1 00:00:05,670 --> 00:00:10,470 Nous en avons terminé avec la consistance du domaine public et 2 00:00:10,670 --> 00:00:14,010 nous pouvons ainsi nous tourner vers le régime du domaine public. 3 00:00:14,730 --> 00:00:17,760 Section 2 : le régime du domaine public. 4 00:00:20,310 --> 00:00:24,960 Le régime du domaine public est quasiment intégralement destiné 5 00:00:25,160 --> 00:00:29,850 à protéger l’intégrité et l’affectation des biens publics. 6 00:00:31,110 --> 00:00:35,850 Ce régime occupe une bonne partie du CG3P et relève essentiellement, 7 00:00:36,150 --> 00:00:39,510 mais pas exclusivement, du juge administratif. 8 00:00:39,710 --> 00:00:44,000 C’est donc un régime essentiellement exorbitant du droit commun, 9 00:00:44,200 --> 00:00:48,630 un régime administratif dont la raison d’être est de protéger 10 00:00:48,830 --> 00:00:50,880 l’affectation des biens publics du domaine public. 11 00:00:52,020 --> 00:00:55,350 Nous allons d’abord étudier les règles qui permettent d’assurer 12 00:00:55,550 --> 00:00:57,600 la protection du domaine public dans un I. 13 00:00:58,710 --> 00:01:01,890 Nous verrons ensuite, dans un II, un autre pan du régime 14 00:01:02,090 --> 00:01:05,580 de la domanialité publique, celui qui organise l’utilisation 15 00:01:06,090 --> 00:01:11,070 du domaine public, mais qui, lui aussi, répond à un souci constant 16 00:01:11,940 --> 00:01:12,700 de protection. 17 00:01:13,870 --> 00:01:17,130 I : la protection du domaine public. 18 00:01:21,410 --> 00:01:26,240 Le régime de la protection du domaine public comporte schématiquement 19 00:01:26,440 --> 00:01:30,380 trois grands points : celui de l’indisponibilité du domaine 20 00:01:30,580 --> 00:01:35,840 public, celui de la prévention des atteintes au domaine public 21 00:01:36,890 --> 00:01:40,430 et celui de la répression des atteintes au domaine public. 22 00:01:41,000 --> 00:01:43,460 Vous l’avez compris, voyons ces trois points. 23 00:01:45,200 --> 00:01:49,490 A : la protection par l’indisponibilité. 24 00:01:51,860 --> 00:01:57,890 Le bien du domaine public est indisponible pendant tout le temps 25 00:01:58,090 --> 00:02:01,100 où il est soumis au régime de la domanialité publique, 26 00:02:01,300 --> 00:02:05,120 c’est-à-dire que les propriétaires ne peuvent en disposer librement. 27 00:02:05,320 --> 00:02:07,160 C’est l’article L. 28 00:02:07,360 --> 00:02:13,670 3111-1 du CG3P qui fixe cette indisponibilité par l’intermédiaire 29 00:02:13,870 --> 00:02:14,630 de deux règles. 30 00:02:15,650 --> 00:02:18,920 En effet, l’article dispose, je cite : "Les biens des personnes 31 00:02:19,120 --> 00:02:22,760 publiques mentionnées à l’article L.1 qui relèvent du domaine public 32 00:02:22,960 --> 00:02:25,670 sont inaliénables et imprescriptibles". 33 00:02:25,870 --> 00:02:30,530 Ainsi, il nous faut commencer par étudier l’inaliénabilité des biens 34 00:02:30,730 --> 00:02:33,170 du domaine public, avant de nous intéresser au principe 35 00:02:33,370 --> 00:02:34,130 d’imprescriptibilité. 36 00:02:35,480 --> 00:02:38,510 Mais avant, je veux faire un petit rappel. 37 00:02:38,710 --> 00:02:43,790 Vous devez bien comprendre que ce régime ne concerne que les biens 38 00:02:44,120 --> 00:02:47,630 publics, mais pas tous les biens publics. 39 00:02:47,990 --> 00:02:51,410 Il ne concerne que les biens publics du domaine public, ce dont il est 40 00:02:51,610 --> 00:02:55,790 nécessaire de renforcer la protection au regard de l’utilité publique 41 00:02:56,030 --> 00:02:57,800 à laquelle ils sont affectés. 42 00:02:58,000 --> 00:03:03,110 1 : l’inaliénabilité des biens du domaine public. 43 00:03:03,310 --> 00:03:08,010 a : définition de la règle. 44 00:03:10,530 --> 00:03:13,170 Cette règle est en apparence très simple. 45 00:03:14,310 --> 00:03:17,520 Elle signifie que les biens du domaine public ne peuvent être 46 00:03:17,720 --> 00:03:22,220 cédés d’aucune manière, de façon volontaire ou contrainte, 47 00:03:22,420 --> 00:03:25,770 à titre onéreux ou à titre gratuit, d’aucune manière. 48 00:03:26,160 --> 00:03:27,900 Ils sont inaliénables. 49 00:03:28,100 --> 00:03:33,600 C’est une règle très ancienne que le Code ne fait que reprendre. 50 00:03:36,090 --> 00:03:40,740 On a tendance, quand on étudie ses origines, à citer le fameux 51 00:03:40,940 --> 00:03:45,000 édit de Moulins de 1566 qu’on a d’ailleurs déjà croisé, 52 00:03:45,490 --> 00:03:49,890 ordonnée par Charles IX, mais rédigé par le grand juriste 53 00:03:50,090 --> 00:03:51,030 Michel de L’Hospital. 54 00:03:51,690 --> 00:03:56,910 Cet édit fixe les grandes règles qui régissent le domaine royal 55 00:03:57,110 --> 00:04:00,030 et proclame que les biens de la Couronne sont inaliénables. 56 00:04:01,800 --> 00:04:07,590 Il est alors facile de tracer une ligne directe entre ce principe 57 00:04:07,790 --> 00:04:09,720 et celui posé par le CG3P. 58 00:04:09,920 --> 00:04:15,600 Cependant, ne tombons pas dans cette facilité. 59 00:04:15,800 --> 00:04:20,220 Il y a des différences majeures entre les deux principes dès lors 60 00:04:20,420 --> 00:04:24,690 que le domaine de la Couronne ne visait pas à protéger une affectation, 61 00:04:24,890 --> 00:04:28,440 mais à protéger le roi et ses bases territoriales, les biens étant 62 00:04:28,640 --> 00:04:29,400 indisponibles. 63 00:04:30,360 --> 00:04:34,210 En ce sens, le roi ne devait pas gaspiller les biens de la Couronne. 64 00:04:34,410 --> 00:04:37,630 Il s’agissait plutôt d’un commandement fait au souverain. 65 00:04:37,830 --> 00:04:42,960 C’est surtout Proudhon, encore une fois, qui va définir 66 00:04:43,200 --> 00:04:45,870 le principe tel qu’il est entendu aujourd’hui. 67 00:04:46,290 --> 00:04:50,420 Voici ce qu’il écrivait dans son Traité du domaine public en 1833. 68 00:04:50,730 --> 00:04:55,200 Je cite : "L’inaliénabilité des fonds du domaine public a sa cause 69 00:04:55,410 --> 00:04:58,470 dans les différents services auxquels ils sont affectés". 70 00:04:59,560 --> 00:05:03,660 Il fait le lien entre l’affectation du bien public et la nécessité 71 00:05:04,050 --> 00:05:04,860 de le protéger. 72 00:05:06,420 --> 00:05:10,140 La règle ainsi conçue a très vite été reprise par la jurisprudence 73 00:05:10,340 --> 00:05:13,980 administrative, puis par différents textes, à l’image d’un décret du 74 00:05:14,180 --> 00:05:18,210 28 décembre 1957 qui affirme, je cite : "Les biens du domaine 75 00:05:18,410 --> 00:05:22,020 public sont inaliénables", affirmation reprise par le CG3P 76 00:05:22,220 --> 00:05:22,980 aujourd’hui. 77 00:05:25,620 --> 00:05:27,990 Quelle est la valeur en droit positif de cette règle ? 78 00:05:28,980 --> 00:05:31,460 Elle est codifiée à l’article L. 79 00:05:31,660 --> 00:05:37,380 3111-1 et vous comprenez qu’elle a au moins une valeur législative. 80 00:05:38,610 --> 00:05:41,160 Mais bénéficie-t-elle d’une protection supérieure ? 81 00:05:42,600 --> 00:05:43,360 La réponse est non. 82 00:05:44,670 --> 00:05:47,880 En effet, le Conseil constitutionnel n’a jamais donné de valeur 83 00:05:48,080 --> 00:05:50,460 constitutionnelle au principe d’inaliénabilité. 84 00:05:51,270 --> 00:05:56,370 Il a d’ailleurs précisé dans sa décision numéro 86-217 DC du 18 85 00:05:56,570 --> 00:06:00,990 septembre 1986, décision dite liberté de communication, qu’il n’était 86 00:06:01,260 --> 00:06:04,320 pas nécessaire de rechercher si le principe d’inaliénabilité du 87 00:06:04,520 --> 00:06:08,070 domaine public a valeur constitutionnelle et qu’il s’oppose 88 00:06:08,270 --> 00:06:11,910 seulement à ce que des biens qui constituent ce domaine soient aliénés 89 00:06:12,180 --> 00:06:14,850 sans qu’il ait au préalable été déclassé. 90 00:06:15,050 --> 00:06:21,870 Ici, le Conseil constitutionnel nous révèle la vraie nature de 91 00:06:22,070 --> 00:06:26,480 cette règle, qui est essentiellement une règle procédurale. 92 00:06:27,210 --> 00:06:31,020 Si le propriétaire d’un bien du domaine public veut céder son bien, 93 00:06:31,440 --> 00:06:36,270 alors il doit respecter une procédure permettant de le faire sortir du 94 00:06:36,470 --> 00:06:39,660 domaine public, à savoir le désaffecter, pour pouvoir ensuite 95 00:06:39,860 --> 00:06:44,340 le déclasser, mais c’est déjà ce que nous disait Proudhon. 96 00:06:44,850 --> 00:06:48,870 En effet, il affirmait ceci : "Mais la même autorité qui a voulu 97 00:06:49,070 --> 00:06:51,900 placer hors du commerce et rendre inaliénable un fonds, 98 00:06:52,530 --> 00:06:56,790 en l’affectant à un service public, peut aussi le replacer dans la 99 00:06:56,990 --> 00:07:00,420 classe des héritages ordinaires en supprimant le service auquel 100 00:07:00,620 --> 00:07:04,350 il a été destiné, et par la suppression de cet asservissement, 101 00:07:04,990 --> 00:07:07,500 l’inaliénabilité cesse avec sa cause". 102 00:07:07,700 --> 00:07:13,320 Cependant, le Conseil constitutionnel 103 00:07:13,520 --> 00:07:18,500 veille à ce que l’affectation des biens soit protégée. 104 00:07:19,860 --> 00:07:28,140 Voyez en ce sens sa décision numéro 2005-513 DC du 14 avril 2005, 105 00:07:28,340 --> 00:07:29,640 loi relative aux aéroports. 106 00:07:29,840 --> 00:07:35,130 À propos, nous l’avons déjà abordé, du transfert des biens encore affectés 107 00:07:35,330 --> 00:07:38,760 à une personne privée, à savoir la société anonyme Aéroports 108 00:07:38,960 --> 00:07:39,720 de Paris. 109 00:07:40,200 --> 00:07:43,950 Le Conseil constitutionnel, s’il admet que cela est possible, 110 00:07:44,790 --> 00:07:50,700 fixe néanmoins une condition, à savoir ne pas priver de garanties 111 00:07:50,900 --> 00:07:55,020 légales les exigences constitutionnelles qui résultent 112 00:07:55,220 --> 00:07:59,100 de l’existence de la continuité des services publics auxquels le 113 00:07:59,300 --> 00:08:00,330 domaine public est affecté. 114 00:08:02,460 --> 00:08:06,990 Par le biais du principe de la continuité du service public qui 115 00:08:07,190 --> 00:08:12,030 a une valeur constitutionnelle, le Conseil constitutionnel protège 116 00:08:12,230 --> 00:08:16,620 lui aussi l’affectation des biens publics, mais le principe 117 00:08:16,820 --> 00:08:20,700 d’inaliénabilité en tant que tel, s’il permet cette protection, 118 00:08:20,900 --> 00:08:24,060 n’a pas pour autant une valeur constitutionnelle.