1 00:00:06,000 --> 00:00:11,340 5 : les contraintes quant au choix de l’occupant du domaine public. 2 00:00:12,840 --> 00:00:16,500 Le propriétaire public, lorsqu’il décide d’autoriser un 3 00:00:16,700 --> 00:00:21,210 tiers à occuper le domaine public, à l’utiliser de manière privative, 4 00:00:21,780 --> 00:00:25,440 est contraint de respecter le droit de la concurrence. 5 00:00:26,790 --> 00:00:30,510 Ceci passe par le fait que la délivrance d’une autorisation ne 6 00:00:30,710 --> 00:00:34,950 doit pas constituer une pratique anticoncurrentielle et que la 7 00:00:35,150 --> 00:00:39,840 délivrance peut être soumise à une procédure de publicité et de 8 00:00:40,040 --> 00:00:40,800 mise en concurrence. 9 00:00:41,000 --> 00:00:47,590 a : la soumission des autorisations au droit de la concurrence. 10 00:00:49,750 --> 00:00:55,210 Je ne vais pas revenir sur la décision du 3 novembre 97, Million et Marais, 11 00:00:55,410 --> 00:00:59,050 par laquelle le Conseil d’État confirme la soumission de 12 00:00:59,250 --> 00:01:02,590 l’administration au droit de la concurrence, vous la connaissez. 13 00:01:03,730 --> 00:01:06,580 Cette soumission est flagrante dans l’article L. 14 00:01:06,780 --> 00:01:12,850 410-1 du Code de commerce qui dispose que les règles définies au présent 15 00:01:13,050 --> 00:01:17,380 livre, à savoir notamment le droit des pratiques anticoncurrentielles, 16 00:01:17,580 --> 00:01:21,850 s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution 17 00:01:22,050 --> 00:01:25,180 et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes 18 00:01:25,380 --> 00:01:28,600 publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de 19 00:01:28,810 --> 00:01:29,680 service public. 20 00:01:29,880 --> 00:01:33,520 Ainsi, l’administration, dès lors qu’elle agit dans le cadre 21 00:01:33,720 --> 00:01:35,950 d’une activité de production, de distribution ou de service, 22 00:01:36,250 --> 00:01:38,950 doit respecter le droit de la concurrence. 23 00:01:40,840 --> 00:01:44,350 La sanction des pratiques anticoncurrentielles cherche à 24 00:01:44,550 --> 00:01:48,850 protéger un ordre public économique, cherche à garantir le bon 25 00:01:49,050 --> 00:01:53,740 fonctionnement du marché en évitant que certaines pratiques commerciales 26 00:01:54,010 --> 00:01:57,370 ne viennent fausser le jeu de la concurrence. 27 00:01:57,570 --> 00:02:00,820 Concrètement, sont sanctionnées les ententes entre opérateurs ou 28 00:02:01,020 --> 00:02:02,530 les abus de position dominante. 29 00:02:04,000 --> 00:02:09,280 Sachez qu’avant 1999, le juge considérait qu’en donnant 30 00:02:09,480 --> 00:02:13,660 des autorisations d’occuper son domaine, le propriétaire public 31 00:02:14,320 --> 00:02:18,070 n’avait pas une activité de production, de distribution ou de service. 32 00:02:18,270 --> 00:02:22,030 Il s’agissait d’actes de puissance publique soustraits au respect 33 00:02:22,230 --> 00:02:23,470 de droit de la concurrence. 34 00:02:23,670 --> 00:02:30,250 Or, et je vous l’ai déjà dit, on a assisté, en matière domaniale, 35 00:02:30,450 --> 00:02:35,410 à un passage d’un pouvoir de police, à un pouvoir de gestion patrimoniale. 36 00:02:36,220 --> 00:02:40,270 Ceci s’est concrétisé par le fait qu’on a commencé à regarder la 37 00:02:40,470 --> 00:02:44,620 délivrance d’autorisations domaniales comme étant également soumises 38 00:02:44,820 --> 00:02:49,120 au droit de la concurrence au regard de l’effet que de telles autorisations 39 00:02:49,510 --> 00:02:51,610 pouvaient avoir sur le marché. 40 00:02:53,440 --> 00:02:58,090 Très clairement, dans sa décision Société EDA du 26 mars 1999, 41 00:02:58,420 --> 00:03:03,160 le Conseil d’État décida que le droit de la concurrence s’appliquait 42 00:03:03,360 --> 00:03:08,770 aux actes de gestion du domaine, en particulier à la délivrance 43 00:03:08,970 --> 00:03:10,600 d’autorisation d’occupation. 44 00:03:12,450 --> 00:03:15,990 Il y a concrètement deux hypothèses où le propriétaire du domaine est 45 00:03:16,190 --> 00:03:19,680 susceptible de violer le droit de la concurrence, rendant ainsi 46 00:03:19,880 --> 00:03:21,120 l’autorisation d’occupation illégale. 47 00:03:21,320 --> 00:03:27,030 Premièrement, en autorisant l’occupation du domaine public 48 00:03:27,870 --> 00:03:34,860 à une entreprise, l’administration peut placer cette entreprise dans 49 00:03:35,060 --> 00:03:37,230 une situation de violer le droit de la concurrence. 50 00:03:37,430 --> 00:03:40,800 C’est le cas où l’administration, en donnant à une entreprise 51 00:03:41,000 --> 00:03:45,690 l’autorisation d’occuper des installations, va lui donner un 52 00:03:45,890 --> 00:03:51,480 avantage sur la concurrence telle qu’elle va pouvoir justement éliminer 53 00:03:51,680 --> 00:03:53,130 toute autre forme de concurrence. 54 00:03:53,550 --> 00:03:58,260 Par exemple, la décision Conseil d’État 23 mai 2012, décision RATP 55 00:03:58,460 --> 00:04:01,850 que nous avons déjà croisée, dans cette décision, 56 00:04:02,060 --> 00:04:05,930 le juge devait déterminer si la convention par laquelle la RATP 57 00:04:06,260 --> 00:04:10,610 autorisait la société Bolloré SA à distribuer son journal gratuit 58 00:04:10,810 --> 00:04:14,720 Direct Matin sur le domaine public du métro parisien était illégale 59 00:04:15,260 --> 00:04:18,620 dès lors qu’elle plaçait ladite société en situation d’abus de 60 00:04:18,820 --> 00:04:22,850 position dominante, c’est du moins ce que défendait la société 20 Minutes, 61 00:04:23,050 --> 00:04:26,030 qui, elle aussi, distribuait des journaux gratuits et qui n’avait 62 00:04:26,230 --> 00:04:27,860 pas eu une telle autorisation. 63 00:04:28,060 --> 00:04:32,310 Néanmoins, le juge administratif écarte un tel moyen. 64 00:04:33,060 --> 00:04:36,660 En effet, il faut savoir que le propriétaire public, 65 00:04:37,320 --> 00:04:42,150 je cite là un considérant de principe repris dans toutes les jurisprudences : 66 00:04:42,350 --> 00:04:47,040 "Le propriétaire public ne peut toutefois délivrer légalement 67 00:04:47,240 --> 00:04:50,250 d’autorisation domaniale lorsque sa décision aurait pour effet de 68 00:04:50,450 --> 00:04:54,270 méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement 69 00:04:54,470 --> 00:04:57,570 l’occupant en situation d’abuser une position dominante". 70 00:04:58,380 --> 00:05:01,560 Il n’en demeure pas moins qu’une telle infraction est difficile 71 00:05:01,760 --> 00:05:04,470 à prouver et que 20 Minutes n’avait pas réussi à le faire. 72 00:05:05,790 --> 00:05:09,600 Seconde situation dans laquelle le propriétaire du domaine peut 73 00:05:09,800 --> 00:05:12,540 violer le droit de la concurrence en délivrant des autorisations 74 00:05:12,740 --> 00:05:16,950 d’occupation, c’est lorsque, finalement, c’est le propriétaire 75 00:05:17,160 --> 00:05:21,450 public lui-même qui abuse d’une position dominante. 76 00:05:21,650 --> 00:05:26,740 Revenons sur l’arrêt société EDA et en l’espèce, ADP, 77 00:05:28,050 --> 00:05:32,490 personne publique à ce moment-là, avait abusé de sa position dominante 78 00:05:32,690 --> 00:05:35,970 sur un marché pertinent, condition nécessaire pour caractériser 79 00:05:36,170 --> 00:05:38,160 une position dominante, en l’occurrence le marché de la 80 00:05:38,360 --> 00:05:39,120 location de voitures. 81 00:05:40,260 --> 00:05:45,810 En effet, ADP avait lancé un appel d’offres pour délivrer quelques 82 00:05:46,010 --> 00:05:49,800 autorisations à certains loueurs de voitures, et ce, en imposant 83 00:05:50,000 --> 00:05:54,240 à ces derniers de pratiquer des prix contrôlés et en augmentant 84 00:05:54,440 --> 00:05:58,010 la redevance que devront verser les loueurs à ADP de plus de 55 85 00:05:58,210 --> 00:06:01,890 % par rapport au taux appliqué aux précédentes autorisations. 86 00:06:02,090 --> 00:06:06,600 Or, la société EDA n’est pas sélectionnée par ADP et dénonce 87 00:06:06,800 --> 00:06:08,460 donc un abus de position dominante. 88 00:06:10,470 --> 00:06:16,590 Le Conseil d’État estime qu’il y a une possibilité d’abus de position 89 00:06:16,830 --> 00:06:21,480 dominante et renvoie la question au Conseil de la concurrence, 90 00:06:21,680 --> 00:06:25,410 aujourd’hui Autorité de la concurrence, pour qu’elle tranche la question. 91 00:06:26,890 --> 00:06:32,200 Le juge de la concurrence estimera qu’il n’y avait pas d’abus. 92 00:06:32,400 --> 00:06:38,950 Donc, pour résumer, le juge administratif peut annuler une 93 00:06:39,150 --> 00:06:42,640 autorisation d’occupation, soit parce qu’elle met l’occupant 94 00:06:42,840 --> 00:06:47,680 dans une position anticoncurrentielle, soit parce qu’elle est en elle-même 95 00:06:48,370 --> 00:06:51,580 le fruit d’une pratique anticoncurrentielle de la part 96 00:06:51,820 --> 00:06:53,650 de la personne publique. 97 00:06:55,520 --> 00:06:59,960 Voyons à présent comment aujourd’hui, certaines autorisations domaniales 98 00:07:00,160 --> 00:07:04,700 doivent, pour être accordées, faire l’objet d’une procédure préalable 99 00:07:04,900 --> 00:07:07,580 de publicité et de mise en concurrence.