1 00:00:04,580 --> 00:00:08,580 À titre de transition entre le paragraphe 1 et le paragraphe 2, 2 00:00:08,900 --> 00:00:11,240 j'aimerais livrer les observations suivantes. 3 00:00:12,160 --> 00:00:17,280 L'article 12 rompt ainsi avec la tradition accusatoire antérieure 4 00:00:17,480 --> 00:00:21,380 au nouveau Code de procédure civile puisqu'il confère au juge le pouvoir 5 00:00:21,580 --> 00:00:26,880 de qualifier ou requalifier d'office les faits du litige et d'en déduire 6 00:00:27,080 --> 00:00:31,100 l'application d'une règle de droit qu'aucune partie n'avait invoquée. 7 00:00:32,140 --> 00:00:36,240 Souvent pourtant, les juges du fond semblent ne pas être conscients 8 00:00:36,440 --> 00:00:40,480 de cette rupture avec le droit à la procédure civile antérieure 9 00:00:40,680 --> 00:00:41,700 au nouveau Code de procédure civile. 10 00:00:42,060 --> 00:00:47,320 En effet, il arrive que les juges du fond pensent qu'ils ne peuvent 11 00:00:47,520 --> 00:00:50,720 pas modifier le fondement juridique de la demande, qu'ils sont dépourvus 12 00:00:50,920 --> 00:00:54,260 de ce pouvoir, qu'ils sont liés par les moyens que les parties 13 00:00:54,460 --> 00:00:55,220 leur ont présentés. 14 00:00:55,540 --> 00:01:00,060 Et dans ce cas, ils rejettent la demande lorsqu'évidemment le moyen 15 00:01:00,260 --> 00:01:03,980 repose sur une règle de droit qui n'est pas applicable, 16 00:01:04,480 --> 00:01:07,860 ils considèrent qu'ils ne peuvent que rejeter la demande au motif 17 00:01:08,060 --> 00:01:10,740 qu'ils n'ont pas le pouvoir de modifier le fondement juridique erroné. 18 00:01:11,080 --> 00:01:15,520 C'était le cas par exemple dans un arrêt de la troisième chambre 19 00:01:15,720 --> 00:01:20,080 civile du 20 octobre 2016 pourvoi numéro 15-19.091. 20 00:01:21,620 --> 00:01:24,080 C'est ce que les juges du fond avaient considéré. 21 00:01:24,460 --> 00:01:26,340 Ces arrêts sont toujours cassés. 22 00:01:26,540 --> 00:01:28,180 C'est d'ailleurs ce que fait la troisième chambre civile dans cet 23 00:01:28,380 --> 00:01:29,620 arrêt du 20 octobre 2016. 24 00:01:30,220 --> 00:01:33,140 Mais on peut se demander comment cela se fait. 25 00:01:34,760 --> 00:01:37,780 Mais en réalité, à première vue, on peut comprendre le réflexe du juge. 26 00:01:37,980 --> 00:01:42,320 Parce que si le juge relève une règle de droit qu'aucune partie 27 00:01:42,520 --> 00:01:45,000 n'a relevée et qu'il en fait application au litige, 28 00:01:45,240 --> 00:01:49,860 cette règle de droit va nécessairement donner raison à une partie et tort 29 00:01:50,060 --> 00:01:50,820 à l'autre. 30 00:01:51,020 --> 00:01:53,820 Autrement dit, ça va favoriser une partie, ça va lui venir en aide. 31 00:01:54,560 --> 00:01:58,280 Or les magistrats sont naturellement réticents à l'idée de venir en 32 00:01:58,480 --> 00:01:59,240 aide à l'une des parties. 33 00:02:00,500 --> 00:02:04,460 Ils ont l'impression d'être partiaux, de descendre dans l'arène, 34 00:02:04,660 --> 00:02:06,660 de faire le travail de l'avocat d'une partie. 35 00:02:07,860 --> 00:02:10,300 Est-ce que cette impression est justifiée ? 36 00:02:10,500 --> 00:02:13,940 On peut se demander qu'est-ce que ça veut dire réellement être partial ? 37 00:02:14,140 --> 00:02:16,800 Est-ce que ça veut dire prendre parti ? 38 00:02:17,000 --> 00:02:17,760 Non. 39 00:02:17,960 --> 00:02:19,920 On voit bien que ça n'est pas suffisant puisque prendre parti, 40 00:02:20,120 --> 00:02:23,080 c'est justement ce qu'on attend du juge, qu'à la fin du litige, 41 00:02:23,280 --> 00:02:26,920 il prenne parti en faveur d'une partie et au détriment de l'autre 42 00:02:27,120 --> 00:02:29,640 parce qu'il a estimé qu'il y en avait une qui était dans son tort 43 00:02:29,840 --> 00:02:30,600 et l'autre pas. 44 00:02:31,100 --> 00:02:33,320 Donc ça n'est pas juste prendre parti. 45 00:02:33,780 --> 00:02:37,680 Être partial, c'est prendre parti en vertu d'un préjugé, 46 00:02:37,880 --> 00:02:42,640 c'est-à-dire en vertu d'une raison qui ne devrait pas entrer en ligne 47 00:02:42,840 --> 00:02:47,380 de compte parce qu'on veut favoriser ou défavoriser une partie. 48 00:02:47,780 --> 00:02:51,780 C'est-à-dire c'est aider une partie parce qu'on a pour but de l'aider, 49 00:02:52,000 --> 00:02:53,980 cette partie-là et pas l'autre. 50 00:02:54,200 --> 00:02:55,620 C'est le but principal de son action. 51 00:02:57,080 --> 00:03:02,240 Dans l'hypothèse de l'article 12 dans laquelle le juge se dit tiens 52 00:03:02,440 --> 00:03:04,820 mais au fond ces faits peuvent être qualifiés comme ci et donc en fait, 53 00:03:05,020 --> 00:03:09,320 il y a telle règle de droit qui s'applique, le but principal du juge, 54 00:03:09,520 --> 00:03:13,520 c'est d'appliquer la règle de droit applicable, c'est-à-dire de mener 55 00:03:13,720 --> 00:03:17,960 un raisonnement juridique, objectif, d'en déduire donc en 56 00:03:18,160 --> 00:03:22,520 réalité telle règle de droit s'applique et ensuite il constate que ça vient 57 00:03:22,720 --> 00:03:23,700 en aide à telle partie. 58 00:03:24,180 --> 00:03:27,560 Mais ça n'est pas son but d'aider cette partie, ça n'est que la 59 00:03:27,760 --> 00:03:31,660 conséquence de son but qui est d'appliquer un raisonnement juridique 60 00:03:31,860 --> 00:03:35,360 exact à des faits en appliquant la bonne règle de droit. 61 00:03:35,560 --> 00:03:40,060 Donc on peut considérer en tout cas, c'est ce qu'ont considéré les 62 00:03:40,260 --> 00:03:43,760 rédacteurs du Code de procédure civile, que l'article 12 ne pose pas de 63 00:03:43,960 --> 00:03:44,800 problème de partialité. 64 00:03:46,160 --> 00:03:51,200 En revanche, il est vrai qu'il peut y avoir un problème si parfois 65 00:03:51,400 --> 00:03:54,760 le juge relève d'office la règle de droit et parfois, 66 00:03:54,960 --> 00:03:58,280 il ne le fait pas, ou certains juges relèvent systématiquement 67 00:03:58,480 --> 00:04:00,840 les règles de droits applicables et d'autres juges jamais. 68 00:04:02,380 --> 00:04:06,060 Là ça pose évidemment un problème d'une autre nature, c'est un problème 69 00:04:06,260 --> 00:04:09,920 d'égalité des justiciables devant la justice en fonction du type 70 00:04:10,120 --> 00:04:11,060 de juge qu'ils ont en face d'eux. 71 00:04:11,260 --> 00:04:13,500 Est-ce qu'ils ont un juge plutôt interventionniste ou un juge plutôt 72 00:04:13,700 --> 00:04:14,460 passif ? 73 00:04:14,660 --> 00:04:19,280 Donc la solution pour remédier à ce problème d'égalité serait 74 00:04:19,480 --> 00:04:25,140 que le relevé d'office soit obligatoire, c'est-à-dire que les 75 00:04:25,340 --> 00:04:29,760 juges aient le pouvoir de relever d'office la règle de droit et qu'ils 76 00:04:29,960 --> 00:04:32,780 aient même l'obligation de mettre en œuvre ce pouvoir, 77 00:04:33,200 --> 00:04:37,080 ce qui nous amène au paragraphe 2, c'est-à-dire la question de l'intensité 78 00:04:37,280 --> 00:04:40,220 des pouvoirs du juge au sein de son domaine d'intervention, 79 00:04:40,480 --> 00:04:42,540 faculté ou obligation ? 80 00:04:44,720 --> 00:04:45,480 Paragraphe 2. 81 00:04:45,680 --> 00:04:48,300 l'intensité des pouvoirs du juge au sein de son domaine d'intervention : 82 00:04:48,540 --> 00:04:50,340 faculté ou obligation ? 83 00:04:53,120 --> 00:04:56,000 Dans le paragraphe 1, on a donc délimité les pouvoirs du juge, 84 00:04:56,200 --> 00:04:58,560 il reste maintenant à en définir l'intensité. 85 00:04:59,720 --> 00:05:04,380 Le juge a-t-il l'obligation ou simplement la faculté d'intervenir 86 00:05:04,580 --> 00:05:07,040 dans le domaine qui est le sien, c'est-à-dire le domaine du droit ? 87 00:05:07,240 --> 00:05:10,880 A-t-il l'obligation ou la faculté de relever d'office la règle de 88 00:05:11,080 --> 00:05:11,840 droit applicable ? 89 00:05:12,040 --> 00:05:13,320 Que disent les textes ? 90 00:05:13,520 --> 00:05:16,180 Plus précisément, que dit le Code de procédure civile, 91 00:05:16,380 --> 00:05:17,300 l'article 12 ? 92 00:05:17,500 --> 00:05:20,140 Je le reprends cette fois sous cet angle. 93 00:05:20,420 --> 00:05:23,960 Alinéa 1, "le juge tranche le litige conformément aux règles de droit 94 00:05:24,160 --> 00:05:24,920 qui lui sont applicables". 95 00:05:25,120 --> 00:05:31,260 Le juge tranche, c'est une formule qui est courante en droit, 96 00:05:31,500 --> 00:05:34,420 on a un indicatif présent, qui vaut impératif. 97 00:05:34,980 --> 00:05:37,040 Donc ça va plutôt dans le sens d'une obligation. 98 00:05:37,920 --> 00:05:41,780 Et l'article 12, alinéa 2, est explicite à cet égard, 99 00:05:42,140 --> 00:05:46,120 "le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits 100 00:05:46,320 --> 00:05:48,940 et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties 101 00:05:49,140 --> 00:05:49,900 en auraient donnée". 102 00:05:50,100 --> 00:05:54,920 C'est donc une obligation pour le juge qui se déduit de ces deux 103 00:05:55,120 --> 00:05:59,020 premiers alinéas, 1 et 2, ce qui est cohérent avec le fait 104 00:05:59,220 --> 00:06:02,320 que l'inspirateur de cet article est Motulsky et que c'était la 105 00:06:02,520 --> 00:06:03,280 conception de Motulsky. 106 00:06:03,480 --> 00:06:07,120 Pour Motulsky, le juge doit appliquer le droit applicable. 107 00:06:07,500 --> 00:06:11,820 Le juge, je le cite, le juge est tenu de statuer d'office 108 00:06:12,020 --> 00:06:15,020 sur les aspects juridiques des éléments de fait à lui soumis. 109 00:06:15,280 --> 00:06:16,400 Il est tenu. 110 00:06:17,840 --> 00:06:21,200 Ceci dans un souci d'exactitude, dans le souci de se rapprocher 111 00:06:21,400 --> 00:06:22,160 de la vérité. 112 00:06:22,360 --> 00:06:24,480 C'est cette règle qui s'applique, il faut l'appliquer. 113 00:06:24,740 --> 00:06:26,920 C'est donc une certaine conception du procès. 114 00:06:27,260 --> 00:06:30,140 On n'est pas en procédure pénale, d'accord, mais pour autant, 115 00:06:30,340 --> 00:06:32,980 la vérité est quand même un objectif du procès civil. 116 00:06:33,180 --> 00:06:36,860 Il est moins crucial, mais il existe quand même. 117 00:06:37,960 --> 00:06:42,140 Avant 1979, je l'ai dit, il y avait un alinéa 3, 118 00:06:42,460 --> 00:06:46,500 selon lequel "le juge peut relever d'office les moyens de pur droit, 119 00:06:46,720 --> 00:06:48,840 quel que soit le fondement juridique invoqué par les parties". 120 00:06:50,740 --> 00:06:55,000 Motulsky s'est étranglé en découvrant la rédaction de cet alinéa dans 121 00:06:55,200 --> 00:06:56,660 le décret du 9 septembre 1971. 122 00:06:58,280 --> 00:07:01,900 Le décret de 9 septembre 1971, c'est celui qui contenait les premiers 123 00:07:02,100 --> 00:07:04,740 articles du Code de procédure civile qui ont ensuite été incorporés, 124 00:07:04,940 --> 00:07:09,020 tels quels, au Code de procédure civile quand le code proprement 125 00:07:09,220 --> 00:07:13,700 dit a été promulgué en 1975, entré en vigueur en 1976. 126 00:07:14,460 --> 00:07:20,000 Donc il ouvre le décret du 9 septembre 1971 qui va contenir la première 127 00:07:20,200 --> 00:07:21,680 partie de la réforme. 128 00:07:22,560 --> 00:07:25,080 Il lit l'article 12 et là il devient tout blanc. 129 00:07:25,920 --> 00:07:29,020 Il y a écrit "peut" alors que dans la version originale, 130 00:07:29,220 --> 00:07:30,540 il y avait écrit "doit". 131 00:07:31,740 --> 00:07:35,320 C'est donc qu'un membre de la commission de réforme du Code de 132 00:07:35,520 --> 00:07:39,560 procédure civile a changé au dernier moment ou alors un membre de la 133 00:07:39,760 --> 00:07:41,820 chancellerie, c'est possible aussi, on ne le saura jamais, 134 00:07:42,060 --> 00:07:46,460 quelqu'un a délibérément changé le "doit" en "peut", 135 00:07:46,700 --> 00:07:49,980 sans doute parce que ce quelqu'un n'était pas d'accord avec la vision 136 00:07:50,180 --> 00:07:54,540 maximaliste de Motulsky et voulait introduire un peu de souplesse 137 00:07:54,740 --> 00:07:56,080 dans l'office du juge. 138 00:07:56,420 --> 00:07:58,780 Le problème, c'est qu'on a donc les premiers alinéas qui disent 139 00:07:58,980 --> 00:08:02,820 "doit" et on avait donc cet alinéa 3 qui disait "peut'. 140 00:08:03,060 --> 00:08:06,460 En réalité, ça introduisait juste non pas de la souplesse mais plutôt 141 00:08:06,660 --> 00:08:08,780 de l'incohérence dans l'office du juge. 142 00:08:10,100 --> 00:08:17,340 Mais la raison de ce désir de souplesse tient aux inconvénients qui sont 143 00:08:17,540 --> 00:08:20,980 liés à la vision de Motulsky, c'est-à-dire à une obligation faite 144 00:08:21,180 --> 00:08:22,100 au juge en toute circonstance. 145 00:08:23,400 --> 00:08:24,780 Quels sont ces inconvénients ? 146 00:08:24,980 --> 00:08:29,640 D'abord obliger le juge à toujours relever la règle de droit applicable, 147 00:08:29,840 --> 00:08:32,160 c'est l'obliger à passer beaucoup de temps sur chaque dossier, 148 00:08:32,360 --> 00:08:35,740 ça veut dire qu'il devra toujours s'assurer que tous les faits pertinents 149 00:08:35,940 --> 00:08:38,640 ont été spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs 150 00:08:38,840 --> 00:08:42,000 prétentions et bien qualifiés et que la bonne règle de droit a été 151 00:08:42,200 --> 00:08:42,960 invoquée. 152 00:08:43,160 --> 00:08:47,020 Ça signifie qu'il devra aussi s'assurer qu'il n'y a pas des faits adventices, 153 00:08:47,280 --> 00:08:50,600 des faits qui résultent du dossier mais qui n'ont pas été spécialement 154 00:08:50,800 --> 00:08:54,460 utilisés par les parties qui par hasard n'appellent pas l'application 155 00:08:54,660 --> 00:08:58,200 d'une règle de droit de nature à permettre d'accorder l'objet 156 00:08:58,400 --> 00:08:59,160 de la demande. 157 00:08:59,760 --> 00:09:04,180 Par exemple imaginons que la nullité d'un contrat soit demandée en raison 158 00:09:04,380 --> 00:09:08,680 de la nullité d'une certaine clause, le contrat fait 120 pages, 159 00:09:09,080 --> 00:09:13,040 si le juge estime que cette clause, la clause invoquée n'est pas nulle 160 00:09:13,240 --> 00:09:17,100 ou alors qu'elle est nulle mais que la nullité de la clause n'emporte 161 00:09:17,300 --> 00:09:21,720 pas la nullité du contrat tout entier, ça voudrait dire, cette obligation, 162 00:09:21,920 --> 00:09:24,760 que le juge serait obligé d'examiner soigneusement toutes les clauses 163 00:09:24,960 --> 00:09:27,940 pour vérifier qu'il n'y en a pas une qui permettrait d'entraîner 164 00:09:28,140 --> 00:09:30,460 la nullité du contrat ou qu'il n'y aurait pas par exemple une 165 00:09:30,660 --> 00:09:32,820 condition suspensive qui ne se serait pas réalisée. 166 00:09:33,080 --> 00:09:35,820 Donc ça lui ferait perdre un temps considérable. 167 00:09:36,940 --> 00:09:41,080 Deuxième inconvénient, cela multiplie, cela risque de 168 00:09:41,280 --> 00:09:44,860 multiplier le nombre de pourvois qui ne seraient pas nécessairement 169 00:09:45,060 --> 00:09:45,820 fondés. 170 00:09:46,280 --> 00:09:48,780 Prenons une partie qui perd devant le juge du fond. 171 00:09:49,880 --> 00:09:52,920 Si on considère que le juge a l'obligation de relever d'office 172 00:09:53,120 --> 00:09:56,120 la règle de droit applicable, la partie va former un pourvoi 173 00:09:56,320 --> 00:10:00,520 pour violation de l'article 12 en prétendant que le juge aurait 174 00:10:00,720 --> 00:10:02,880 dû envisager l'application d'une autre règle de droit. 175 00:10:03,560 --> 00:10:05,420 Peut-être qu'en fait, cette nouvelle règle de droit ne 176 00:10:05,620 --> 00:10:09,100 s'applique pas, mais en attendant, un pourvoi aura été formé et cela 177 00:10:09,300 --> 00:10:12,000 aura gonflé le rôle de la Cour de cassation. 178 00:10:13,480 --> 00:10:17,320 C'est pourquoi il est difficile d'admettre que le juge ait toujours 179 00:10:17,520 --> 00:10:19,510 une obligation d'appliquer le droit applicable. 180 00:10:19,710 --> 00:10:24,100 Donc les textes sont incohérents. 181 00:10:24,300 --> 00:10:26,440 Que dit la jurisprudence ? 182 00:10:26,640 --> 00:10:29,780 Antérieurement à 2007, la jurisprudence de la Cour de 183 00:10:29,980 --> 00:10:31,280 cassation était totalement divergente. 184 00:10:31,960 --> 00:10:35,180 Selon la première et la troisième chambre civile, c'était plutôt 185 00:10:35,380 --> 00:10:38,480 une obligation, mais dans certains arrêts, ça n'était qu'une faculté. 186 00:10:38,680 --> 00:10:41,000 Pour la deuxième chambre civile et la chambre commerciale, 187 00:10:41,200 --> 00:10:44,180 c'était plutôt une faculté, mais là encore, ce n'était pas 188 00:10:44,380 --> 00:10:46,020 très fermement tenu. 189 00:10:47,180 --> 00:10:50,000 Il y a une seule solution qui était adoptée par toutes les chambres 190 00:10:50,200 --> 00:10:52,040 de la Cour de cassation et qui l'est encore aujourd'hui, 191 00:10:52,240 --> 00:10:56,740 même après 2007, dans une situation très particulière et qui tend à 192 00:10:56,940 --> 00:11:03,260 se raréfier, c'est la situation dans laquelle aucun fondement juridique 193 00:11:03,460 --> 00:11:06,260 n'a été suggéré par les parties. 194 00:11:06,900 --> 00:11:09,980 Donc c'est-à-dire que les parties se sont contentées d'énoncer les faits, 195 00:11:10,180 --> 00:11:13,120 les prétentions et c'est tout. 196 00:11:13,800 --> 00:11:18,000 Dans ce cas-là, le juge a l'obligation de relever d'office le fondement 197 00:11:18,200 --> 00:11:18,960 juridique. 198 00:11:19,160 --> 00:11:21,840 Là, c'est une obligation, tout le monde en est bien persuadé 199 00:11:22,040 --> 00:11:25,100 et l'arrêt de 2007 que nous verrons après n'a pas remis en cause cette 200 00:11:25,300 --> 00:11:26,060 solution. 201 00:11:26,260 --> 00:11:30,160 Alors elle se raréfie, cette situation, dans la mesure 202 00:11:30,360 --> 00:11:35,180 où il est maintenant assez fréquent que la partie qui forme une prétention 203 00:11:35,380 --> 00:11:38,260 ait l'obligation de fonder cette prétention en fait, mais également 204 00:11:38,460 --> 00:11:41,900 en droit, donc de suggérer un fondement juridique. 205 00:11:42,860 --> 00:11:47,120 C'est le cas lorsque la prétention est formée par voie d'assignation 206 00:11:47,320 --> 00:11:51,540 ou lorsqu'on est devant le tribunal judiciaire en procédure écrite 207 00:11:51,740 --> 00:11:54,360 ou la Cour d'appel en procédure écrite et que la prétention est 208 00:11:54,560 --> 00:11:59,100 formée dans des conclusions, là encore, le demandeur devra présenter 209 00:11:59,300 --> 00:12:00,780 ses moyens en fait et en droit. 210 00:12:03,240 --> 00:12:05,860 Enfin il peut arriver encore par exemple devant le Conseil de 211 00:12:06,060 --> 00:12:08,620 prud'hommes qu'une partie ne suggère aucun fondement juridique, 212 00:12:08,820 --> 00:12:11,760 dans ce cas-là, le juge a l'obligation, lui, de relever d'office la bonne 213 00:12:11,960 --> 00:12:12,720 règle de droit. 214 00:12:13,560 --> 00:12:17,560 Les difficultés donc, le débat a lieu à propos de la 215 00:12:17,760 --> 00:12:20,440 situation la plus courante qui est celle dans laquelle les parties 216 00:12:20,640 --> 00:12:22,020 ont suggéré un fondement juridique. 217 00:12:22,220 --> 00:12:27,580 Dans ce cas-là, le juge peut-il ou doit-il modifier ce fondement 218 00:12:27,780 --> 00:12:30,920 juridique lorsque c'est possible ? 219 00:12:31,120 --> 00:12:35,400 Et c'est donc sur cette question qu'est intervenu l'un des grands 220 00:12:35,600 --> 00:12:41,620 arrêts de ces dernières années en procédure civile qui est un 221 00:12:41,820 --> 00:12:44,740 arrêt de l'assemblée plénière du 21 décembre 2007. 222 00:12:46,180 --> 00:12:51,580 Et donc on va exposer l'état du droit depuis cet arrêt, 223 00:12:51,780 --> 00:12:55,640 c'est-à-dire l'état du droit actuel dans un A, et dans le B, 224 00:12:55,840 --> 00:12:59,160 on présentera ensuite les critiques doctrinales dont cet arrêt et cette 225 00:12:59,360 --> 00:13:00,380 jurisprudence fait l'objet.