1 00:00:05,740 --> 00:00:09,100 Nous avons vu, dans la précédente vidéo, que l’étude des obligations 2 00:00:09,300 --> 00:00:12,190 du vendeur impose de jongler avec de nombreuses notions, 3 00:00:12,390 --> 00:00:16,210 la conformité, les vices cachés, mais aussi les vices du consentement 4 00:00:16,410 --> 00:00:17,530 sanctionnés par le droit commun. 5 00:00:18,490 --> 00:00:22,000 Pour comprendre les enjeux de la matière, il faut s’attacher à décrire 6 00:00:22,200 --> 00:00:26,260 brièvement les différences de régime juridique entre les actions qui 7 00:00:26,460 --> 00:00:28,240 en résultent au profit de l’acheteur. 8 00:00:28,440 --> 00:00:29,200 B. 9 00:00:29,950 --> 00:00:32,140 La distinction des régimes juridiques. 10 00:00:33,730 --> 00:00:37,750 La non-conformité ouvre à l’acheteur une action en responsabilité 11 00:00:37,950 --> 00:00:44,080 contractuelle de droit commun fondée sur l’article 1231-1 du Code civil. 12 00:00:44,950 --> 00:00:49,600 Avant la réforme de la prescription opérée par la loi du 17 juin 2008, 13 00:00:50,140 --> 00:00:53,980 cette action pouvait être exercée pendant 10 ans à l’encontre des 14 00:00:54,180 --> 00:00:57,340 commerçants ou 30 ans entre particuliers. 15 00:00:58,300 --> 00:01:02,650 Depuis 2008, un délai uniforme de cinq ans s’applique à compter 16 00:01:02,850 --> 00:01:06,910 du jour où l’acheteur a connu ou aurait dû connaître les faits lui 17 00:01:07,110 --> 00:01:11,890 permettant d’exercer son droit, selon la formule de l’article 2224 18 00:01:12,090 --> 00:01:12,850 du Code civil. 19 00:01:13,660 --> 00:01:16,570 En dehors de l’action en responsabilité, toutes les règles 20 00:01:16,770 --> 00:01:20,470 du droit commun de l’inexécution des obligations s’appliquent à 21 00:01:20,670 --> 00:01:21,430 la non-conformité. 22 00:01:22,000 --> 00:01:24,640 Non seulement la responsabilité, comme on vient de le voir, 23 00:01:25,090 --> 00:01:28,990 mais encore l’exécution forcée, l’exception d’inexécution ou la 24 00:01:29,190 --> 00:01:30,430 résolution du contrat. 25 00:01:32,020 --> 00:01:35,740 Le vice caché de la chose débouche au contraire sur une garantie 26 00:01:35,940 --> 00:01:40,120 spécifique réglementée par le droit spécial de la vente. 27 00:01:40,750 --> 00:01:42,460 Le droit commun est donc mis à l’écart. 28 00:01:43,360 --> 00:01:47,350 Dans la garantie des vices cachés, l’acheteur peut exercer soit une 29 00:01:47,550 --> 00:01:52,300 action estimatoire, ce qui revient à une réduction du prix, 30 00:01:52,810 --> 00:01:57,700 soit une action rédhibitoire qui est une variété spécifique de 31 00:01:57,900 --> 00:01:58,660 résolution. 32 00:01:59,290 --> 00:02:02,830 À certaines conditions, l’acquéreur peut également obtenir 33 00:02:03,030 --> 00:02:03,790 des dommages-intérêts. 34 00:02:04,840 --> 00:02:08,530 À l’origine, le Code civil exigeait que l’acheteur intente l’action 35 00:02:08,730 --> 00:02:12,640 en garantie des vices cachés dans un bref délai, selon la lettre 36 00:02:12,840 --> 00:02:20,170 de l’ancien article 1648 du Code civil, bref délai qui n’était pas précisément 37 00:02:20,370 --> 00:02:21,610 chiffré par la loi. 38 00:02:22,150 --> 00:02:26,260 Les juges estimaient en règle générale que ce délai était à peu près d’un an. 39 00:02:26,460 --> 00:02:31,690 L’article 1648 du Code civil a été modifié par une ordonnance 40 00:02:31,890 --> 00:02:35,620 de 2005 et depuis lors, il est prévu que l’action en garantie 41 00:02:35,820 --> 00:02:40,630 doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter 42 00:02:40,830 --> 00:02:42,490 de la découverte du vice. 43 00:02:43,930 --> 00:02:48,160 Ce point est fondamental car il a longtemps constitué le nœud du débat. 44 00:02:48,880 --> 00:02:53,770 Tandis que le délai de prescription était de 10 ou 30 ans pour la 45 00:02:53,970 --> 00:02:57,970 non-conformité, l’acheteur devait agir dans un bref délai d’environ 46 00:02:58,170 --> 00:03:01,420 un an seulement en moyenne pour la garantie des vices cachés. 47 00:03:02,290 --> 00:03:06,250 Des acheteurs, qui étaient prescrits sur le fondement de la garantie 48 00:03:06,450 --> 00:03:12,010 des vices cachés, ont ainsi tenté d’invoquer la conformité pour échapper 49 00:03:12,210 --> 00:03:12,970 à cette prescription. 50 00:03:13,900 --> 00:03:18,070 Telle est l’origine des problèmes de frontière dont nous allons reparler. 51 00:03:18,270 --> 00:03:24,040 Enfin, l’erreur et le dol sont sanctionnés par la nullité du contrat, 52 00:03:24,240 --> 00:03:27,820 avec ou sans dommages-intérêts suivant les cas, nullité qui peut 53 00:03:28,020 --> 00:03:31,570 être invoquée pendant cinq ans à compter de la découverte de l’erreur, 54 00:03:31,770 --> 00:03:35,650 que celle-ci soit spontanée ou ait été provoquée par des manœuvres 55 00:03:36,970 --> 00:03:37,730 en cas de dol. 56 00:03:38,890 --> 00:03:42,730 Puisque les régimes juridiques de ces diverses actions en justice 57 00:03:42,930 --> 00:03:47,410 sont différents, on comprend tout l’intérêt qu’il y a à bien distinguer 58 00:03:47,610 --> 00:03:51,190 les notions sur lesquelles elles reposent, et c’est sur ce point-là 59 00:03:51,700 --> 00:03:53,980 que le droit français a longtemps hésité. 60 00:03:54,180 --> 00:03:54,940 C. 61 00:03:55,720 --> 00:03:57,430 La distinction des notions. 62 00:03:59,170 --> 00:04:05,260 Des années 1980 jusqu’aux années 1990, de graves incertitudes ont pesé 63 00:04:05,460 --> 00:04:10,060 sur les frontières exactes de chacune des notions dont nous avons parlé, 64 00:04:10,260 --> 00:04:13,330 conformité, vices cachés, erreur et dol. 65 00:04:13,530 --> 00:04:17,380 Désormais, ces difficultés ont théoriquement disparu dans la 66 00:04:17,580 --> 00:04:22,270 jurisprudence, d’où un retour à l’ordre, mais un ordre qui n’est 67 00:04:22,470 --> 00:04:23,620 peut-être pas encore parfait. 68 00:04:23,820 --> 00:04:24,580 Nous allons le voir. 69 00:04:25,330 --> 00:04:28,750 Pour synthétiser, deux questions de frontière se sont principalement 70 00:04:28,950 --> 00:04:29,710 posées. 71 00:04:29,910 --> 00:04:33,970 D’abord, celle entre les notions de vices cachés et de non-conformité, 72 00:04:34,170 --> 00:04:34,930 1. 73 00:04:35,130 --> 00:04:39,940 Ensuite, celles entre les notions de vices cachés et de vices du 74 00:04:40,140 --> 00:04:40,900 consentement, 2. 75 00:04:41,100 --> 00:04:41,860 1. 76 00:04:43,270 --> 00:04:45,490 Vices cachés et non-conformité. 77 00:04:46,780 --> 00:04:50,110 Sous l’impulsion d’une partie de la doctrine qui s’est développée 78 00:04:50,310 --> 00:04:54,700 dans les années 1980, la jurisprudence avait décidé d’étendre 79 00:04:54,900 --> 00:04:59,410 la notion de délivrance conforme en adoptant ce qu’il est convenu 80 00:04:59,610 --> 00:05:02,860 d’appeler une analyse fonctionnelle de la conformité. 81 00:05:03,670 --> 00:05:08,050 En ce sens, la conformité ne s’appréciait plus seulement du 82 00:05:08,250 --> 00:05:12,340 point de vue matériel classique, c’est-à-dire au regard de l’identité 83 00:05:12,540 --> 00:05:15,100 de la chose à ce qui avait été convenu dans le contrat, 84 00:05:15,760 --> 00:05:20,500 mais également d’un point de vue fonctionnel, c’est-à-dire au regard 85 00:05:20,700 --> 00:05:24,970 de l’aptitude de la chose à remplir l’usage attendu d’elle. 86 00:05:25,990 --> 00:05:28,120 Cette idée n’avait en soi rien d’absurde. 87 00:05:28,320 --> 00:05:32,890 C’est l’idée que la chose qui ne remplit pas son usage normal n’est 88 00:05:33,090 --> 00:05:34,600 pas une chose conforme. 89 00:05:35,980 --> 00:05:39,640 Cette analyse fonctionnelle de la conformité a conduit à ce que 90 00:05:39,840 --> 00:05:44,020 certains ont appelé une conception moniste des obligations du vendeur, 91 00:05:44,220 --> 00:05:49,780 puisqu’elle aboutissait à une fusion entre la non-conformité et les 92 00:05:49,980 --> 00:05:50,740 vices cachés. 93 00:05:50,940 --> 00:05:55,090 L’obligation de délivrance conforme s’inscrivait en effet dans la durée, 94 00:05:55,540 --> 00:06:00,250 elle se prolongeait après l’exécution de la vente et concrètement, 95 00:06:00,520 --> 00:06:05,890 elle permettait à l’acheteur d’échapper au bref délai prévu pour l’exercice 96 00:06:06,090 --> 00:06:09,070 de la garantie des vices cachés par l’article 1648. 97 00:06:09,270 --> 00:06:14,290 C’était très clairement le but de la manœuvre par faveur pour 98 00:06:14,490 --> 00:06:15,250 l’acquéreur. 99 00:06:16,360 --> 00:06:19,540 La première chambre civile, puis la chambre commerciale de 100 00:06:19,740 --> 00:06:22,870 la Cour de cassation s’étaient laissé séduire par cette analyse 101 00:06:23,070 --> 00:06:24,180 proposée par la doctrine. 102 00:06:25,030 --> 00:06:27,760 La troisième chambre civile, pour sa part, était toujours restée 103 00:06:27,960 --> 00:06:31,030 sourde, était toujours restée réfractaire à cette conception 104 00:06:31,230 --> 00:06:35,560 unitaire des obligations du vendeur qui étendait la notion de conformité. 105 00:06:35,760 --> 00:06:39,970 L’opposition entre les chambres a finalement été résolue par une 106 00:06:40,170 --> 00:06:44,170 série d’arrêts rendus en 1993 et 1994. 107 00:06:44,980 --> 00:06:48,610 La première chambre civile d’abord et la chambre commerciale ensuite 108 00:06:49,270 --> 00:06:53,530 se sont finalement rangées à la position qu’avait toujours conservée 109 00:06:53,730 --> 00:06:54,880 la troisième chambre civile. 110 00:06:56,080 --> 00:07:01,000 La jurisprudence est donc revenue à la solution classique selon laquelle 111 00:07:01,200 --> 00:07:06,190 la non-conformité s’apprécie uniquement par rapport aux stipulations 112 00:07:06,390 --> 00:07:11,590 contractuelles, tandis que le vice caché concerne la destination normale 113 00:07:11,790 --> 00:07:12,550 de la chose. 114 00:07:13,690 --> 00:07:17,080 À noter que les réformes ayant porté sur la prescription des actions 115 00:07:17,470 --> 00:07:20,920 ont fait perdre une bonne partie de son intérêt pratique à la 116 00:07:21,120 --> 00:07:22,150 distinction des notions. 117 00:07:22,350 --> 00:07:25,630 L’enjeu est donc moins important aujourd’hui qu’hier. 118 00:07:25,830 --> 00:07:30,910 L’ordonnance de 2005 a étendu l’ancien bref délai de la garantie des vices 119 00:07:31,110 --> 00:07:31,870 cachés à deux ans. 120 00:07:32,350 --> 00:07:36,820 Et de son côté, la loi du 17 juin 2008 a réduit à cinq ans le délai 121 00:07:37,020 --> 00:07:40,900 de prescription de l’action en défaut de conformité, contre 10 122 00:07:41,100 --> 00:07:42,580 ou 30 ans auparavant. 123 00:07:44,200 --> 00:07:46,870 Toutes les difficultés ont-elles pour autant disparu ? 124 00:07:47,500 --> 00:07:50,830 Pas totalement car deux questions sensibles demeurent. 125 00:07:51,030 --> 00:07:54,130 D’abord, celle de l’office du juge. 126 00:07:54,670 --> 00:08:00,760 Le juge peut-il ou doit-il requalifier l’action de l’acquéreur qui a été 127 00:08:00,960 --> 00:08:02,620 engagée sur le mauvais fondement ? 128 00:08:02,820 --> 00:08:08,020 Ensuite, il n’est pas exclu qu’une superposition des actions demeure 129 00:08:08,220 --> 00:08:12,700 possible, aujourd’hui encore, en dépit des efforts de distinction 130 00:08:12,900 --> 00:08:13,900 dont nous venons de parler. 131 00:08:15,160 --> 00:08:18,820 Ces deux difficultés de procédure et de fond peuvent être illustrées 132 00:08:19,020 --> 00:08:24,580 par un arrêt ancien rendu le 15 mai 2007 par la première chambre 133 00:08:24,780 --> 00:08:25,960 civile de la Cour de cassation. 134 00:08:26,160 --> 00:08:30,310 C’est un arrêt ancien, mais vraiment pertinent pour comprendre 135 00:08:30,510 --> 00:08:31,330 les enjeux de la question. 136 00:08:31,530 --> 00:08:33,940 L’effet de l’espèce était très classique. 137 00:08:34,140 --> 00:08:37,450 Il s’agissait de la vente d’un moteur de véhicule automobile 138 00:08:37,650 --> 00:08:38,410 d’occasion. 139 00:08:38,890 --> 00:08:44,080 Il s’est avéré que ce moteur d’occasion était atteint de vétusté alors 140 00:08:44,280 --> 00:08:48,610 qu’il n’avait parcouru que 32 000 kilomètres, selon les dires du vendeur. 141 00:08:48,810 --> 00:08:52,990 L’acheteur avait agi en garantie des vices cachés, mais la cour 142 00:08:53,190 --> 00:08:56,320 d’appel a estimé en cette affaire que le bref délai qui s’appliquait 143 00:08:56,520 --> 00:09:00,520 encore à l’époque, bref délai de l’ancien article 1648 du Code civil, 144 00:09:00,720 --> 00:09:01,480 était dépassé. 145 00:09:02,410 --> 00:09:05,890 Un pourvoi en cassation est formé devant la haute juridiction et 146 00:09:06,090 --> 00:09:08,650 plusieurs enseignements peuvent être tirés de son arrêt, 147 00:09:08,850 --> 00:09:13,480 d’abord en procédure civile, ensuite sur le fond du droit. 148 00:09:14,590 --> 00:09:15,350 Premier point. 149 00:09:16,150 --> 00:09:20,440 Lorsque le plaideur invoque un fondement juridique infructueux, 150 00:09:20,950 --> 00:09:26,170 ici la garantie des vices cachés, cet arrêt décidait à l’époque qu’il 151 00:09:26,370 --> 00:09:30,730 incombait au juge de rechercher si un autre fondement aurait pu 152 00:09:30,930 --> 00:09:32,020 s’avérer utile. 153 00:09:32,290 --> 00:09:34,960 On pense bien sûr à l’action en non-conformité. 154 00:09:35,920 --> 00:09:39,910 Aux termes de cette jurisprudence, les juges du fond avaient donc 155 00:09:40,110 --> 00:09:44,170 l’obligation de requalifier le fondement juridique de la demande. 156 00:09:45,010 --> 00:09:49,180 Cette solution semblait conforme à l’article 12 du Code de procédure 157 00:09:49,380 --> 00:09:52,930 civile selon lequel le juge doit trancher le litige qui lui est 158 00:09:53,130 --> 00:09:56,800 soumis conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. 159 00:09:58,180 --> 00:10:03,140 Mais attention, cette solution ne forme plus le droit positif 160 00:10:03,340 --> 00:10:06,530 depuis un très important arrêt de l’assemblée plénière de la Cour 161 00:10:06,730 --> 00:10:12,590 de cassation du 21 décembre 2007, arrêt du 21 décembre 2007 qui a 162 00:10:12,790 --> 00:10:16,430 tranché une divergence entre plusieurs chambres de la Cour de cassation. 163 00:10:16,630 --> 00:10:22,940 Désormais, les juges ne sont plus tenus de rechercher si l’action 164 00:10:23,360 --> 00:10:27,260 pouvait prospérer sur un autre fondement que celui invoqué par 165 00:10:27,460 --> 00:10:28,220 l’acheteur déçu. 166 00:10:28,970 --> 00:10:32,510 Le juge a seulement la faculté de requalifier. 167 00:10:32,960 --> 00:10:37,850 Il n’a donc pas l’obligation de suppléer la défaillance de 168 00:10:38,050 --> 00:10:41,450 l’argumentation de l’acheteur ou de l’argumentation de son avocat. 169 00:10:42,890 --> 00:10:46,250 Sur le fond du droit ensuite, la Cour de cassation ne dit pas, 170 00:10:46,450 --> 00:10:49,580 dans son arrêt de 2007, que la vétusté du moteur n’est 171 00:10:49,780 --> 00:10:54,050 pas un vice caché car à l’évidence, cette qualification tient la route. 172 00:10:54,290 --> 00:10:59,210 Le moteur vétuste n’est pas apte à l’usage auquel on le destine. 173 00:10:59,410 --> 00:11:02,000 Il est impropre à sa destination normale. 174 00:11:02,960 --> 00:11:05,750 Mais dans le même temps, la Cour de cassation invite clairement 175 00:11:05,990 --> 00:11:09,770 le juge de renvoi à examiner la demande sur le fondement du droit 176 00:11:09,970 --> 00:11:14,060 commun de la responsabilité contractuelle pour manquement à 177 00:11:14,260 --> 00:11:15,860 l’obligation de délivrance conforme. 178 00:11:16,700 --> 00:11:21,410 Autrement dit, la première chambre civile admet ici que l’existence 179 00:11:21,610 --> 00:11:26,390 d’un vice caché, la vétusté du moteur, n’est pas forcément incompatible 180 00:11:26,720 --> 00:11:30,470 avec une non-conformité aux spécifications du contrat. 181 00:11:31,610 --> 00:11:35,990 Cette superposition des domaines entre conformité et vices cachés 182 00:11:36,500 --> 00:11:40,610 n’est toutefois reconnue par l’arrêt de 2007 que dans la mesure où la 183 00:11:40,810 --> 00:11:47,570 vétusté du moteur est révélatrice de l’inexactitude du kilométrage. 184 00:11:48,650 --> 00:11:53,060 Si l’on généralise cette solution, cette formule, on peut en déduire 185 00:11:53,260 --> 00:11:57,860 que l’option entre les deux actions, conformité et vices cachés, 186 00:11:58,370 --> 00:12:04,160 est possible lorsque le vice caché est révélateur de la non-conformité 187 00:12:04,580 --> 00:12:06,050 aux spécifications du contrat. 188 00:12:06,980 --> 00:12:10,970 En d’autres termes, pour que l’option contre la garantie des vices cachés 189 00:12:11,390 --> 00:12:16,190 et la responsabilité de droit commun fondée sur la conformité soit reconnue 190 00:12:16,430 --> 00:12:21,800 à l’acheteur, il faut prouver que le défaut constaté répond simultanément 191 00:12:22,100 --> 00:12:23,090 aux deux définitions. 192 00:12:23,290 --> 00:12:28,420 2 : vice caché et vice du consentement. 193 00:12:29,680 --> 00:12:33,160 La notion de vice caché entretient des relations également très étroites 194 00:12:33,460 --> 00:12:37,720 avec celle d’erreur sur les qualités essentielles, car la qualité 195 00:12:37,920 --> 00:12:42,430 essentielle sur laquelle doit porter l’erreur peut très bien résider 196 00:12:42,630 --> 00:12:46,870 dans l’aptitude de la chose à remplir l’usage auquel elle est destinée. 197 00:12:47,350 --> 00:12:51,220 Par exemple, la constructibilité d’un terrain ou l’habitabilité 198 00:12:51,420 --> 00:12:52,180 d’une maison. 199 00:12:52,510 --> 00:12:54,460 Dès lors, l’équation est simple. 200 00:12:55,090 --> 00:12:58,690 Si l’acheteur avait connu le risque, il n’aurait pas contracté, 201 00:12:59,110 --> 00:13:00,400 donc l’acheteur s’est trompé. 202 00:13:01,330 --> 00:13:06,760 En somme, lorsque l’erreur résulte d’un vice existant au jour de la 203 00:13:06,960 --> 00:13:10,300 formation du contrat, les actions en garantie des vices 204 00:13:10,500 --> 00:13:14,530 cachés et en nullité pour erreurs seraient toutes deux envisageables. 205 00:13:14,730 --> 00:13:19,060 Or, nous avons déjà rappelé que leur régime juridique sont différents, 206 00:13:19,450 --> 00:13:21,730 spécialement en ce qui concerne la prescription. 207 00:13:22,330 --> 00:13:25,150 La prescription de la garantie des vices cachés est aujourd’hui 208 00:13:25,350 --> 00:13:26,110 de deux ans. 209 00:13:26,310 --> 00:13:29,680 L’action en nullité pour erreur se prescrit au contraire par cinq ans. 210 00:13:29,880 --> 00:13:33,940 Faut-il dès lors reconnaître à l’acheteur une option ? 211 00:13:34,140 --> 00:13:39,490 A-t-il le choix d’agir soit sur le fondement du vice caché, 212 00:13:39,690 --> 00:13:44,560 soit sur le fondement de l’erreur, dès lors que les conditions des 213 00:13:44,760 --> 00:13:45,640 deux actions sont remplies ? 214 00:13:47,170 --> 00:13:50,920 Les tribunaux ont adopté sur ce point des solutions fluctuantes. 215 00:13:51,120 --> 00:13:55,420 Désormais, la première chambre civile de la Cour de cassation 216 00:13:55,620 --> 00:13:59,620 décide de manière sévère que, je cite : "La garantie des vices 217 00:13:59,820 --> 00:14:04,510 cachés constitue l’unique fondement de l’action exercée pour défaut 218 00:14:04,710 --> 00:14:09,190 de la chose vendue la rendant impropre à sa destination normale". 219 00:14:09,700 --> 00:14:12,580 Il s’agit d’un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation 220 00:14:13,060 --> 00:14:19,630 du 14 mai 1996, dont on peut rapprocher un autre arrêt rendu par la troisième 221 00:14:19,830 --> 00:14:21,820 chambre civile le 7 juin 2000. 222 00:14:22,930 --> 00:14:27,850 Il n’y a donc pas d’option possible au profit de l’acquéreur entre 223 00:14:28,060 --> 00:14:31,250 l’erreur vice du consentement et la garantie des vices cachés. 224 00:14:31,450 --> 00:14:37,180 C’est dire que le droit spécial de la vente exclut ici l’application 225 00:14:37,380 --> 00:14:41,260 du droit commun des contrats, ce qui ne va pas du tout de soi, 226 00:14:41,620 --> 00:14:44,710 car il n’y a pas de véritable contradiction entre les textes. 227 00:14:45,280 --> 00:14:47,590 Cette solution nous paraît donc très discutable. 228 00:14:48,100 --> 00:14:51,430 Si les conditions des deux actions sont remplies, pourquoi fermer 229 00:14:51,640 --> 00:14:55,390 à l’acquéreur une option que la loi lui reconnaît implicitement ? 230 00:14:56,320 --> 00:15:01,300 D’ailleurs, l’option reste au contraire ouverte sur le fondement du dol, 231 00:15:01,500 --> 00:15:06,070 c’est-à-dire lorsque l’erreur a été provoquée par des manœuvres 232 00:15:06,270 --> 00:15:07,300 commises par le vendeur. 233 00:15:07,990 --> 00:15:11,230 La troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée 234 00:15:11,430 --> 00:15:14,620 en ce sens dans une décision rendue le 29 novembre 2000. 235 00:15:15,580 --> 00:15:19,030 Dans l’esprit de la Cour de cassation, cette solution est sans doute justifiée 236 00:15:19,230 --> 00:15:21,760 par le caractère délictueux du dol. 237 00:15:22,840 --> 00:15:27,040 On peut aussi relever que la Cour de cassation admet l’option entre 238 00:15:27,240 --> 00:15:30,790 non-conformité et erreur, première chambre civile, 239 00:15:31,090 --> 00:15:32,410 25 mars 2003. 240 00:15:33,490 --> 00:15:37,270 Elle a en revanche continué de refuser l’option entre garantie 241 00:15:37,470 --> 00:15:38,920 des vices cachés et erreur. 242 00:15:39,220 --> 00:15:43,540 Même après cet arrêt refusant l’option, on peut encore citer un arrêt de 243 00:15:43,740 --> 00:15:46,270 la troisième chambre civile du 17 novembre 2004. 244 00:15:47,920 --> 00:15:51,340 En guise de résumé de ce premier paragraphe, on voit la grande 245 00:15:51,540 --> 00:15:55,780 complexité du droit français au sujet des obligations du vendeur 246 00:15:56,230 --> 00:15:59,800 et des actions en justice corrélatives offerte à l’acquéreur, 247 00:16:00,400 --> 00:16:03,400 des distinctions subtiles, des options parfois reconnues, 248 00:16:03,600 --> 00:16:04,420 parfois écartées, etc. 249 00:16:06,190 --> 00:16:08,680 Mais les sources de complications ne s’arrêtent pas là, 250 00:16:08,880 --> 00:16:12,550 notamment parce qu’il faut tenir compte des relations spécifiques 251 00:16:12,790 --> 00:16:14,890 entre les professionnels et les consommateurs. 252 00:16:15,430 --> 00:16:17,890 Ce sera le thème de la prochaine vidéo.