1 00:00:05,320 --> 00:00:07,180 Voyons maintenant l'étendue du principe. 2 00:00:08,240 --> 00:00:12,500 De ce principe découlent d'autres principes, comme le principe de 3 00:00:12,700 --> 00:00:16,640 la non-rétroactivité de la loi, plus sévère, que nous verrons au 4 00:00:16,840 --> 00:00:19,640 moment de l'application de la loi dans le temps. 5 00:00:20,980 --> 00:00:25,380 Également, le principe ne s'applique pas seulement en matière législative, 6 00:00:25,640 --> 00:00:28,660 mais on l'a vu, en matière réglementaire et conventionnelle. 7 00:00:28,860 --> 00:00:33,560 Le principe s'applique pour les peines, mais aussi pour les mesures de sûreté. 8 00:00:34,580 --> 00:00:37,680 Le principe s'applique aussi pour les infractions politiques. 9 00:00:38,880 --> 00:00:43,660 Par contre, en matière disciplinaire, il y a un écart par rapport au 10 00:00:43,860 --> 00:00:44,820 principe de légalité criminelle. 11 00:00:46,140 --> 00:00:50,500 L'organe qui exerce le pouvoir disciplinaire peut prononcer des 12 00:00:50,700 --> 00:00:55,440 sanctions pour les manquements à l'honneur, à la profession et 13 00:00:55,640 --> 00:00:59,420 à l'ordre auquel appartient la personne, qu'il soit ou non 14 00:00:59,800 --> 00:01:02,380 expressément consacré par les textes. 15 00:01:04,560 --> 00:01:09,040 Donc, on voit ici qu'il y a une distance en matière disciplinaire 16 00:01:09,240 --> 00:01:13,720 par rapport au principe de légalité criminelle, ce qu'on regrette. 17 00:01:15,980 --> 00:01:20,480 On a vu jusqu'à présent l'application du principe de légalité criminelle 18 00:01:20,680 --> 00:01:24,080 pour les infractions, les incriminations. 19 00:01:24,280 --> 00:01:31,220 Mais ce principe de légalité criminelle s'applique également aux peines. 20 00:01:31,420 --> 00:01:38,000 Donc, il y a cette notion, cette expression de la légalité 21 00:01:38,200 --> 00:01:44,920 criminelle en matière de peines, c'est-à-dire que la peine doit 22 00:01:45,120 --> 00:01:47,420 être prévue par un texte, "nulla poena sine lege". 23 00:01:48,610 --> 00:01:54,460 En dépit des critiques dont le principe de légalité criminelle 24 00:01:54,660 --> 00:01:59,800 a été objet, on peut voir qu'il s'applique aux peines, 25 00:02:00,000 --> 00:02:02,940 mais aussi aux mesures de sûreté. 26 00:02:04,200 --> 00:02:09,640 Donc, l'application du principe de légalité des peines est un 27 00:02:09,840 --> 00:02:14,940 complément au principe de légalité en matière d'infractions. 28 00:02:15,140 --> 00:02:20,320 Il faut le penser comme deux volets du même principe qui sont 29 00:02:20,520 --> 00:02:21,500 complémentaires. 30 00:02:21,820 --> 00:02:26,860 Donc, l'individu ne doit pas seulement savoir l'infraction, 31 00:02:27,380 --> 00:02:33,160 mais il doit savoir avec anticipation la sanction qui est prévue pour 32 00:02:33,360 --> 00:02:34,660 l'acte commis. 33 00:02:35,000 --> 00:02:40,660 Donc, la peine indiquée le renseigne sur la gravité que la société attache 34 00:02:40,860 --> 00:02:47,780 à l'acte et à l'infraction et il mesure les risques qu'il encourt 35 00:02:47,980 --> 00:02:49,740 par rapport à l'acte qu'il pourrait commettre. 36 00:02:49,980 --> 00:02:53,900 Donc, le législateur doit prévoir lui-même une peine déterminée pour 37 00:02:54,100 --> 00:02:54,860 chaque infraction. 38 00:02:56,760 --> 00:03:04,740 Parfois, il laisse au pouvoir exécutif de fixer cette conséquence, 39 00:03:04,940 --> 00:03:05,700 cette sanction. 40 00:03:05,900 --> 00:03:06,660 Pardon. 41 00:03:09,780 --> 00:03:15,040 Parfois, il laisse au pouvoir exécutif le soin de décrire les incriminations, 42 00:03:15,520 --> 00:03:20,480 mais il ne peut pas confier les choix des peines, sauf exception, 43 00:03:20,680 --> 00:03:21,900 en matière de contravention. 44 00:03:23,080 --> 00:03:26,620 Le principe s'applique aux infractions et aux sanctions. 45 00:03:30,480 --> 00:03:34,560 L'exécutif, on l'a vu, peut décrire l'incrimination et 46 00:03:34,760 --> 00:03:39,920 aussi les choix de certaines incriminations, mais le principe 47 00:03:40,120 --> 00:03:44,100 de légalité criminelle est entendu au sens strict. 48 00:03:50,100 --> 00:03:53,800 Un dernier élément dans le principe de légalité criminelle, 49 00:03:54,000 --> 00:03:56,420 c'est la prise en compte de la personnalisation. 50 00:03:56,940 --> 00:04:01,320 Le principe de légalité de la peine, qui indique des peines fixes, 51 00:04:01,520 --> 00:04:05,880 a été assoupli à la suite de l'individualisation de la sanction. 52 00:04:06,440 --> 00:04:10,840 Donc, on voit ici que le juge doit appliquer la peine principale ou 53 00:04:11,040 --> 00:04:14,520 complémentaire, mais ces limites sont assouplies par les modes 54 00:04:14,720 --> 00:04:15,920 d'individualisation de peines. 55 00:04:16,320 --> 00:04:20,380 Ce mode de personnalisation, on le voit par rapport aux 56 00:04:20,580 --> 00:04:23,480 circonstances atténuantes, par rapport au sursis, 57 00:04:23,880 --> 00:04:26,800 par rapport à la substitution et à la dispense de peine. 58 00:04:27,200 --> 00:04:30,900 Donc, le juge ne peut prononcer que les peines attachées à 59 00:04:31,100 --> 00:04:31,860 l'infraction. 60 00:04:33,060 --> 00:04:38,000 Et le principe de légalité face à la personnalisation des peines 61 00:04:38,200 --> 00:04:40,880 comporte quelques éléments. 62 00:04:42,040 --> 00:04:46,320 Certains disent qu'il s'agit d'une atteinte au principe de légalité 63 00:04:46,520 --> 00:04:50,520 criminelle et, de plus en plus, on voit que le juge a une marge 64 00:04:50,720 --> 00:04:54,800 de manœuvre en matière de détermination des peines, qui dispense de peine 65 00:04:55,000 --> 00:04:58,040 ou il va mettre en place un sursis. 66 00:04:58,320 --> 00:05:01,880 Mais on voit bien qu'il n'y a rien de choquant, car la peine est toujours 67 00:05:02,080 --> 00:05:07,180 fixée par la loi et les conditions d'application sont aussi fixées 68 00:05:07,380 --> 00:05:08,140 par la loi. 69 00:05:08,340 --> 00:05:11,480 C'est seulement que le principe de personnalisation de la peine 70 00:05:11,680 --> 00:05:15,960 aide à mieux moduler la peine en fonction de la personnalité de 71 00:05:16,160 --> 00:05:16,920 l'auteur. 72 00:05:18,060 --> 00:05:23,580 De plus, on voit que le juge ne peut aller au-delà d'un plafond 73 00:05:23,780 --> 00:05:26,840 maximal ou changer la peine pour une autre. 74 00:05:27,140 --> 00:05:31,080 Donc, on peut considérer que le principe de légalité des peines 75 00:05:31,280 --> 00:05:34,380 est toujours conservé et respecté. 76 00:05:38,500 --> 00:05:43,200 À côté du principe de légalité criminelle, nous retrouvons d'autres 77 00:05:43,400 --> 00:05:47,380 principes qui gravitent autour de ce principe de légalité criminelle. 78 00:05:47,580 --> 00:05:54,000 Il y a particulièrement le principe des nécessité, qui fut consacré 79 00:05:54,200 --> 00:05:59,500 par Beccaria, auteur qui affirmait : "Tout acte d'autorité d'homme à 80 00:05:59,700 --> 00:06:05,220 homme qui ne dérive pas d'une nécessité absolue est tyrannique." Il s'inscrit 81 00:06:05,420 --> 00:06:09,360 dans la philosophie des Lumières, on l'a vu, et il fonde la légitimité 82 00:06:09,560 --> 00:06:14,840 du droit pénal sur un principe de nécessité qui résulte du lien 83 00:06:15,040 --> 00:06:18,200 établi entre les hommes grâce au contrat social. 84 00:06:19,280 --> 00:06:23,860 L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen 85 00:06:24,060 --> 00:06:29,100 précise que la loi ne doit établir que des peines strictement et 86 00:06:29,300 --> 00:06:30,300 évidemment nécessaires. 87 00:06:30,860 --> 00:06:36,260 Vu ainsi, ce principe de nécessité est une limite à l'action du 88 00:06:36,460 --> 00:06:37,220 législateur. 89 00:06:37,420 --> 00:06:42,760 Le législateur doit réfléchir à la création d'une nouvelle infraction 90 00:06:42,960 --> 00:06:48,860 assortie d'une sanction et se demander si cette infraction et cette sanction 91 00:06:49,060 --> 00:06:52,700 sont nécessaires pour protéger les valeurs sociales. 92 00:06:53,320 --> 00:06:58,700 Ainsi, le droit pénal est vu comme ultima ratio, c'est-à-dire le dernier 93 00:06:58,900 --> 00:06:59,660 recours. 94 00:06:59,860 --> 00:07:04,220 Il doit être utilisé comme la dernière option, car il s'agit d'un droit 95 00:07:04,420 --> 00:07:08,140 qui comporte des limites et des restrictions de liberté individuelle. 96 00:07:08,340 --> 00:07:12,880 Donc, le principe de nécessité permet aussi de guider le législateur 97 00:07:13,080 --> 00:07:16,980 dans la détermination des valeurs sociales protégées. 98 00:07:17,180 --> 00:07:23,380 Il établit les valeurs qui méritent d'être protégées à travers le droit 99 00:07:23,580 --> 00:07:24,340 pénal. 100 00:07:24,540 --> 00:07:29,380 En conclusion, on peut considérer que le principe de nécessité impose 101 00:07:29,580 --> 00:07:33,940 au législateur de faire usage du droit pénal avec beaucoup de 102 00:07:34,140 --> 00:07:34,900 précautions. 103 00:07:35,100 --> 00:07:39,620 Ce principe est tellement important qu'il a valeur constitutionnelle. 104 00:07:39,900 --> 00:07:45,080 Toutefois, le conseil constitutionnel se refuse régulièrement à opérer 105 00:07:45,280 --> 00:07:48,520 un contrôle du principe de nécessité, car il considère que les valeurs 106 00:07:48,720 --> 00:07:51,960 sociales sont affaires des législateurs. 107 00:07:52,320 --> 00:07:55,140 Ainsi, le Conseil constitutionnel ne contrôle que la disproportion 108 00:07:55,340 --> 00:08:00,700 excessive entre l'incrimination et la sanction, c'est-à-dire qu'il 109 00:08:00,900 --> 00:08:06,120 procède par une pondération entre la valeur pénalement protégée et 110 00:08:06,320 --> 00:08:08,400 la sauvegarde de la liberté individuelle. 111 00:08:08,600 --> 00:08:13,280 C'est seulement quand ce rapport est disproportionné qu'il censure 112 00:08:13,480 --> 00:08:15,840 une loi sur le fondement du principe de nécessité. 113 00:08:16,280 --> 00:08:21,540 L'exemple le plus concret, on le retrouve dans une décision 114 00:08:21,740 --> 00:08:26,240 du 19 juin 2020, où le Conseil constitutionnel a censuré les délit 115 00:08:26,440 --> 00:08:30,620 de recel d'apologie du terrorisme sur le fondement du principe de 116 00:08:30,820 --> 00:08:32,160 nécessité des délits et des peines. 117 00:08:37,860 --> 00:08:42,300 Un autre principe qui va apparaître et graviter autour de ce principe 118 00:08:42,500 --> 00:08:45,220 de légalité criminelle, c'est le principe de culpabilité. 119 00:08:45,740 --> 00:08:48,240 C'est-à-dire qu'il n'y a pas de peine sans faute. 120 00:08:48,440 --> 00:08:51,980 Il faut toujours une faute intentionnelle ou, lorsque la loi 121 00:08:52,180 --> 00:08:54,640 le prévoit, une faute non-intentionnelle, selon l'article 122 00:08:54,840 --> 00:08:55,740 121-3. 123 00:08:56,180 --> 00:09:01,180 Il faut dire que la jurisprudence a assoupli l'exigence d'une faute 124 00:09:01,380 --> 00:09:03,600 et elle se contente parfois d'une présomption. 125 00:09:03,880 --> 00:09:11,220 C'est un principe qui nécessite d'être articulé avec le principe 126 00:09:11,420 --> 00:09:15,860 de légalité, mais qu'on verra en profondeur plus tard dans notre cours. 127 00:09:16,260 --> 00:09:19,780 Un autre principe est le principe de personnalité. 128 00:09:20,340 --> 00:09:23,840 C'est un principe très important, notamment pour l'infraction, 129 00:09:24,260 --> 00:09:28,400 c'est-à-dire qu'on va considérer qu'il y a un principe d'imputabilité 130 00:09:28,600 --> 00:09:35,100 personnelle, selon l'article 121-1, et il est aussi important par rapport 131 00:09:35,300 --> 00:09:37,800 à la peine, c'est-à-dire qu'il y a le principe d'individualisation 132 00:09:38,000 --> 00:09:42,800 des peines, qu'on a vu tout à l'heure, qui se constate très clairement 133 00:09:43,000 --> 00:09:44,760 dans l'article 132-1. 134 00:09:45,940 --> 00:09:48,860 Finalement, le principe de personnalité nous indique qu'il n'y a pas de 135 00:09:49,060 --> 00:09:55,500 responsabilité du fait d'autrui, donc la responsabilité est personnelle, 136 00:09:55,700 --> 00:09:59,280 personnelle à la personne qui a commis l'infraction, donc il y 137 00:09:59,480 --> 00:10:03,340 a une imputabilité subjective qui est la condition essentielle de 138 00:10:03,540 --> 00:10:05,240 toute reconnaissance de culpabilité. 139 00:10:05,600 --> 00:10:10,440 Un individu doit avoir compris et voulu l'acte pour retenir sa 140 00:10:10,640 --> 00:10:11,400 culpabilité. 141 00:10:11,600 --> 00:10:15,000 Et en matière de peine, le principe d'individualisation 142 00:10:15,200 --> 00:10:21,760 a été élevé au rang constitutionnel grâce à la décision du 22 juillet 2005. 143 00:10:23,080 --> 00:10:27,480 Finalement, tous ces éléments gravitant autour du principe de légalité 144 00:10:27,680 --> 00:10:33,520 criminelle aident à construire le socle fondamentale du droit pénal. 145 00:10:33,720 --> 00:10:41,580 Et aujourd'hui, en guise de transition vers la section de la source pénale, 146 00:10:41,840 --> 00:10:46,320 nous pouvons dire que le principe de légalité criminelle est en quelque 147 00:10:46,520 --> 00:10:47,960 sorte en train de muter. 148 00:10:48,160 --> 00:10:52,180 Certains auteurs considèrent aujourd'hui que vu les situations, 149 00:10:52,820 --> 00:10:57,800 les éléments qu'on a vus tout à l'heure en matière de principe 150 00:10:58,000 --> 00:11:02,620 de légalité, on est en train d'apporter un nouveau principe qui est le 151 00:11:02,820 --> 00:11:06,640 principe de textualité, c'est-à-dire qu'on considère qu'il 152 00:11:06,840 --> 00:11:11,120 faut un texte préalable, et le texte préalable pourrait 153 00:11:11,320 --> 00:11:18,120 être une loi pénale, mais aussi un texte international 154 00:11:18,320 --> 00:11:19,840 ou un règlement. 155 00:11:20,140 --> 00:11:25,140 Donc, même si aujourd'hui on a 156 00:11:25,340 --> 00:11:30,480 l'impression que le droit pénal est trop concentré sur l'exigence 157 00:11:30,680 --> 00:11:38,600 d'un texte écrit, le juge pénal reste soumis à l'obligation de 158 00:11:38,800 --> 00:11:40,060 se fonder sur ce texte. 159 00:11:40,260 --> 00:11:45,000 Donc, on ne peut pas dire que le principe de légalité criminelle 160 00:11:45,200 --> 00:11:46,060 est en train de s'effacer. 161 00:11:46,480 --> 00:11:51,720 Au contraire, il se manifeste et se matérialise à travers la présence 162 00:11:51,920 --> 00:11:52,780 de ce texte. 163 00:11:53,380 --> 00:11:57,880 Pour comprendre la nature de ces textes qui vont permettre au juge 164 00:11:58,080 --> 00:12:03,040 de fonder ses décisions et pour comprendre toute l'ampleur du principe 165 00:12:03,240 --> 00:12:05,600 de légalité criminelle telle qu'on le voit aujourd'hui, 166 00:12:05,820 --> 00:12:10,580 il faut connaître les sources législatives, les sources de droit 167 00:12:10,780 --> 00:12:11,540 pénal. 168 00:12:11,740 --> 00:12:13,020 C'est ce qu'on verra par la suite.