1 00:00:05,600 --> 00:00:06,360 Bonjour. 2 00:00:06,760 --> 00:00:10,500 Après, une sorte de panorama assez brossé à gros trait, 3 00:00:11,460 --> 00:00:14,240 de la manière dont le droit international évoluait pour faire 4 00:00:14,440 --> 00:00:18,440 face à des phénomènes d'évasion de fraude fiscale, voyons un peu 5 00:00:18,640 --> 00:00:22,060 plus précisément certains dispositifs, alors sans rentrer dans les détails, 6 00:00:22,260 --> 00:00:26,480 mais une sorte de catalogue, je crois, mérite d'être proposé 7 00:00:26,680 --> 00:00:32,060 de la manière dont la France vise, enfin entend prévenir les différentes 8 00:00:32,260 --> 00:00:33,180 formes d'évasion fiscale. 9 00:00:33,380 --> 00:00:37,460 C'est donc un second paragraphe qui va nous conduire d'abord à 10 00:00:37,660 --> 00:00:41,620 parler brièvement de la question de la délocalisation des domiciles 11 00:00:41,820 --> 00:00:45,380 fiscaux d'une entreprise ou d'un particulier, et après, 12 00:00:45,580 --> 00:00:48,400 plus dans le détail, de la délocalisation de bénéfices 13 00:00:48,600 --> 00:00:50,460 ou de revenus. 14 00:00:50,760 --> 00:00:53,320 Alors, s'agissant, A, de la délocalisation de domicile 15 00:00:53,520 --> 00:00:58,240 fiscal, en réalité, il apparaît que les États sont relativement 16 00:00:58,440 --> 00:01:01,980 démunis, en tout cas un État comme la France, pour lequel il est difficile 17 00:01:02,180 --> 00:01:05,280 d'interdire, en quelque sorte, à ses ressortissants, 18 00:01:05,480 --> 00:01:08,160 donc les personnes physiques, de quitter la France pour s'installer 19 00:01:08,360 --> 00:01:09,120 ailleurs. 20 00:01:09,400 --> 00:01:12,300 Et de même avec les entreprises, ce n'est pas simple non plus, 21 00:01:12,600 --> 00:01:15,380 sauf à fermer les frontières, mais dans une logique évidemment 22 00:01:15,580 --> 00:01:20,260 assez antinomique avec les principes politiques et philosophiques sur 23 00:01:20,460 --> 00:01:23,300 lesquels repose notre État. 24 00:01:23,820 --> 00:01:27,740 Néanmoins, il est possible de trouver un certain de mesure. 25 00:01:29,080 --> 00:01:33,120 Alors, il y a une possibilité, et c'est celle que les États-Unis 26 00:01:33,320 --> 00:01:36,300 ont adoptée depuis extrêmement longtemps, mais c'est le seul pays 27 00:01:36,500 --> 00:01:39,080 dans le monde avec l'Érythrée, je crois, qui pratique de la sorte, 28 00:01:39,460 --> 00:01:42,660 il se trouve que les États-Unis considèrent que la citoyenneté, 29 00:01:42,860 --> 00:01:47,680 donc la nationalité concrètement, est un facteur de rattachement 30 00:01:47,880 --> 00:01:51,340 au territoire des États-Unis et donc un facteur, ou plus exactement, 31 00:01:51,540 --> 00:01:55,620 un critère de résidence fiscale, et donc les États-Unis réclament, 32 00:01:56,000 --> 00:01:58,900 de la part de l'ensemble de leurs ressortissants habitant partout 33 00:01:59,100 --> 00:02:00,850 dans le monde, que chaque année, ils déclarent leurs revenus, 34 00:02:01,050 --> 00:02:04,680 alors en général, une convention fiscale bilatérale évite une double 35 00:02:04,880 --> 00:02:08,900 imposition, mais en l'absence d'une convention fiscale, et s'agissant 36 00:02:09,100 --> 00:02:11,620 d'un certain nombre d'impôts qui ne sont pas concernés par la convention 37 00:02:11,820 --> 00:02:15,820 fiscale, des personnes nées aux États-Unis et donc ayant la citoyenneté 38 00:02:16,020 --> 00:02:18,480 des États-Unis et n'ayant plus jamais remis les pieds là-bas, 39 00:02:18,840 --> 00:02:21,080 sont censées continuer de payer leurs impôts, pour une part, 40 00:02:21,280 --> 00:02:22,380 en tout cas aux États-Unis. 41 00:02:22,580 --> 00:02:24,880 Alors, ce n'est pas comme ça que la France et l'immense majorité, 42 00:02:25,080 --> 00:02:29,500 donc des pays du monde, considèrent la taxation, 43 00:02:30,060 --> 00:02:33,460 estimant que sont résidents ceux qui, pour l'essentiel, habitent sur place, 44 00:02:33,660 --> 00:02:36,780 ont des intérêts familiaux, économiques, sur les territoires, 45 00:02:37,040 --> 00:02:39,700 qui justifie philosophiquement, en quelque sorte, de leur faire 46 00:02:39,900 --> 00:02:41,640 payer des impôts localement. 47 00:02:41,840 --> 00:02:46,680 Mais donc, à partir du moment où une personne de nationalité française, 48 00:02:46,880 --> 00:02:50,820 ou pas d'ailleurs, décide de quitter le territoire français pour vivre 49 00:02:51,020 --> 00:02:54,880 ailleurs avec toute sa famille, et l'essentiel de son activité 50 00:02:55,080 --> 00:02:57,680 économique, a priori, la France estime qu'elle n'a plus 51 00:02:57,880 --> 00:03:02,220 de justification de taxer la personne en question et donc, 52 00:03:02,420 --> 00:03:07,120 au bout du compte, il n'y a pas de possibilité de lutter contre 53 00:03:07,320 --> 00:03:11,220 cette forme de délocalisation d'un domicile fiscal, d'une résidence 54 00:03:11,420 --> 00:03:14,500 fiscale, même si elle peut être assimilée par la presse, 55 00:03:14,700 --> 00:03:17,600 par les médias, à une forme d'évasion fiscale. 56 00:03:18,200 --> 00:03:21,380 On entend souvent cette expression maniée lorsque l'on apprend que 57 00:03:21,580 --> 00:03:25,220 tel ou tel joueur de tennis, par exemple, a décidé de s'installer 58 00:03:25,420 --> 00:03:26,280 en Suisse. 59 00:03:26,480 --> 00:03:27,240 Mais c'est ainsi. 60 00:03:27,880 --> 00:03:33,340 Alors, il y a néanmoins une possibilité principale de limiter les effets 61 00:03:33,540 --> 00:03:37,520 de ce genre de départ, ou plutôt de dissuader les départs 62 00:03:37,720 --> 00:03:40,540 qui seraient motivés exclusivement par des raisons fiscales, 63 00:03:40,900 --> 00:03:45,520 dans l'hypothèse où la personne qui souhaite quitter le territoire, 64 00:03:46,360 --> 00:03:49,880 dispose d'un portefeuille d'actions extrêmement important et qu'on 65 00:03:50,080 --> 00:03:53,000 peut supposer, c'est notamment le cas de chef d'entreprise, 66 00:03:53,200 --> 00:03:57,000 qui aurait monté une petite entreprise qui ne valait rien au moment d'être 67 00:03:57,200 --> 00:04:02,420 montée et qui, justement, voit sa valeur accroître 68 00:04:02,620 --> 00:04:05,120 considérablement, au point que le chef d'entreprise souhaiterait 69 00:04:05,320 --> 00:04:08,460 se séparer de son entreprise, vendre ses titres et donc réaliser 70 00:04:08,660 --> 00:04:11,880 une plus-value parfois considérable et pourrait être tenté donc de 71 00:04:12,080 --> 00:04:14,780 quitter la France pour éviter la taxation, alors, aujourd'hui, 72 00:04:14,980 --> 00:04:17,660 globalement, à hauteur de 30 % sur les plus-values de session 73 00:04:17,860 --> 00:04:20,380 de titres d'entreprise, et donc pourrait vouloir quitter la France, 74 00:04:20,580 --> 00:04:22,700 pour aller dans un certain nombre d'États où ce type de plus-values 75 00:04:22,900 --> 00:04:25,320 sont moins voire pas taxées du tout, ça arrive. 76 00:04:25,960 --> 00:04:27,860 La Belgique, notamment, est assez connue pour cela, 77 00:04:28,060 --> 00:04:30,900 pour taxer beaucoup moins les plus-values de session de titres 78 00:04:31,100 --> 00:04:32,180 d'entreprise. 79 00:04:32,720 --> 00:04:34,960 Dans cette hypothèse, en France, notamment, 80 00:04:35,440 --> 00:04:38,940 depuis 2011, la loi de finance rectificative de juillet 2011, 81 00:04:39,440 --> 00:04:43,160 un mécanisme dit d'exit tax, qui est inscrit à l'article 167 82 00:04:43,360 --> 00:04:46,960 bis du Code général des impôts, permet de dissuader ce genre de départ, 83 00:04:47,700 --> 00:04:50,960 non pas qu'il soit interdit de quitter la France avec son entreprise, 84 00:04:51,320 --> 00:04:55,880 mais il y a un mécanisme, alors, qui a été assoupli et qui, 85 00:04:56,080 --> 00:04:59,620 au bout du compte, finalement n'a pas vocation à être utilisé tant que ça, 86 00:04:59,820 --> 00:05:03,400 mais qui conduit potentiellement à ce que la plus-value latente, 87 00:05:03,600 --> 00:05:06,760 c'est-à-dire la valeur des titres et la plus-value donc sous-jacente, 88 00:05:06,960 --> 00:05:11,640 au moment du passage de frontière, puisse être taxée finalement en France, 89 00:05:12,160 --> 00:05:16,880 si la personne, finalement, part à l'étranger pour quelques 90 00:05:17,080 --> 00:05:19,640 années puis revient en France, ce qui suggère que le départ à 91 00:05:19,840 --> 00:05:22,680 l'étranger n'était motivé que par le souci de réaliser la plus-value 92 00:05:22,880 --> 00:05:25,020 à l'étranger, et donc, dans ce type de configuration, 93 00:05:26,040 --> 00:05:30,980 il est possible de taxer en France, en fait, la part de la plus-value 94 00:05:31,180 --> 00:05:34,820 liée à la présence de la personne en question sur le territoire français, 95 00:05:35,180 --> 00:05:37,880 même si, et c'est ça le point important, au moment où la frontière 96 00:05:38,080 --> 00:05:40,380 est passée, la plus-value n'est pas vraiment réalisée, 97 00:05:40,580 --> 00:05:42,420 c'est-à-dire que les titres n'ont pas encore été vendus et ne le 98 00:05:42,620 --> 00:05:46,340 sont qu'ultérieurement, néanmoins, il y a cette possibilité de taxer 99 00:05:46,540 --> 00:05:49,600 cette plus-value latente, ce qui est une manière, 100 00:05:49,800 --> 00:05:52,820 encore une fois, de dissuader les départs à l'étranger, 101 00:05:53,020 --> 00:05:55,420 juste pour éviter un impôt sur les plus-values, même si, 102 00:05:55,620 --> 00:06:00,000 en réalité, et c'est un des éléments qui étaient au cœur des dispositions 103 00:06:00,200 --> 00:06:03,280 fiscales adoptées par le Parlement à la suite de l'élection d'Emmanuel 104 00:06:03,480 --> 00:06:07,210 Macron en 2017, le niveau de taxation de ce type de plus-value donc a 105 00:06:07,410 --> 00:06:10,370 baissé pour être dans une sorte de moyenne plutôt haute mais de 106 00:06:10,570 --> 00:06:16,280 moyenne européenne, pour considérer que dorénavant, les motivations 107 00:06:16,480 --> 00:06:21,180 fiscales devraient être moins évidentes chez ceux qui décident de quitter 108 00:06:21,380 --> 00:06:26,060 le territoire pour s'installer en Belgique, Hong Kong ou que sais-je, 109 00:06:26,720 --> 00:06:30,560 y compris parmi les chefs d'entreprises disposant d'un titre d'action, 110 00:06:31,000 --> 00:06:33,320 un portefeuille de titres importants. 111 00:06:34,660 --> 00:06:38,760 Alors, s'agissant, et je termine d'un mot, s'agissant des entreprises, 112 00:06:38,960 --> 00:06:42,520 alors, outre un mécanisme équivalent, mais à l'échelle européenne, 113 00:06:43,680 --> 00:06:49,060 qui est présent depuis une directive ATAD, il est à noter qu'il est 114 00:06:49,260 --> 00:06:52,040 beaucoup plus complexe pour une entreprise de délocaliser son siège, 115 00:06:52,260 --> 00:06:55,700 pour des raisons essentiellement juridiques, mais qu'en réalité, 116 00:06:56,300 --> 00:06:57,920 ça n'est pas véritablement le sujet. 117 00:06:58,440 --> 00:07:01,200 Alors, sauf dans certains États, et ça a été le cas aux États-Unis 118 00:07:01,400 --> 00:07:08,640 notamment, où sous la période Obama, certains sièges sociaux déménageaient, 119 00:07:08,980 --> 00:07:14,120 justement pour éviter la taxation aux États-Unis de profits, 120 00:07:14,380 --> 00:07:18,440 ça n'est pas un phénomène véritablement important en Europe, 121 00:07:18,860 --> 00:07:22,920 indépendamment donc de ce mécanisme d'exit tax, tout simplement, 122 00:07:23,200 --> 00:07:26,540 en fait, parce qu'il est apparu longtemps beaucoup plus simple 123 00:07:26,740 --> 00:07:30,440 que plutôt que de délocaliser son siège lorsqu'on est une entreprise 124 00:07:30,640 --> 00:07:33,880 française, par exemple, de délocaliser certains profits 125 00:07:34,080 --> 00:07:42,840 réalisés potentiellement par le siège, en les localisant auprès de filiales 126 00:07:43,040 --> 00:07:45,460 installées à l'étranger dans des États où le niveau de taxation 127 00:07:45,660 --> 00:07:46,420 est moindre. 128 00:07:46,620 --> 00:07:50,480 Et c'est la raison pour laquelle, transition, le vrai sujet aujourd'hui 129 00:07:50,680 --> 00:07:54,520 depuis plusieurs années est celui de la délocalisation de bénéfices, 130 00:07:54,720 --> 00:07:56,880 c'est l'expression pour les entreprises, ou de revenus, 131 00:07:57,160 --> 00:08:01,620 pour les particuliers, avec pour la peine des armes juridiques 132 00:08:01,820 --> 00:08:05,060 appropriées, et notamment en droit français, pour certaines, 133 00:08:05,440 --> 00:08:07,360 elles sont très anciennes, pour d'autres, elles sont issues 134 00:08:07,560 --> 00:08:10,280 des travaux de l'OCDE ou de l'Union européenne. 135 00:08:11,100 --> 00:08:15,180 Évoquons les principales de ces armes brièvement maintenant. 136 00:08:15,960 --> 00:08:19,360 Alors s'agissant, donc c'est un B sur la délocalisation des bénéfices, 137 00:08:19,560 --> 00:08:23,620 des revenus, s'agissant d'abord des entreprises, je vais un peu 138 00:08:23,820 --> 00:08:27,320 me répéter, vous me pardonnerez, mais pour l'essentiel, 139 00:08:27,700 --> 00:08:29,900 c'est les règles relatives aux prix de transfert. 140 00:08:30,420 --> 00:08:33,000 Les règles relatives aux prix de transfert qui visent justement 141 00:08:33,200 --> 00:08:38,340 à normaliser les flux qui sont versés par une entreprise française 142 00:08:38,540 --> 00:08:42,180 à ses filiales ou ses succursales installées à l'étranger, 143 00:08:42,540 --> 00:08:48,320 pour essayer de prévenir justement des surpaiements, notamment vers 144 00:08:48,520 --> 00:08:50,700 des entités installées dans des États où le niveau de taxation 145 00:08:50,900 --> 00:08:54,740 est moindre qu'il n'est en France, et donc c'est à ça que servent 146 00:08:54,940 --> 00:08:57,490 les règles relatives aux prix de transfert qu'on a déjà étudiées. 147 00:08:58,260 --> 00:09:02,180 Alors ces règles, on les trouve dans les stipulations des traités 148 00:09:02,380 --> 00:09:04,240 signés par la France qui permettent à l'administration française, 149 00:09:04,440 --> 00:09:09,340 le cas échéant, de contester certaines surfacturations éventuelles d'une 150 00:09:09,540 --> 00:09:12,120 entreprise française vers une de ces entités installées à l'étranger. 151 00:09:12,460 --> 00:09:15,640 Et c'est aussi une disposition de droit national qui s'applique 152 00:09:15,840 --> 00:09:19,300 concurremment aux dispositions, aux stipulations des traités, 153 00:09:19,960 --> 00:09:24,280 c'est l'article 57 du Code général des impôts, on l'a déjà évoqué 154 00:09:24,480 --> 00:09:28,820 précédemment, l'article 57 qui permet encore à l'administration, 155 00:09:29,080 --> 00:09:33,260 lorsqu'elle considère qu'un paiement vers l'étranger est anormalement élevé, 156 00:09:33,640 --> 00:09:37,180 de réintégrer dans la base taxable en France ce paiement. 157 00:09:37,380 --> 00:09:40,360 Donc on l'a dit, c'est une logique extrêmement proche de celle d'acte 158 00:09:40,560 --> 00:09:44,420 anormal de gestion, la différence tient aux exigences de preuves. 159 00:09:45,060 --> 00:09:48,760 En gros, il est plutôt plus facile pour l'administration de prouver 160 00:09:48,960 --> 00:09:52,100 un transfert anormal de bénéfice sur le fondement de l'article 57 161 00:09:52,300 --> 00:09:58,060 du CGI plutôt que sur le fondement 162 00:09:58,260 --> 00:10:02,200 de la notion d'acte anormal de gestion puisque dès lors que le 163 00:10:02,400 --> 00:10:05,680 prix apparaît anormalement élevé, la charge de la preuve est renversée 164 00:10:05,880 --> 00:10:09,820 en quelque sorte et donc l'arme fonctionne assez bien encore une 165 00:10:10,020 --> 00:10:12,740 fois sur cette question des prix de transfert. 166 00:10:12,980 --> 00:10:16,480 Outre les prix de transfert, deuxième exemple, c'est la question 167 00:10:16,680 --> 00:10:20,260 des relations avec certains États particuliers qu'on qualifie volontiers 168 00:10:20,460 --> 00:10:22,580 de paradis fiscaux mais qui trouvent des définitions un peu plus précises 169 00:10:22,780 --> 00:10:23,540 dans la loi française. 170 00:10:24,080 --> 00:10:27,320 L'idée là encore, c'est que certains flux qui partent, ou qui viennent 171 00:10:27,520 --> 00:10:31,640 d'ailleurs, mais plutôt qui partent vers des États dits à fiscalité 172 00:10:31,840 --> 00:10:36,420 privilégiée, c'est l'expression employée par la loi française, 173 00:10:37,120 --> 00:10:40,400 vont faire l'objet d'une attention toute particulière de l'administration. 174 00:10:41,580 --> 00:10:45,960 Alors les quelques dispositifs les plus connus qui méritent d'être 175 00:10:46,160 --> 00:10:48,780 évoqués sont d'abord, peut-être le plus important, 176 00:10:48,980 --> 00:10:58,020 l'article 238 A du Code général des impôts, qui vise, 177 00:10:58,220 --> 00:11:01,160 et l'expression est employée par cet article, donc je viens de le dire, 178 00:11:01,520 --> 00:11:05,620 les États dits à fiscalité privilégiée, ce sont les États dans lesquels 179 00:11:05,820 --> 00:11:10,480 le niveau de taxation d'une opération donnée d'un flux donné est à l'origine 180 00:11:10,680 --> 00:11:14,100 inférieur de moitié à ce qu'il serait en France et le texte a 181 00:11:14,300 --> 00:11:17,620 évolué légèrement pour considérer aujourd'hui que si le niveau de 182 00:11:17,820 --> 00:11:23,720 taxation est de 40 % moindre que celui qui serait prélevé en France, 183 00:11:24,260 --> 00:11:28,460 l'État pour l'opération en question est considéré comme un État à fiscalité 184 00:11:28,660 --> 00:11:34,600 privilégiée, ce qui pour simplifier, va imposer à l'entreprise concernée 185 00:11:34,800 --> 00:11:38,960 de justifier tout spécifiquement la signification du flux, 186 00:11:39,160 --> 00:11:43,360 et donc c'est une sorte d'exigence de preuve, quasiment de renversement 187 00:11:43,560 --> 00:11:48,540 de la charge de la preuve qui va donc être fondée sur une présomption 188 00:11:48,740 --> 00:11:52,600 d'anormalité ou d'étrangeté d'un flux partant vers un tel État, 189 00:11:52,860 --> 00:11:57,480 donc il est possible évidemment qu'une entreprise vienne payer 190 00:11:57,680 --> 00:12:00,720 sa filiale qui est installée dans un État, alors encore une fois, 191 00:12:00,920 --> 00:12:02,700 ce n'est pas un État où on ne paie rien du tout mais un État où on 192 00:12:02,900 --> 00:12:05,700 paye 40 % de moins de ce qu'on paye en France, ça veut dire en 193 00:12:05,900 --> 00:12:09,960 fait un taux d'impôt sur les sociétés de l'ordre de 13-14 %, 194 00:12:10,160 --> 00:12:15,080 là où il est de 25 % en France, ce qui n'est pas si rare que ça, 195 00:12:15,300 --> 00:12:17,500 et donc tous les flux qui partent vers ces États où le niveau de 196 00:12:17,700 --> 00:12:23,580 taxation donc est de l'ordre de 13 % environ, il y a une obligation, 197 00:12:23,780 --> 00:12:29,560 de 16 % même d'ailleurs, de justification donc de ces flux. 198 00:12:29,920 --> 00:12:36,040 C'est l'article 238 A en lien avec le 238-0 A qui est juste en dessous, 199 00:12:36,240 --> 00:12:40,480 qui vise, lui un cas particulier de paradis fiscaux, les plus évidents 200 00:12:40,680 --> 00:12:44,800 si je puis dire, ce sont les ETNC, États et territoires non coopératifs. 201 00:12:45,080 --> 00:12:47,840 Alors là, c'est une qualification donc là encore du droit français 202 00:12:48,040 --> 00:12:51,060 qui renvoie à une liste établie régulièrement par le pouvoir 203 00:12:51,260 --> 00:12:54,220 réglementaire sur la base d'un certain nombre de critères posés 204 00:12:54,420 --> 00:12:56,820 par la loi, États et territoires non coopératifs comme leur nom 205 00:12:57,020 --> 00:13:00,820 l'indique, ce sont des États qui ne jouent pas le jeu de la coopération 206 00:13:01,020 --> 00:13:04,880 avec les autres administrations fiscales, en réalité ce sont les 207 00:13:05,080 --> 00:13:08,040 États donc dans lesquels il y a un niveau de secret bancaire commercial 208 00:13:08,240 --> 00:13:14,120 financier élevé qui refuse donc de coopérer avec leurs homologues 209 00:13:14,320 --> 00:13:17,560 et c'est ce défaut de coopération donc qui permet à la France d'établir 210 00:13:17,760 --> 00:13:22,260 une liste, concurremment d'ailleurs à une autre liste établie par l'Union 211 00:13:22,460 --> 00:13:25,840 européenne, enfin par la Commission européenne, avec, à l'heure où 212 00:13:26,040 --> 00:13:28,320 je vous parle, entre, cela varie d'une année sur l'autre 213 00:13:28,520 --> 00:13:32,040 mais c'est en fait entre 10 et 15 États, pour l'essentiel des toutes petites 214 00:13:32,240 --> 00:13:38,160 places financières encore une fois avec peu d'importance sur le point 215 00:13:38,360 --> 00:13:40,240 économique, alors certaines sont un peu plus importantes, 216 00:13:40,440 --> 00:13:42,620 c'est le cas de Panama qui a été intégré puis ressorti, 217 00:13:42,820 --> 00:13:47,340 qui a été réintégré à cette dite liste noire des États non coopératifs 218 00:13:47,540 --> 00:13:50,860 avec un centre financier qui est relativement significatif mais 219 00:13:51,060 --> 00:13:53,980 pour le reste, ce sont souvent des toutes petites îles du Pacifique 220 00:13:54,180 --> 00:13:57,340 d'ailleurs ou de l'Océan Atlantique qui sont dans cette liste et là 221 00:13:57,540 --> 00:14:03,200 pour la peine, le droit français exige qu'un flux qui part vers 222 00:14:03,400 --> 00:14:07,120 un de ces États et territoires non coopératifs soit tout 223 00:14:07,320 --> 00:14:09,960 particulièrement documenté avec une exigence encore plus importante 224 00:14:10,160 --> 00:14:14,180 de documentation et sinon un niveau de taxation du flux extrêmement 225 00:14:14,380 --> 00:14:16,580 alourdi et donc extrêmement dissuasif. 226 00:14:16,780 --> 00:14:20,780 Alors il y a plusieurs modalités de surtaxation dudit flux dont 227 00:14:20,980 --> 00:14:23,380 je n'entre pas dans les détails, c'est relativement complexe, 228 00:14:23,580 --> 00:14:28,040 mais en tout cas, gardons en tête que les paradis fiscaux donc sont 229 00:14:28,240 --> 00:14:32,300 pris en compte aussi grâce à cette obligation de justification des flux, 230 00:14:32,500 --> 00:14:37,400 en particulier donc vers ceux qui depuis 2010 sont qualifiés d'ETNC, 231 00:14:37,840 --> 00:14:39,700 la disposition date de 2010. 232 00:14:40,580 --> 00:14:44,600 Troisième exemple que j'ai brièvement peut-être un peu implicitement 233 00:14:44,800 --> 00:14:49,200 évoqué à travers ce qu'on a déjà vu, ce sont, ou peut-être pas d'ailleurs, 234 00:14:49,400 --> 00:14:52,140 peu importe mais c'est l'article 209 B du Code général des rapports 235 00:14:52,340 --> 00:14:56,860 qui concerne les sociétés contrôlées par une société française donc 236 00:14:57,060 --> 00:14:58,960 les sociétés implantées à l'étranger mais contrôlées par une société 237 00:14:59,160 --> 00:15:03,240 française, on parle de CFC de Controlled Foreign Companies et 238 00:15:03,440 --> 00:15:10,780 donc ces CFC peuvent avoir affaire avec des règles particulières et 239 00:15:10,980 --> 00:15:13,980 on retombe dans une logique proche de celle qu'on a déjà évoquée, 240 00:15:14,180 --> 00:15:20,200 il s'agit finalement pour la France de regarder de près les flux partants 241 00:15:20,400 --> 00:15:24,600 vers des filiales en particulier implantées dans des États à fiscalité 242 00:15:24,800 --> 00:15:28,120 privilégiée donc c'est en lien avec l'article 238 A que cet article 243 00:15:28,320 --> 00:15:32,780 209 A trouve à être mis en œuvre et il se trouve que, 244 00:15:32,980 --> 00:15:37,200 à l'image de ce qui a été généralisé par le pilier 2 de l'OCDE, 245 00:15:37,700 --> 00:15:41,280 il est possible sur le fondement de cet article 209 B d'imposer 246 00:15:41,480 --> 00:15:46,880 en France un certain nombre de profits qui apparaîtraient délocalisés 247 00:15:47,080 --> 00:15:50,940 à l'étranger via donc des flux servis à une société contrôlée 248 00:15:51,140 --> 00:15:54,300 par une société française donc une filiale étrangère d'une société 249 00:15:54,500 --> 00:15:59,980 française, et là, encore en l'absence de justification de la réalité 250 00:16:00,180 --> 00:16:05,080 économique de ce flux donc du paiement versé à la filiale, il est possible 251 00:16:05,280 --> 00:16:11,220 d'imposer en France l'intégralité dudit profit ainsi délocalisé. 252 00:16:11,420 --> 00:16:16,960 Enfin, je cite pour terminer l'article 155 A du Code général des impôts, 253 00:16:17,160 --> 00:16:20,240 l'article 155 A, c'est celui qui vise un certain nombre de schémas 254 00:16:20,440 --> 00:16:25,420 plus amusants que réalisés en pratique dans la vraie vie, si je puis dire 255 00:16:25,620 --> 00:16:32,060 même si ça existe, c'est une manière de taxer en France un certain nombre 256 00:16:32,260 --> 00:16:36,000 de flux intéressant des contribuables français mais versés à des sociétés 257 00:16:36,200 --> 00:16:38,880 étrangères, en réalité, ce qui est en cause ici, 258 00:16:39,080 --> 00:16:41,450 c'est le schéma qu'on avait vu, vous vous en souvenez peut-être, 259 00:16:41,650 --> 00:16:45,400 avec l'actrice Romy Schneider, qui se faisait rémunérer pour ses 260 00:16:45,600 --> 00:16:49,640 prestations dans des films en faisant verser ses cachets à une société 261 00:16:49,840 --> 00:16:52,420 étrangère qui ensuite lui reversait les sommes en question, 262 00:16:52,620 --> 00:16:55,920 et donc l'idée, c'est que pour éviter que la société étrangère 263 00:16:56,120 --> 00:17:00,120 oublie en quelque sorte de payer ce qui doit l'être et avec évidemment 264 00:17:00,320 --> 00:17:04,800 un risque de fraude, et de retour en France de manière 265 00:17:05,000 --> 00:17:07,920 dissimulée des sommes en question, il y a la possibilité sur le fondement 266 00:17:08,120 --> 00:17:12,260 de cet article 155 A du CGI de taxer en France ces flux au moment 267 00:17:12,460 --> 00:17:15,800 où ils sont versés donc non pas directement aux contribuables mais 268 00:17:16,000 --> 00:17:19,560 à la société interposée et installée à l'étranger une taxation immédiate 269 00:17:19,760 --> 00:17:24,400 de ces flux, ce qu'admet donc la loi et la jurisprudence, 270 00:17:24,600 --> 00:17:29,720 alors tant du Conseil d'État que du Conseil constitutionnel sur 271 00:17:29,920 --> 00:17:31,820 le fondement des droits constitutionnels, alors il se trouve 272 00:17:32,020 --> 00:17:35,850 qu'en 2011, c'est une décision du 21 janvier 2011, le Conseil 273 00:17:36,050 --> 00:17:39,530 constitutionnel a estimé que cette possibilité était conforme à la 274 00:17:39,730 --> 00:17:44,030 constitution sous réserve que, une fois que l'argent revient en 275 00:17:44,230 --> 00:17:48,410 France, il n'y a pas de phénomène de double imposition de ce flux, 276 00:17:48,610 --> 00:17:52,370 ça, c'est l'exigence constitutionnelle, et puis l'exigence qui relève tant 277 00:17:52,570 --> 00:17:54,310 du droit de l'Union européenne que du droit européen des droits 278 00:17:54,510 --> 00:17:58,650 de l'homme d'ailleurs, qu'a eu l'occasion de manifester 279 00:17:58,850 --> 00:18:02,670 le Conseil d'État dans une série d'arrêts entre 2008 et 2013, 280 00:18:02,870 --> 00:18:09,470 c'est alors l'idée selon laquelle cet article 155 A est possible, 281 00:18:10,170 --> 00:18:13,010 sa mise en œuvre est possible lorsqu'en réalité, il apparaît que la société 282 00:18:13,210 --> 00:18:15,010 implantée à l'étranger, notamment en Europe, 283 00:18:15,210 --> 00:18:20,310 a une activité qui relève de 284 00:18:20,510 --> 00:18:26,790 l'artificialité et c'est notamment un arrêt Piazza du 20 mars 2013 285 00:18:26,990 --> 00:18:31,530 qui est venu donc suggérer qu'en cas de réalité de l'activité de 286 00:18:31,730 --> 00:18:33,990 la société implantée en Europe, il n'était pas possible de mettre 287 00:18:34,190 --> 00:18:39,690 en place, de mettre en œuvre cet article 155 A et en revanche, 288 00:18:39,890 --> 00:18:42,490 il reste possible de mettre cet article dans un certain nombre 289 00:18:42,690 --> 00:18:44,910 de cas particuliers avec des sociétés le plus souvent établies en dehors 290 00:18:45,110 --> 00:18:46,850 de l'union européenne, c'est ce qu'avait illustré un arrêt 291 00:18:47,050 --> 00:18:51,110 Aznavour de 2008 concernant, vous l'imaginez, le chanteur pour 292 00:18:51,310 --> 00:18:54,230 des cachets justement versés à l'étranger. 293 00:18:54,430 --> 00:18:57,950 Enfin tout dernier point, nous l'avons déjà vu donc je n'en 294 00:18:58,150 --> 00:19:02,610 dis rien, mais ce sont les différents dispositifs anti abus de l'article 295 00:19:02,810 --> 00:19:03,570 évidemment L.  296 00:19:03,770 --> 00:19:04,530 64 mais aussi L. 297 00:19:04,730 --> 00:19:09,570 64 A, 205 A donc les mini abus de droit et qui permettent de lutter 298 00:19:09,770 --> 00:19:13,270 contre certaines pratiques particulièrement problématiques 299 00:19:13,470 --> 00:19:18,250 et on peut penser aussi au dispositif dit anti hybride qui vise les cas 300 00:19:18,450 --> 00:19:23,070 de contrats qui en réalité profitent de l'implantation de filiales dans 301 00:19:23,270 --> 00:19:28,130 deux États qui considèrent de manière différente un seul et même produit 302 00:19:28,330 --> 00:19:32,070 financier pour que dans un État, il soit possible de considérer 303 00:19:32,270 --> 00:19:34,650 qu'au produit financier est attaché le versement d'un certain nombre 304 00:19:34,850 --> 00:19:37,270 d'intérêts qui sont déductibles tandis que dans l'autre État, 305 00:19:37,470 --> 00:19:40,590 ce même flux financier n'est pas compris de la même manière, 306 00:19:40,790 --> 00:19:45,510 est compris comme un flux de dividendes par exemple qui ne trouvera pas 307 00:19:45,710 --> 00:19:47,930 à être inclus dans la base taxable de l'autre entité. 308 00:19:48,130 --> 00:19:51,510 Donc l'idée en gros des hybrides, c'est de jouer sur ces différences 309 00:19:51,710 --> 00:19:56,050 de législation entre deux États pour que les deux filiales d'un 310 00:19:56,250 --> 00:20:00,290 même groupe de sociétés réalise un flux financier, une transaction 311 00:20:00,490 --> 00:20:04,150 qui dans un État conduira à payer moins d'impôts car il y aura la 312 00:20:04,350 --> 00:20:06,530 déductibilité d'un certain nombre d'intérêts tandis que dans l'autre 313 00:20:06,730 --> 00:20:08,930 État, il n'y a pas d'inclusion dans la base taxable et donc à 314 00:20:09,130 --> 00:20:12,430 l'échelle mondiale, ces mécanismes permettent juste de réduire la 315 00:20:12,630 --> 00:20:16,290 base taxable du groupe sans aucune réalité économique parce que la 316 00:20:16,490 --> 00:20:19,690 transaction est en réalité purement financière mais n'a aucune réalité 317 00:20:19,890 --> 00:20:21,730 autre, il y a une forme d'artificialité évidente. 318 00:20:21,930 --> 00:20:24,860 Alors cette pratique a été très courante au sein d'un certain nombre 319 00:20:25,060 --> 00:20:27,410 de très grands groupes d'entreprises, il se trouve qu'aujourd'hui, 320 00:20:27,830 --> 00:20:30,710 des armes sont proposées par le droit national et c'est le cas 321 00:20:30,910 --> 00:20:34,470 notamment du droit français avec l'article 205 B du Code général 322 00:20:34,670 --> 00:20:38,710 des impôts qui permet tout simplement de refuser la déduction en France 323 00:20:38,910 --> 00:20:42,350 de flux qui ne seraient pas ensuite inclus dans la base taxable de 324 00:20:42,550 --> 00:20:46,650 l'entité recevant le flux à l'étranger, c'est une des armes que l'OCDE 325 00:20:46,850 --> 00:20:51,110 a tenté de développer à travers le projet BEPS que j'ai déjà évoqué.