1 00:00:05,620 --> 00:00:08,530 Une dernière obligation pesant sur le vendeur doit maintenant 2 00:00:08,730 --> 00:00:11,980 être étudiée, qui résulte du droit commun des obligations, 3 00:00:12,180 --> 00:00:14,140 il s’agit de l’obligation de sécurité. 4 00:00:14,890 --> 00:00:17,560 Paragraphe 4 : l’obligation de sécurité. 5 00:00:18,760 --> 00:00:23,800 Le 25 juillet 1985, était adoptée une directive communautaire relative 6 00:00:24,000 --> 00:00:26,800 à la responsabilité du fait des produits défectueux, 7 00:00:27,430 --> 00:00:31,660 directive transposable jusqu’au 30 juillet 1988. 8 00:00:31,860 --> 00:00:36,640 Or, ce texte n’a été transposé par la France que 10 ans plus tard 9 00:00:36,840 --> 00:00:39,970 par une loi du 19 mai 1998. 10 00:00:40,900 --> 00:00:43,330 Il faut commencer, en guise d’introduction, par dire quelques 11 00:00:43,530 --> 00:00:48,640 mots sur l’histoire et sur la portée de cette transposition douloureuse. 12 00:00:48,840 --> 00:00:53,260 S’agissant en premier lieu de son histoire, il faut s’interroger 13 00:00:53,460 --> 00:00:57,970 sur les causes de ce long retard qui a eu pour conséquence l’ouverture 14 00:00:58,170 --> 00:01:01,510 par la Commission européenne d’une procédure en manquement et la 15 00:01:01,710 --> 00:01:04,120 condamnation de la France par la Cour de Luxembourg. 16 00:01:05,290 --> 00:01:09,580 Trois raisons principales importantes expliquent cette situation. 17 00:01:09,780 --> 00:01:12,820 D’abord, le droit français de la vente étant complexe, 18 00:01:13,330 --> 00:01:18,850 il paraissait nécessaire, opportun de le refondre et de profiter 19 00:01:19,050 --> 00:01:22,930 de la transposition pour mener à bien ce vaste projet de réforme. 20 00:01:23,770 --> 00:01:27,280 Mais comme vous le savez, ce fut un échec, exactement comme 21 00:01:27,480 --> 00:01:31,510 pour la directive de 1999 sur la garantie de conformité quelques 22 00:01:31,710 --> 00:01:32,470 années plus tard. 23 00:01:33,490 --> 00:01:38,470 Ensuite et surtout, les années 24 00:01:38,670 --> 00:01:43,570 1990 sont marquées en France par un contexte social très défavorable 25 00:01:43,990 --> 00:01:48,100 qui est celui du scandale public des transfusions de sang contaminé 26 00:01:48,300 --> 00:01:49,330 par le virus du sida. 27 00:01:49,530 --> 00:01:54,130 Or, une cause d’exonération de responsabilité spécifique prévue 28 00:01:54,330 --> 00:01:59,050 par la directive de 1985 paraissait inquiétante du point de vue de 29 00:01:59,250 --> 00:02:00,460 l’indemnisation des victimes. 30 00:02:00,660 --> 00:02:06,400 Enfin, les hésitations législatives furent compensées par une forte 31 00:02:06,600 --> 00:02:07,840 activité jurisprudentielle. 32 00:02:08,860 --> 00:02:13,120 La Cour de cassation a mis en évidence, dès la fin des années 1980, 33 00:02:13,660 --> 00:02:16,210 une obligation de sécurité dans le contrat de vente. 34 00:02:17,110 --> 00:02:20,140 Dans un premier temps rattachée à la garantie des vices cachés, 35 00:02:20,650 --> 00:02:26,170 cette obligation s’en est ensuite détachée précisément en 1991. 36 00:02:27,340 --> 00:02:33,100 Elle a été ensuite étendue aux tiers aux contrats de vente qui 37 00:02:33,640 --> 00:02:37,240 avaient pu être victimes des dommages causés par le produit. 38 00:02:37,440 --> 00:02:42,790 C’est dire que la jurisprudence, en s’inspirant ouvertement de la 39 00:02:42,990 --> 00:02:48,580 directive de 85, avait largement anticipé la transposition qui a 40 00:02:48,780 --> 00:02:52,360 finalement été réalisée par la loi de 1998. 41 00:02:53,530 --> 00:02:56,620 Ont alors été introduits, dans le Code civil, les anciens 42 00:02:56,820 --> 00:03:03,340 articles 1386-1 et suivants qui sont devenus les articles 1245 43 00:03:03,540 --> 00:03:08,440 et suivants avec l’ordonnance du 10 février 2016 sans modification 44 00:03:08,640 --> 00:03:09,400 de fond. 45 00:03:09,910 --> 00:03:14,320 Il s’agit d’un chapitre 2 du sous-titre consacré à la responsabilité 46 00:03:14,520 --> 00:03:20,530 extracontractuelle, chapitre intitulé De la responsabilité du fait des 47 00:03:20,730 --> 00:03:21,490 produits défectueux. 48 00:03:22,630 --> 00:03:26,980 Dans le sillage de la directive, la loi instaure une responsabilité 49 00:03:27,180 --> 00:03:33,280 de plein droit pour les dommages causés par le défaut de sécurité 50 00:03:33,480 --> 00:03:34,240 d’un produit. 51 00:03:34,900 --> 00:03:38,860 Il s’agit également d’un système qui ne distingue pas entre 52 00:03:39,060 --> 00:03:43,030 responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle. 53 00:03:44,350 --> 00:03:48,280 Au lendemain de la loi de 1998, la doctrine s’est posé la question 54 00:03:48,480 --> 00:03:52,480 de savoir quelle était la portée exacte de ces textes nouveaux. 55 00:03:53,380 --> 00:03:57,550 Elle s’est demandé en particulier si l’obligation jurisprudentielle 56 00:03:57,750 --> 00:04:01,540 de sécurité, créée dans le contrat de vente par la Cour de cassation, 57 00:04:01,750 --> 00:04:02,980 pouvait encore être invoquée. 58 00:04:04,330 --> 00:04:11,080 Issue de la loi de 1998, l’article 1245-17 prévoit à ce 59 00:04:11,280 --> 00:04:15,790 sujet que les dispositions du présent titre ne portent pas atteinte au 60 00:04:15,990 --> 00:04:20,050 droit dont la victime d’un dommage peut se prévaloir au titre de la 61 00:04:20,250 --> 00:04:24,190 responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre 62 00:04:24,390 --> 00:04:26,230 d’un régime spécial de responsabilité. 63 00:04:27,010 --> 00:04:30,100 Une option est donc reconnue à la victime, c’est-à-dire, 64 00:04:31,220 --> 00:04:35,680 pour ce qui nous concerne dans ce cours, à l’acquéreur victime d’un dommage 65 00:04:35,880 --> 00:04:37,540 causé par le bien acheté. 66 00:04:37,740 --> 00:04:42,880 Toutefois, dans un arrêt du 25 avril 2002, la Cour de justice 67 00:04:43,300 --> 00:04:47,890 des Communautés européennes – c’était encore son nom à l’époque – a considéré 68 00:04:48,090 --> 00:04:53,500 que cette option n’est possible que si la responsabilité invoquée 69 00:04:53,830 --> 00:04:58,270 repose sur un autre fondement que le défaut de sécurité du produit. 70 00:04:59,030 --> 00:05:03,790 Cet autre fondement peut être la faute ou la garantie des vices cachés. 71 00:05:03,990 --> 00:05:09,250 Ainsi, la jurisprudence sur l’obligation de sécurité dans la vente, 72 00:05:09,670 --> 00:05:13,840 antérieure à la loi de 98, n’a plus vocation à s’appliquer 73 00:05:14,230 --> 00:05:19,570 pour les produits mis en circulation après le 22 mai 1998, 74 00:05:19,810 --> 00:05:21,910 qui est la date d’entrée en vigueur de la loi. 75 00:05:23,380 --> 00:05:27,580 Cela est vrai, même si cette jurisprudence de 1991, 76 00:05:27,780 --> 00:05:30,910 à laquelle on a fait référence tout à l’heure, était sur certains 77 00:05:31,110 --> 00:05:35,890 points plus favorables à la victime que ne l’est le régime issu de 78 00:05:36,090 --> 00:05:37,240 la directive transposée. 79 00:05:38,440 --> 00:05:42,640 La Cour de cassation s’est pliée à la solution du juge européen, 80 00:05:42,840 --> 00:05:45,880 même si elle peut entraîner un recul des droits des victimes. 81 00:05:46,080 --> 00:05:50,560 L’arrêt de principe sur cette question a été rendu par la chambre commerciale 82 00:05:50,760 --> 00:05:55,600 de la Cour de cassation le 28 mai 2010, je cite : "Le régime de la 83 00:05:55,800 --> 00:06:00,460 responsabilité du fait des produits défectueux exclut l’application 84 00:06:00,660 --> 00:06:03,730 d’autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle 85 00:06:04,660 --> 00:06:08,980 de droit commun, fondés sur le défaut d’un produit qui n’offre 86 00:06:09,180 --> 00:06:13,360 pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, 87 00:06:13,930 --> 00:06:17,230 à l’exception de la responsabilité pour faute et de la garantie des 88 00:06:17,430 --> 00:06:18,190 vices cachés". 89 00:06:19,390 --> 00:06:23,920 Dans une décision du 15 mai 2007, la première chambre civile est 90 00:06:24,120 --> 00:06:27,970 même allée plus loin en étendant cette solution aux produits mis 91 00:06:28,170 --> 00:06:31,690 en circulation avant l’entrée en vigueur de la loi de 98, 92 00:06:32,320 --> 00:06:36,340 au motif qu’il faut interpréter le droit antérieur à la lumière 93 00:06:36,540 --> 00:06:37,300 de la directive. 94 00:06:37,500 --> 00:06:42,470 Pourtant, sur plusieurs points, l’ancienne jurisprudence française 95 00:06:42,670 --> 00:06:47,270 relative à l’obligation de sécurité était plus favorable à l’acheteur 96 00:06:47,470 --> 00:06:50,870 victime d’un dommage que ne l’est le droit européen transposé. 97 00:06:51,830 --> 00:06:55,070 Cette rigueur nouvelle concerne la désignation de la personne 98 00:06:55,270 --> 00:06:59,660 responsable, la franchise applicable pour l’indemnisation des dommages, 99 00:06:59,860 --> 00:07:03,740 l’exonération pour risque de développement et la prescription 100 00:07:03,940 --> 00:07:04,760 de l’action en justice. 101 00:07:05,750 --> 00:07:10,670 Nous allons revenir sur chacun de ces différents points en étudiant 102 00:07:10,870 --> 00:07:14,930 les contours et le régime de cette obligation de sécurité. 103 00:07:15,130 --> 00:07:18,830 D’une manière générale, il faut noter que la transposition 104 00:07:19,030 --> 00:07:23,750 de la directive de 1985 a valu à la France un très grand nombre 105 00:07:23,950 --> 00:07:27,770 de condamnations, de sorte que le Parlement français a souvent 106 00:07:27,970 --> 00:07:28,880 dû revoir sa copie. 107 00:07:29,630 --> 00:07:33,620 Nous étudierons successivement les conditions de la responsabilité 108 00:07:33,830 --> 00:07:37,760 du fait des produits défectueux, A, puis son régime juridique, 109 00:07:37,960 --> 00:07:38,720 B. 110 00:07:38,920 --> 00:07:39,680 A. 111 00:07:40,700 --> 00:07:43,370 Les conditions de la responsabilité. 112 00:07:44,360 --> 00:07:46,400 Ces conditions sont au nombre de deux. 113 00:07:46,600 --> 00:07:50,450 Il faut une victime, 1, et un produit défectueux au 114 00:07:50,650 --> 00:07:55,520 sens très particulier où l’entendent la directive de 85 et sa loi de 115 00:07:55,720 --> 00:07:56,480 transposition, 2. 116 00:07:56,680 --> 00:07:57,440 1. 117 00:07:58,700 --> 00:08:00,770 La victime d’un dommage. 118 00:08:01,760 --> 00:08:06,020 Peu importe d’abord que cette victime ait acquis ou non l’usage du bien 119 00:08:06,220 --> 00:08:07,130 en vertu d’un contrat. 120 00:08:07,330 --> 00:08:12,890 L’article 1245 du Code prévoit la responsabilité du producteur, 121 00:08:13,090 --> 00:08:16,610 qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime. 122 00:08:16,810 --> 00:08:22,130 C’était déjà la solution retenue en janvier 95 par la Cour de cassation 123 00:08:22,520 --> 00:08:25,280 dans sa jurisprudence sur l’obligation de sécurité. 124 00:08:26,150 --> 00:08:30,460 Le contrat de vente est donc concerné, au même titre que toutes les autres 125 00:08:30,660 --> 00:08:32,960 situations juridiques de droit ou de fait. 126 00:08:35,210 --> 00:08:38,420 Notons que l’existence d’un lien contractuel a tout de même des 127 00:08:38,620 --> 00:08:42,380 conséquences pour désigner le tribunal compétent et la loi applicable. 128 00:08:43,580 --> 00:08:47,210 Peu importe ensuite la qualité de la victime, professionnel ou 129 00:08:47,410 --> 00:08:48,170 consommateur. 130 00:08:48,370 --> 00:08:53,240 Cette distinction resurgit simplement au sujet de la validité des clauses 131 00:08:53,440 --> 00:08:56,000 limitatives de responsabilité, comme nous le verrons plus loin. 132 00:08:57,080 --> 00:09:02,180 Quant à la nature du dommage, l’article 1245-1 précise que la 133 00:09:02,380 --> 00:09:06,500 réparation intervient tant pour le dommage qui résulte d’une atteinte 134 00:09:06,700 --> 00:09:10,790 à la personne que pour le dommage qui résulte d’une atteinte à un bien, 135 00:09:11,690 --> 00:09:14,420 bien autre que le produit défectueux lui-même. 136 00:09:15,680 --> 00:09:20,570 Il en résulte que la réparation du caractère défectueux du bien 137 00:09:20,770 --> 00:09:26,240 lui-même relève des autres obligations du vendeur, conformité ou vices cachés, 138 00:09:26,600 --> 00:09:28,280 et non de l’obligation de sécurité. 139 00:09:28,970 --> 00:09:32,450 Il n’y a donc pas ici de problème de frontière comparable à ceux 140 00:09:32,650 --> 00:09:33,860 que nous avons déjà étudiés. 141 00:09:34,060 --> 00:09:39,620 S’agissant encore du dommage, une franchise de 500 € était prévue 142 00:09:39,820 --> 00:09:44,810 par la directive, règle qui n’avait pas été transposée par la loi de 98. 143 00:09:45,620 --> 00:09:49,670 La CJCE, dans son arrêt du 25 avril 2002, a toutefois sanctionné la 144 00:09:49,870 --> 00:09:53,960 France sur ce point et une loi de 2004 a ainsi modifié l’article 145 00:09:54,160 --> 00:09:59,660 1245-1 qui prévoit désormais le principe de cette franchise, 146 00:10:00,140 --> 00:10:03,440 dont le montant est fixé par décret à 500 €. 147 00:10:04,730 --> 00:10:08,480 Quant au caractère du dommage, c’est le droit commun qui s’applique. 148 00:10:09,110 --> 00:10:12,830 Le dommage doit exister et il doit être direct. 149 00:10:13,640 --> 00:10:17,780 La preuve de ce lien de causalité incombe à la victime selon l’article 150 00:10:17,980 --> 00:10:18,860 1245-8. 151 00:10:20,420 --> 00:10:24,950 Les éléments qui doivent être prouvés sont, d’une part, le dommage et, 152 00:10:25,150 --> 00:10:27,050 d’autre part, le défaut du produit. 153 00:10:28,220 --> 00:10:31,580 La question de l’appréciation du lien de causalité soulève de nombreuses 154 00:10:31,780 --> 00:10:35,600 difficultés qui sont à la source d’un contentieux abondant, 155 00:10:35,960 --> 00:10:40,640 surtout en matière de médicaments pour les produits pharmaceutiques 156 00:10:40,840 --> 00:10:41,600 et les vaccins. 157 00:10:41,800 --> 00:10:42,560 2. 158 00:10:43,400 --> 00:10:45,290 Le défaut du produit. 159 00:10:45,490 --> 00:10:49,280 C’est le cœur de l’obligation de sécurité. 160 00:10:49,480 --> 00:10:55,670 L’article 1245-2 du Code civil précise : "Est un produit tout 161 00:10:55,870 --> 00:11:00,110 bien meuble, même s’il est incorporé dans un immeuble", comme du ciment 162 00:11:00,310 --> 00:11:03,800 ou des briques, y compris les produits du sol, de l’élevage, 163 00:11:04,000 --> 00:11:05,330 de la chasse et de la pêche. 164 00:11:05,530 --> 00:11:10,280 L’électricité est aussi considérée comme un produit, de même que les 165 00:11:10,480 --> 00:11:15,110 éléments du corps humain, selon l’article 1245-11 qui vise 166 00:11:15,310 --> 00:11:19,310 le dommage causé par un élément du corps humain ou par les produits 167 00:11:19,610 --> 00:11:26,210 issus de celui-ci, Le produit doit en outre avoir été mis en circulation, 168 00:11:26,410 --> 00:11:31,850 ce qui signifie, selon l’article 1245-4, que le producteur doit 169 00:11:32,050 --> 00:11:34,340 s’en être dessaisi volontairement. 170 00:11:35,420 --> 00:11:39,240 Cette notion de mise en circulation est primordiale pour apprécier 171 00:11:39,440 --> 00:11:41,280 la durée de l’obligation de sécurité. 172 00:11:42,030 --> 00:11:47,730 La loi de 98 prévoit un double délai, le premier de péremption ou forclusion, 173 00:11:48,270 --> 00:11:49,920 le second de prescription. 174 00:11:50,120 --> 00:11:55,110 L’idée de départ est que le producteur doit assumer les risques de la 175 00:11:55,310 --> 00:11:57,360 mise sur le marché de son produit. 176 00:11:58,020 --> 00:12:02,850 Cette date de mise sur le marché fixe le point de départ d’un premier 177 00:12:03,060 --> 00:12:08,550 délai de 10 ans pendant lequel le principe de responsabilité a 178 00:12:08,750 --> 00:12:11,670 vocation à s’appliquer, article 1245-15. 179 00:12:13,170 --> 00:12:16,800 L'action de la victime doit nécessairement être engagée dans 180 00:12:17,000 --> 00:12:21,000 ce délai, qui est un délai de forclusion, un délai de péremption 181 00:12:21,390 --> 00:12:25,620 au-delà duquel l’action n’est purement et simplement plus possible. 182 00:12:26,430 --> 00:12:29,700 Ce délai ne peut être ni interrompu, ni suspendu. 183 00:12:30,810 --> 00:12:34,890 Un second délai, cette fois de prescription de l’action en justice, 184 00:12:35,250 --> 00:12:39,690 est ensuite prévu par l’article 1245-16 du Code civil. 185 00:12:40,560 --> 00:12:44,640 Ce délai de prescription est de trois ans à compter de la date 186 00:12:44,840 --> 00:12:49,470 à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du 187 00:12:49,670 --> 00:12:52,920 dommage, du défaut et de l’identité du producteur. 188 00:12:53,120 --> 00:12:55,740 C’est donc une triple connaissance qui est exigée. 189 00:12:57,090 --> 00:13:01,140 Ces deux délais de forclusion et de prescription s’appliquent 190 00:13:01,340 --> 00:13:03,480 cumulativement et doivent être combinés. 191 00:13:03,680 --> 00:13:08,010 Exemple, neuf ans après la mise en circulation du produit, 192 00:13:08,310 --> 00:13:11,700 la victime a connaissance des trois éléments lui permettant d’agir, 193 00:13:12,300 --> 00:13:14,820 mais elle agit deux ans après cette date. 194 00:13:15,240 --> 00:13:18,510 Dans ce cas, le délai de prescription n’est certes pas encore achevé, 195 00:13:18,780 --> 00:13:22,710 mais l’action n’est plus possible car elle est éteinte vu l’arrivée 196 00:13:22,910 --> 00:13:24,450 du délai de forclusion de 10 ans. 197 00:13:25,830 --> 00:13:29,070 Pour que s’applique l’obligation de sécurité, le produit doit enfin 198 00:13:29,270 --> 00:13:30,180 présenter un défaut. 199 00:13:30,380 --> 00:13:34,860 C’est le point crucial de la loi de 98, son véritable cœur. 200 00:13:35,790 --> 00:13:38,510 La charge de la preuve de ce défaut incombe à la victime, 201 00:13:38,710 --> 00:13:40,320 selon l’article 1245-8. 202 00:13:42,150 --> 00:13:45,990 Selon sa définition légale, le produit défectueux est celui 203 00:13:46,190 --> 00:13:51,180 qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, 204 00:13:51,600 --> 00:13:53,520 article 1245-3. 205 00:13:55,380 --> 00:13:56,730 L'appréciation est abstraite. 206 00:13:57,180 --> 00:14:01,290 Il s’agit d’une sécurité normale, raisonnablement prévisible. 207 00:14:01,490 --> 00:14:05,400 Ainsi, le bouchon d’un stylo à bille doit être percé d’un trou 208 00:14:05,730 --> 00:14:09,330 afin d’éviter qu’un enfant qui l’ingère ne s’étouffe pas. 209 00:14:09,530 --> 00:14:13,440 Ainsi, un camion qui enclenche sa marche arrière doit émettre 210 00:14:13,640 --> 00:14:15,900 un signal sonore pour signaler sa manœuvre. 211 00:14:16,560 --> 00:14:19,710 Le stylo dont le bouchon ne serait pas percé, le camion qui n’émettrait 212 00:14:20,010 --> 00:14:24,240 pas ce signal sonore en reculant, n’offrirait pas aujourd’hui la 213 00:14:24,440 --> 00:14:26,820 sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, 214 00:14:27,020 --> 00:14:27,780 etc. 215 00:14:27,980 --> 00:14:29,790 Nous pourrions multiplier les exemples. 216 00:14:30,930 --> 00:14:35,310 Ce qu’il faut bien comprendre ici, c’est que le défaut de sécurité 217 00:14:35,510 --> 00:14:40,200 dont il est question n’a rien à voir avec une défectuosité intrinsèque 218 00:14:40,400 --> 00:14:43,020 de la chose, au sens de la garantie des vices cachés. 219 00:14:44,010 --> 00:14:48,990 Une chose parfaitement saine en elle-même peut présenter un défaut 220 00:14:49,190 --> 00:14:55,230 de sécurité au sens de la loi de 1998, les articles 1245 et suivants. 221 00:14:56,040 --> 00:15:00,510 Un arrêt désormais ancien, rendu par la première chambre civile 222 00:15:00,710 --> 00:15:04,680 de la Cour de cassation le 7 novembre 2006, en offre une parfaite 223 00:15:04,880 --> 00:15:05,640 illustration. 224 00:15:06,390 --> 00:15:09,900 Il s’agissait en l’espèce de béton qui avait été commandé par un 225 00:15:10,100 --> 00:15:13,320 particulier pour construire un bassin à poissons dans son jardin. 226 00:15:13,520 --> 00:15:18,240 L’acheteur avait entrepris l’étalement du matériau, d’étaler son béton 227 00:15:18,720 --> 00:15:21,510 en étant vêtu d’un jean, de bottes et de gants. 228 00:15:22,380 --> 00:15:25,170 Au bout d’une heure, de très importantes brûlures sont 229 00:15:25,370 --> 00:15:26,220 apparues sur ses jambes. 230 00:15:26,940 --> 00:15:32,250 Selon les juges, le défaut de sécurité est caractérisé ici par l’insuffisance 231 00:15:32,450 --> 00:15:36,150 de l’information fournie avec le produit, qui n’attirait pas 232 00:15:36,350 --> 00:15:40,050 suffisamment l’attention du client sur la nécessité de porter des 233 00:15:40,250 --> 00:15:41,160 protections adéquates. 234 00:15:41,360 --> 00:15:46,530 Ici, le béton ne présente en lui-même aucun défaut structurel, 235 00:15:46,730 --> 00:15:49,350 aucun défaut matériel, c’est du très bon béton, 236 00:15:49,860 --> 00:15:53,580 mais le défaut de sécurité est bien caractérisé car il provient 237 00:15:53,780 --> 00:15:54,960 d’un défaut d’information. 238 00:15:55,380 --> 00:15:59,070 Le produit n’offre donc pas la sécurité à laquelle on peut 239 00:15:59,270 --> 00:16:00,240 légitimement s’attendre.