1 00:00:05,560 --> 00:00:08,170 Troisième vice du consentement que nous allons voir dans une 2 00:00:08,370 --> 00:00:10,660 sous-section 3, le vice de violence. 3 00:00:11,170 --> 00:00:13,860 Le vice de violence est un peu particulier. 4 00:00:14,060 --> 00:00:18,880 Ici, ce n'est pas l'élément de connaissance, contrairement à l'erreur 5 00:00:19,080 --> 00:00:20,530 ou au dol, qui est altéré. 6 00:00:21,970 --> 00:00:23,530 C'est l'élément de liberté. 7 00:00:23,730 --> 00:00:25,480 Le consentement, tout simplement, n'est pas libre. 8 00:00:26,020 --> 00:00:30,900 Une partie sait à quoi il s'engage dans le contrat qu'elle va conclure. 9 00:00:31,100 --> 00:00:36,040 Mais cette personne est contrainte de s'engager, n'a pas un consentement 10 00:00:36,240 --> 00:00:37,000 libre. 11 00:00:37,330 --> 00:00:42,700 Là encore, sur la question de la violence, la réforme avec l'ordonnance 12 00:00:42,900 --> 00:00:45,560 et la loi de ratification, n'innove pas vraiment. 13 00:00:45,760 --> 00:00:49,420 On va reprendre la jurisprudence, pour l'essentiel, des solutions 14 00:00:49,620 --> 00:00:51,430 données par la jurisprudence. 15 00:00:51,630 --> 00:00:55,690 Simplement, sur le vice de violence, il y a une certaine actualisation, 16 00:00:55,890 --> 00:00:59,560 c'est-à-dire qu'on va mettre de côté des notions qui apparaissaient 17 00:00:59,760 --> 00:01:03,730 un peu désuètes et plus du tout utilisées par la jurisprudence. 18 00:01:04,570 --> 00:01:08,650 Et puis, il y a en revanche ici un élément important précisé par 19 00:01:09,220 --> 00:01:12,730 les textes, à la fois par l'ordonnance, et précisée encore plus par la 20 00:01:12,930 --> 00:01:16,390 loi de ratification, sur ce qu'on appelle l'abus de dépendance, 21 00:01:16,660 --> 00:01:18,400 qui est une forme de violence particulière. 22 00:01:18,600 --> 00:01:23,170 C'est pour ça qu'on va la traiter à part, à la fin de l'étude de ce vice. 23 00:01:23,530 --> 00:01:28,030 Le vice de violence est défini par l'article 1140 du Code civil, 24 00:01:28,390 --> 00:01:32,650 suivant lequel "il y a violence lorsqu'une partie s'engage sous 25 00:01:32,850 --> 00:01:36,580 la pression d'une contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer 26 00:01:36,780 --> 00:01:41,620 sa personne, sa fortune ou celle de ses proches, à un mal considérable". 27 00:01:43,290 --> 00:01:47,670 Il y a plusieurs caractéristiques ici qui permettent d'établir qu'il 28 00:01:47,870 --> 00:01:49,110 y a violence ou non. 29 00:01:50,190 --> 00:01:53,280 Première caractéristique : sur la forme de la violence, 30 00:01:53,480 --> 00:01:58,080 on voit qu'on doit avoir ici une conception très large de la notion 31 00:01:58,280 --> 00:01:59,040 de violence. 32 00:01:59,370 --> 00:02:02,550 Ce peut être une violence sur la personne et à la fois la personne 33 00:02:02,750 --> 00:02:05,730 du cocontractant, ou alors sur ses proches. 34 00:02:07,130 --> 00:02:10,040 Ce peut être une violence qui va être une violence physique, 35 00:02:10,490 --> 00:02:12,950 mais ça peut être aussi une violence psychologique. 36 00:02:13,150 --> 00:02:16,640 Ça peut être aussi une violence matérielle puisqu'on voit qu'il 37 00:02:16,840 --> 00:02:18,530 y a la crainte d'exposer sa fortune. 38 00:02:19,370 --> 00:02:22,910 Les biens aussi sont protégés à travers le vice de violence, 39 00:02:23,110 --> 00:02:24,800 donc c'est une violence très générale. 40 00:02:25,000 --> 00:02:28,100 Sur la personne, sur les biens, sur soi-même, sur ses proches, 41 00:02:28,300 --> 00:02:31,160 violence physique, psychologique ou matérielle. 42 00:02:31,370 --> 00:02:35,210 Je répète que je mets de côté la question de l'abus de dépendance. 43 00:02:35,930 --> 00:02:38,570 Première chose : la forme est très générale. 44 00:02:39,290 --> 00:02:43,100 Deuxième chose : la violence, pour constituer un vice du 45 00:02:43,300 --> 00:02:46,880 consentement, doit présenter une certaine intensité, c'est-à-dire 46 00:02:48,200 --> 00:02:52,250 qu'on ne prend pas en compte une crainte légère, une crainte qui 47 00:02:52,790 --> 00:02:56,690 ne serait pas vraiment importante, qui pousserait simplement quelqu'un 48 00:02:56,990 --> 00:02:57,770 à s'engager. 49 00:02:57,970 --> 00:03:02,810 Le texte précise bien qu'on a la crainte d'un mal considérable. 50 00:03:03,290 --> 00:03:06,200 Le mal considérable, ça va vraiment se référer à une 51 00:03:06,400 --> 00:03:09,950 certaine intensité et pas à une crainte, je le répète, 52 00:03:10,150 --> 00:03:12,260 légère, qui pousserait quelqu'un tout simplement à s'engager. 53 00:03:12,890 --> 00:03:18,560 Troisième élément dans ce vice du consentement : la violence doit 54 00:03:18,760 --> 00:03:19,940 être illégitime. 55 00:03:20,140 --> 00:03:26,450 On peut ajouter à cette condition la réalité de la menace, 56 00:03:26,650 --> 00:03:28,400 la réalité de la violence exercée. 57 00:03:29,510 --> 00:03:35,300 Je précise ici que les textes nouveaux ont supprimé quelque chose qu'on 58 00:03:35,500 --> 00:03:39,530 retrouvait dans le Code civil, qui était la crainte révérencielle. 59 00:03:40,040 --> 00:03:43,580 Ce qu'on appelait la crainte révérencielle, c'était la crainte 60 00:03:44,210 --> 00:03:46,880 qui pouvait pousser des enfants à conclure un contrat, 61 00:03:47,080 --> 00:03:50,540 à s'engager, la crainte ressentie à l'égard de leurs aînés, 62 00:03:50,740 --> 00:03:51,500 de leurs parents. 63 00:03:52,040 --> 00:03:56,660 Et là, c'est là que je vous le disais, il y a une adaptation du Code à 64 00:03:56,860 --> 00:03:59,720 l'époque, puisqu' évidemment, si la crainte révérencielle 65 00:03:59,920 --> 00:04:02,840 apparaissait à l'époque du Code civil comme une violence légitime, 66 00:04:03,040 --> 00:04:06,290 la crainte de ses aînés, aujourd'hui, ça n'apparaît plus 67 00:04:06,490 --> 00:04:09,710 du tout au titre des violences admissibles qui pourraient permettre 68 00:04:10,250 --> 00:04:14,420 d'échapper au grief de violence et au prononcé de la nullité du 69 00:04:14,620 --> 00:04:15,380 contrat. 70 00:04:15,580 --> 00:04:19,670 Donc suppression ici de ce cas de violence, qui apparaissait à 71 00:04:19,870 --> 00:04:23,390 l'époque du Code civil comme une violence légitime. 72 00:04:24,710 --> 00:04:28,250 On peut effectivement, sur cette condition, 73 00:04:28,450 --> 00:04:29,210 être un peu étonné. 74 00:04:29,410 --> 00:04:32,450 Est-ce qu'il y a des cas dans lesquels la violence est légitime ? 75 00:04:32,990 --> 00:04:37,130 On peut être étonné que le droit fasse référence à cette exigence ici. 76 00:04:37,850 --> 00:04:40,730 En réalité, on le comprend mieux quand on voit l'article 1141. 77 00:04:41,630 --> 00:04:46,970 L'article 1141 prévoit une hypothèse dans laquelle il y a une violence 78 00:04:47,170 --> 00:04:49,100 effectivement qui apparaît comme une violence légitime. 79 00:04:49,970 --> 00:04:52,700 C'est comme quand, en droit pénal, on a des éléments qui sont des 80 00:04:52,900 --> 00:04:55,370 faits justificatifs ou des causes d'irresponsabilité. 81 00:04:55,570 --> 00:05:00,050 On va voir que dans certains cas, on va être légitime à commettre 82 00:05:00,250 --> 00:05:01,010 une infraction. 83 00:05:01,430 --> 00:05:05,240 Ici, en matière civile, dans certains cas, il y aura menace, 84 00:05:06,110 --> 00:05:09,650 mais cette menace n'apparaîtra pas condamnable et ne permettra 85 00:05:09,850 --> 00:05:14,060 pas de recevoir en justice une action fondée sur la violence. 86 00:05:14,720 --> 00:05:17,570 Cette violence légitime, c'est la menace d'exercer une voie 87 00:05:17,770 --> 00:05:18,530 de droit. 88 00:05:19,040 --> 00:05:21,140 Elle est prévue à l'article 1141. 89 00:05:22,340 --> 00:05:25,970 Ce texte précise que cette menace d'une voie de droit ne constitue 90 00:05:26,170 --> 00:05:26,930 pas une violence. 91 00:05:28,130 --> 00:05:32,210 C'est l'exemple dans lequel un propriétaire va, par exemple en 92 00:05:32,410 --> 00:05:36,380 surprenant un voleur et en menaçant de le dénoncer, lui faire souscrire 93 00:05:36,770 --> 00:05:38,150 une reconnaissance de dette. 94 00:05:38,350 --> 00:05:42,350 Ou même chose : un créancier qui va menacer son débiteur de poursuites 95 00:05:42,550 --> 00:05:47,330 judiciaires pour lui faire reconnaître sa dette, pour lui faire signer 96 00:05:47,870 --> 00:05:51,380 une reconnaissance par laquelle il reconnaît l'existence de la créance. 97 00:05:51,580 --> 00:05:56,210 Ici, certes, il y a une violence, on va forcer le consentement, 98 00:05:56,510 --> 00:06:01,520 forcer à signer la reconnaissance 99 00:06:01,720 --> 00:06:02,480 de dette. 100 00:06:02,680 --> 00:06:08,660 Mais derrière, il y a l'existence d'un droit, c'est-à-dire que le 101 00:06:08,860 --> 00:06:11,660 propriétaire ne veut que rentrer dans son bon droit et sinon, 102 00:06:11,860 --> 00:06:12,620 il dénonce le voleur. 103 00:06:13,280 --> 00:06:16,670 Le créancier ne veut pas obtenir autre chose que le paiement de 104 00:06:16,870 --> 00:06:17,630 sa créance. 105 00:06:17,830 --> 00:06:18,860 Il menace de poursuites, mais c'est son droit. 106 00:06:19,310 --> 00:06:21,500 Le droit lui offre cette possibilité. 107 00:06:22,460 --> 00:06:25,490 Soit il l'exerce, mais ce sera au détriment du débiteur, 108 00:06:25,690 --> 00:06:26,660 soit le débiteur s'engage. 109 00:06:26,960 --> 00:06:29,540 Et finalement, dans cette hypothèse, chacun est gagnant. 110 00:06:30,560 --> 00:06:34,370 La menace d'une voie de droit, puisqu'on ne fait qu'exercer une 111 00:06:34,570 --> 00:06:40,850 prérogative que le droit nous donne, cette menace d'exercer une voie 112 00:06:41,050 --> 00:06:44,960 de droit ne constituera pas un vice de violence, mais si certaines 113 00:06:45,160 --> 00:06:46,190 conditions sont respectées. 114 00:06:46,550 --> 00:06:50,150 Et notamment, la condition qui doit être respectée, c'est que 115 00:06:50,350 --> 00:06:55,190 la voie de droit ne peut pas être détournée de son but et ne peut 116 00:06:55,390 --> 00:07:01,130 pas être invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement 117 00:07:01,330 --> 00:07:02,090 excessif. 118 00:07:02,290 --> 00:07:05,360 C'est-à-dire qu'il y a l'idée ici de proportionnalité, tout est question 119 00:07:05,560 --> 00:07:06,320 de mesure. 120 00:07:06,650 --> 00:07:11,540 Je ne peux pas, en tant que créancier, demander au débiteur de me signer 121 00:07:11,740 --> 00:07:16,130 une reconnaissance de dette sous la crainte d'être poursuivi, 122 00:07:17,180 --> 00:07:19,970 mais lui faire signer une reconnaissance de dette de 10 000 123 00:07:20,170 --> 00:07:20,960 alors qu'il me doit 1 000. 124 00:07:21,830 --> 00:07:26,930 On ne peut pas menacer de l'exercice d'une voie de droit pour en obtenir 125 00:07:27,130 --> 00:07:31,310 un avantage qui serait disproportionné par rapport à ce que l'on peut 126 00:07:31,550 --> 00:07:35,030 légitimement espérer par cette action en justice. 127 00:07:38,150 --> 00:07:41,990 La violence, pour constituer un vice du consentement, doit être 128 00:07:42,190 --> 00:07:45,170 illégitime sous cette réserve de la menace d'exercice d'une voie 129 00:07:45,370 --> 00:07:49,790 de droit, elle pourra constituer alors un vice du consentement. 130 00:07:50,300 --> 00:07:54,620 L'autre élément que je précisais, c'est que la violence doit être réelle. 131 00:07:54,820 --> 00:07:57,620 Une violence réelle, c'est-à-dire qu'on ne peut pas 132 00:07:57,820 --> 00:08:00,130 invoquer une menace, une crainte qui serait vague, 133 00:08:00,330 --> 00:08:04,640 qui n'aurait pas concrètement de manifestation pour demander ensuite 134 00:08:05,090 --> 00:08:06,410 la nullité du contrat. 135 00:08:06,610 --> 00:08:12,440 Cette notion de réalité de la violence peut être illustrée par un arrêt 136 00:08:12,640 --> 00:08:15,200 de la première chambre civile du 3 avril 2002. 137 00:08:15,830 --> 00:08:20,420 Dans cet arrêt de 2002, il était question d'un salarié 138 00:08:21,230 --> 00:08:26,510 qui avait cédé ses droits sur une œuvre créée pendant l'exécution 139 00:08:26,710 --> 00:08:28,580 de son contrat de travail, à son employeur. 140 00:08:29,750 --> 00:08:32,150 La salariée vient à être licenciée. 141 00:08:32,630 --> 00:08:38,210 À la suite de son licenciement, elle va contester la validité de 142 00:08:38,410 --> 00:08:42,080 la cession de droits d'auteur effectuée au bénéfice de l'employeur en disant 143 00:08:42,280 --> 00:08:47,000 qu'elle n'a conclu ce contrat que parce qu'elle avait la crainte 144 00:08:47,200 --> 00:08:51,530 d'être licenciée, donc qu'il y a vice de violence, et donc que 145 00:08:51,730 --> 00:08:53,810 la cession doit purement et simplement être annulée. 146 00:08:54,010 --> 00:08:57,380 Le consentement n'était pas libre, donc le consentement n'était pas 147 00:08:57,580 --> 00:08:58,340 valable. 148 00:08:58,670 --> 00:09:03,380 La Cour de cassation va, dans cet espèce, rejeter l'action 149 00:09:03,580 --> 00:09:09,380 de la salariée en estimant que la violence n'était pas prouvée, 150 00:09:09,590 --> 00:09:15,170 qu'il n'y avait aucun élément concret pour faire de cette crainte une 151 00:09:15,370 --> 00:09:18,620 menace réelle ayant vicié le consentement du salarié. 152 00:09:19,490 --> 00:09:21,560 Dans cette décision, il semble que la Cour de cassation 153 00:09:21,760 --> 00:09:25,460 fasse ici une appréciation équilibrée des intérêts en présence. 154 00:09:26,480 --> 00:09:31,220 Première chose : la Cour de cassation évite que n'importe quel salarié 155 00:09:31,700 --> 00:09:37,400 en contrat à durée indéterminée remette en cause la validité des 156 00:09:37,600 --> 00:09:40,580 contrats conclus pendant la durée du contrat de travail avec leurs 157 00:09:40,780 --> 00:09:45,350 employeurs, au motif qu'ils craignent d'être licenciés. 158 00:09:45,650 --> 00:09:50,300 En effet, n'importe quel salarié en CDI peut invoquer la crainte 159 00:09:50,500 --> 00:09:51,260 du licenciement. 160 00:09:51,460 --> 00:09:56,810 C'est une menace qui est diffuse pour chaque salarié bénéficiant 161 00:09:57,010 --> 00:09:58,970 d'un contrat à durée indéterminée. 162 00:09:59,170 --> 00:10:02,240 Si on avait reconnu ici l'existence du vice de violence, 163 00:10:03,260 --> 00:10:07,220 le résultat pratique aurait été d'empêcher la conclusion de ce 164 00:10:07,420 --> 00:10:11,120 type de contrat, par lequel un salarié qui va créer une œuvre 165 00:10:11,480 --> 00:10:15,290 pendant l'exécution de son contrat de travail va céder les droits 166 00:10:15,490 --> 00:10:18,860 d'auteur, les droits d'exploitation relatifs à cette œuvre à l'employeur. 167 00:10:19,460 --> 00:10:21,860 Cette formule contractuelle n'aurait plus été possible parce qu'elle 168 00:10:22,060 --> 00:10:24,530 aurait été sous la menace, après le départ du salarié, 169 00:10:24,950 --> 00:10:27,050 d'une contestation systématique. 170 00:10:27,250 --> 00:10:28,250 Ça, c'est la première chose. 171 00:10:28,700 --> 00:10:32,180 La Cour de cassation n'a pas voulu laisser la porte ouverte à ce genre 172 00:10:32,480 --> 00:10:33,240 de contestation. 173 00:10:33,440 --> 00:10:36,530 Mais d'un autre côté, la Cour de cassation fait une réserve, 174 00:10:36,730 --> 00:10:39,590 c'est-à-dire qu'elle dit qu'en l'espèce, il n'y avait pas d'éléments 175 00:10:39,920 --> 00:10:42,710 prouvant l'existence réelle de cette menace. 176 00:10:43,760 --> 00:10:47,090 Ce qui laisse penser que s'il y avait eu des éléments particuliers 177 00:10:48,320 --> 00:10:51,020 démontrant qu'il y avait une vraie pression, une véritable menace 178 00:10:51,220 --> 00:10:54,770 de la part de l'employeur, là on aurait accepté la remise 179 00:10:54,970 --> 00:10:59,540 en cause de la validité du contrat au nom de l'invocation de ce vice 180 00:10:59,740 --> 00:11:02,690 du consentement, au nom de ce vice de violence. 181 00:11:03,500 --> 00:11:08,690 Solution équilibrée ici, mais qui revient à dire que si 182 00:11:08,890 --> 00:11:12,770 on veut se prévaloir du vice du consentement de violence, 183 00:11:12,970 --> 00:11:17,810 il faudra démontrer que cette violence est réelle et par des éléments 184 00:11:18,010 --> 00:11:21,140 de preuve, qu'il revient encore une fois à la victime d'apporter. 185 00:11:21,340 --> 00:11:26,550 Enfin, dernier élément : l'origine de la violence. 186 00:11:26,750 --> 00:11:32,670 Ici, on a sur l'origine de la violence, un domaine plus large que pour le dol. 187 00:11:32,870 --> 00:11:35,760 Pour le dol, on avait vu que le dol doit émaner du cocontractant. 188 00:11:36,030 --> 00:11:40,440 Pour la violence, la violence est prise en considération alors même 189 00:11:40,860 --> 00:11:43,020 qu'elle est exercée par un tiers. 190 00:11:43,260 --> 00:11:45,120 C'est ce que précise l'article 1142. 191 00:11:45,600 --> 00:11:48,780 La violence est une cause de nullité, qu'elle ait été exercée par une 192 00:11:48,980 --> 00:11:50,110 partie ou par un tiers. 193 00:11:50,310 --> 00:11:55,470 Ici, on a une conception très large, non limitée, comme pour le dol 194 00:11:55,670 --> 00:11:56,640 au contractant. 195 00:11:57,570 --> 00:12:01,290 Précision sur les modalités d'appréciation, mais dont j'avais 196 00:12:01,490 --> 00:12:04,230 déjà dit un mot en introduction sur les vices du consentement, 197 00:12:05,580 --> 00:12:10,470 avec cette hésitation qui notamment était le cas en jurisprudence avant 198 00:12:10,670 --> 00:12:13,570 la réforme de 2016, sur l'appréciation in concreto ou in abstracto parce 199 00:12:14,580 --> 00:12:16,830 les textes mélangeaient les deux. 200 00:12:17,370 --> 00:12:21,420 Les textes antérieurs à la réforme parlaient d'une appréciation in 201 00:12:21,620 --> 00:12:23,730 concreto et à la fois d'une appréciation in abstracto. 202 00:12:23,930 --> 00:12:29,100 Ici, on sait aujourd'hui, avec l'ordonnance, que le choix 203 00:12:29,300 --> 00:12:32,460 est fait au bénéfice de l'appréciation in concreto. 204 00:12:32,660 --> 00:12:35,580 Ça veut dire que pour le vice de violence particulièrement, 205 00:12:35,880 --> 00:12:38,820 c'est important pour lui, on va tenir compte des qualités 206 00:12:39,020 --> 00:12:39,780 de la personne. 207 00:12:40,020 --> 00:12:47,250 Une personne ne fera pas l'objet de menace ou ne subira une crainte 208 00:12:47,450 --> 00:12:50,460 de la même façon, que ce soit une personne âgée ou une personne jeune, 209 00:12:50,660 --> 00:12:53,280 une personne en pleine santé, une personne fragilisée, 210 00:12:53,480 --> 00:12:54,240 etc. 211 00:12:54,440 --> 00:12:58,860 Ici, on va tenir compte du moment et surtout des qualités de la personne 212 00:12:59,490 --> 00:13:03,990 pour apprécier la réalité de ce vice de violence. 213 00:13:05,220 --> 00:13:12,690 Quant aux effets, la violence, c'est un vice du consentement, 214 00:13:12,890 --> 00:13:15,300 évidemment, qui peut entraîner la nullité du contrat. 215 00:13:15,500 --> 00:13:16,380 Mais c'est comme pour le dol. 216 00:13:16,580 --> 00:13:20,340 C'est-à-dire qu'en plus de cette nullité du contrat, il pourra y 217 00:13:20,540 --> 00:13:26,580 avoir des dommages et intérêts, une indemnisation qui sera liée 218 00:13:27,360 --> 00:13:30,540 à un dommage subi, et notamment un dommage moral quand il y a une 219 00:13:30,740 --> 00:13:34,470 violence, puisqu'il y aura au moins cette crainte qu'on a générée chez 220 00:13:34,670 --> 00:13:35,520 l'autre partie. 221 00:13:36,150 --> 00:13:39,600 En plus, comme c'est une faute parfois pénale, il y aura parfois 222 00:13:39,800 --> 00:13:42,840 des sanctions pénales, la violence néanmoins qui est distincte 223 00:13:43,040 --> 00:13:46,200 de l'abus de faiblesse qu'on retrouve en matière pénale, mais il y a 224 00:13:46,400 --> 00:13:49,670 des éléments qui peuvent faire penser à l'abus de faiblesse. 225 00:13:49,870 --> 00:13:51,300 Il peut y avoir des points communs entre les deux. 226 00:13:52,800 --> 00:13:55,410 Dans ce vice de violence, il y a un cas particulier qui est 227 00:13:55,610 --> 00:14:00,660 prévu à l'article 1143 du Code civil, avec une rédaction qui a évolué 228 00:14:00,860 --> 00:14:06,330 entre l'ordonnance de 2016 et la loi de 2018, la loi de ratification. 229 00:14:07,290 --> 00:14:10,920 Cet abus de dépendance, qui est général ici, 230 00:14:11,120 --> 00:14:14,010 ne vise pas seulement une dépendance qui sera une dépendance économique. 231 00:14:14,940 --> 00:14:17,150 C'est principalement le cas, mais ça peut être une dépendance 232 00:14:17,350 --> 00:14:19,140 qui serait par exemple une dépendance juridique. 233 00:14:20,340 --> 00:14:23,520 En tout cas, le critère n'est pas seulement la dépendance économique. 234 00:14:24,240 --> 00:14:28,470 L'origine de ce cas vient de la Cour de cassation et d'une 235 00:14:28,670 --> 00:14:31,750 jurisprudence de la première chambre civile du 30 mai 2000, 236 00:14:32,310 --> 00:14:35,940 qui avait créé ce qu'on a appelé à l'époque la violence économique. 237 00:14:37,650 --> 00:14:41,880 Dans cette affaire, il était question d'un entrepreneur qui avait vu 238 00:14:42,080 --> 00:14:43,280 ses entrepôts brûlés. 239 00:14:43,860 --> 00:14:48,180 Un assureur lui avait proposé une indemnisation qui avait été souscrite 240 00:14:48,450 --> 00:14:52,080 directement par l'entrepreneur, qui va ensuite s'apercevoir que 241 00:14:52,680 --> 00:14:55,290 cette transaction proposée par l'assureur était totalement 242 00:14:55,490 --> 00:14:56,250 déséquilibrée. 243 00:14:56,670 --> 00:15:00,150 Et il va essayer de contester en justice la validité de ce contrat. 244 00:15:00,870 --> 00:15:03,210 Dans un premier temps, il va contester au motif que le 245 00:15:03,410 --> 00:15:05,700 contrat est déséquilibré, et donc qu'il y a lésion. 246 00:15:06,330 --> 00:15:10,350 La lésion, on y reviendra plus tard quand on verra le contenu 247 00:15:10,550 --> 00:15:14,970 du contrat, c'est quand il existe un déséquilibre entre les prestations 248 00:15:15,170 --> 00:15:18,000 des parties au contrat au moment de la formation de celui-ci. 249 00:15:19,230 --> 00:15:23,640 La Cour de cassation va dire que la lésion suppose qu'il y a un 250 00:15:23,840 --> 00:15:24,600 texte spécial. 251 00:15:24,800 --> 00:15:28,470 La lésion n'est pas une cause générale d'annulation des conventions, 252 00:15:28,670 --> 00:15:32,070 et donc la Cour de cassation va refuser d'annuler cette transaction 253 00:15:32,270 --> 00:15:33,030 pour cause de lésion. 254 00:15:33,230 --> 00:15:35,940 Il n'y a pas de texte sur la transaction qui prévoit qu'elle 255 00:15:36,140 --> 00:15:37,470 est annulable pour cause de lésion. 256 00:15:37,670 --> 00:15:41,790 En revanche, la Cour de cassation va admettre l'action en nullité, 257 00:15:41,990 --> 00:15:44,070 mais en se fondant sur la violence économique. 258 00:15:44,270 --> 00:15:48,300 L'idée, c'est que l'assureur a profité de la détresse économique 259 00:15:48,500 --> 00:15:52,800 dans laquelle se trouvait l'autre partie pour lui faire souscrire 260 00:15:53,000 --> 00:15:55,620 un contrat qui était un contrat gravement déséquilibré. 261 00:15:57,570 --> 00:16:01,170 Cet arrêt de la première chambre civile du 30 mai 2000 va être un 262 00:16:01,370 --> 00:16:07,440 arrêt qui va créer un nouveau cas de violence, par un abus sur une 263 00:16:07,640 --> 00:16:09,450 situation de détresse économique. 264 00:16:10,050 --> 00:16:13,740 On va retrouver cette idée à la fois aujourd'hui dans le Code de 265 00:16:13,940 --> 00:16:14,700 la consommation. 266 00:16:14,900 --> 00:16:17,250 On va retrouver aussi cette idée dans le Code de commerce, 267 00:16:17,970 --> 00:16:21,270 sur cette notion de dépendance économique. 268 00:16:21,470 --> 00:16:24,360 L'abus de dépendance se retrouve même entre des entreprises dans 269 00:16:24,560 --> 00:16:26,220 le Code de commerce, à l'article L. 270 00:16:26,420 --> 00:16:27,180 420-2. 271 00:16:27,380 --> 00:16:30,450 Dans le Code de la consommation, proche de cette notion, 272 00:16:30,650 --> 00:16:31,410 c'est l'article L. 273 00:16:31,610 --> 00:16:32,370 122-8. 274 00:16:32,570 --> 00:16:37,920 Aujourd'hui, on a une codification dans l'article 1143. 275 00:16:38,550 --> 00:16:40,080 Que précise ce texte ? 276 00:16:40,560 --> 00:16:43,260 Ce texte repose sur trois conditions. 277 00:16:44,580 --> 00:16:49,530 Il y a violence d'abord lorsqu'il faut qu'il y ait entre les parties 278 00:16:49,730 --> 00:16:50,700 un état de dépendance. 279 00:16:52,230 --> 00:16:57,330 C'est là que la loi de ratification a ajouté un membre de phrase par 280 00:16:57,530 --> 00:16:58,740 rapport à l'ordonnance de 2016. 281 00:17:00,210 --> 00:17:05,430 En effet, il est prévu que l'état de dépendance vise un cocontractant 282 00:17:05,670 --> 00:17:06,600 à l'égard de l'autre. 283 00:17:07,740 --> 00:17:10,440 On apprécie la dépendance, non pas de façon abstraite, 284 00:17:12,010 --> 00:17:18,280 sans se référer aux autres contractants ou aux autres partenaires sur le 285 00:17:18,480 --> 00:17:19,240 marché. 286 00:17:19,440 --> 00:17:21,610 On n'apprécie pas de façon abstraite l'état de dépendance. 287 00:17:21,910 --> 00:17:24,310 La dépendance s'apprécie à l'égard de l'autre partie. 288 00:17:24,640 --> 00:17:28,750 Cela veut dire, pour l'appréciation de cet État, que la dépendance 289 00:17:28,950 --> 00:17:32,770 doit résulter du contrat et ne se déduit pas de la personne elle-même. 290 00:17:33,520 --> 00:17:36,160 Une personne ne se retrouve pas abstraitement en état de dépendance. 291 00:17:36,400 --> 00:17:38,620 C'est concrètement par le contrat qu'elle va conclure, 292 00:17:38,860 --> 00:17:43,180 qu'elle va se trouver en état de dépendance économique ou juridique 293 00:17:43,380 --> 00:17:44,620 à l'égard du partenaire. 294 00:17:44,820 --> 00:17:48,100 Première chose, l'état de dépendance devra être caractérisé. 295 00:17:48,300 --> 00:17:52,210 Ensuite, deuxième condition, il faut qu'il y ait l'existence 296 00:17:52,410 --> 00:17:53,170 d'un abus. 297 00:17:53,370 --> 00:17:57,490 Si on voit bien le texte de l'article 1143, il faut qu'une partie abuse 298 00:17:57,970 --> 00:17:59,740 de cet état de dépendance. 299 00:18:00,610 --> 00:18:05,530 Mais ici, il y a une hésitation en doctrine, un doute en jurisprudence 300 00:18:06,100 --> 00:18:10,060 puisque pour certains auteurs, l'état de dépendance implique par 301 00:18:10,260 --> 00:18:11,770 lui-même qu'il y ait ensuite un abus. 302 00:18:12,310 --> 00:18:15,310 Alors que pour d'autres, une fois qu'on a caractérisé l'abus 303 00:18:15,510 --> 00:18:20,260 de dépendance, il faut en plus caractériser qu'il y a abus de 304 00:18:20,460 --> 00:18:21,640 cet état de dépendance. 305 00:18:22,600 --> 00:18:28,030 Le premier cas vise la caractérisation 306 00:18:28,230 --> 00:18:29,650 nécessaire de l'abus. 307 00:18:30,340 --> 00:18:35,260 Ça semble être une exigence posée par l'article 1143, puisque le 308 00:18:35,460 --> 00:18:40,510 texte lui-même fait référence à cette nécessité d'un abus, 309 00:18:40,710 --> 00:18:41,980 de la démonstration d'un abus. 310 00:18:42,180 --> 00:18:45,820 Pourtant, le doute peut naître d'un arrêt récent de la deuxième 311 00:18:46,020 --> 00:18:50,800 chambre civile du 9 décembre 2021, dans lequel la Cour de cassation 312 00:18:51,000 --> 00:18:56,650 semble estimer que la caractéristique de l'état de dépendance va laisser 313 00:18:56,850 --> 00:18:58,090 penser qu'il y a un abus. 314 00:18:59,350 --> 00:19:03,280 Troisième condition nécessaire pour l'application du texte : 315 00:19:03,790 --> 00:19:06,820 il faut qu'il y ait, comme conséquence de cet abus d'un 316 00:19:07,020 --> 00:19:12,250 état de dépendance, extorsion d'un avantage manifestement excessif. 317 00:19:12,450 --> 00:19:17,650 C'est-à-dire que profiter d'un état de dépendance pour en retirer 318 00:19:17,850 --> 00:19:22,000 un avantage au contrat n'est pas en soi condamnable et ne permet 319 00:19:22,200 --> 00:19:25,510 pas de déduire l'existence du vice de violence, et donc d'obtenir 320 00:19:25,710 --> 00:19:26,470 la nullité du contrat. 321 00:19:26,800 --> 00:19:29,530 Il faudra, et l'adverbe qui est utilisé ici est important, 322 00:19:30,010 --> 00:19:33,550 un avantage manifestement excessif, c'est-à-dire qu'on a retiré de 323 00:19:33,750 --> 00:19:37,000 cet état de dépendance quelque chose qu'on n'aurait jamais retiré 324 00:19:37,200 --> 00:19:38,680 dans une négociation équilibrée. 325 00:19:39,880 --> 00:19:45,010 Là encore, c'est l'idée qu'il y a une mesure à respecter en droit 326 00:19:45,210 --> 00:19:45,970 des contrats. 327 00:19:46,170 --> 00:19:49,240 Même si le contrat est un outil pour réaliser de bonnes affaires 328 00:19:49,440 --> 00:19:51,400 et même si, entre entreprises, il y a une compétition, 329 00:19:51,600 --> 00:19:54,750 qu'on peut retirer à un avantage sur un partenaire contractuel, 330 00:19:54,950 --> 00:19:58,180 on ne peut pas non plus, au mépris de toute loyauté — on 331 00:19:59,350 --> 00:20:03,010 retombe ici sur l'idée de bonne foi, sur l'idée de proportionnalité —, 332 00:20:03,280 --> 00:20:08,170 on ne peut pas retirer d'une situation de dépendance un avantage qui serait 333 00:20:08,370 --> 00:20:10,630 manifestement excessif, qui serait manifestement 334 00:20:11,020 --> 00:20:11,890 disproportionné. 335 00:20:12,850 --> 00:20:16,960 Voilà les trois vices du consentement, erreur, dol et violence, 336 00:20:17,160 --> 00:20:21,490 qui sont la première condition qui va être posée par le Code civil 337 00:20:21,690 --> 00:20:23,440 pour la validité du contrat. 338 00:20:23,770 --> 00:20:27,400 Le consentement doit exister et le consentement doit être intègre. 339 00:20:27,700 --> 00:20:31,240 On s'assure ici non seulement de la réalité du consentement, 340 00:20:31,440 --> 00:20:32,650 mais aussi de sa qualité.