1 00:00:05,400 --> 00:00:06,160 Bonjour. 2 00:00:07,640 --> 00:00:10,140 Revenons sur les conditions d'opposabilité à l'administration 3 00:00:10,340 --> 00:00:13,300 de sa propre doctrine en envisageant maintenant, et ce sera beaucoup 4 00:00:13,500 --> 00:00:15,880 plus rapide que ce qu'on a vu précédemment, les conditions qui 5 00:00:16,080 --> 00:00:17,840 tiennent au demandeur, en tout cas au requérant, 6 00:00:18,040 --> 00:00:21,440 au contribuable, bref, celui qui souhaite opposer à 7 00:00:21,640 --> 00:00:23,020 l'administration sa doctrine. 8 00:00:23,580 --> 00:00:27,280 Alors trois points méritent d'être envisagés. 9 00:00:27,480 --> 00:00:29,920 Le premier est assurément le plus important. 10 00:00:30,360 --> 00:00:34,000 Il tient au fait que, selon le Conseil d'État, 11 00:00:35,360 --> 00:00:41,360 le contribuable doit se livrer à une interprétation stricte de 12 00:00:41,560 --> 00:00:42,880 l'interprétation administrative. 13 00:00:43,640 --> 00:00:47,960 En gros, et c'est une formule qu'emploie la doctrine et parfois 14 00:00:48,160 --> 00:00:50,060 les membres du Conseil d'État, mais pas le juge en tant que tel, 15 00:00:50,520 --> 00:00:54,860 l'idée est que les instructions administratives ou les prises de 16 00:00:55,060 --> 00:00:57,820 position générales de l'administration, ne doivent pas elles-mêmes donner 17 00:00:58,020 --> 00:00:59,140 lieu à des interprétations. 18 00:00:59,500 --> 00:01:03,560 Soit le contribuable est exactement dans la situation envisagée, 19 00:01:04,120 --> 00:01:07,300 soit il ne peut pas bénéficier des prévisions de la doctrine. 20 00:01:07,740 --> 00:01:12,520 Autrement dit, il n'est pas possible pour un contribuable de tirer la 21 00:01:12,720 --> 00:01:16,700 doctrine vers sa situation en interprétant, par exemple, 22 00:01:17,140 --> 00:01:20,260 par analogie un certain nombre d'exemples proposés par la doctrine, 23 00:01:20,460 --> 00:01:22,380 en disant « je ne suis pas exactement dans ce cas de figure, 24 00:01:22,580 --> 00:01:26,020 mais c'est très proche, donc je tire à moi la doctrine ». 25 00:01:26,580 --> 00:01:29,560 Le Conseil d'État refuse ce genre d'extension finalement du champ 26 00:01:29,760 --> 00:01:32,760 d'application, de même qu'une interprétation a contrario d'une 27 00:01:32,960 --> 00:01:35,820 doctrine, suggérant que ces personnes ne sont pas concernées, 28 00:01:36,020 --> 00:01:37,820 « ah ben moi je ne suis pas ces personnes, donc je suis concerné ». 29 00:01:38,080 --> 00:01:39,600 Tout cela n'est pas possible. 30 00:01:39,940 --> 00:01:43,860 C'est donc, dit généralement le Conseil d'État, une lecture ou 31 00:01:44,060 --> 00:01:48,000 une interprétation stricte de la doctrine qui doit être réalisée. 32 00:01:48,780 --> 00:01:52,720 Cette approche a été confirmée par un arrêt sur lequel on reviendra, 33 00:01:52,920 --> 00:01:56,280 qui est un arrêt important parce qu'il porte sur un cas particulier, 34 00:01:57,480 --> 00:02:00,720 qu'on verra dans le détail, qui tient à la question de savoir 35 00:02:00,920 --> 00:02:04,200 si l'on peut reprocher un abus de droit à un contribuable qui 36 00:02:04,400 --> 00:02:06,500 s'est fié fidèlement aux prévisions de la doctrine. 37 00:02:06,840 --> 00:02:09,680 C'est un arrêt Charbit de 2020 dont on parlera, qui est un arrêt 38 00:02:09,880 --> 00:02:12,960 d'assemblée du 28 octobre 2020. 39 00:02:14,860 --> 00:02:20,540 Et donc cette décision Charbit est venue rappeler que par principe, 40 00:02:20,740 --> 00:02:23,100 en réalité, l'idée, c'était que la doctrine administrative, 41 00:02:24,080 --> 00:02:27,740 encore une fois, n'avait pas d'esprit, qu'elle n'avait pas à être interprétée, 42 00:02:27,940 --> 00:02:31,480 qu'il ne revenait pas donc au contribuable à s'interroger sur 43 00:02:31,680 --> 00:02:34,700 les intentions poursuivies par l'administration lorsqu'elle avait 44 00:02:34,900 --> 00:02:35,660 produit sa doctrine. 45 00:02:36,000 --> 00:02:38,500 De même qu'à l'inverse, l'administration ne pouvait pas 46 00:02:38,700 --> 00:02:41,460 potentiellement reprocher à un contribuable de s'être fié à la 47 00:02:41,660 --> 00:02:45,000 lettre de la doctrine tout en ayant violé l'esprit. 48 00:02:45,320 --> 00:02:50,920 Donc cette idée, alors, est en réalité un peu contestable 49 00:02:51,120 --> 00:02:57,360 dans le sens où il est extrêmement difficile de considérer que certains 50 00:02:57,560 --> 00:02:59,900 textes s'interprètent et d'autres ne s'interprètent pas, 51 00:03:00,420 --> 00:03:04,580 que la notion d'interprétation stricte est évidente à appréhender, 52 00:03:04,780 --> 00:03:06,540 ce qui n'est assurément pas le cas. 53 00:03:06,780 --> 00:03:09,100 Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a toujours, 54 00:03:09,300 --> 00:03:13,260 forcément, une dose d'interprétation dans le simple fait de lire un 55 00:03:13,460 --> 00:03:17,020 texte et donc de considérer que certains textes ne s'interprèteraient 56 00:03:17,220 --> 00:03:20,840 pas et devraient s'appliquer strictement, ça reste une position 57 00:03:21,040 --> 00:03:24,700 assez théorique mais qui dans la pratique ne tient guère, 58 00:03:24,900 --> 00:03:25,900 en tout cas selon moi. 59 00:03:27,120 --> 00:03:30,720 Mais l'état d'esprit pour la peine du juge, c'est bien en tout cas 60 00:03:30,920 --> 00:03:34,160 et retenons simplement cette idée qui dans la pratique pour la peine 61 00:03:34,360 --> 00:03:37,820 trouve à s'appliquer assez aisément, l'idée selon laquelle soit le 62 00:03:38,020 --> 00:03:41,460 contribuable est exactement dans la situation visée, soit il ne 63 00:03:41,660 --> 00:03:44,240 peut pas bénéficier de cette doctrine. 64 00:03:44,740 --> 00:03:47,280 Donc, seule une interprétation, encore une fois littérale, 65 00:03:47,480 --> 00:03:49,540 qualifions-la de cette manière ou stricte de la doctrine, 66 00:03:50,100 --> 00:03:51,580 est envisageable. 67 00:03:53,340 --> 00:03:56,240 Deuxième élément, alors c'est assez évident mais ça mérite d'être appelé, 68 00:03:57,200 --> 00:04:00,940 seule la doctrine en vigueur au moment où le contribuable, 69 00:04:01,140 --> 00:04:04,780 alors en général remplit sa déclaration, en tout cas réalise 70 00:04:04,980 --> 00:04:09,180 l'acte qui donne lieu finalement à l'imposition et qui serait ensuite 71 00:04:09,380 --> 00:04:12,360 contesté par l'administration, seule cette doctrine est opposable, 72 00:04:12,560 --> 00:04:14,760 c'est-à-dire que je ne peux pas revendiquer l'application d'une 73 00:04:14,960 --> 00:04:18,380 doctrine favorable qui a été publiée par exemple postérieurement au 74 00:04:18,580 --> 00:04:19,340 jour de ma déclaration. 75 00:04:19,540 --> 00:04:23,240 L'idée, c'est que je me suis conformé aux instructions ou en tout cas 76 00:04:23,440 --> 00:04:26,000 aux indications de la doctrine au jour où je devais le faire. 77 00:04:26,440 --> 00:04:31,960 Donc il n'y a pas d'application rétroactive d'une doctrine qui 78 00:04:32,160 --> 00:04:35,820 serait plus favorable après coup, ça semble évident et c'est la lettre 79 00:04:36,020 --> 00:04:37,400 même, pour la peine, de l'article L. 80 00:04:37,600 --> 00:04:38,820 80 qui le suggère. 81 00:04:39,160 --> 00:04:42,180 Enfin, dernier élément qui est très important, c'est la question 82 00:04:42,380 --> 00:04:43,560 de la bonne foi du contribuable. 83 00:04:43,760 --> 00:04:46,360 Alors vous vous souvenez peut-être mais la référence à la bonne foi 84 00:04:46,560 --> 00:04:51,840 est expressément présente au premier alinéa de l'article L. 85 00:04:52,040 --> 00:04:55,940 80  et donc la manière dont cette référence doit être comprise et 86 00:04:56,140 --> 00:05:00,680 c'est un point important, est que parce que c'est uniquement 87 00:05:00,880 --> 00:05:01,640 au premier alinéa qu'apparaît la notion de bonne foi, 88 00:05:01,840 --> 00:05:06,620 et pas au troisième alinéa, qui je le rappelle, se réfère aux 89 00:05:06,820 --> 00:05:10,800 instructions et circulaires publiées, l'idée, c'est que lorsqu'un 90 00:05:11,000 --> 00:05:15,000 contribuable donc sur le fondement du troisième alinéa entend invoquer 91 00:05:15,200 --> 00:05:19,180 une instruction publiée, l'exigence de bonne foi n'est pas 92 00:05:19,380 --> 00:05:20,140 présente. 93 00:05:20,340 --> 00:05:24,380 Donc un contribuable parfaitement de mauvaise foi s'étant débrouillé 94 00:05:24,580 --> 00:05:29,160 pour invoquer une doctrine en rentrant dans ses prévisions d'une manière 95 00:05:29,360 --> 00:05:34,100 qui peut sembler relativement cavalière, bref la question de 96 00:05:34,300 --> 00:05:35,840 la bonne foi n'est pas interrogée. 97 00:05:36,040 --> 00:05:38,580 Alors là encore, nous reviendrons sur cette notion lorsque nous parlerons 98 00:05:38,780 --> 00:05:40,960 de la notion d'abus de droit un peu plus tard et nous reviendrons 99 00:05:41,160 --> 00:05:43,840 sur l'arrêt Charbit que je viens d'évoquer puisque la question justement 100 00:05:44,040 --> 00:05:46,940 s'est posée,  de savoir si un contribuable un peu filou, 101 00:05:47,140 --> 00:05:49,940 entrant encore une fois dans les prévisions d'une doctrine dont 102 00:05:50,140 --> 00:05:52,520 il savait qu'elle n'avait pas vocation à le concerner en réalité, 103 00:05:53,300 --> 00:05:55,560 est-ce que ce contribuable de mauvaise foi peut néanmoins revendiquer 104 00:05:55,760 --> 00:05:56,820 l'application d'une doctrine publiée ? 105 00:05:57,020 --> 00:05:59,240 Eh bien la réponse est oui, la question de sa bonne foi ne 106 00:05:59,440 --> 00:06:01,280 se pose pas si l'instruction est publiée. 107 00:06:01,480 --> 00:06:06,240 En revanche, première alinéa, pour les cas dans lesquels la doctrine 108 00:06:06,440 --> 00:06:09,920 n'est pas publiée, concrètement il s'agit des cas de rescrit. 109 00:06:10,600 --> 00:06:13,440 Là pour la peine, la bonne foi du contribuable est requise. 110 00:06:13,640 --> 00:06:15,440 Alors qu'est-ce que ça signifie concrètement ? 111 00:06:15,640 --> 00:06:19,880 Ça signifie d'après le juge que derrière la notion de bonne foi, 112 00:06:20,080 --> 00:06:25,060 c'est en réalité la manière dont le contribuable a présenté sa situation 113 00:06:25,260 --> 00:06:28,980 personnelle à l'administration qui permet d'attester sa bonne foi. 114 00:06:29,180 --> 00:06:32,640 Et donc ce que ça signifie finalement concrètement, c'est que si un 115 00:06:32,840 --> 00:06:35,880 contribuable ne présente qu'une partie de sa situation finalement, 116 00:06:36,080 --> 00:06:39,420 obtient un rescrit qui lui est favorable, ensuite il ne pourra 117 00:06:39,620 --> 00:06:43,060 pas s'abriter derrière ce rescrit opposé à l'administration s'il 118 00:06:43,260 --> 00:06:45,120 s'avère que justement, il n'a pas présenté complètement 119 00:06:45,320 --> 00:06:48,700 la situation, il a occulté un certain nombre de points et donc qu'il 120 00:06:48,900 --> 00:06:54,020 a un peu finalement tenté d'abuser l'administration, l'administration 121 00:06:54,220 --> 00:06:56,800 puis le juge le cas échéant pourront considérer que ce contribuable 122 00:06:57,000 --> 00:07:00,660 n'était pas de bonne foi et donc ne pourra pas bénéficier de 123 00:07:00,860 --> 00:07:03,440 l'opposabilité de ce rescrit pourtant favorable. 124 00:07:04,660 --> 00:07:07,620 Mais sauf ce cas particulier en réalité donc, la référence à la 125 00:07:07,820 --> 00:07:11,870 bonne foi n'est pas centrale du tout dans l'application de l'article L. 126 00:07:12,070 --> 00:07:15,700 80 A, c'est uniquement pour le cas, encore une fois, des rescrits. 127 00:07:17,480 --> 00:07:20,100 Voilà donc pour les conditions d'opposabilité de la doctrine, 128 00:07:20,300 --> 00:07:23,420 on le voit, elles sont relativement strictes, alors je n'ai pas cité 129 00:07:23,620 --> 00:07:25,680 les arrêts à chaque fois car il y en a beaucoup mais il n'y a pas 130 00:07:25,880 --> 00:07:29,320 véritablement de grand arrêt sur ces différentes conditions qui 131 00:07:29,520 --> 00:07:32,540 en réalité sont inscrites dans le texte même pour l'essentiel 132 00:07:32,740 --> 00:07:33,500 de l'article. 133 00:07:34,640 --> 00:07:37,380 Voyons maintenant mais brièvement un point alors peut-être un peu 134 00:07:37,580 --> 00:07:40,720 plus théorique et c'est pour ça que je ne veux pas m'y appesantir, 135 00:07:41,260 --> 00:07:44,650 qui est la question de savoir jusqu'à quel point finalement cet article L. 136 00:07:44,850 --> 00:07:47,940 80 A ne soulève pas des difficultés au regard de la hiérarchie des normes. 137 00:07:48,140 --> 00:07:51,180 Et c'est vrai qu'un certain nombre d'auteurs et pour des raisons tout 138 00:07:51,380 --> 00:07:54,360 à fait compréhensibles, s'étonnent, s'inquiètent, 139 00:07:54,560 --> 00:07:58,320 ont pu contester finalement la constitutionnalité même de cet 140 00:07:58,520 --> 00:07:59,280 article L. 141 00:07:59,480 --> 00:08:02,400 80 a dont disons quelques mots sur ce point, B, donc des conséquences 142 00:08:02,600 --> 00:08:03,360 de l'article L. 143 00:08:03,560 --> 00:08:04,380 80 A sur la hiérarchie des normes. 144 00:08:06,080 --> 00:08:08,500 Alors la problématique, elle est très évidente, 145 00:08:08,700 --> 00:08:10,480 on l'a compris l'article L. 146 00:08:10,680 --> 00:08:15,000 80 A est une garantie absolument essentielle dans la pratique de 147 00:08:15,200 --> 00:08:20,000 sécurité juridique, c'est la manière principale qu'a en effet 148 00:08:20,200 --> 00:08:25,820 l'administration de conforter le contribuable, de conforter sa situation 149 00:08:26,020 --> 00:08:29,500 de rendre l'application du droit la plus prévisible possible, 150 00:08:29,700 --> 00:08:33,520 justement en précisant la manière dont elle entend appliquer les 151 00:08:33,720 --> 00:08:37,800 normes fiscales et si celui-ci se plie à cette compréhension, 152 00:08:38,220 --> 00:08:41,440 il a la garantie de ne pas être redressé, c'est donc évidemment 153 00:08:41,640 --> 00:08:43,560 une garantie tout à fait essentielle. 154 00:08:43,760 --> 00:08:46,820 Reste que cette garantie produit des effets qui peuvent sembler 155 00:08:47,020 --> 00:08:50,800 un peu troublants puisque concrètement, sur le fondement d'un simple bout 156 00:08:51,000 --> 00:08:54,200 de papier signé par un agent de l'administration, un contribuable 157 00:08:54,400 --> 00:08:58,140 pourra échapper parfois pour tout ou partie, en tout cas pour partie, 158 00:08:58,340 --> 00:09:00,760 on l'a vu s'agissant des rescrits, et pour tout s'agissant d'une 159 00:09:00,960 --> 00:09:02,760 instruction publiée, au paiement d'un certain nombre 160 00:09:02,960 --> 00:09:06,560 d'impôts prévus par la loi et donc il y a un peu cette idée selon 161 00:09:06,760 --> 00:09:11,060 laquelle la petite prise de position d'un agent de catégorie B, 162 00:09:11,260 --> 00:09:14,460 enfin je dis ça sans forme de mépris mais en tout cas un simple agent 163 00:09:14,660 --> 00:09:20,100 de l'administration, pourra finalement non pas primer sur la loi mais 164 00:09:20,300 --> 00:09:23,660 conduire à ce qu'en effet, la loi ne soit pas respectée et 165 00:09:23,860 --> 00:09:26,860 que le contribuable puisse se le voir reprocher, ce qui est évidemment 166 00:09:27,060 --> 00:09:30,740 un peu troublant et ce qui conduit alors sur le terrain plus juridique 167 00:09:30,940 --> 00:09:35,240 et notamment constitutionnel à ce qu'une forme d'inégalité de 168 00:09:35,440 --> 00:09:39,080 traitement en résulte puisque finalement, un contribuable qui 169 00:09:39,280 --> 00:09:42,180 se sera contenté d'appliquer la loi pourra se voir moins bien traité 170 00:09:42,380 --> 00:09:46,480 qu'un contribuable qui aura respecté la doctrine donc inégalité troublante 171 00:09:46,680 --> 00:09:49,540 dans des situations par hypothèse similaires sur le plan du niveau 172 00:09:49,740 --> 00:09:52,140 de revenus par exemple s'il s'agit de l'impôt sur le revenu. 173 00:09:52,340 --> 00:09:55,280 Donc inégalité du fait finalement de L. 174 00:09:55,480 --> 00:10:01,420 80 A et évidemment une forme aussi d'atteinte au principe de légalité, 175 00:10:01,620 --> 00:10:05,240 de légalité de l'impôt puisque finalement, l'imposition au bout 176 00:10:05,440 --> 00:10:09,540 du compte sera établie sur une base pas seulement législative, 177 00:10:09,740 --> 00:10:12,320 pas seulement sur la base de la loi mais sur la base de 178 00:10:12,520 --> 00:10:14,680 l'interprétation qu'en a donnée l'administration donc au regard 179 00:10:14,880 --> 00:10:17,340 du principe de légalité de l'impôt du principe constitutionnel, 180 00:10:17,540 --> 00:10:21,220 il y a évidemment, pour le moins une sorte d'entorse qui peut évidemment 181 00:10:21,420 --> 00:10:22,180 sembler assez troublante. 182 00:10:22,380 --> 00:10:27,620 Alors pour autant, y a-t-il là une source d'inconstitutionnalité ? 183 00:10:27,820 --> 00:10:31,680 On peut alors répondre avec le droit positif que non, 184 00:10:31,880 --> 00:10:32,640 pourquoi ? 185 00:10:32,840 --> 00:10:33,980 Alors il se trouve que le conseil constitutionnel n'a pas eu à se 186 00:10:34,180 --> 00:10:37,520 prononcer directement en tout cas sur le contenu de ce dispositif 187 00:10:38,900 --> 00:10:43,560 et le Conseil d'État quant à lui a été saisi en 2010 d'une QPC qui 188 00:10:43,760 --> 00:10:47,400 a été sèchement rejetée, considérant donc qu'il n'y avait 189 00:10:47,600 --> 00:10:49,720 même pas de question à se poser, qu'il n'y avait en tout cas aucun 190 00:10:49,920 --> 00:10:51,620 sérieux à la question de la constitutionnalité de l'article L. 191 00:10:51,820 --> 00:10:54,940 80 A, manière tout de même de préserver cette garantie très essentielle. 192 00:10:55,140 --> 00:10:58,040 Alors est-ce que demain notamment la Cour de cassation pourrait avoir 193 00:10:58,240 --> 00:11:01,900 un avis inverse, à ma connaissance elle ne s'est pas prononcée et 194 00:11:02,100 --> 00:11:04,940 on peut supposer que le Conseil constitutionnel, s'il devait être 195 00:11:05,140 --> 00:11:09,860 saisi, jugerait que cette garantie n'est pas inconstitutionnelle tant 196 00:11:10,060 --> 00:11:11,880 elle est importante, et tant, c'est l'autre point, 197 00:11:12,080 --> 00:11:15,820 au bout du compte, elle est fondée elle-même sur la loi et ce point 198 00:11:16,020 --> 00:11:17,740 est important car au bout du compte, l'article L. 199 00:11:17,940 --> 00:11:21,780 80, c'est une loi et donc c'est une loi qui vient prévoir que dans 200 00:11:21,980 --> 00:11:24,500 certaines situations, d'autres lois, les dispositions 201 00:11:24,700 --> 00:11:27,960 du Code général des impôts, ne s'appliqueront pas dans les 202 00:11:28,160 --> 00:11:32,280 conditions a priori prévues par lesdits articles puisque donc 203 00:11:32,480 --> 00:11:34,720 l'administration en aura décidé autrement sur tel ou tel point. 204 00:11:34,920 --> 00:11:39,880 Alors évidemment, il y a une forme de renvoi à l'administration, 205 00:11:40,080 --> 00:11:42,960 de possibilité laissée à l'administration d'adapter la 206 00:11:43,160 --> 00:11:47,540 législation qui peut évidemment encore une fois troubler mais j'y 207 00:11:47,740 --> 00:11:48,860 insiste, l'article L. 208 00:11:49,060 --> 00:11:52,340 80, au bout du compte, ne vient pas donner ou déléguer 209 00:11:52,540 --> 00:11:57,360 à l'administration un pouvoir normatif même si cela produit ce type de 210 00:11:57,560 --> 00:12:01,190 conséquences, il est vrai, mais à la lecture de l'article L. 211 00:12:01,390 --> 00:12:04,840 80, on comprend qu'il s'agit simplement encore une fois d'une garantie 212 00:12:05,040 --> 00:12:08,300 offerte aux contribuables, dont l'hypothèse où l'administration 213 00:12:08,500 --> 00:12:10,520 viendrait manifester un point de vue qui serait suivi, 214 00:12:10,720 --> 00:12:13,680 alors on pourrait pas le reprocher au contribuable donc ça n'est pas 215 00:12:13,880 --> 00:12:17,040 tout à fait tout de même une manière de déléguer à l'administration 216 00:12:17,240 --> 00:12:20,200 un pouvoir normatif, c'est simplement encore une fois 217 00:12:20,400 --> 00:12:22,740 une manière de constater, et je termine sur ce point, 218 00:12:22,940 --> 00:12:27,000 que parfois, la loi, tel que le Code général des impôts 219 00:12:27,200 --> 00:12:31,940 par exemple la prévoit, la loi ne trouvera pas être mise 220 00:12:32,140 --> 00:12:36,120 en œuvre pleinement dans la mesure où une certaine situation sera 221 00:12:36,320 --> 00:12:40,420 constatée, à savoir la présence d'une doctrine fidèlement appliquée 222 00:12:40,620 --> 00:12:41,380 par le contribuable. 223 00:12:41,580 --> 00:12:43,160 Donc je termine, l'article L. 224 00:12:43,360 --> 00:12:47,440 80 A, c'est évidemment une garantie et du point de vue finalement de 225 00:12:47,640 --> 00:12:51,160 l'application de la loi, c'est plus une manière de limiter 226 00:12:51,360 --> 00:12:54,640 effectivement la pleine application dans un certain nombre de cas sans 227 00:12:54,840 --> 00:13:00,040 pour autant donner au pouvoir administratif une compétence dont 228 00:13:00,240 --> 00:13:03,560 il ne dispose pas d'après la Constitution, une sorte de pouvoir 229 00:13:03,760 --> 00:13:08,960 normatif supra législatif, ainsi en termes de constitutionnalité, 230 00:13:09,160 --> 00:13:13,640 il me semble qu'on peut considérer qu'il n'y a pas de vraie difficulté, 231 00:13:13,840 --> 00:13:17,620 un petit malaise seulement, disons-le comme ça, et en réalité, 232 00:13:17,820 --> 00:13:21,020 tout le monde s'en arrange parfaitement car cela reste fondamentalement 233 00:13:21,220 --> 00:13:23,760 une garantie essentielle de bon fonctionnement pour le système 234 00:13:23,960 --> 00:13:25,260 fiscal français. 235 00:13:25,460 --> 00:13:30,920 Alors, et j'ajoute tout à fait pour terminer sur ce chapitre lié 236 00:13:31,120 --> 00:13:34,960 à la doctrine, que par ailleurs, il y a toujours la possibilité 237 00:13:35,160 --> 00:13:37,720 laissée au contribuable qui souhaiterait s'en plainte de contester 238 00:13:37,920 --> 00:13:42,460 la doctrine s'il l'estime défavorable et parce qu'évidemment, 239 00:13:42,660 --> 00:13:45,690 elle ajoute à la loi dans un sens qui peut lui déplaire, 240 00:13:46,350 --> 00:13:50,790 notamment lorsque la doctrine vient accorder un certain nombre de faveurs 241 00:13:50,990 --> 00:13:55,730 à des concurrents, à d'autres contribuables, il peut être d'intérêt 242 00:13:55,930 --> 00:13:59,830 pour le contribuable qui constate cette situation de se plaindre 243 00:14:00,030 --> 00:14:01,010 devant le juge de ladite doctrine. 244 00:14:01,370 --> 00:14:04,530 Alors là pour la peine, et c'est donc l'objet d'un troisième 245 00:14:04,730 --> 00:14:07,410 paragraphe relatif à la contestation juridictionnelle de la doctrine, 246 00:14:07,610 --> 00:14:10,830 je vais vous envoyer pour l'essentiel à votre cours de droit administratif 247 00:14:11,030 --> 00:14:15,050 de 2ᵉ année car par hypothèse, les doctrines qui pourront être 248 00:14:15,250 --> 00:14:19,610 contestées sont en général celles qui sont publiées car le rescrit 249 00:14:19,810 --> 00:14:24,950 ne l'est pas et donc il n'est pas connu par ceux qui y sont 250 00:14:25,150 --> 00:14:28,150 potentiellement opposés, mais s'agissant de la doctrine 251 00:14:28,350 --> 00:14:30,930 donc pour l'essentiel publiée, les circulaires et les instructions, 252 00:14:31,530 --> 00:14:36,430 le Conseil d'État les assimile finalement à des circulaires 253 00:14:36,630 --> 00:14:41,010 administratives et leur applique les mêmes conditions de contestation, 254 00:14:41,210 --> 00:14:45,270 c'est-à-dire que les critères tant de recevabilité du recours qu'ensuite 255 00:14:45,470 --> 00:14:49,990 les éléments, enfin les modalités d'examen au fond du recours sont 256 00:14:50,190 --> 00:14:53,450 tout à fait similaires à ce que l'on connaît par ailleurs en matière 257 00:14:53,650 --> 00:14:54,430 administrative. 258 00:14:54,630 --> 00:14:58,770 Alors brièvement s'agissant des critères de recevabilité du recours, 259 00:14:58,970 --> 00:15:06,070 c'est aujourd'hui une série de décisions du Conseil d'État qui 260 00:15:06,270 --> 00:15:10,010 ont d'abord concerné la matière administrative générale puis imité 261 00:15:10,210 --> 00:15:14,670 en matière fiscale, qui conduisent à considérer, alors principalement 262 00:15:14,870 --> 00:15:19,070 aujourd'hui depuis un arrêt GISTI du 12 juin 2020 arrêt d'assemblée 263 00:15:19,270 --> 00:15:23,590 du Conseil d'État, que par principe, vous l'avez vu l'année dernière, 264 00:15:23,790 --> 00:15:29,210 certes, première catégorie principale, les prises de position impératives 265 00:15:29,410 --> 00:15:32,250 de l'administration donc c'est un élément formel, mais au-delà, 266 00:15:32,710 --> 00:15:38,550 même celles qui sans être impératives, sont susceptibles d'avoir des 267 00:15:38,750 --> 00:15:42,570 implications pratiques en réalité sur les personnes concernées, 268 00:15:42,770 --> 00:15:45,510 toutes ces instructions peuvent faire l'objet d'un recours pour 269 00:15:45,710 --> 00:15:49,590 excès de pouvoir donc une demande en annulation peut être formé contre 270 00:15:49,790 --> 00:15:54,370 ces instructions et donc tout cela est dupliqué de façon extrêmement 271 00:15:54,570 --> 00:15:56,730 fidèle en matière fiscale. 272 00:15:56,930 --> 00:16:00,930 Donc concrètement, l'immense majorité des instructions administratives 273 00:16:01,130 --> 00:16:04,390 ont un caractère impératif donc ce seul critère de l'impérativité 274 00:16:04,590 --> 00:16:09,250 suffit donc à ouvrir les portes du prétoire du juge de l'excès 275 00:16:09,450 --> 00:16:12,790 de pouvoir mais dans un certain nombre de cas un peu particuliers, 276 00:16:12,990 --> 00:16:18,230 lorsque l'administration fiscale se contenterait de suggérer une 277 00:16:18,430 --> 00:16:22,890 réponse mais susceptible d'avoir là encore des effets pratiques 278 00:16:23,090 --> 00:16:27,050 et notoires sur la situation du contribuable, là encore, 279 00:16:27,250 --> 00:16:31,390 il est possible de contester cette doctrine, alors on reviendra brièvement 280 00:16:31,590 --> 00:16:34,250 sur ce cas à travers les rescrits et la contestation des éventuelles 281 00:16:34,450 --> 00:16:37,210 rescrits négatifs un petit peu plus tard. 282 00:16:37,410 --> 00:16:42,530 S'agissant ensuite de l'examen au fond de cette doctrine, 283 00:16:42,730 --> 00:16:46,050 là encore renvoie la jurisprudence générale et notamment l'arrêt GISTI 284 00:16:46,250 --> 00:16:48,930 de 2020 que je viens de citer pour considérer qu'évidemment, 285 00:16:49,550 --> 00:16:53,090 dès lors qu'une doctrine ajoute à la loi, par hypothèse, 286 00:16:53,290 --> 00:16:56,170 elle va au-delà et donc elle viole la loi et donc elle serait illégale, 287 00:16:56,370 --> 00:17:00,130 et il en va de même et c'est un point en pratique essentiel de 288 00:17:00,330 --> 00:17:05,430 la doctrine qui, dit le juge, réitère une loi mais de manière 289 00:17:05,630 --> 00:17:07,890 contraire à la hiérarchie des normes donc concrètement, une instruction 290 00:17:08,090 --> 00:17:11,810 qui réitère une loi donc qui lui est fidèle mais une loi qui elle-même 291 00:17:12,010 --> 00:17:14,430 est contraire au droit de l'Union européenne, au droit européen ou 292 00:17:14,630 --> 00:17:17,930 encore au droit constitutionnel, cette instruction peut être annulée. 293 00:17:18,130 --> 00:17:21,250 Alors le plus souvent, s'il s'agit d'invoquer l'éventuelle 294 00:17:21,450 --> 00:17:26,670 violation du droit constitutionnel par la loi qui applique fidèlement 295 00:17:26,870 --> 00:17:30,750 ensuite l'interprétation, c'est une QPC qui permettra d'abord 296 00:17:30,950 --> 00:17:33,850 de renvoyer la question au Conseil constitutionnel et si celui-ci 297 00:17:34,050 --> 00:17:37,070 considère qu'effectivement, la loi interprétée est elle-même, 298 00:17:37,270 --> 00:17:40,250 loi, elle est elle-même contraire à la Constitution, ensuite évidemment, 299 00:17:40,450 --> 00:17:44,870 le Conseil d'État en tirera toutes les conséquences en annulant une 300 00:17:45,070 --> 00:17:48,850 doctrine donc qui par hypothèse réitérerait une loi elle-même contraire 301 00:17:49,050 --> 00:17:50,750 à la Constitution. 302 00:17:50,950 --> 00:17:56,350 Dernier élément s'agissant encore une fois du recours pour excès 303 00:17:56,550 --> 00:18:00,110 de pouvoir, c'est l'effet l'effet de l'annulation éventuelle par 304 00:18:00,310 --> 00:18:01,630 le juge de l'excès de pouvoir d'une doctrine fiscale. 305 00:18:01,830 --> 00:18:05,050 Alors ce point est important parce qu'il y a une spécificité fiscale. 306 00:18:05,250 --> 00:18:08,470 Pour la peine, comme vous le savez, par principe vous l'avez vu l'année 307 00:18:08,670 --> 00:18:11,510 dernière, l'annulation d'une instruction administrative, 308 00:18:11,710 --> 00:18:15,130 d'un acte administratif quel qu'il soit, produit des effets rétroactifs. 309 00:18:15,330 --> 00:18:17,590 L'idée lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule un acte, 310 00:18:17,790 --> 00:18:21,810 c'est que cet acte disparaît de l'ordonnancement juridique et tous 311 00:18:22,010 --> 00:18:25,910 ses effets sont censés être effacés dans la mesure où cela est possible 312 00:18:26,110 --> 00:18:29,170 du moins, en tout cas l'acte est censé ne jamais avoir existé. 313 00:18:29,370 --> 00:18:32,050 Alors s'agissant de la doctrine fiscale et plus précisément et 314 00:18:32,250 --> 00:18:37,910 je cite un avis contentieux du 8 mars 2013 Monzani rendu par le 315 00:18:38,110 --> 00:18:40,650 Conseil d'État en formation de section du contentieux, 316 00:18:40,850 --> 00:18:44,770 cet avis contentieux de 2013 Monzani vient préciser que pour le cas 317 00:18:44,970 --> 00:18:48,890 particulier et exclusivement pour ce cas, de la doctrine administrative 318 00:18:49,090 --> 00:18:51,320 susceptible d'être invoquée sur le fondement de L. 319 00:18:51,520 --> 00:18:56,090 80 A, donc celle dont on parle depuis quelques longues minutes 320 00:18:56,290 --> 00:19:00,590 maintenant, dans ce cas, si une doctrine vient être annulée, 321 00:19:00,790 --> 00:19:03,550 cette annulation consiste en fait dans une forme d'abrogation, 322 00:19:03,750 --> 00:19:05,370 elle n'a pas d'effet rétroactif, ça veut dire quoi ? 323 00:19:05,570 --> 00:19:08,770 Ça veut dire que concrètement, tous ceux qui avant l'annulation 324 00:19:08,970 --> 00:19:12,710 ont fidèlement appliqué la doctrine ne pourront pas se le voir reprocher 325 00:19:12,910 --> 00:19:15,870 donc l'administration ne pourra pas venir les embêter en leur disant, 326 00:19:16,070 --> 00:19:19,210 vous avez appliqué fidèlement une doctrine qui vient d'être annulée, 327 00:19:19,410 --> 00:19:22,210 désolé pour vous, elle est censée ne jamais avoir existé donc vous 328 00:19:22,410 --> 00:19:25,070 avez appliqué quelque chose qui est censé ne jamais avoir existé, 329 00:19:25,270 --> 00:19:29,430 évidemment il y aurait là une forme de déloyauté assez phénoménale, 330 00:19:29,630 --> 00:19:33,090 de sorte que le Conseil d'État considère mais en fait sur le fondement 331 00:19:33,290 --> 00:19:34,050 de l'article L. 332 00:19:34,250 --> 00:19:39,390 80 A, qui vient poser cette garantie du contribuable, et donc vient 333 00:19:39,590 --> 00:19:42,450 simplement je crois prolonger l'esprit de l'article L. 334 00:19:42,650 --> 00:19:46,590 80 A en considérant que cette garantie doit continuer de jouer donc pour 335 00:19:46,790 --> 00:19:49,660 le passé, y compris dans les hypothèses où une instruction notamment viendrait 336 00:19:49,860 --> 00:19:53,150 à être annulée, il n'y a pas d'effet rétroactif à l'annulation de la 337 00:19:53,350 --> 00:19:54,250 doctrine administrative.