1 00:00:05,170 --> 00:00:10,210 Chapitre 2 de cette deuxième partie : les normes. 2 00:00:10,410 --> 00:00:13,690 Dans ce chapitre, je vais évoquer le principe de légalité, 3 00:00:14,170 --> 00:00:18,790 qui est une sorte de métanorme, de norme fondamentale selon laquelle 4 00:00:18,990 --> 00:00:21,070 l’administration doit respecter le droit. 5 00:00:22,630 --> 00:00:26,370 Une fois que j’aurais vu avec vous ce principe de légalité, 6 00:00:26,570 --> 00:00:31,850 cette norme suprême en quelque sorte, j’examinerais plus en détail les 7 00:00:32,050 --> 00:00:35,110 normes auxquelles l’administration est soumise, de manière plus 8 00:00:35,310 --> 00:00:36,130 spécifique. 9 00:00:36,430 --> 00:00:39,950 Section 1 : le principe de légalité. 10 00:00:40,450 --> 00:00:41,690 Légalité en un seul mot. 11 00:00:43,450 --> 00:00:49,070 Après avoir présenté le principe, je parlerai de sa sanction et des 12 00:00:49,270 --> 00:00:51,190 aménagements dont il fait l’objet. 13 00:00:51,590 --> 00:00:56,310 Commençons par la présentation du principe de l’égalité dans un 14 00:00:56,510 --> 00:00:59,590 grand 1 qui fera donc l’objet de cette vidéo. 15 00:01:00,870 --> 00:01:04,190 L’administration est constituée par le droit. 16 00:01:04,870 --> 00:01:10,010 Son existence est prévue au sein de la constitution, ce sont les 17 00:01:10,210 --> 00:01:14,810 articles notamment 20 ou 72 dont j’ai déjà parlé dans ce cours. 18 00:01:15,550 --> 00:01:19,330 Les lois et les règlements créent des personnes publiques, 19 00:01:19,530 --> 00:01:23,070 habilitent des organes à prendre des décisions, par exemple des 20 00:01:23,270 --> 00:01:25,230 décisions de police, des règlements de police, 21 00:01:25,550 --> 00:01:30,390 ce que je vous expliquais précédemment, des lois, des règlements, 22 00:01:30,590 --> 00:01:34,210 donnent des pouvoirs à ces organes, leur donnent des ressources, 23 00:01:34,470 --> 00:01:37,510 leur rattachent des services qui agissent en leur nom. 24 00:01:38,350 --> 00:01:46,490 Bref, l’administration découle de la Constitution et elle se constitue 25 00:01:46,690 --> 00:01:50,430 également par les lois et par les règlements qui la régissent, 26 00:01:50,750 --> 00:01:54,290 qui la créent, qui la fondent, qui l’instituent. 27 00:01:54,490 --> 00:01:56,530 L’administration découle du droit. 28 00:01:56,730 --> 00:01:59,370 D’ailleurs, elle produit du droit. 29 00:01:59,930 --> 00:02:03,790 Elle agit fondamentalement dans le droit. 30 00:02:04,470 --> 00:02:08,070 C’est d’ailleurs tout le sens de la hiérarchie des normes, 31 00:02:08,310 --> 00:02:13,890 concept qui a été développé en particulier par Hans Kelsen, 32 00:02:14,550 --> 00:02:16,850 le théoricien autrichien du droit. 33 00:02:17,530 --> 00:02:22,750 Le droit prévoit, c’est le concept de hiérarchie des normes d’Hans Kelsen, 34 00:02:22,950 --> 00:02:27,490 "le droit prévoit lui-même les modalités de sa propre production". 35 00:02:28,590 --> 00:02:34,530 Les normes supérieures déterminent les formes qui doivent être suivies 36 00:02:34,730 --> 00:02:39,270 pour produire de nouvelles normes, normes qui seront considérées comme, 37 00:02:39,470 --> 00:02:40,810 entre guillemets, inférieures. 38 00:02:41,310 --> 00:02:46,550 La Constitution établit une procédure législative, la procédure législative 39 00:02:46,750 --> 00:02:50,890 institue l’administration, complète les normes constitutionnelles 40 00:02:51,090 --> 00:02:53,890 sur l’administration, donne des pouvoirs à l’administration 41 00:02:54,090 --> 00:02:56,290 pour assurer l’exécution de la loi. 42 00:02:56,650 --> 00:03:01,450 L’administration agit donc dans le cadre qui est fixé par la loi 43 00:03:01,650 --> 00:03:05,770 et ainsi de suite, le droit se produit lui-même. 44 00:03:05,970 --> 00:03:09,450 C’est absolument fondamental, ce principe de hiérarchie des normes, 45 00:03:09,670 --> 00:03:14,630 le droit se crée en respectant des formes qui sont prescrites 46 00:03:14,830 --> 00:03:15,770 par le droit. 47 00:03:16,430 --> 00:03:20,850 C’est un peu déjà le principe de légalité concernant l’administration. 48 00:03:21,330 --> 00:03:24,810 Le principe de légalité a plusieurs dimensions. 49 00:03:25,510 --> 00:03:28,190 D’abord l’administration, j’ai déjà commencé à le dire, 50 00:03:28,390 --> 00:03:29,530 doit respecter le droit. 51 00:03:30,010 --> 00:03:33,930 Chaque organe administratif a une compétence, il intervient dans 52 00:03:34,130 --> 00:03:37,130 le cadre de cette compétence et seulement dans le cadre de cette 53 00:03:37,330 --> 00:03:38,090 compétence. 54 00:03:38,390 --> 00:03:43,130 Il respecte les procédures qui sont fixées par le législateur. 55 00:03:44,210 --> 00:03:48,090 L’administration respecte le contenu des lois au-delà des simples 56 00:03:48,290 --> 00:03:49,050 formalités. 57 00:03:49,250 --> 00:03:52,170 Elle respecte l’administration, le contenu des lois. 58 00:03:52,430 --> 00:03:56,530 Elle respecte elle-même les règles qu’elle crée. 59 00:03:57,790 --> 00:04:02,790 C’est un adage latin : Tu patere legem quam ipse fecisti, 60 00:04:04,090 --> 00:04:07,630 respecte toi-même la règle que tu as fixée. 61 00:04:07,830 --> 00:04:12,770 L’administration produit du droit et respecte le droit qu’elle produit, 62 00:04:12,970 --> 00:04:15,330 en assure l’application concrète. 63 00:04:15,850 --> 00:04:19,950 Une remarque importante à faire, le principe de légalité, 64 00:04:20,250 --> 00:04:24,390 contrairement à ce que son nom indique, n’impose pas seulement le respect 65 00:04:24,590 --> 00:04:25,970 des lois. 66 00:04:26,210 --> 00:04:29,490 Légalité, en réalité, ne signifie pas seulement la loi, 67 00:04:29,930 --> 00:04:33,150 la loi au sens formel, c’est-à-dire la loi telle qu’elle 68 00:04:33,350 --> 00:04:34,710 est définie par la Constitution. 69 00:04:35,830 --> 00:04:40,930 L’administration doit respecter la loi au sens de normes, 70 00:04:41,310 --> 00:04:45,310 dans un sens général, la loi en quelque sorte avec un grand L. 71 00:04:46,450 --> 00:04:50,830 L’administration respecte non seulement la loi, mais aussi la Constitution, 72 00:04:51,410 --> 00:04:55,070 le droit international, le droit européen, les normes qui 73 00:04:55,270 --> 00:05:00,070 sont aussi inférieures à la loi, principes jurisprudentiels fixés 74 00:05:00,270 --> 00:05:05,390 par le Conseil d’État, décrets qui ont été pris par le 75 00:05:05,590 --> 00:05:08,830 Premier ministre, arrêtés qui ont été pris par un ministre selon 76 00:05:09,030 --> 00:05:09,790 un principe hiérarchique. 77 00:05:09,990 --> 00:05:15,230 Bref, le principe de légalité n’implique pas seulement le respect 78 00:05:15,430 --> 00:05:19,930 de la loi qui est adoptée selon les formalités prescrites par la 79 00:05:20,130 --> 00:05:24,050 Constitution et dans le cadre de l’article 34, etc. 80 00:05:24,510 --> 00:05:27,590 La loi a un sens, dans le principe de légalité, un sens plus général. 81 00:05:29,900 --> 00:05:33,660 Ça, c’était le premier élément sur lequel je voulais insister, 82 00:05:33,860 --> 00:05:35,600 l’administration doit respecter le droit. 83 00:05:35,800 --> 00:05:42,940 L’administration doit aussi s’assurer en interne qu’elle respecte 84 00:05:43,140 --> 00:05:45,660 effectivement le droit, c’est-à-dire que le principe de 85 00:05:45,860 --> 00:05:48,360 l’égalité implique non seulement que l’administration doit respecter 86 00:05:48,560 --> 00:05:52,780 le droit, mais qu’il existe concrètement des procédures internes 87 00:05:52,980 --> 00:05:58,480 à l’administration qui lui permettent à elle de se soumettre au droit, 88 00:05:59,320 --> 00:06:02,620 de vérifier si elle n’a pas commis des illégalités. 89 00:06:02,820 --> 00:06:07,320 Il existe des contrôles au sein de l’administration, des contrôles 90 00:06:07,520 --> 00:06:10,580 administratifs, notamment des contrôles hiérarchiques. 91 00:06:10,780 --> 00:06:14,060 Il existe aussi un contrôle de légalité dont j’ai déjà parlé, 92 00:06:14,260 --> 00:06:20,360 qui est exercé par les organes de l’État sur les collectivités 93 00:06:20,560 --> 00:06:21,320 territoriales. 94 00:06:21,520 --> 00:06:23,560 Vous vous souvenez du déféré préfectoral notamment. 95 00:06:24,240 --> 00:06:26,780 L’administration doit s’assurer en interne du respect du droit, 96 00:06:27,160 --> 00:06:29,280 mais cela évidemment ne suffit pas. 97 00:06:29,480 --> 00:06:35,840 Il faut aussi qu’il existe des procédures externes de contrôle, 98 00:06:36,260 --> 00:06:42,100 des procédures qui font intervenir un organe qui est indépendant de 99 00:06:42,300 --> 00:06:46,120 l’administration, un organe qui est impartial vis-à-vis de 100 00:06:46,320 --> 00:06:47,080 l’administration. 101 00:06:47,280 --> 00:06:51,700 Cet organe, nous en avons déjà parlé, il s’agit du juge administratif. 102 00:06:51,900 --> 00:06:56,400 L’administration doit se soumettre au droit, elle doit avoir des 103 00:06:56,600 --> 00:07:00,580 procédures internes qui lui permettent de respecter le droit. 104 00:07:01,080 --> 00:07:06,860 Enfin, il doit exister des procédures qui mettent en jeu l’intervention 105 00:07:07,060 --> 00:07:10,800 d’une personne indépendante et impartiale, c’est-à-dire un juge. 106 00:07:11,140 --> 00:07:17,120 Voilà ce que signifie principe de légalité, principe de légalité 107 00:07:17,320 --> 00:07:22,080 qui est la manifestation de l’État de droit en droit administratif. 108 00:07:23,140 --> 00:07:28,060 Le principe de légalité est très ancien, mais je dois parler d’un 109 00:07:28,260 --> 00:07:32,200 arrêt fondamental, l’un des plus importants du droit administratif, 110 00:07:32,560 --> 00:07:35,480 l’un des plus importants de la jurisprudence du Conseil d’État, 111 00:07:35,680 --> 00:07:40,420 un arrêt tout à fait fondamental qui a rappelé avec force le principe 112 00:07:40,620 --> 00:07:45,120 de légalité dans un contexte très particulier dont je vais parler 113 00:07:45,320 --> 00:07:46,080 maintenant. 114 00:07:46,280 --> 00:07:51,120 C’est un arrêt du Conseil d’État du 17 février 1950, ministre de 115 00:07:51,320 --> 00:07:57,480 l’Agriculture contre dame Lamotte ou plus simplement dit dame Lamotte. 116 00:07:58,220 --> 00:08:05,240 En l’espèce, une loi du gouvernement Vichy, adoptée le 27 août 1940, 117 00:08:06,000 --> 00:08:12,140 fixe un régime pour ce que l’on appelle les terres incultes ou 118 00:08:12,340 --> 00:08:17,140 abandonnées, c’est-à-dire des terres qui ne sont pas exploitées par 119 00:08:17,340 --> 00:08:18,100 des agriculteurs. 120 00:08:18,880 --> 00:08:24,680 Ces terres doivent être répertoriées et elles doivent être concédées 121 00:08:25,420 --> 00:08:30,860 de manière autoritaire à des personnes qui mettront ces terres en culture, 122 00:08:32,380 --> 00:08:36,240 identification des terres incultes ou abandonnées et concession de 123 00:08:36,440 --> 00:08:40,620 ces terres à des personnes qui voudront bien les exploiter en 124 00:08:40,820 --> 00:08:44,440 y mettant des cultures. 125 00:08:45,720 --> 00:08:50,280 Une loi postérieure de février 1942 définit les conditions pour 126 00:08:50,480 --> 00:08:53,820 que des terres soient classées comme incultes ou abandonnées, 127 00:08:54,040 --> 00:08:57,880 en particulier le critère est celui de deux ans sans occupation. 128 00:08:58,920 --> 00:09:02,900 Un terrain qui est resté pendant deux ans sans occupation est un 129 00:09:03,100 --> 00:09:06,460 terrain inculte ou abandonné et dans ce cas-là, l’État, 130 00:09:06,880 --> 00:09:11,240 le préfet en particulier, peut retirer la terre à son 131 00:09:11,440 --> 00:09:15,580 propriétaire pour la confier à une personne qui la mettra en culture. 132 00:09:15,780 --> 00:09:18,860 C’est ce qui est arrivé à la dame Lamotte. 133 00:09:19,660 --> 00:09:24,040 Son terrain est concédé par le préfet de l’Ain au sieur Testa. 134 00:09:24,920 --> 00:09:30,060 La propriétaire conteste la décision du préfet devant le Conseil d’État 135 00:09:30,260 --> 00:09:33,940 qui annule une première fois cette décision en 1942, cette décision 136 00:09:34,140 --> 00:09:36,820 ne respectait pas les conditions fixées par la loi. 137 00:09:39,240 --> 00:09:40,580 L’affaire se prolonge. 138 00:09:40,980 --> 00:09:44,980 Plusieurs annulations sont prononcées par plusieurs juges dans cette 139 00:09:45,180 --> 00:09:51,420 affaire et le régime de Vichy fait voter une nouvelle loi en 1943, 140 00:09:51,620 --> 00:09:56,420 loi qui supprime tout droit à contestation des arrêtés préfectoraux 141 00:09:56,620 --> 00:10:00,720 qui classent des terres comme incultes ou abandonnées. 142 00:10:01,040 --> 00:10:04,340 La dame Lamotte ne pouvait donc plus faire de recours alors même 143 00:10:04,540 --> 00:10:06,420 qu’elle avait obtenu plusieurs annulations. 144 00:10:06,740 --> 00:10:11,820 Le juge annulait les décisions de concession des terrains au sieur 145 00:10:12,020 --> 00:10:16,080 Testa, l’administration reprenait la même décision. 146 00:10:17,700 --> 00:10:22,500 L’affaire devait se terminer en 1943 lorsque le législateur dit 147 00:10:22,700 --> 00:10:28,160 bien qu’aucun recours ne peut être fait contre une décision qui concède 148 00:10:28,360 --> 00:10:32,260 un terrain en tant que terrain inculte ou abandonné. 149 00:10:33,280 --> 00:10:38,000 Le préfet de l’Ain reprend une énième fois la même décision qui 150 00:10:38,200 --> 00:10:39,880 concède le terrain au sieur Testa. 151 00:10:40,980 --> 00:10:46,260 Alors même que la loi de 1943 interdit tout recours, la dame Lamotte refait 152 00:10:46,460 --> 00:10:48,460 un recours devant le Conseil de préfecture. 153 00:10:49,320 --> 00:10:52,960 Le Conseil de préfecture annule une nouvelle fois la décision du 154 00:10:53,160 --> 00:10:58,860 préfet de l’Ain, l’État se pourvoit en cassation et le Conseil d’État 155 00:10:59,060 --> 00:11:04,780 rend sa décision célèbre dame Lamotte en 1950. 156 00:11:06,880 --> 00:11:11,480 Dans sa décision, le Conseil d’État décide que la dame Lamotte, 157 00:11:11,680 --> 00:11:16,560 malgré la loi de 1943, avait le droit de contester l’arrêté 158 00:11:16,760 --> 00:11:17,720 du préfet de l’Ain. 159 00:11:18,080 --> 00:11:21,600 Le Conseil d’État a donc en quelque sorte choisi de ne pas respecter 160 00:11:21,800 --> 00:11:23,100 la loi de 1943. 161 00:11:23,780 --> 00:11:28,960 Je cite le Conseil d’État : "Cette loi de 1943 n’a pas exclu 162 00:11:29,160 --> 00:11:32,900 le recours pour excès de pouvoir contre l’acte de concession, 163 00:11:33,100 --> 00:11:38,220 recours qui est ouvert même sans texte contre tout acte administratif 164 00:11:38,420 --> 00:11:42,340 et qui a pour effet d’assurer, conformément aux principes généraux 165 00:11:42,540 --> 00:11:45,820 du droit, le respect de la légalité". 166 00:11:46,380 --> 00:11:49,160 C’est donc un considérant extrêmement important. 167 00:11:49,600 --> 00:11:53,160 Le Conseil d’État décide qu’il y a un droit au recours, 168 00:11:53,400 --> 00:11:56,740 en particulier au recours pour excès de pouvoir, je vous définirai 169 00:11:56,940 --> 00:11:59,220 ce recours juste après, il s’agit d’un recours en annulation 170 00:11:59,420 --> 00:12:00,640 des actes de l’administration. 171 00:12:02,640 --> 00:12:09,100 En dépit d’un texte qui interdisait tout recours, le législateur n’a 172 00:12:09,300 --> 00:12:12,240 pas entendu supprimer le recours pour excès de pouvoir, 173 00:12:12,800 --> 00:12:17,200 recours qui est indispensable pour assurer, je cite à nouveau le Conseil 174 00:12:17,400 --> 00:12:21,240 d’État, "conformément aux principes généraux du droit, le respect de 175 00:12:21,440 --> 00:12:22,200 la légalité". 176 00:12:22,400 --> 00:12:25,200 C’est une manifestation, cet arrêt, du principe de légalité. 177 00:12:26,820 --> 00:12:32,120 On peut lire aussi sur cet arrêt les conclusions du commissaire 178 00:12:32,320 --> 00:12:35,740 du gouvernement de l’époque, Jean Delvolvé, qui parlait du principe 179 00:12:35,940 --> 00:12:39,700 de légalité comme d’un principe, je cite, "si général qu’aucun texte 180 00:12:39,900 --> 00:12:40,920 réglementaire n’y échappe". 181 00:12:41,720 --> 00:12:43,800 Il poursuivait, Jean Delvolvé, de la manière suivante : 182 00:12:44,000 --> 00:12:48,900 "Le principe de légalité constitue la garantie essentielle des citoyens 183 00:12:49,100 --> 00:12:50,560 et de la cité. 184 00:12:50,800 --> 00:12:55,180 Il s’impose au législateur lui-même parce qu’une loi qui le méconnaîtrait 185 00:12:55,380 --> 00:12:58,460 contiendrait en elle-même un principe de contradiction". 186 00:12:58,920 --> 00:13:00,600 On comprend ici, Jean Delvolvé. 187 00:13:00,920 --> 00:13:05,280 Une loi qui dispose qu’aucun recours ne peut être fait contre un acte 188 00:13:05,480 --> 00:13:08,760 de l’administration signifie que l’administration peut la violer, 189 00:13:08,960 --> 00:13:12,140 ce qui est contraire au caractère même obligatoire de la loi. 190 00:13:12,340 --> 00:13:16,440 S’il y a une loi, c’est pour que l’administration et pour que tout 191 00:13:16,640 --> 00:13:19,100 le monde la respecte, mais en particulier l’administration. 192 00:13:19,400 --> 00:13:25,780 Si une loi interdit tout recours, cela signifie qu’elle permet sa 193 00:13:25,980 --> 00:13:28,100 propre violation, ce qui est une contradiction. 194 00:13:29,680 --> 00:13:32,660 L’arrêt dame Lamotte est absolument essentiel, je vous le disais, 195 00:13:32,860 --> 00:13:35,540 il crée un principe général du droit, je reviendrai sur cette notion 196 00:13:35,740 --> 00:13:40,340 plus tard, un principe général du droit et fait prévaloir ce principe 197 00:13:40,540 --> 00:13:41,980 général du droit sur une loi. 198 00:13:43,020 --> 00:13:47,760 Mais il faut signaler tout de même que cette loi de 1943 était un 199 00:13:47,960 --> 00:13:52,300 peu particulière, c’était une loi adoptée par le régime de Vichy. 200 00:13:53,480 --> 00:13:59,460 Les lois du régime de Vichy avaient un statut particulier dans les 201 00:13:59,660 --> 00:14:00,420 années 50. 202 00:14:00,640 --> 00:14:05,420 En effet, en 1944, une ordonnance est adoptée par le gouvernement 203 00:14:05,620 --> 00:14:09,420 provisoire qui rétablit la légalité républicaine. 204 00:14:09,640 --> 00:14:15,540 C’est une ordonnance qui a une valeur de loi absolument fondamentale, 205 00:14:15,840 --> 00:14:21,440 puisqu’elle rétablit la légalité républicaine, notamment elle déclasse 206 00:14:22,280 --> 00:14:29,020 les lois qui ont été votées durant le régime de Vichy. 207 00:14:29,580 --> 00:14:34,960 Toutes les lois votées par Vichy qui sont contraires au principe 208 00:14:35,160 --> 00:14:42,200 de liberté et d’égalité sont de simples actes administratifs qui 209 00:14:42,400 --> 00:14:45,320 peuvent être contrôlés directement par le juge administratif, 210 00:14:45,520 --> 00:14:49,000 alors qu’en principe, le juge administratif applique la loi, 211 00:14:49,200 --> 00:14:52,780 il ne contrôle pas la loi, il ne fait que l’appliquer. 212 00:14:54,020 --> 00:14:58,560 Une loi qui interdit, comme c’était le cas dans l’affaire 213 00:14:58,760 --> 00:15:02,960 dame Lamotte, une loi qui interdit de contester une catégorie d’actes 214 00:15:03,160 --> 00:15:07,500 administratifs devant le juge est une loi qui est contraire au principe 215 00:15:07,700 --> 00:15:08,460 d’égalité. 216 00:15:09,080 --> 00:15:12,600 Elle n’est donc, parce qu’elle a été adoptée durant Vichy, 217 00:15:12,860 --> 00:15:17,040 elle n’est donc pas vraiment une loi, elle n’est qu’un acte administratif 218 00:15:17,240 --> 00:15:19,960 qui peut lui-même faire l’objet d’un contrôle. 219 00:15:20,300 --> 00:15:24,160 Et ici, c’est ce qu’a fait le Conseil d’État, il a fait prévaloir un 220 00:15:24,360 --> 00:15:29,260 principe général du droit, celui du droit au recours conformément 221 00:15:29,460 --> 00:15:30,780 au principe de légalité. 222 00:15:32,140 --> 00:15:38,900 Il a fait prévaloir ce principe sur une loi adoptée par le régime 223 00:15:39,100 --> 00:15:43,960 de Vichy, tout cela pour affermir le principe de légalité.