1 00:00:05,530 --> 00:00:08,030 Nous abordons aujourd'hui le chapitre 3 2 00:00:08,400 --> 00:00:14,140 consacré à la licéité de la preuve et sa conciliation avec le droit à la preuve. 3 00:00:15,040 --> 00:00:19,911 C'est une série de principes, les principes de licéité de la preuve, 4 00:00:19,950 --> 00:00:22,377 qui sont issus de quatre petits mots 5 00:00:22,422 --> 00:00:25,088 contenus à l'article 9 du Code de procédure civile. 6 00:00:25,266 --> 00:00:26,844 Je vous rappelle le texte de l'article 9 : 7 00:00:27,288 --> 00:00:30,155 "Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi 8 00:00:30,222 --> 00:00:32,440 les faits nécessaires au succès de ses prétentions". 9 00:00:33,820 --> 00:00:36,977 Cet article 9, on l'a déjà évoqué à propos des rôles respectifs du juge 10 00:00:37,022 --> 00:00:39,880 et des parties à l'égard de la matière litigieuse, 11 00:00:39,960 --> 00:00:42,620 et là en particulier à l'égard de la preuve, 12 00:00:42,720 --> 00:00:45,740 on a vu que c'était donc en principe en application l'article 9 13 00:00:45,790 --> 00:00:47,340 aux parties d'apporter des éléments de preuve. 14 00:00:47,500 --> 00:00:50,470 Le juge ne peut pas apporter lui-même des éléments de preuve au débat, 15 00:00:50,520 --> 00:00:52,500 mais on a vu qu'il y avait des tempéraments, 16 00:00:52,540 --> 00:00:55,110 le juge peut provoquer l'apport d'éléments de preuve 17 00:00:55,200 --> 00:00:57,000 en ordonnant une expertise par exemple, etc. 18 00:00:57,080 --> 00:00:57,870 Je ne reviens pas là-dessus. 19 00:00:58,110 --> 00:00:59,830 Là, ce qui nous intéresse, c'est uniquement : 20 00:01:00,260 --> 00:01:03,080 "Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi 21 00:01:03,300 --> 00:01:04,990 les faits nécessaires au succès de ses prétentions". 22 00:01:05,310 --> 00:01:10,933 Conformément à la loi, ces mots ont été interprétés par la jurisprudence 23 00:01:12,080 --> 00:01:16,400 comme posant des exigences de licéité aux éléments de preuve. 24 00:01:17,200 --> 00:01:18,644 Autrement dit, certains éléments de preuve 25 00:01:18,688 --> 00:01:20,555 seront considérés comme illicites 26 00:01:20,800 --> 00:01:23,310 et de ce fait ne seront pas admis au débat. 27 00:01:23,590 --> 00:01:25,470 On dit aussi "ne seront pas recevables" 28 00:01:25,530 --> 00:01:27,380 ou encore "devront être écartés des débats". 29 00:01:27,790 --> 00:01:28,920 Tout cela signifie la même chose. 30 00:01:29,980 --> 00:01:30,700 Alors peu ou prou, 31 00:01:30,730 --> 00:01:33,830 ces conditions de licéité de la preuve sont toutes rattachables 32 00:01:34,660 --> 00:01:39,210 soit à l'exigence de loyauté dans l'obtention de la preuve, 33 00:01:39,920 --> 00:01:42,330 soit au devoir de respecter la vie privée d'autrui, 34 00:01:42,640 --> 00:01:46,470 soit à l'obligation de ne pas révéler une information qui est couverte 35 00:01:46,550 --> 00:01:48,170 par un secret juridiquement protégé. 36 00:01:49,300 --> 00:01:51,270 Je pourrais donc me contenter, dans ce chapitre 3 37 00:01:51,300 --> 00:01:54,000 qui s'intitulerait uniquement "La licéité de la preuve", 38 00:01:54,280 --> 00:01:57,500 d'énumérer ces trois séries de conditions de licéité. 39 00:01:58,570 --> 00:02:01,020 Je ne peux plus le faire parce que depuis une dizaine d'années, 40 00:02:02,020 --> 00:02:02,960 dans le même temps, 41 00:02:03,250 --> 00:02:06,000 est apparue une tendance jurisprudentielle 42 00:02:06,060 --> 00:02:07,350 qui va dans le sens inverse, 43 00:02:07,840 --> 00:02:09,540 c'est-à-dire une tendance jurisprudentielle 44 00:02:09,610 --> 00:02:14,980 qui conduit à admettre des preuves alors même qu'elles sont illicites. 45 00:02:15,790 --> 00:02:16,630 Comment cela se fait-il ? 46 00:02:16,660 --> 00:02:18,630 Quelles sont les circonstances dans lesquelles cela arrive ? 47 00:02:19,410 --> 00:02:22,150 Lorsque la partie qui produit la preuve illicite 48 00:02:22,900 --> 00:02:25,970 a absolument besoin de la produire pour établir ce qu'elle allègue. 49 00:02:26,200 --> 00:02:29,650 Autrement dit, ses droits de la défense exigent 50 00:02:30,200 --> 00:02:32,920 qu'elle puisse produire cette preuve, sinon elle n'a aucun élément de preuve. 51 00:02:33,200 --> 00:02:34,550 Ses droits de la défense ou, 52 00:02:34,610 --> 00:02:37,660 selon l'expression aujourd'hui utilisée par la Cour de cassation, 53 00:02:38,010 --> 00:02:39,510 son droit à la preuve. 54 00:02:39,760 --> 00:02:41,550 Le droit à la preuve est ainsi parfois 55 00:02:42,080 --> 00:02:46,960 jugé supérieur à l'exigence de licéité de la preuve. 56 00:02:47,230 --> 00:02:48,511 C'est pourquoi le chapitre s'intitule 57 00:02:48,533 --> 00:02:51,670 "La licéité de la preuve et sa conciliation avec le droit à la preuve". 58 00:02:51,790 --> 00:02:53,060 Il faut étudier les deux en même temps. 59 00:02:53,980 --> 00:02:56,390 J'évoquerai d'abord les conditions 60 00:02:56,440 --> 00:02:59,520 dans lesquelles ce droit à la preuve a émergé dans une section 1, 61 00:02:59,950 --> 00:03:02,830 puis la façon dont le droit à la preuve peut effectivement 62 00:03:03,090 --> 00:03:05,970 infléchir les exigences de licéité de la preuve. 63 00:03:06,010 --> 00:03:07,250 Ce sera la section 2. 64 00:03:07,700 --> 00:03:10,380 Section 1 : L'émergence d'un droit à la preuve. 65 00:03:11,020 --> 00:03:12,920 Ce mouvement est né dans les années 2000. 66 00:03:13,840 --> 00:03:15,450 Au début de ce mouvement, 67 00:03:15,480 --> 00:03:20,300 la Cour de cassation estimait qu'une preuve illicite 68 00:03:20,520 --> 00:03:22,450 devait néanmoins être admise au débat 69 00:03:22,930 --> 00:03:27,070 lorsqu'elle était essentielle au droit de la défense de la partie qui l'invoquait 70 00:03:27,450 --> 00:03:30,640 et à condition que la production de la preuve soit proportionnée 71 00:03:30,670 --> 00:03:31,710 à ce but légitime. 72 00:03:35,520 --> 00:03:36,640 Ensuite, en 2006, 73 00:03:36,680 --> 00:03:38,570 la Cour européenne des droits de l'homme a rendu un arrêt 74 00:03:38,610 --> 00:03:41,090 dans lequel elle évoque l'expression "droit à la preuve". 75 00:03:41,370 --> 00:03:45,690 C'est un arrêt du 10 octobre 2006, l'arrêt LL contre France. 76 00:03:46,080 --> 00:03:47,420 Les circonstances étaient les suivantes. 77 00:03:47,730 --> 00:03:49,440 Il s'agissait d'une affaire de divorce pour faute. 78 00:03:49,500 --> 00:03:54,870 Une femme voulait obtenir le divorce pour faute de son mari 79 00:03:54,930 --> 00:03:56,320 qui était violent et alcoolique. 80 00:03:56,410 --> 00:03:58,510 Elle cherchait donc à prouver qu'il était alcoolique. 81 00:03:58,620 --> 00:04:00,320 Et entre autres éléments de preuve, 82 00:04:00,360 --> 00:04:04,500 elle avait produit au débat un compte rendu d'opérations chirurgicales 83 00:04:04,890 --> 00:04:08,640 qui faisait état de l'ablation de la rate de son mari. 84 00:04:10,140 --> 00:04:11,890 La pièce avait été admise au débat 85 00:04:11,930 --> 00:04:15,140 et la décision qui prononçait le divorce aux torts du mari 86 00:04:15,300 --> 00:04:16,830 en reproduisait même quelques extraits. 87 00:04:18,300 --> 00:04:20,500 Le mari s'y était opposé, mais sans succès. 88 00:04:20,540 --> 00:04:22,840 Une fois les voies de recours internes épuisées, 89 00:04:22,880 --> 00:04:25,210 il avait saisi la Cour européenne des droits de l'homme 90 00:04:25,450 --> 00:04:27,610 en se plaignant d'une ingérence 91 00:04:27,880 --> 00:04:30,860 dans son droit au respect de la vie privée et familiale. 92 00:04:32,340 --> 00:04:34,010 La Cour européenne des droits de l'homme 93 00:04:34,390 --> 00:04:36,750 constate effectivement qu'il y a une ingérence 94 00:04:36,920 --> 00:04:39,010 dans le droit au respect de la vie privée du requérant, 95 00:04:39,050 --> 00:04:42,280 garanti par le paragraphe 1 de l'article 8 de la convention. 96 00:04:43,230 --> 00:04:45,420 Mais ensuite, elle estime que cette ingérence 97 00:04:45,470 --> 00:04:48,270 est justifiée au regard du paragraphe 2 de l'article 8. 98 00:04:48,360 --> 00:04:51,410 Plus précisément, quel élément du paragraphe 2 ? 99 00:04:51,810 --> 00:04:52,850 "L'ingérence est justifiée 100 00:04:52,910 --> 00:04:56,110 au regard de la protection des droits et libertés d'autrui", 101 00:04:56,150 --> 00:04:57,810 expression qu'on trouve dans le paragraphe 2, 102 00:04:58,230 --> 00:05:00,990 et la Cour européenne précise en l'occurrence, 103 00:05:01,440 --> 00:05:03,360 "le droit à la preuve du conjoint 104 00:05:03,680 --> 00:05:05,490 aux fins de faire triompher ses prétentions". 105 00:05:07,470 --> 00:05:09,140 Dans une troisième étape, cependant, 106 00:05:09,180 --> 00:05:10,970 la Cour européenne a considéré 107 00:05:11,020 --> 00:05:15,250 que l'ingérence était justifiée par un but légitime, 108 00:05:15,280 --> 00:05:18,630 mais qu'elle n'était pas proportionnée par rapport à ce but légitime, 109 00:05:18,670 --> 00:05:22,800 parce que l'alcoolisme de l'époux pouvait fort bien être prouvé 110 00:05:23,650 --> 00:05:25,040 à l'aide d'autres éléments de preuve. 111 00:05:25,350 --> 00:05:27,450 Donc finalement, elle a admis la requête. 112 00:05:27,480 --> 00:05:31,180 Elle a estimé qu'effectivement, la France avait violé l'article 8, 113 00:05:31,530 --> 00:05:32,640 mais ce qui nous intéresse, 114 00:05:32,670 --> 00:05:34,830 c'est qu'au cours de la deuxième étape de son raisonnement, 115 00:05:34,860 --> 00:05:36,780 elle a estimé que le but légitime 116 00:05:37,700 --> 00:05:40,760 qui pouvait justifier une atteinte au droit au respect de la vie privée, 117 00:05:42,020 --> 00:05:44,870 ce but légitime pouvait être le droit à la preuve 118 00:05:45,400 --> 00:05:48,440 de la partie qui produit la pièce. 119 00:05:50,110 --> 00:05:52,510 Dans cet arrêt, n'est cité que l'article 8, 120 00:05:52,890 --> 00:05:55,710 l'article qui garantit le droit de chacun 121 00:05:55,760 --> 00:05:57,810 au respect de sa vie privée et familiale. 122 00:05:58,320 --> 00:05:59,510 Dans un second arrêt, 123 00:06:00,170 --> 00:06:04,290 un arrêt NN et TA contre Belgique du 13 mai 2008, 124 00:06:04,540 --> 00:06:06,550 la Cour européenne des droits de l'homme a rattaché, 125 00:06:06,600 --> 00:06:08,200 a à nouveau mentionné le droit à la preuve 126 00:06:08,230 --> 00:06:10,450 et a rattaché expressément ce droit à la preuve 127 00:06:11,100 --> 00:06:13,170 au droit fondamental à un procès équitable 128 00:06:13,220 --> 00:06:14,870 prévu par l'article 6 paragraphe 1 129 00:06:15,080 --> 00:06:16,670 de la Convention européenne des droits de l'homme. 130 00:06:17,610 --> 00:06:20,090 Elle admet donc aujourd'hui qu'il existe un conflit 131 00:06:20,390 --> 00:06:22,160 entre deux droits fondamentaux, 132 00:06:22,770 --> 00:06:24,470 d'un côté le droit au respect de la vie privée 133 00:06:24,500 --> 00:06:27,730 garanti par l'article 8 de la Convention et de l'autre, 134 00:06:28,000 --> 00:06:29,910 le droit au procès équitable 135 00:06:30,850 --> 00:06:37,770 et en ce compris le droit à la preuve des parties, garanti par l'article 6-1. 136 00:06:38,270 --> 00:06:39,780 Et ce conflit est résolu 137 00:06:39,900 --> 00:06:42,760 grâce à la mise en œuvre du contrôle de proportionnalité. 138 00:06:44,460 --> 00:06:46,960 La Cour de cassation a décidé à son tour 139 00:06:47,030 --> 00:06:49,630 de reprendre cette expression de droit à la preuve. 140 00:06:49,860 --> 00:06:50,510 Elle l'a fait. 141 00:06:50,560 --> 00:06:54,590 C'est la première chambre civile qui l'a fait dans un arrêt du 5 avril 2012 142 00:06:56,230 --> 00:06:58,420 dans laquelle il s'agissait de la production d'une lettre 143 00:06:59,900 --> 00:07:02,630 qui contenait des éléments relatifs à la vie privée d'une partie. 144 00:07:04,890 --> 00:07:10,230 Les juges du fond avaient rejeté cette lettre des débats 145 00:07:10,300 --> 00:07:11,590 au motif qu'elle portait atteinte, 146 00:07:11,630 --> 00:07:14,700 que sa production portait atteinte à la vie privée d'autrui. 147 00:07:15,960 --> 00:07:18,090 La décision est cassée au motif suivant : 148 00:07:18,520 --> 00:07:20,540 "Les juges du fond auraient dû rechercher 149 00:07:21,200 --> 00:07:24,770 si la production litigieuse n'était pas indispensable 150 00:07:24,810 --> 00:07:27,510 à l'exercice du droit à la preuve du demandeur 151 00:07:29,060 --> 00:07:31,710 et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence". 152 00:07:32,160 --> 00:07:34,540 Le visa et l'article 9 du Code civil 153 00:07:34,580 --> 00:07:36,590 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme 154 00:07:37,980 --> 00:07:40,160 et également l'article 6-1 155 00:07:40,580 --> 00:07:42,210 de la Convention européenne des droits de l'homme. 156 00:07:42,350 --> 00:07:44,870 Cet arrêt a été salué comme un grand arrêt 157 00:07:45,000 --> 00:07:49,000 et le fait est qu'il inaugure une nouvelle méthode 158 00:07:49,240 --> 00:07:51,310 que la Cour de cassation impose aux juges du fond 159 00:07:51,890 --> 00:07:54,980 en présence d'un problème de preuve illicite 160 00:07:55,920 --> 00:07:58,430 parce que portant atteinte au respect de la vie privée. 161 00:07:59,040 --> 00:08:00,870 La méthode qui est préconisée par la Cour de cassation, 162 00:08:00,910 --> 00:08:03,260 c'est celle de la Cour européenne des droits de l'homme, 163 00:08:03,290 --> 00:08:05,230 c'est-à-dire c'est une méthode en trois étapes. 164 00:08:05,300 --> 00:08:08,080 Premièrement, y a-t-il une atteinte à un droit 165 00:08:08,110 --> 00:08:10,610 ou une liberté garanti par la Convention européenne des droits de l'homme, 166 00:08:10,860 --> 00:08:13,420 en l'espèce, y a-t-il une atteinte au respect de la vie privée ? 167 00:08:13,920 --> 00:08:16,900 Deuxièmement cette atteinte, si elle existe, 168 00:08:17,120 --> 00:08:19,210 est-elle justifiée par un but légitime, 169 00:08:19,440 --> 00:08:22,020 en l'occurrence est-elle justifiée par le droit à la preuve 170 00:08:22,430 --> 00:08:24,170 de la partie qui produit la preuve ? 171 00:08:25,080 --> 00:08:26,880 Et enfin troisième étape, si oui, 172 00:08:26,920 --> 00:08:30,610 est-ce que l'atteinte est proportionnée à ce but légitime ? 173 00:08:30,670 --> 00:08:33,040 Est-ce que l'atteinte au respect de la vie privée 174 00:08:33,080 --> 00:08:36,290 est proportionnée à l'exercice du droit à la preuve 175 00:08:36,360 --> 00:08:38,280 de la partie qui produit l'élément de preuve ? 176 00:08:40,830 --> 00:08:45,640 Il reste maintenant à déterminer quelles sont les exigences de licéité 177 00:08:45,800 --> 00:08:48,490 qui peuvent céder face au droit à la preuve 178 00:08:48,520 --> 00:08:49,900 en application de cette méthode. 179 00:08:49,940 --> 00:08:53,150 Section 2 : L'incidence du droit à la preuve 180 00:08:53,210 --> 00:08:55,530 sur les exigences de licéité de la preuve. 181 00:08:56,930 --> 00:08:58,690 Dans l'arrêt du 5 avril 2002, 182 00:09:00,030 --> 00:09:02,900 la pièce illicite qui a été jugée admissible, 183 00:09:02,940 --> 00:09:06,830 dont il a été jugé plutôt qu'elle pourrait être admise 184 00:09:07,290 --> 00:09:08,660 au nom du droit à la preuve 185 00:09:08,690 --> 00:09:12,100 après que le contrôle de proportionnalité a été effectué, 186 00:09:12,590 --> 00:09:15,030 cette pièce portait atteint, 187 00:09:15,080 --> 00:09:17,230 enfin la production de cette pièce portait atteinte 188 00:09:17,450 --> 00:09:19,890 au droit au respect de la vie privée d'une partie. 189 00:09:20,700 --> 00:09:22,690 Mais si l'on regarde la formule de l'arrêt, 190 00:09:22,850 --> 00:09:27,090 on constate qu'elle n'est pas limitée au droit au respect de la vie privée 191 00:09:29,850 --> 00:09:33,380 puisque les juges du fond auraient dû rechercher 192 00:09:33,410 --> 00:09:37,300 si la production litigieuse n'était pas indispensable 193 00:09:37,670 --> 00:09:39,740 à l'exercice du droit à la preuve du demandeur 194 00:09:39,790 --> 00:09:42,660 et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence. 195 00:09:42,950 --> 00:09:44,800 Les intérêts antinomiques en présence, 196 00:09:45,020 --> 00:09:47,350 en l'espèce c'était d'un côté le droit au respect la vie privée, 197 00:09:47,410 --> 00:09:48,570 de l'autre le droit à la preuve. 198 00:09:48,610 --> 00:09:51,650 Mais ça aurait pu être autre chose que le droit au respect de la vie privée. 199 00:09:51,680 --> 00:09:53,960 La formule est large 200 00:09:54,240 --> 00:09:57,200 et donc la portée de l'arrêt est potentiellement très vaste. 201 00:09:59,650 --> 00:10:01,760 La Cour de cassation, cependant, 202 00:10:02,450 --> 00:10:06,970 n'accorde pas toujours une incidence au droit à la preuve, 203 00:10:07,030 --> 00:10:10,380 ça dépend des exigences de licéité qui sont concernées. 204 00:10:10,680 --> 00:10:13,540 Il faut donc les exposer successivement, ces exigences et licéité, 205 00:10:13,570 --> 00:10:14,730 en se demandant à chaque fois 206 00:10:14,770 --> 00:10:17,390 dans quelle mesure est-ce qu'elles peuvent être relativisée 207 00:10:17,700 --> 00:10:19,230 par l'exercice du droit à la preuve. 208 00:10:19,730 --> 00:10:23,380 J'envisageai donc d'abord l'exigence de loyauté, 209 00:10:23,460 --> 00:10:27,370 puis celle tirée du respect de la vie privée d'autrui et enfin, 210 00:10:27,530 --> 00:10:30,100 celle tirée du respect des secrets juridiquement protégés. 211 00:10:30,880 --> 00:10:35,170 Paragraphe 1 : Le principe de loyauté dans l'administration de la preuve : 212 00:10:36,520 --> 00:10:38,110 un principe quasi absolu. 213 00:10:41,340 --> 00:10:43,780 Comme on aura l'occasion de le voir dans le chapitre 4, 214 00:10:43,940 --> 00:10:46,500 la loyauté en général dans le procès, 215 00:10:46,540 --> 00:10:49,650 la loyauté des débats ou la loyauté procédurale générale 216 00:10:50,400 --> 00:10:54,230 n'est pas toujours unanimement reconnue comme un principe par la doctrine. 217 00:10:54,530 --> 00:10:56,160 Elle n'est pas dans le code. 218 00:10:56,570 --> 00:10:59,020 Certains auteurs estiment qu'elle devrait y être, d'autres non. 219 00:11:00,380 --> 00:11:02,850 En revanche, la loyauté de la preuve, 220 00:11:03,400 --> 00:11:06,180 elle, est un principe qui n'est pas contesté, 221 00:11:06,950 --> 00:11:08,250 en tout cas en matière civile. 222 00:11:08,420 --> 00:11:11,310 Sur ce point, la procédure civile diffère de la procédure pénale. 223 00:11:11,380 --> 00:11:12,810 En effet, en procédure pénale, 224 00:11:13,460 --> 00:11:17,400 une pièce obtenue de façon déloyale par les parties civiles 225 00:11:17,440 --> 00:11:19,620 ou par le prévenu, par la personne mise en cause, 226 00:11:19,980 --> 00:11:22,730 est tout à fait admise au débat. 227 00:11:23,580 --> 00:11:24,770 Il n'en est pas de même en revanche 228 00:11:24,800 --> 00:11:26,580 pour le ministère public et la police qui eux, 229 00:11:26,630 --> 00:11:29,610 sont soumis à l'exigence de loyauté dans la façon d'obtenir la preuve, 230 00:11:29,890 --> 00:11:30,770 mais pas les parties. 231 00:11:31,380 --> 00:11:32,530 Comment cela se fait-il ? 232 00:11:32,650 --> 00:11:34,010 Parce que dans le procès pénal, 233 00:11:34,300 --> 00:11:39,180 l'intérêt général est en cause davantage que dans le procès civil. 234 00:11:40,790 --> 00:11:43,290 Il en va de la protection de la société. 235 00:11:43,430 --> 00:11:45,670 Il en va des libertés individuelles d'une personne, 236 00:11:45,720 --> 00:11:47,530 donc il faut à tout prix connaître la vérité. 237 00:11:48,080 --> 00:11:51,290 Si la preuve qui a été obtenue par une partie 238 00:11:51,500 --> 00:11:53,260 et a été obtenue de façon déloyale, 239 00:11:53,410 --> 00:11:55,810 tant pis, ce qui compte, c'est qu'on sache la vérité. 240 00:11:56,390 --> 00:11:58,250 Cet argument ne vaut pas en procédure civile, 241 00:11:58,370 --> 00:12:00,500 la loyauté doit donc être strictement respectée. 242 00:12:01,070 --> 00:12:03,520 Et de fait, depuis les années 1990, 243 00:12:04,270 --> 00:12:06,870 la Cour de cassation affirme régulièrement 244 00:12:07,500 --> 00:12:10,550 qu'un élément de preuve obtenu au moyen d'un procédé déloyal 245 00:12:10,590 --> 00:12:12,320 doit être déclaré irrecevable. 246 00:12:13,220 --> 00:12:14,880 Pendant longtemps, elle s'est fondée exclusivement 247 00:12:14,920 --> 00:12:17,210 sur l'article 9 du Code de procédure civile : 248 00:12:17,310 --> 00:12:20,670 "Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi 249 00:12:20,730 --> 00:12:23,360 les faits sur lesquels elle se fonde", etc., 250 00:12:24,030 --> 00:12:25,670 également assez rapidement, 251 00:12:26,990 --> 00:12:29,510 la Cour de cassation se fondait sur l'article 6-1 252 00:12:29,540 --> 00:12:31,050 de la Convention européenne des droits de l'homme 253 00:12:31,650 --> 00:12:34,520 et depuis 2011, elle se fonde également 254 00:12:35,010 --> 00:12:38,210 sur le principe de loyauté dans l'administration de la preuve. 255 00:12:38,360 --> 00:12:41,620 Depuis un arrêt de l'assemblée plénière du 7 janvier 2011, 256 00:12:42,170 --> 00:12:45,790 dans le visa, on trouve non seulement l'article 9 du Code de procédure civile, 257 00:12:45,830 --> 00:12:47,980 l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 258 00:12:48,230 --> 00:12:51,520 mais également le principe de loyauté dans l'administration de la preuve, 259 00:12:51,550 --> 00:12:54,190 donc dans un visa qu'on peut appeler un visa prétorien. 260 00:12:56,330 --> 00:12:59,040 Les pièces qui n'ont pas été obtenues de façon loyale 261 00:12:59,110 --> 00:13:00,370 doivent être écartées des débats. 262 00:13:00,660 --> 00:13:01,770 Encore faut-il déterminer 263 00:13:01,820 --> 00:13:04,800 ce qu'est un procédé déloyal d'obtention d'une preuve. 264 00:13:06,370 --> 00:13:07,200 Parfois, 265 00:13:07,240 --> 00:13:10,710 c'est la loi qui identifie un procédé comme déloyal et qui l'interdit. 266 00:13:11,030 --> 00:13:13,970 Dans ce cas-là c'est facile, il suffit d'appliquer la loi. 267 00:13:14,250 --> 00:13:16,240 C'est le cas par exemple en droit du travail. 268 00:13:16,490 --> 00:13:20,590 Il est prévu dans le Code du travail à l'article 1222-4 269 00:13:21,080 --> 00:13:24,940 que si un employeur veut mettre en place 270 00:13:24,990 --> 00:13:29,140 un dispositif d'enregistrement visuel ou sonore de ses salariés 271 00:13:29,180 --> 00:13:33,000 pour vérifier qu'ils se comportent bien, il peut le faire, 272 00:13:33,040 --> 00:13:37,470 mais il doit le porter préalablement à la connaissance des salariés. 273 00:13:38,640 --> 00:13:41,100 Lorsque la loi ne précise rien, 274 00:13:41,390 --> 00:13:43,630 la jurisprudence a mis au point un critère, 275 00:13:44,110 --> 00:13:48,290 ce critère est notamment énoncé de façon très claire 276 00:13:48,330 --> 00:13:52,270 dans un arrêt de la deuxième chambre civile du 7 octobre 2004, 277 00:13:52,310 --> 00:13:54,150 un arrêt qu'on appelle l'arrêt Slusarek, 278 00:13:54,660 --> 00:13:56,390 dans lequel il s'agissait d'une somme 279 00:13:56,580 --> 00:13:59,410 qui avait été donnée par une partie à une autre. 280 00:14:00,930 --> 00:14:03,530 La partie qui avait donné la somme en réalité 281 00:14:03,560 --> 00:14:04,870 disait qu'il s'agissait d'un prêt, 282 00:14:05,620 --> 00:14:09,480 donc elle avait demandé le remboursement de ce prêt et là, 283 00:14:10,970 --> 00:14:14,770 la personne qui avait reçu la somme avait refusé de rendre en disant : 284 00:14:14,820 --> 00:14:16,050 "Mais pas du tout. 285 00:14:16,250 --> 00:14:18,330 Vous ne me l'avez pas prêté, vous me l'avez donné, 286 00:14:18,370 --> 00:14:21,550 donc ce n'est pas un prêt, c'est une donation ou un don". 287 00:14:22,970 --> 00:14:25,780 Il fallait donc prouver que la somme avait été remise 288 00:14:25,810 --> 00:14:27,850 à titre de prêt et non pas à titre de don. 289 00:14:28,540 --> 00:14:30,320 Comment prouver l'existence de ce prêt ? 290 00:14:30,800 --> 00:14:34,090 Le prêteur, celui qui se prétendait tel, avait eu une idée, 291 00:14:34,510 --> 00:14:37,530 il avait téléphoné à l'adversaire, 292 00:14:37,670 --> 00:14:39,880 il avait enregistré la conversation téléphonique. 293 00:14:40,430 --> 00:14:45,340 Cette conversation téléphonique révélait qu'il s'agissait bien d'un prêt, 294 00:14:45,400 --> 00:14:47,040 que la partie adverse était tout à fait consciente 295 00:14:47,080 --> 00:14:48,620 qu'il s'agissait d'un prêt et pas d'un don 296 00:14:48,660 --> 00:14:50,530 et qu'elle avait donc une obligation de restitution, 297 00:14:51,590 --> 00:14:54,510 et donc le prêteur avait ensuite 298 00:14:54,560 --> 00:14:56,820 fait retranscrire le contenu de la conversation 299 00:14:56,920 --> 00:14:58,210 et l'avait produit au débat. 300 00:14:59,420 --> 00:15:03,230 Cet élément de preuve a été jugé irrecevable 301 00:15:03,280 --> 00:15:06,370 parce qu'il a été obtenu de façon déloyale 302 00:15:07,020 --> 00:15:09,470 au visa de l'article 9 du Code de procédure civile 303 00:15:09,540 --> 00:15:12,270 et 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. 304 00:15:12,560 --> 00:15:15,390 La Cour de cassation estime : 305 00:15:15,750 --> 00:15:18,370 "L'enregistrement d'une conversation téléphonique privée 306 00:15:18,640 --> 00:15:22,230 effectué et conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués 307 00:15:22,640 --> 00:15:23,860 est un procédé déloyal 308 00:15:23,910 --> 00:15:26,330 rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue". 309 00:15:26,780 --> 00:15:28,960 Le critère, c'est donc que la preuve a été obtenue 310 00:15:29,010 --> 00:15:31,400 à l'insu de la partie adverse. 311 00:15:32,030 --> 00:15:37,180 Les procédés irrecevables comme déloyaux sont donc des procédés clandestins. 312 00:15:39,200 --> 00:15:43,450 C'est de cette jurisprudence que tentait de se prévaloir un employeur 313 00:15:43,490 --> 00:15:45,090 dans une affaire de harcèlement sexuel 314 00:15:45,130 --> 00:15:48,530 qui a donné lieu à un arrêt de la chambre sociale du 23 mai 2007. 315 00:15:49,310 --> 00:15:53,240 Une salariée invoquait devant le conseil de prud'hommes, 316 00:15:53,440 --> 00:15:54,360 donc pas en matière pénale, 317 00:15:54,410 --> 00:15:56,010 mais simplement en matière de droit du travail, 318 00:15:56,090 --> 00:16:00,260 elle invoquait donc le fait que l'employeur s'était livré à son encontre 319 00:16:00,310 --> 00:16:02,610 à des faits de harcèlement sexuel et pour le prouver, 320 00:16:02,890 --> 00:16:07,450 elle avait produit en justice des SMS que l'employeur lui avait adressés. 321 00:16:08,210 --> 00:16:11,480 L'employeur tentait de faire rejeter des débats ses SMS 322 00:16:11,670 --> 00:16:15,710 en utilisant la jurisprudence Slusarek, en énonçant : 323 00:16:17,850 --> 00:16:20,510 "L'enregistrement et la reconstitution d'une conversation 324 00:16:20,550 --> 00:16:22,630 ainsi que la retranscription de messages", 325 00:16:22,670 --> 00:16:24,130 c'est ce point-là qui était concerné, 326 00:16:24,360 --> 00:16:26,720 "lorsqu'ils sont effectués à l'insu de leur auteur, 327 00:16:27,050 --> 00:16:28,840 constituent des procédés déloyaux 328 00:16:29,470 --> 00:16:32,800 rendant irrecevables en justice les preuves ainsi obtenues". 329 00:16:34,880 --> 00:16:36,390 Le pourvoi est néanmoins rejeté. 330 00:16:36,890 --> 00:16:39,710 "Si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée 331 00:16:39,750 --> 00:16:42,920 effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués est un procédé déloyal 332 00:16:42,960 --> 00:16:45,110 rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue", 333 00:16:45,180 --> 00:16:46,550 c'est la reprise de l'arrêt Slusarek, 334 00:16:47,300 --> 00:16:50,550 "il n'en est pas de même", dit la chambre sociale, la Cour de cassation, 335 00:16:50,870 --> 00:16:54,260 "il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire 336 00:16:54,310 --> 00:16:57,690 des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, 337 00:16:58,110 --> 00:16:59,820 dont l'auteur ne peut ignorer 338 00:16:59,850 --> 00:17:01,830 qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur". 339 00:17:02,170 --> 00:17:03,760 Et en effet, ce n'est pas du tout la même chose. 340 00:17:04,160 --> 00:17:05,530 Dans une conversation téléphonique, 341 00:17:05,590 --> 00:17:08,920 l'interlocuteur ne peut pas se douter qu'il est enregistré. 342 00:17:09,110 --> 00:17:12,560 En revanche, la personne qui envoie un SMS à quelqu'un d'autre 343 00:17:12,640 --> 00:17:14,570 sait très bien que ce SMS est ensuite conservé 344 00:17:14,610 --> 00:17:16,860 sur le téléphone du destinataire, 345 00:17:17,430 --> 00:17:18,670 donc il n'a pas pu, 346 00:17:18,760 --> 00:17:21,520 l'employeur n'a pas pu bénéficier de la jurisprudence Slusarek, 347 00:17:21,540 --> 00:17:22,830 elle ne s'applique pas dans ce cas-là. 348 00:17:23,450 --> 00:17:28,600 Autre exemple de procédé clandestin d'obtention d'une preuve, 349 00:17:28,700 --> 00:17:32,270 et donc déloyal, cette fois-ci qui n'est pas que téléphonique, 350 00:17:33,530 --> 00:17:38,610 un employeur soupçonnait l'un de ses salariés de se rendre, 351 00:17:38,670 --> 00:17:40,010 pendant ses heures de travail, 352 00:17:40,400 --> 00:17:43,300 dans le restaurant qui était tenu par sa femme et de l'aider, 353 00:17:44,520 --> 00:17:48,300 donc de l'aider dans le service à son restaurant 354 00:17:48,410 --> 00:17:49,440 pendant les heures de travail. 355 00:17:50,330 --> 00:17:51,850 Pour établir la preuve, 356 00:17:52,030 --> 00:17:54,240 l'employeur a demandé à d'autres salariés, 357 00:17:54,770 --> 00:17:57,140 qui ne connaissaient pas le salarié, 358 00:17:57,180 --> 00:17:58,570 donc qui ne se connaissaient pas mutuellement, 359 00:18:00,070 --> 00:18:04,550 il a demandé à d'autres salariés de se rendre dans le restaurant, 360 00:18:04,860 --> 00:18:06,550 puis de constater qu'effectivement, 361 00:18:06,920 --> 00:18:10,430 le salarié aidait au service puis de revenir lui faire un compte rendu 362 00:18:10,460 --> 00:18:13,770 et de produire ainsi la preuve obtenue. 363 00:18:15,890 --> 00:18:18,740 La Cour de cassation a néanmoins estimé, 364 00:18:20,720 --> 00:18:24,220 dans un arrêt de la chambre sociale du 18 mars 2008, 365 00:18:24,360 --> 00:18:26,430 que cette preuve n'était pas recevable. 366 00:18:26,780 --> 00:18:28,850 Pourtant la Cour d'appel avait estimé qu'il n'y avait pas de problème, 367 00:18:28,880 --> 00:18:32,100 elle avait mis en œuvre, enfin elle avait pensé mettre en œuvre 368 00:18:32,480 --> 00:18:35,260 le critère de l'arrêt Slusarek, en disant : 369 00:18:36,410 --> 00:18:38,040 "Le recours à des témoins 370 00:18:38,190 --> 00:18:41,150 pour faire constater l'activité d'un agent pendant ses heures de travail 371 00:18:41,180 --> 00:18:43,730 ne constitue pas un procédé déloyal ou clandestin. 372 00:18:44,210 --> 00:18:47,100 Les agents se sont présentés au restaurant sans se dissimuler, 373 00:18:47,230 --> 00:18:50,260 donc autrement dit, ce n'était pas à l'insu du salarié". 374 00:18:50,680 --> 00:18:53,360 Cassation parce que même s'ils ne se sont pas dissimulés, 375 00:18:53,420 --> 00:18:55,050 ils ont quand même dissimulé quelque chose, 376 00:18:55,200 --> 00:18:58,840 ils ont dissimulé qu'ils étaient également salariés du même employeur, 377 00:18:59,350 --> 00:19:00,190 et donc cassation. 378 00:19:00,230 --> 00:19:02,990 Les agents se sont présentés au restaurant comme de simples clients. 379 00:19:03,350 --> 00:19:06,680 Leurs vérifications ont été effectuées de manière clandestine et déloyale 380 00:19:06,730 --> 00:19:08,650 en ayant recours à un stratagème. 381 00:19:08,930 --> 00:19:11,810 Cassation donc au visa de l'article 9 du Code de procédure civile. 382 00:19:14,510 --> 00:19:18,620 Il est intéressant de constater que curieusement, 383 00:19:18,650 --> 00:19:21,800 cette jurisprudence n'est pas toujours appliquée à la filature 384 00:19:21,840 --> 00:19:24,220 par un détective privé ou par un huissier. 385 00:19:24,650 --> 00:19:28,010 On ne peut pourtant pas imaginer de procédé 386 00:19:28,430 --> 00:19:31,530 tellement plus clandestin que le fait de filer quelqu'un 387 00:19:31,570 --> 00:19:33,400 en espérant qu'il ne s'en aperçoive pas, 388 00:19:33,930 --> 00:19:36,250 de faire un compte rendu et de le produire au débat. 389 00:19:36,950 --> 00:19:39,170 Le fait est d'ailleurs qu'en droit social, c'est interdit, 390 00:19:39,250 --> 00:19:43,740 l'employeur ne peut pas faire filer son salarié par un détective privé 391 00:19:43,980 --> 00:19:46,270 et s'il produit ensuite le compte rendu, 392 00:19:47,460 --> 00:19:50,570 ce compte rendu sera déclaré irrecevable parce qu’illicite. 393 00:19:51,060 --> 00:19:52,690 Mais dans les autres matières en revanche, 394 00:19:52,940 --> 00:19:55,770 la filature n'est pas déclarée illicite. 395 00:19:56,600 --> 00:19:59,030 On trouve dans certains contentieux, en matière de divorce, 396 00:19:59,420 --> 00:20:00,710 en matière d'assurance, 397 00:20:00,920 --> 00:20:05,540 on trouve de nombreux comptes rendus de filatures 398 00:20:05,600 --> 00:20:08,550 qui ne sont pas déclarés irrecevables 399 00:20:08,600 --> 00:20:13,430 à raison de la façon déloyale dont ils ont été obtenus, 400 00:20:15,230 --> 00:20:18,690 ce qui constitue, à n'en pas douter, une petite anomalie. 401 00:20:19,620 --> 00:20:23,810 Maintenant, quelle est l'incidence que le droit à la preuve peut avoir 402 00:20:23,840 --> 00:20:26,440 sur l'exigence de loyauté de la preuve ? 403 00:20:28,460 --> 00:20:30,050 C'est ce que nous verrons dans une prochaine vidéo.