouveau une autorisation judiciaire préalable, 287 00:18:24,950 --> 00:18:29,390 le créancier pourra demander en justice que le débiteur avance 288 00:18:29,590 --> 00:18:33,410 les frais nécessaires à l'exécution ou à la destruction. 289 00:18:33,710 --> 00:18:36,540 Donc si le créancier veut que les frais soient avancés, 290 00:18:36,740 --> 00:18:41,060 là, à nouveau, on retombe sur la nécessité d'une autorisation 291 00:18:41,260 --> 00:18:44,750 judiciaire, d'une demande préalable faite au juge. 292 00:18:45,570 --> 00:18:50,990 Donc là, c'est lorsque le créancier va solliciter, va demander tout 293 00:18:51,190 --> 00:18:54,350 simplement la mise en œuvre de la force obligatoire du contrat 294 00:18:54,550 --> 00:19:00,710 et qu'il va solliciter l'exécution forcée, l'exécution en nature de 295 00:19:00,910 --> 00:19:03,020 la prestation promise par contrat.