1 00:00:04,980 --> 00:00:06,800 Chapitre II : ce qu'elle est. 2 00:00:08,340 --> 00:00:14,540 L'action est donc distincte du droit substantiel qui est invoqué 3 00:00:14,740 --> 00:00:19,460 par la partie, elle est distincte de l'acte juridique qui permet 4 00:00:19,660 --> 00:00:25,540 de l'exercer — la demande —, et l'action est donc le droit d'obtenir 5 00:00:25,740 --> 00:00:26,500 un jugement sur le fond. 6 00:00:27,600 --> 00:00:31,360 Le droit, ou autrement dit, le droit que le juge statue au 7 00:00:31,560 --> 00:00:32,320 fond sur la demande. 8 00:00:36,560 --> 00:00:40,880 Alors dans ce chapitre II, on va à présent tenter de préciser 9 00:00:41,080 --> 00:00:43,600 quelle est sa nature, ce sera la section 1, 10 00:00:43,840 --> 00:00:47,200 qui doit être titulaire de l'action, ce sera la section 2, 11 00:00:47,420 --> 00:00:50,140 et quels sont ses caractères, ce sera la section 3. 12 00:00:50,700 --> 00:00:53,660 Section 1 : la nature de l'action. 13 00:00:54,640 --> 00:00:58,860 Pour Henri Motulsky, qui donc, comme je l'ai dit, 14 00:00:59,060 --> 00:01:03,320 a inspiré l'article 30, le droit d'action était en fait 15 00:01:03,520 --> 00:01:06,880 un droit subjectif, c'est-à-dire que le droit d'action répondait, 16 00:01:07,080 --> 00:01:10,120 selon lui, à la définition du droit subjectif. 17 00:01:12,180 --> 00:01:15,580 Plus particulièrement, Motulsky voyait dans le droit d'action 18 00:01:15,780 --> 00:01:20,520 un droit subjectif de nature personnelle, c'est-à-dire un droit 19 00:01:20,720 --> 00:01:23,780 personnel par opposition au droit réel, comme le droit de propriété, 20 00:01:23,980 --> 00:01:26,880 le droit de gage, le droit d'usufruit, etc. 21 00:01:27,520 --> 00:01:30,640 Donc lui, c'était un droit subjectif de nature personnelle, 22 00:01:30,840 --> 00:01:31,680 autrement dit un droit de créance. 23 00:01:32,800 --> 00:01:40,140 Et donc il énonçait ainsi que l'action établissait, l'exercice de l'action 24 00:01:40,340 --> 00:01:43,840 établissait un lien juridique entre le juge et les parties. 25 00:01:44,260 --> 00:01:46,480 Et ce lien juridique, en fait, selon lui, c'était un 26 00:01:46,680 --> 00:01:47,440 lien d'obligation. 27 00:01:48,560 --> 00:01:53,660 En effet, dès lors qu'une partie est titulaire du droit d'action, 28 00:01:53,980 --> 00:01:58,700 elle a un droit à obliger le juge à statuer au fond. 29 00:01:59,620 --> 00:02:01,460 Le juge est obligé à statuer au fond. 30 00:02:03,200 --> 00:02:07,080 Donc en quelque sorte, la partie est créancière et le 31 00:02:07,280 --> 00:02:11,280 juge est débiteur d'une obligation de faire, statuer au fond sur la 32 00:02:11,480 --> 00:02:12,240 prétention. 33 00:02:12,600 --> 00:02:16,420 Et s'il ne le fait pas, s'il ne statue pas au fond, 34 00:02:16,620 --> 00:02:17,720 mais qu'est-ce qu'il fait ? 35 00:02:17,920 --> 00:02:19,700 Il se rend coupable d'un déni de justice. 36 00:02:20,100 --> 00:02:21,200 Il y a une sanction qui tombe. 37 00:02:21,780 --> 00:02:24,360 Un déni de justice dont il est personnellement responsable ? 38 00:02:24,560 --> 00:02:28,700 Donc c'était bien la preuve pour Henri Motulsky que le droit d'action 39 00:02:28,900 --> 00:02:32,680 est un droit subjectif dont le sujet passif, il ne disait pas 40 00:02:32,880 --> 00:02:35,660 débiteur, il disait sujet passif, mais ça veut dire la même chose, 41 00:02:36,060 --> 00:02:36,960 est le juge. 42 00:02:38,200 --> 00:02:42,060 Cette analyse est partagée par certains auteurs et contestée par 43 00:02:42,260 --> 00:02:43,020 d'autres. 44 00:02:43,220 --> 00:02:46,040 Tous les auteurs sont d'accord pour dire que l'exercice de l'action 45 00:02:46,240 --> 00:02:49,480 permet effectivement d'obliger le juge à statuer au fond. 46 00:02:49,680 --> 00:02:50,480 Ça, tout le monde est d'accord. 47 00:02:51,560 --> 00:02:55,320 Mais pour autant, en général, les auteurs ont du mal à qualifier 48 00:02:55,520 --> 00:02:58,220 le droit d'action de droit subjectif. 49 00:02:58,520 --> 00:03:03,960 En fait, on trouve ça un peu bizarre de qualifier le juge de débiteur. 50 00:03:04,160 --> 00:03:07,180 À la limite, l'arbitre, dans un arbitrage, c'est-à-dire 51 00:03:07,380 --> 00:03:10,840 les parties qui confient à une personne privée la mission de trancher 52 00:03:11,040 --> 00:03:16,360 leur litige, peut dire qu'il est débiteur d'une obligation de faire 53 00:03:16,560 --> 00:03:17,320 à leur égard. 54 00:03:17,520 --> 00:03:22,580 Mais le juge ne tient pas son pouvoir d'un contrat avec les justiciables, 55 00:03:22,780 --> 00:03:24,740 il exerce sa fonction, point. 56 00:03:24,980 --> 00:03:30,440 Donc c'est un peu bizarre de le traiter de débiteur face au demandeur 57 00:03:30,640 --> 00:03:31,780 qui est un créancier. 58 00:03:32,440 --> 00:03:35,300 Donc c'est plutôt minoritaire, quand même, comme façon de voir 59 00:03:35,500 --> 00:03:36,260 les choses. 60 00:03:36,460 --> 00:03:39,640 Alors, après, chaque auteur propose sa qualification, sa nature. 61 00:03:40,160 --> 00:03:45,160 Et alors là, les analyses les plus diverses sont proposées pour trouver 62 00:03:45,360 --> 00:03:46,700 autre chose que droit subjectif. 63 00:03:46,900 --> 00:03:51,820 Et donc, on trouve en vrac, dans le précis Dalloz de procédures 64 00:03:52,020 --> 00:03:55,640 civiles, l'action est une prérogative générale. 65 00:03:56,300 --> 00:04:00,340 Pour Georges Wiederkehr, dans un article, c'est un lien 66 00:04:00,540 --> 00:04:01,780 virtuel entre deux personnes. 67 00:04:02,020 --> 00:04:07,660 Pour Emmanuel Jeuland, dans le Cadiet Jeuland, 68 00:04:07,860 --> 00:04:11,560 c'est une possibilité, donc une notion juridique qui n'existe 69 00:04:11,760 --> 00:04:14,280 pas mais qu'il invente pour la circonstance, enfin qui lui paraît 70 00:04:14,480 --> 00:04:17,080 mériter d'être inventée pour la circonstance. 71 00:04:17,700 --> 00:04:21,020 Pour Nicolas Quérol, c'est un concept sui generis. 72 00:04:21,220 --> 00:04:24,760 Et je ne parle pas des auteurs qui estiment qu'en réalité, 73 00:04:25,120 --> 00:04:26,800 tout simplement, l'action n'existe pas. 74 00:04:27,000 --> 00:04:29,320 En fait, une notion inutile, on peut s'en passer. 75 00:04:29,920 --> 00:04:36,020 C'est l'opinion de Jacques Héron, 76 00:04:36,220 --> 00:04:38,920 et donc on trouve maintenant dans le Héron, Le Bars, Salhi. 77 00:04:42,940 --> 00:04:46,400 Je ne veux pas entrer dans cette discussion qui est vraiment purement 78 00:04:46,600 --> 00:04:50,380 doctrinale, mais donc il n'y a aucun consensus sur la nature véritable 79 00:04:50,580 --> 00:04:51,520 de l'action. 80 00:04:52,580 --> 00:04:56,640 Et c'est donc quelque chose d'assez complexe, un débat assez complexe, 81 00:04:56,840 --> 00:05:02,040 et le fait que l'action soit attribuée par l'article 30 au défendeur, 82 00:05:02,320 --> 00:05:06,200 ce qu'on va voir maintenant à l'alinéa 2, ne contribue pas à clarifier 83 00:05:06,400 --> 00:05:07,160 les choses. 84 00:05:07,360 --> 00:05:10,060 Donc section 2 : les titulaires de l'action. 85 00:05:12,060 --> 00:05:16,180 Selon le texte de l'article 30, l'action appartient ou doit appartenir 86 00:05:16,380 --> 00:05:20,240 au demandeur, mais également, et de façon plus surprenante, 87 00:05:20,520 --> 00:05:21,480 au défendeur. 88 00:05:21,680 --> 00:05:23,800 Donc je vous relis les alinéa 1 et 2. 89 00:05:24,000 --> 00:05:26,540 Alinéa 1, que vous avez maintenant parfaitement compris, 90 00:05:26,940 --> 00:05:30,020 "l'action est le droit pour l'auteur d'une prétention d'être entendu 91 00:05:30,220 --> 00:05:32,820 sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée". 92 00:05:33,180 --> 00:05:36,780 Alinéa 2, pour l'adversaire, donc c'est le défendeur, 93 00:05:37,000 --> 00:05:42,220 "pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé 94 00:05:42,620 --> 00:05:43,480 de cette prétention". 95 00:05:43,680 --> 00:05:50,980 Donc l'article 30 postule une symétrie parfaite entre les positions 96 00:05:51,180 --> 00:05:53,620 procédurales du demandeur et du défendeur. 97 00:05:54,200 --> 00:05:59,360 Le demandeur doit être titulaire d'une action pour que le juge statue 98 00:05:59,560 --> 00:06:04,620 au fond sur sa demande, et symétriquement, le défendeur 99 00:06:04,820 --> 00:06:10,760 devrait être titulaire d'une action pour que le juge statue au fond 100 00:06:10,960 --> 00:06:13,040 sur ses moyens de défense. 101 00:06:14,120 --> 00:06:16,540 C'est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention, 102 00:06:16,800 --> 00:06:18,900 c'est donc le droit de présenter des moyens de défense et que le 103 00:06:19,100 --> 00:06:21,420 juge statue sur le fond de ses moyens de défense. 104 00:06:23,480 --> 00:06:26,880 Alors c'est très joli, très élégant, mais est-ce que ça 105 00:06:27,080 --> 00:06:27,840 a un sens ? 106 00:06:28,040 --> 00:06:33,740 Si le défendeur a un droit d'action symétrique à celui du demandeur, 107 00:06:33,980 --> 00:06:39,660 enfin plus exactement, s'il existe un droit d'action du 108 00:06:39,860 --> 00:06:44,260 défendeur symétrique au droit d'action du demandeur, ça signifie que le 109 00:06:44,460 --> 00:06:49,080 défendeur va aussi devoir réunir des conditions de recevabilité, 110 00:06:49,280 --> 00:06:52,680 les conditions générales d'existence du droit d'action, comme on l'a 111 00:06:52,880 --> 00:06:55,260 vu pour l'instant, principalement intérêt et qualité. 112 00:06:56,980 --> 00:06:59,720 S'il n'a pas ces conditions de recevabilité, ces conditions 113 00:06:59,920 --> 00:07:01,800 d'existence du droit d'action, s'il ne les présente pas, 114 00:07:02,000 --> 00:07:05,760 s'il ne les réunit pas, le juge ne devrait pas être obligé 115 00:07:05,960 --> 00:07:07,030 d'examiner ses moyens de défense. 116 00:07:07,230 --> 00:07:09,220 Si c'est parfaitement symétrique, c'est ça que ça veut dire. 117 00:07:09,700 --> 00:07:10,750 Est-ce que c'est le cas ? 118 00:07:10,950 --> 00:07:12,640 Non, pas du tout. 119 00:07:13,480 --> 00:07:17,260 On n'exige rien du défendeur de ce point de vue et heureusement, 120 00:07:17,460 --> 00:07:20,820 le juge est obligé de statuer sur les moyens de défense qu'il soulève, 121 00:07:21,080 --> 00:07:23,460 sans avoir à se demander s'il a bien un droit d'action, 122 00:07:23,760 --> 00:07:25,460 intérêt, qualité, je ne sais quoi, pas du tout. 123 00:07:25,740 --> 00:07:27,560 C'est les droits de la défense qui l'exigent. 124 00:07:27,780 --> 00:07:30,820 Le défendeur est attaqué en justice, il présente les moyens de défense, 125 00:07:31,020 --> 00:07:33,440 le juge est obligé d'examiner les moyens de défense, point. 126 00:07:33,780 --> 00:07:37,600 Parce qu'en raison du grand principe à valeur constitutionnelle des 127 00:07:37,800 --> 00:07:38,880 droits de la défense. 128 00:07:39,540 --> 00:07:43,800 Donc on n'a pas du tout besoin de la théorie de l'action pour 129 00:07:44,000 --> 00:07:48,900 justifier que le juge examine les moyens de défense du défendeur. 130 00:07:50,420 --> 00:07:53,580 Pour autant, il est vrai qu'il n'y a pas que l'article 30 qui 131 00:07:53,780 --> 00:07:55,180 évoque cette action du défendeur. 132 00:07:55,380 --> 00:08:01,840 Un autre article semble exiger un intérêt et une qualité non seulement 133 00:08:02,040 --> 00:08:05,460 chez le demandeur mais aussi chez le défendeur, c'est l'article 31. 134 00:08:05,880 --> 00:08:09,200 L'article 31, on ne l'a pas encore étudié, on l'étudiera juste après, 135 00:08:09,520 --> 00:08:13,680 mais je peux déjà vous le citer pour ce qui nous intéresse pour 136 00:08:13,880 --> 00:08:14,640 l'instant. 137 00:08:14,840 --> 00:08:19,340 Selon l'article 31, "l'action est ouverte à tous ceux qui ont un 138 00:08:19,540 --> 00:08:22,780 intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention. 139 00:08:23,800 --> 00:08:27,040 L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au 140 00:08:27,240 --> 00:08:32,220 succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels 141 00:08:32,420 --> 00:08:36,240 la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie", 142 00:08:36,460 --> 00:08:41,060 c'est-à-dire à qui elle donne qualité, "aux seules personnes qu'elle qualifie 143 00:08:41,260 --> 00:08:46,660 pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé". 144 00:08:46,940 --> 00:08:49,320 Alors ce qui nous intéresse pour l'instant dans l'article 31, 145 00:08:49,740 --> 00:08:52,860 ce sont les mots suivants." L'action est ouverte à tous ceux qui ont 146 00:08:53,060 --> 00:08:55,960 un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, 147 00:08:56,280 --> 00:09:00,180 donc l'action est ouverte à ceux qui ont intérêt au rejet d'une 148 00:09:00,380 --> 00:09:04,440 prétention", c'est donc le défendeur qui a intérêt au rejet de la 149 00:09:04,640 --> 00:09:07,320 prétention, "sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le 150 00:09:07,520 --> 00:09:09,400 droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou 151 00:09:09,920 --> 00:09:12,960 combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé". 152 00:09:13,160 --> 00:09:16,900 Donc sous réserve des cas dans lesquels une personne a qualité 153 00:09:17,100 --> 00:09:19,760 pour combattre une prétention, donc là encore, c'est celui qui 154 00:09:19,960 --> 00:09:23,080 est concerné, c'est le défendeur, c'est lui qui combat la prétention. 155 00:09:23,540 --> 00:09:27,420 Donc si on lit l'article 31, le défendeur lui aussi doit avoir 156 00:09:27,620 --> 00:09:30,620 intérêt au rejet de la prétention sous réserve des cas dans lesquels 157 00:09:30,820 --> 00:09:33,280 il doit avoir qualité pour combattre la prétention. 158 00:09:34,420 --> 00:09:37,060 C'est bizarre puisqu'on vient de dire qu'en fait, il n'avait rien 159 00:09:37,260 --> 00:09:40,200 à démontrer et que le juge allait statuer sur ses moyens de défense 160 00:09:40,400 --> 00:09:41,340 de toute façon. 161 00:09:42,380 --> 00:09:44,960 Donc est-ce que l'article 31 est faux ? 162 00:09:45,160 --> 00:09:46,540 Il faut prendre un exemple. 163 00:09:47,940 --> 00:09:50,240 L'exemple est le suivant, il est tiré de la jurisprudence, 164 00:09:50,600 --> 00:09:53,700 une histoire vraie si je puis dire, c'est vraiment arrivé, 165 00:09:54,160 --> 00:09:59,920 un assuré avait donc conclu un contrat d'assurance avec un assureur 166 00:10:00,120 --> 00:10:04,820 et puis il subit un sinistre et donc il entend être indemnisé par 167 00:10:05,020 --> 00:10:09,780 l'assureur et donc il agit en justice en exécution du contrat d'assurance 168 00:10:09,980 --> 00:10:11,920 pour obtenir l'indemnisation. 169 00:10:14,640 --> 00:10:21,720 Mais il se trompe et au lieu d'agir contre l'assureur, en fait il agit 170 00:10:21,920 --> 00:10:22,680 contre le courtier. 171 00:10:22,880 --> 00:10:25,840 Parce que c'est souvent le cas comme vous le savez sans doute, 172 00:10:26,140 --> 00:10:30,440 en fait la personne que vous connaissez et la société à qui vous avez affaire, 173 00:10:30,680 --> 00:10:33,760 c'est la société qui vous a mis en relation avec votre assureur 174 00:10:33,960 --> 00:10:36,500 et donc vous ne connaissez que lui donc vous pensez que c'est 175 00:10:36,700 --> 00:10:39,000 lui l'assureur mais en fait, c'est juste le courtier et le contrat, 176 00:10:39,200 --> 00:10:41,720 il est conclu avec quelqu'un d'autre qui est l'assureur. 177 00:10:42,240 --> 00:10:47,320 Et donc là, l'assuré se trompe et au lieu de former sa demande 178 00:10:47,520 --> 00:10:51,140 contre l'assureur, il forme sa demande contre le courtier en étant 179 00:10:51,340 --> 00:10:52,620 persuadé que c'est l'assureur. 180 00:10:55,260 --> 00:11:04,020 Eh bien s'il agit contre le courtier, la Cour de cassation dit que ce 181 00:11:04,220 --> 00:11:09,400 courtier n'a pas qualité pour être défendeur, il n'a pas qualité pour 182 00:11:09,600 --> 00:11:11,380 être défendeur, il n'est pas le bon défendeur. 183 00:11:11,660 --> 00:11:16,240 Pour elle, c'est ça le fait de ne pas avoir qualité pour être 184 00:11:16,440 --> 00:11:18,640 défendeur, sens de l'article 31. 185 00:11:19,640 --> 00:11:22,780 Est-ce que ça veut dire que ce courtier à qui donc il manque la 186 00:11:22,980 --> 00:11:27,960 qualité pour combattre une prétention, est-ce que ce courtier ne peut 187 00:11:28,160 --> 00:11:28,920 pas se défendre ? 188 00:11:29,120 --> 00:11:30,820 Est-ce que ça veut dire que même s'il forme des moyens de défense, 189 00:11:31,060 --> 00:11:32,960 le juge ne va pas les examiner ? 190 00:11:33,160 --> 00:11:36,900 Pas du tout, comme on l'a vu, le juge va les examiner. 191 00:11:38,200 --> 00:11:42,600 En réalité, intérêt et qualité sont requis du défendeur, 192 00:11:42,800 --> 00:11:45,460 non pas pour qu'il puisse présenter ses moyens de défense, 193 00:11:45,720 --> 00:11:49,980 mais pour que la demande soit examinée au fond. 194 00:11:50,200 --> 00:11:54,020 C'est la demande qui va subir les conséquences du défaut de qualité 195 00:11:54,220 --> 00:11:55,200 du défendeur. 196 00:11:55,420 --> 00:11:56,180 Pourquoi ? 197 00:11:56,380 --> 00:12:04,820 Parce que l'article 32 dispose "est irrecevable toute prétention 198 00:12:05,020 --> 00:12:10,220 émise par, ou contre, une personne dépourvue du droit d'agir. 199 00:12:10,420 --> 00:12:14,060 Donc est irrecevable toute prétention émise par une personne dépourvue 200 00:12:14,260 --> 00:12:16,640 du droit d'agir" ça c'est juste, c'est exactement ce que je vous 201 00:12:16,840 --> 00:12:21,160 ai expliqué avant, c'est-à-dire que si le demandeur n'a pas intérêt 202 00:12:21,360 --> 00:12:24,060 pour agir par exemple ou pas qualité, il n'a pas le droit d'action, 203 00:12:24,360 --> 00:12:26,460 sa prétention est irrecevable, donc ça, ça va. 204 00:12:26,780 --> 00:12:29,400 En revanche il dit aussi, et c'est ça qui est plus surprenant, 205 00:12:29,600 --> 00:12:33,940 "est irrecevable toute prétention émise contre une personne dépourvue 206 00:12:34,140 --> 00:12:34,900 du droit d'agir". 207 00:12:35,100 --> 00:12:38,900 Donc contre une personne qui n'a pas intérêt ou qualité pour être 208 00:12:39,100 --> 00:12:39,860 défendeur. 209 00:12:40,880 --> 00:12:45,300 Et donc la sanction de ce défaut de qualité du défendeur, 210 00:12:45,500 --> 00:12:48,280 c'est l'irrecevabilité, non pas de la défense, 211 00:12:48,560 --> 00:12:49,980 mais de la demande. 212 00:12:50,280 --> 00:12:54,600 Donc l'intérêt et la qualité du défendeur en fait, c'est une autre 213 00:12:54,800 --> 00:12:57,410 condition d'existence de l'action du demandeur. 214 00:12:57,610 --> 00:13:01,400 Donc le défendeur n'a pas qualité, mais il peut quand même se défendre, 215 00:13:01,600 --> 00:13:04,400 mais comme le demandeur n'a pas assigné le bon défendeur, 216 00:13:04,600 --> 00:13:06,040 sa demande est irrecevable. 217 00:13:07,680 --> 00:13:11,460 Donc vous voyez, c'est extrêmement compliqué en fait, ça veut dire 218 00:13:11,660 --> 00:13:15,860 que pour le Code de procédure civile, le défendeur lui aussi doit avoir 219 00:13:16,060 --> 00:13:19,680 un droit d'action, mais s'il ne l'a pas, c'est le demandeur qui est sanctionné. 220 00:13:20,360 --> 00:13:23,060 C'est compliqué et en fait c'est complètement faux en réalité, 221 00:13:23,420 --> 00:13:24,820 c'est complètement artificiel. 222 00:13:25,840 --> 00:13:29,960 Quel est vraiment le problème du fait que l'assuré a assigné le 223 00:13:30,160 --> 00:13:31,700 courtier au lieu d'assigner son assureur ? 224 00:13:31,900 --> 00:13:34,420 Pourquoi est-ce que sa demande va être rejetée ? 225 00:13:34,620 --> 00:13:38,480 Quel est le problème fondamental dans sa demande ? 226 00:13:38,680 --> 00:13:41,980 C'est qu'il a formé une demande contre un tiers au contrat. 227 00:13:42,520 --> 00:13:45,200 Or en vertu du principe de l'effet relatif des contrats, 228 00:13:45,400 --> 00:13:48,700 seules les parties au contrat ont des obligations les unes envers 229 00:13:48,900 --> 00:13:49,660 les autres. 230 00:13:49,860 --> 00:13:53,180 Donc seul l'assureur peut lui devoir de l'argent, le courtier ne lui 231 00:13:53,380 --> 00:13:54,140 doit pas d'argent. 232 00:13:56,040 --> 00:13:59,160 Donc en réalité, là ce que je viens de dire, le principe de l'effet 233 00:13:59,360 --> 00:14:01,840 relatif des conventions, etc., c'est quoi comme type de droit ? 234 00:14:02,040 --> 00:14:03,180 Cette règle de droit, elle vient d'où ? 235 00:14:03,380 --> 00:14:04,620 Elle appartient à quelle discipline ? 236 00:14:04,820 --> 00:14:06,780 C'est du droit des contrats, autrement dit c'est du droit 237 00:14:06,980 --> 00:14:07,740 substantiel. 238 00:14:07,940 --> 00:14:10,440 Et la question, c'est de savoir s'il a un droit de créance contre 239 00:14:10,640 --> 00:14:11,400 le courtier. 240 00:14:11,600 --> 00:14:13,680 Et la réponse, c'est ben non, il n'a pas de droit de créance 241 00:14:13,880 --> 00:14:17,160 contre le courtier parce que le courtier est tiers au contrat 242 00:14:17,360 --> 00:14:18,120 d'assurance. 243 00:14:18,320 --> 00:14:20,460 Autrement dit tout ça, c'est une discussion qui a lieu 244 00:14:20,660 --> 00:14:23,040 sur le terrain du fond du droit substantiel. 245 00:14:23,760 --> 00:14:28,480 Donc la vraie nature du moyen de défense que le courtier va opposer, 246 00:14:28,680 --> 00:14:31,600 pour dire oh ce n'est pas moi qu'il fallait assigner, c'est une défense 247 00:14:31,800 --> 00:14:32,560 au fond. 248 00:14:32,760 --> 00:14:35,040 Et voilà et c'est comme ça que ça devrait être analysé. 249 00:14:35,920 --> 00:14:40,040 Malheureusement ça n'est pas le cas, à cause de l'article 30 aligné à 2, 250 00:14:40,240 --> 00:14:45,280 l'article 31 et l'article 32, et donc la Cour de cassation applique 251 00:14:45,480 --> 00:14:49,880 ces articles, aussi absurdes soient-ils de ce point de vue, et elle en 252 00:14:50,080 --> 00:14:52,960 déduit que ce moyen défense, c'est une fin de non-recevoir parce 253 00:14:53,160 --> 00:14:57,500 qu'en réalité, le problème, c'est un défaut de qualité du 254 00:14:57,700 --> 00:14:58,460 défendeur. 255 00:14:59,580 --> 00:15:05,000 Alors cette idée de Motulsky, cette symétrie, selon une large 256 00:15:05,200 --> 00:15:06,780 partie de la doctrine, il y a quand même des gens qui 257 00:15:06,980 --> 00:15:08,580 la défendent mais selon une large partie de la doctrine, 258 00:15:08,780 --> 00:15:12,380 ce n'est pas une bonne idée, ça complique inutilement en fait, 259 00:15:12,580 --> 00:15:14,480 ça rend les choses bancales, ça ne va pas. 260 00:15:15,080 --> 00:15:17,340 Et donc on n'en a pas du tout besoin, on ne devrait pas du tout dire 261 00:15:17,540 --> 00:15:19,520 que le défendeur lui aussi doit avoir un droit d'action, 262 00:15:19,740 --> 00:15:20,760 on ne devrait pas le dire du tout. 263 00:15:22,040 --> 00:15:25,260 Néanmoins comme c'est ce que pensait Motulsky, le code est construit 264 00:15:25,460 --> 00:15:26,220 avec cette idée. 265 00:15:26,480 --> 00:15:30,220 Il est construit sur cette idée, cette idée d'une symétrie entre 266 00:15:30,420 --> 00:15:32,380 l'action du demandeur et l'action du défendeur. 267 00:15:32,580 --> 00:15:36,500 Et donc ça veut dire que le code est construit sur cette idée qu'il y a, 268 00:15:36,700 --> 00:15:40,940 c'est ce qu'on verra dans le titre III, des actes d'exercice de l'action 269 00:15:41,140 --> 00:15:47,280 du demandeur, des différents types de demandes, et aussi des actes, 270 00:15:47,480 --> 00:15:51,260 donc symétriquement, des actes d'exercice de l'action, 271 00:15:51,660 --> 00:15:55,160 la soi-disant action du défendeur, et ce sont les moyens de défense. 272 00:15:55,820 --> 00:15:59,940 Et donc c'est pour respecter cette façon de voir cette conception 273 00:16:00,140 --> 00:16:02,020 du Code de procédure civile, pour que ce soit plus clair, 274 00:16:02,320 --> 00:16:05,000 parce que comme ça on suit le code, que dans le titre III, 275 00:16:06,280 --> 00:16:09,840 quand on s'intéressera aux actes juridiques d'exercice de l'action, 276 00:16:10,100 --> 00:16:13,580 on distinguera de la même façon les actes d'exercice de l'action 277 00:16:13,780 --> 00:16:17,920 du demandeur, les demandes, et les actes d'exercice de l'action 278 00:16:18,120 --> 00:16:21,000 du défendeur, les moyens de défense. 279 00:16:21,660 --> 00:16:24,140 En tous les cas, si vous n'avez pas bien compris cette histoire 280 00:16:24,340 --> 00:16:29,540 d'article 30 alinéa 2, 31 et 32, et l'exemple de l'assuré 281 00:16:29,740 --> 00:16:31,920 et du courtier, franchement ça n'est pas très grave, 282 00:16:32,220 --> 00:16:34,500 parce que, à vrai dire, c'est normal que vous ne compreniez 283 00:16:34,700 --> 00:16:38,000 pas, étant donné que c'est une complication inutile, 284 00:16:38,220 --> 00:16:43,080 et une idée fausse, et les idées fausses en général sont difficiles 285 00:16:43,280 --> 00:16:44,620 à comprendre par hypothèse.