1 00:00:04,600 --> 00:00:10,660 Nous abordons à présent un troisième chapitre dans l'étude de ces principes 2 00:00:10,860 --> 00:00:11,620 directeurs. 3 00:00:11,820 --> 00:00:14,460 Chapitre 3 : un principe de loyauté procédurale ? 4 00:00:14,660 --> 00:00:21,460 Point d'interrogation parce que la loyauté ne figure pas parmi 5 00:00:21,660 --> 00:00:23,620 les principes directeurs du procès civil, c'est-à-dire que quand on 6 00:00:23,820 --> 00:00:30,120 feuillette les articles 1 à 24 du Code, il n'est pas fait mention d'un 7 00:00:30,320 --> 00:00:31,080 principe de loyauté. 8 00:00:31,360 --> 00:00:35,760 Pourtant, Motulsky considérait que la loyauté était l'un des droits 9 00:00:35,960 --> 00:00:36,720 de la défense. 10 00:00:36,920 --> 00:00:41,560 Et de fait, elle est présente de façon sous-jacente tout au long 11 00:00:41,760 --> 00:00:42,580 du Code de procédure civile. 12 00:00:43,420 --> 00:00:45,480 Quelques exemples, mais non exhaustifs. 13 00:00:45,680 --> 00:00:48,940 La loyauté est sous-jacente au principe de la contradiction. 14 00:00:49,480 --> 00:00:53,500 C'est bien la loyauté qui justifie tant la contradiction lorsque le 15 00:00:53,700 --> 00:00:56,250 juge prend une initiative que la contradiction entre les parties. 16 00:00:56,450 --> 00:01:02,580 La loyauté justifie également le pouvoir du juge d'enjoindre à une 17 00:01:02,780 --> 00:01:06,000 partie récalcitrante de produire un élément de preuve nécessaire 18 00:01:06,200 --> 00:01:07,360 à la résolution du litige. 19 00:01:09,360 --> 00:01:13,840 La loyauté justifie les très nombreuses règles de notification, 20 00:01:14,040 --> 00:01:19,620 qui ont pour but de faire en sorte que la partie adverse soit prévenue 21 00:01:19,820 --> 00:01:22,700 de l'existence d'un procès ou de l'existence d'un jugement rendu 22 00:01:22,900 --> 00:01:23,660 à son encontre. 23 00:01:23,860 --> 00:01:26,580 Et donc pour mettre toutes les chances de son côté, 24 00:01:26,780 --> 00:01:31,620 les règles de notification sont très précises, souvent il doit 25 00:01:31,820 --> 00:01:35,260 s'agir d'une signification faite par un commissaire de justice avec 26 00:01:35,460 --> 00:01:38,240 des formalités très précises à remplir. 27 00:01:38,440 --> 00:01:42,320 Tout cela, c'est toujours pour respecter une exigence de loyauté 28 00:01:42,520 --> 00:01:45,080 à l'égard du défendeur ou de la partie condamnée par un jugement. 29 00:01:46,100 --> 00:01:51,180 C'est également la loyauté qui justifie que l'abus du droit d'agir 30 00:01:51,380 --> 00:01:54,160 en justice soit sanctionné, c'est l'article 32-1, 31 00:01:54,460 --> 00:01:56,580 etc. 32 00:01:57,100 --> 00:01:58,520 Il y aurait encore d'autres illustrations. 33 00:02:00,340 --> 00:02:03,900 La loyauté n'est pas du tout absente du Code, elle n'existe pas en tant 34 00:02:04,100 --> 00:02:05,420 que principe formel. 35 00:02:06,220 --> 00:02:09,180 La question qui se pose est donc celle de savoir si l'on devrait 36 00:02:09,380 --> 00:02:13,840 consacrer un principe de loyauté procédurale formelle, 37 00:02:14,040 --> 00:02:19,700 autonome, qu'on pourrait invoquer seul, en tant que tel, sans avoir à invoquer 38 00:02:19,900 --> 00:02:24,960 une violation du principe de la contradiction, une méconnaissance 39 00:02:25,160 --> 00:02:26,040 des règles de notification, etc. 40 00:02:26,300 --> 00:02:29,460 Mais simplement, là, la partie, par exemple, 41 00:02:29,820 --> 00:02:32,880 a méconnu le principe de loyauté, point. 42 00:02:34,440 --> 00:02:40,980 La jurisprudence a d'abord admis un principe de loyauté autonome 43 00:02:41,180 --> 00:02:44,680 mais dans un domaine circonscrit, qui est celui de la recevabilité 44 00:02:44,880 --> 00:02:45,640 des modes de preuve. 45 00:02:45,840 --> 00:02:49,560 Il existe un principe de loyauté dans l'administration judiciaire 46 00:02:49,760 --> 00:02:51,460 de la preuve, ce sont les termes de la Cour de cassation. 47 00:02:51,720 --> 00:02:58,600 Là, on a vraiment un principe dégagé 48 00:02:58,800 --> 00:03:01,980 entièrement par la jurisprudence, formel, c'est-à-dire qu'il n'est 49 00:03:02,180 --> 00:03:06,740 pas dans le Code mais il est très solennellement affirmé par la plus 50 00:03:06,940 --> 00:03:10,880 haute instance de la Cour de cassation, à savoir l'assemblée plénière, 51 00:03:11,120 --> 00:03:13,100 et il est autonome. 52 00:03:14,180 --> 00:03:18,340 On étudiera ce principe de loyauté dans l'administration de la preuve 53 00:03:18,540 --> 00:03:19,920 dans le chapitre 4. 54 00:03:21,220 --> 00:03:26,080 Mais peut-il y avoir un principe général de loyauté procédurale, 55 00:03:26,280 --> 00:03:30,040 c'est-à-dire un principe qui dépasse le seul cadre de l'obtention de 56 00:03:30,240 --> 00:03:35,230 la preuve et qui couvre tous les aspects du procès ? 57 00:03:35,430 --> 00:03:39,620 À ce sujet, un arrêt intéressant a été rendu par la première chambre 58 00:03:39,820 --> 00:03:48,920 civile le 7 juin 2005, numéro 05-60.044. 59 00:03:52,400 --> 00:03:53,840 Il faut en énoncer les faits. 60 00:03:55,060 --> 00:03:58,860 C'est une espèce un peu particulière, parce qu'il s'agissait de l'élection 61 00:03:59,060 --> 00:04:06,980 du dauphin du barreau de Paris, c'est-à-dire de l'avocat qui est 62 00:04:07,180 --> 00:04:10,580 élu dauphin et au bout d'un an devient bâtonnier. 63 00:04:11,180 --> 00:04:13,680 Ce sont les élections du bâtonnier du barreau de Paris, 64 00:04:13,880 --> 00:04:16,480 mais on dit qu'on élit le dauphin parce que pendant un an, 65 00:04:16,680 --> 00:04:22,520 le nouveau futur bâtonnier observe l'actuel bâtonnier, et c'est ensuite 66 00:04:22,720 --> 00:04:23,660 au bout d'un an qu'il devient bâtonnier. 67 00:04:25,020 --> 00:04:26,880 Il s'agissait d'élire le dauphin du barreau de Paris. 68 00:04:27,080 --> 00:04:32,660 Et cette élection avait été réalisée cette année-là par voie électronique 69 00:04:32,860 --> 00:04:34,020 via Internet, pour la première fois. 70 00:04:35,420 --> 00:04:37,940 Ce mode de scrutin avait été contesté. 71 00:04:39,220 --> 00:04:41,880 Après les élections, un avocat avait saisi la Cour d'appel 72 00:04:42,080 --> 00:04:45,280 de Paris d'une demande en annulation des élections. 73 00:04:46,140 --> 00:04:49,600 Son argument principal consistant à dire que le scrutin électronique 74 00:04:49,800 --> 00:04:51,600 n'était pas fiable. 75 00:04:52,640 --> 00:04:57,180 Il avait saisi la Cour d'appel de Paris — puisque c'est la procédure 76 00:04:57,380 --> 00:04:59,520 dans ces cas-là, on doit saisir directement la Cour d'appel de Paris —, 77 00:04:59,740 --> 00:05:03,940 le défendeur était le bâtonnier en exercice du barreau de Paris. 78 00:05:04,540 --> 00:05:07,120 Et la Cour d'appel a rejeté sa demande en annulation. 79 00:05:07,500 --> 00:05:09,940 Or, voici ce qui s'était passé pendant le procès. 80 00:05:12,080 --> 00:05:15,760 Alors que l'arrêt était en cours de délibéré, c'est-à-dire que tout 81 00:05:15,960 --> 00:05:19,600 le procès s'était déroulé, y compris l'audience des plaidoiries, 82 00:05:19,820 --> 00:05:24,940 on était en cours de délibéré, devant la Cour d'appel, 83 00:05:25,140 --> 00:05:28,720 le demandeur à la nullité, l'avocat qui avait contesté les 84 00:05:28,920 --> 00:05:33,760 élections, avait eu connaissance d'un avis de la CNIL, 85 00:05:33,960 --> 00:05:37,190 la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés, 86 00:05:37,390 --> 00:05:42,020 antérieur au vote, qui émettait des critiques sur la confidentialité 87 00:05:42,220 --> 00:05:42,980 du scrutin. 88 00:05:43,180 --> 00:05:46,300 C'est un Courrier qui était adressé au bâtonnier de Paris, 89 00:05:46,500 --> 00:05:47,700 qui avait organisé les élections. 90 00:05:48,360 --> 00:05:53,780 Et cet avis émettait des critiques sur la confidentialité du scrutin. 91 00:05:54,160 --> 00:05:58,840 L'avocat tombant, on ne sait trop comment, sur cet avis de la CNIL 92 00:05:59,040 --> 00:06:01,800 qui avait été adressé au bâtonnier, s'empresse de le produire au débat. 93 00:06:02,400 --> 00:06:05,800 Mais il se trouve que quand on produit quelque chose en cours 94 00:06:06,000 --> 00:06:09,920 de délibéré, ça s'appelle une "note en délibéré" et c'est en principe 95 00:06:10,120 --> 00:06:10,880 irrecevable. 96 00:06:11,080 --> 00:06:14,860 C'est l'article 445 du Code de procédure civile qui énonce que 97 00:06:15,060 --> 00:06:19,140 les notes en délibéré sont irrecevables, sauf deux exceptions. 98 00:06:19,560 --> 00:06:22,120 L'une d'entre elles étant, sauf si c'est le juge qui en demande 99 00:06:22,320 --> 00:06:23,080 une. 100 00:06:23,280 --> 00:06:26,280 Parfois, ça arrive qu'après les plaidoiries, le juge estime qu'il 101 00:06:26,480 --> 00:06:28,640 a besoin d'être éclairé, mais seulement sur un point qui 102 00:06:28,840 --> 00:06:31,360 ne nécessite pas de rouvrir les débats, et donc en délibéré il voudrait 103 00:06:31,560 --> 00:06:34,000 que les parties l'éclairent juste sur cet arrêt par exemple. 104 00:06:34,940 --> 00:06:36,240 Dans ce cas-là, c'est recevable. 105 00:06:36,480 --> 00:06:40,160 Mais si le juge n'a pas fait ça, la note en délibéré est irrecevable 106 00:06:40,360 --> 00:06:43,020 parce qu'il est trop tard pour présenter des nouveaux arguments, 107 00:06:43,440 --> 00:06:44,500 des nouvelles pièces. 108 00:06:44,740 --> 00:06:48,160 L'instruction est close et maintenant le juge va rendre sa décision. 109 00:06:49,160 --> 00:06:52,820 Donc la Cour d'appel avait appliqué simplement l'article 445 du Code 110 00:06:53,020 --> 00:06:56,800 de procédure civile et elle avait écarté des débats à ce titre la 111 00:06:57,000 --> 00:06:59,340 note qui faisait état de l'avis de la CNIL. 112 00:06:59,540 --> 00:07:03,900 Et dans son arrêt, elle avait rejeté la demande d'annulation des élections. 113 00:07:04,380 --> 00:07:09,160 L'arrêt a été porté devant la Cour de cassation, toujours par l'avocat, 114 00:07:09,380 --> 00:07:12,740 et la Cour de cassation a cassé l'arrêt. 115 00:07:13,960 --> 00:07:14,860 Pourquoi ? 116 00:07:15,060 --> 00:07:19,520 Parce qu'elle relève que le défendeur à la nullité, donc le bâtonnier, 117 00:07:19,720 --> 00:07:24,240 avait eu connaissance de cet avis de la CNIL avant même le vote. 118 00:07:25,080 --> 00:07:28,960 Et bien entendu, il s'était gardé d'en faire état puisque cet avis 119 00:07:29,160 --> 00:07:34,900 était un avis qui émettait des doutes sur la qualité du scrutin, 120 00:07:35,100 --> 00:07:38,960 donc ce n'était pas bon pour lui dans le procès relatif à l'annulation 121 00:07:39,160 --> 00:07:39,920 des élections. 122 00:07:40,760 --> 00:07:44,540 Donc il n'avait pas produit cet avis alors qu'il pouvait être décisif. 123 00:07:46,120 --> 00:07:49,250 Et la Cour de cassation estime que la note en délibéré, 124 00:07:49,450 --> 00:07:51,380 dans ce cas-là, n'aurait pas dû être écartée. 125 00:07:51,580 --> 00:07:55,620 L'arrêt est cassé au visa de deux articles. 126 00:07:55,940 --> 00:08:01,320 D'abord de l'article 10 alinéa 1 du Code civil : "Chacun est tenu 127 00:08:01,520 --> 00:08:04,660 d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la 128 00:08:04,860 --> 00:08:05,620 vérité". 129 00:08:06,280 --> 00:08:09,640 Cet article 10 alinéa 1 du Code civil est visé parce qu'en 130 00:08:09,840 --> 00:08:12,520 l'occurrence, la Cour de cassation reproche au bâtonnier de ne pas 131 00:08:12,720 --> 00:08:14,780 avoir apporté son concours à la justice en vue de la manifestation 132 00:08:14,980 --> 00:08:15,740 de la vérité. 133 00:08:16,140 --> 00:08:20,040 Et au visa également de l'article 3 du Code de procédure civile : 134 00:08:20,240 --> 00:08:23,660 "Le juge veille au bon déroulement de l'instance ; il a le pouvoir 135 00:08:23,860 --> 00:08:26,060 d'impartir les délais et d'ordonner les mesures nécessaires". 136 00:08:26,760 --> 00:08:31,860 En l'occurrence, l'arrêt est cassé au visa de ce texte-là parce que 137 00:08:32,060 --> 00:08:34,980 le juge veille au bon déroulement de l'instance et doit ordonner 138 00:08:35,180 --> 00:08:38,060 les mesures nécessaires, ça veut dire qu'il doit comprendre 139 00:08:38,260 --> 00:08:43,140 que dans certains cas, il doit déclarer recevable une 140 00:08:43,340 --> 00:08:44,920 note en délibéré, c'est ça la mesure nécessaire. 141 00:08:46,800 --> 00:08:49,480 Comme on le voit, les textes qui étaient visés par cet arrêt du 142 00:08:49,680 --> 00:08:53,820 7 juin 2005 suffisaient à justifier légalement la solution. 143 00:08:54,660 --> 00:08:58,420 Or, et c'est là que ça devient intéressant pour notre sujet, 144 00:08:58,760 --> 00:09:03,260 non seulement il y a le visa, mais le visa est suivi d'un attendu 145 00:09:03,460 --> 00:09:04,220 de principe. 146 00:09:05,160 --> 00:09:08,960 Juste après le visa, "attendu que le juge est tenu de 147 00:09:09,160 --> 00:09:12,040 respecter et de faire respecter la loyauté des débats". 148 00:09:12,960 --> 00:09:16,740 Cette formule, "le juge est tenu de respecter et de faire respecter 149 00:09:16,940 --> 00:09:21,840 la loyauté des débats", évoque la musique de l'article 150 00:09:22,040 --> 00:09:24,640 16 du Code de procédure civile, "Le juge doit, en toutes circonstances, 151 00:09:24,840 --> 00:09:26,820 faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction." 152 00:09:29,020 --> 00:09:32,180 plusieurs interprétations sont envisageables de cet attendu de 153 00:09:32,380 --> 00:09:33,140 principe. 154 00:09:34,160 --> 00:09:38,440 Selon une première interprétation, la Cour de cassation a pu simplement 155 00:09:38,640 --> 00:09:45,840 vouloir souligner que la loyauté, sous-jacente à l'article 3 du Code 156 00:09:46,040 --> 00:09:49,260 de procédure civile et l'article 10 du Code civil, doit guider 157 00:09:49,460 --> 00:09:51,320 l'interprétation de ces deux textes. 158 00:09:51,520 --> 00:09:57,360 Ainsi, pour Roger Perrot par exemple, il ne faut pas comprendre cet attendu 159 00:09:57,560 --> 00:10:01,480 comme posant un principe autonome mais comme posant un simple principe 160 00:10:01,680 --> 00:10:06,500 d'interprétation censé aider le juge à surmonter les défaillances 161 00:10:06,700 --> 00:10:07,460 réglementaires. 162 00:10:07,660 --> 00:10:10,400 Ce n'est pas assez précisément dit dans les textes réglementaires, 163 00:10:10,600 --> 00:10:15,900 mais donc il faut interpréter les textes à la lumière de la loyauté 164 00:10:16,100 --> 00:10:16,860 des débats. 165 00:10:17,060 --> 00:10:20,880 Ou seconde interprétation, en réalité la Cour de cassation 166 00:10:21,080 --> 00:10:26,140 a entendu faire œuvre d'innovation et ériger l'exigence de loyauté 167 00:10:26,340 --> 00:10:29,380 des débats en un véritable principe directeur autonome. 168 00:10:29,580 --> 00:10:33,080 Un principe directeur susceptible d'être invoqué en toutes circonstances 169 00:10:33,280 --> 00:10:35,920 et dans tous les domaines, éventuellement — même si là, 170 00:10:36,120 --> 00:10:38,260 ce n'était pas le cas —, mais éventuellement sans le support 171 00:10:38,460 --> 00:10:39,780 d'un texte du Code de procédure civile. 172 00:10:40,800 --> 00:10:44,160 À l'appui de cette seconde interprétation, les auteurs font 173 00:10:44,360 --> 00:10:48,400 valoir la majesté de la formule, qui est rédigée comme un principe 174 00:10:48,600 --> 00:10:51,640 directeur qu'on trouve dans le Code de procédure civile. 175 00:10:52,700 --> 00:10:57,040 Depuis, il y a eu très peu d'arrêts, si bien qu'il n'y a pas eu de 176 00:10:57,240 --> 00:11:02,280 confirmation non équivoque d'une telle éventuelle volonté de la 177 00:11:02,480 --> 00:11:03,240 première chambre civile. 178 00:11:04,120 --> 00:11:06,660 De temps en temps, il est fait allusion dans un arrêt à la loyauté 179 00:11:06,860 --> 00:11:11,440 des débats, plus dans un attendu de principe, en général c'est dans 180 00:11:11,640 --> 00:11:14,160 le corps de l'arrêt, donc sans en faire un principe. 181 00:11:15,820 --> 00:11:20,900 Sauf un arrêt de la chambre sociale en 2015 qui vise — lui, 182 00:11:21,100 --> 00:11:23,440 c'est dans le visa —, les articles 15, 16, 183 00:11:23,640 --> 00:11:26,840 444 du Code de procédure civile ensemble le principe de loyauté 184 00:11:27,040 --> 00:11:29,080 du débat, mais c'est un arrêt qui n'est pas publié. 185 00:11:29,580 --> 00:11:32,620 Quand un arrêt de la Cour de cassation n'est pas publié, il faut être 186 00:11:32,820 --> 00:11:34,360 très prudent sur sa portée véritable. 187 00:11:37,460 --> 00:11:40,320 Divers rapports commandés par la chancellerie ont par ailleurs, 188 00:11:40,520 --> 00:11:43,940 depuis, préconisé de consacrer expressément un principe de loyauté 189 00:11:44,140 --> 00:11:45,000 des débats dans le Code. 190 00:11:46,240 --> 00:11:48,760 Donc il y a un débat, est-ce que c'est souhaitable ? 191 00:11:48,960 --> 00:11:51,480 Est-ce qu'il faudrait ajouter un article dans les principes directeurs 192 00:11:51,680 --> 00:11:55,400 pour consacrer un principe de loyauté procédurale autonome ? 193 00:11:55,600 --> 00:11:57,820 La doctrine est divisée, donc, à ce sujet. 194 00:11:58,160 --> 00:12:02,360 Pour certains auteurs, consacrer un principe autonome 195 00:12:02,560 --> 00:12:05,140 de loyauté est inutile et dangereux. 196 00:12:05,340 --> 00:12:10,250 C'est inutile parce que les dispositions actuelles suffisent. 197 00:12:11,530 --> 00:12:15,430 C'est très difficile d'imaginer une hypothèse de déloyauté qui 198 00:12:15,630 --> 00:12:20,610 ne soit pas déjà la méconnaissance d'une règle posée dans le Code, 199 00:12:20,830 --> 00:12:23,010 par exemple une méconnaissance du principe de la contradiction 200 00:12:23,210 --> 00:12:26,770 ou le fait pour un plaideur de refuser de concourir à la manifestation 201 00:12:26,970 --> 00:12:29,190 de la vérité, ou une méconnaissance des règles sur la notification, 202 00:12:29,390 --> 00:12:30,150 etc. 203 00:12:30,410 --> 00:12:31,590 Donc c'est inutile. 204 00:12:31,790 --> 00:12:35,490 Et c'est, en outre, dangereux selon ces auteurs parce que contrairement 205 00:12:35,690 --> 00:12:39,490 aux principes directeurs qui sont contenus dans le Code de procédure 206 00:12:39,690 --> 00:12:41,410 civile, la loyauté est une notion morale. 207 00:12:41,790 --> 00:12:43,230 C'est-à-dire que c'est une notion subjective. 208 00:12:43,890 --> 00:12:47,630 Qui dit subjectivité dit risque d'arbitraire. 209 00:12:47,890 --> 00:12:50,990 Je cite Roger Perrot à ce sujet. 210 00:12:51,750 --> 00:12:55,870 "On ne construit pas un édifice procédural avec des notions qui, 211 00:12:56,070 --> 00:12:59,070 si respectables soient-elles, sont impuissantes à devenir des 212 00:12:59,270 --> 00:13:03,220 notions juridiques faute d'une définition précise qui permet d'en 213 00:13:03,420 --> 00:13:07,170 cerner les contours." Donc, est de cet avis, c'est-à-dire 214 00:13:07,370 --> 00:13:11,090 défavorable à la consécration solennelle d'un principe de loyauté, 215 00:13:11,290 --> 00:13:12,050 Roger Perrot. 216 00:13:12,250 --> 00:13:17,750 Se sont également exprimés contre cette consécration Natalie Fricero, 217 00:13:18,030 --> 00:13:20,130 Lionel Miniato ou encore Jacques Normand. 218 00:13:20,590 --> 00:13:24,290 D'autres auteurs sont au contraire très favorables à cette consécration 219 00:13:24,490 --> 00:13:27,730 formelle, dans le sens des rapports de la chancellerie qui le préconise 220 00:13:27,930 --> 00:13:28,690 également. 221 00:13:28,890 --> 00:13:32,530 On trouve notamment Serge Guinchard ou Marie-Emma Boursier. 222 00:13:32,730 --> 00:13:35,330 Selon ces auteurs, ça n'est pas inutile. 223 00:13:35,530 --> 00:13:39,290 Ça n'est pas inutile parce que d'abord, on ne sait jamais, on pourrait 224 00:13:39,490 --> 00:13:41,650 très bien peut-être se trouver un jour confronté à une situation 225 00:13:41,850 --> 00:13:47,210 de déloyauté qui ne constitue pas en même temps la méconnaissance 226 00:13:47,410 --> 00:13:48,690 d'une règle déjà posée par le Code. 227 00:13:48,910 --> 00:13:51,730 Et donc, comment on fera dans ces cas-là pour sanctionner la déloyauté 228 00:13:51,930 --> 00:13:52,690 si on n'a pas de texte ? 229 00:13:53,110 --> 00:13:54,830 Donc ça n'est pas inutile. 230 00:13:55,030 --> 00:13:58,710 Et puis, une autre utilité, c'est la force symbolique de la 231 00:13:58,910 --> 00:14:00,030 reconnaissance d'un principe de loyauté. 232 00:14:00,230 --> 00:14:05,230 Ça ne peut pas nuire d'insérer dans le Code la reconnaissance 233 00:14:05,430 --> 00:14:08,190 formelle d'un principe de loyauté parce que symboliquement, 234 00:14:08,390 --> 00:14:12,030 ça va inspirer confiance aux justiciables qui lisent le début 235 00:14:12,230 --> 00:14:12,990 du Code. 236 00:14:13,210 --> 00:14:16,410 Et ça n'est pas dangereux non plus, selon ces auteurs, puisque comment 237 00:14:16,610 --> 00:14:18,950 cela pourrait-il être dangereux alors que l'on cherche simplement 238 00:14:19,150 --> 00:14:21,430 à se rapprocher d'un idéal de justice ? 239 00:14:23,190 --> 00:14:26,190 Pour récapituler, qu'en est-il aujourd'hui de ce principe de loyauté 240 00:14:26,390 --> 00:14:27,150 procédurale ? 241 00:14:27,350 --> 00:14:31,250 Il n'y a toujours rien dans le Code, c'est une certitude. 242 00:14:31,470 --> 00:14:34,650 Les préconisations des rapports n'ont pas encore été suivies d'effets 243 00:14:35,010 --> 00:14:37,270 par décret, donc il n'y a toujours rien dans le Code. 244 00:14:37,530 --> 00:14:40,670 Est-ce qu'on peut dire que la jurisprudence pose un principe 245 00:14:40,870 --> 00:14:43,750 de loyauté procédurale depuis cet arrêt du 7 juin 2005 ? 246 00:14:43,950 --> 00:14:45,570 La doctrine est divergente. 247 00:14:46,230 --> 00:14:49,650 Selon certains auteurs, oui, l'arrêt du 7 juin 2005 est 248 00:14:49,850 --> 00:14:51,650 suffisamment clair, donc maintenant oui, c'est sûr. 249 00:14:52,030 --> 00:14:55,870 Pour d'autres auteurs, non. 250 00:14:56,790 --> 00:15:00,430 D'abord, l'arrêt du 7 juin 2005 lui-même est susceptible d'une 251 00:15:00,630 --> 00:15:03,630 autre interprétation, c'est-à-dire ne posant pas un principe autonome 252 00:15:03,830 --> 00:15:05,030 mais juste un guide d'interprétation. 253 00:15:05,750 --> 00:15:08,570 Et en plus, il n'a pas vraiment été confirmé. 254 00:15:08,910 --> 00:15:13,090 Donc non, on ne peut pas vraiment dire qu'il y ait aujourd'hui un 255 00:15:13,290 --> 00:15:17,870 principe directeur de loyauté consacré par la jurisprudence. 256 00:15:18,070 --> 00:15:22,890 Et là, à nouveau, un débat : faudrait-il le faire ? 257 00:15:23,810 --> 00:15:25,570 Selon certains auteurs, oui, il faudrait le faire, 258 00:15:25,770 --> 00:15:26,530 ça présente des avantages. 259 00:15:26,830 --> 00:15:29,430 Selon d'autres auteurs, non, il faut rester comme ça, 260 00:15:29,630 --> 00:15:33,030 il ne faut surtout pas le faire parce que ça n'est pas utile et 261 00:15:33,230 --> 00:15:34,950 ça pourrait même être dangereux. 262 00:15:35,150 --> 00:15:39,590 Donc le point d'interrogation se justifie toujours à l'heure actuelle.