1 00:00:05,776 --> 00:00:08,272 Nous abordons à présent, dans une section 2, 2 00:00:08,336 --> 00:00:10,992 le deuxième visage du principe de la contradiction, 3 00:00:11,456 --> 00:00:14,560 la contradiction dans les rapports entre le juge et les parties. 4 00:00:15,800 --> 00:00:20,260 C'est un principe qui est solennellement affirmé dans le code, 5 00:00:21,100 --> 00:00:24,490 mais auquel la jurisprudence a apporté quelques limites. 6 00:00:25,300 --> 00:00:28,650 Paragraphe 1 : Le principe proclamé par le Code de procédure civile. 7 00:00:30,280 --> 00:00:32,544 Selon l'article 16 alinéa 1, 8 00:00:33,008 --> 00:00:36,384 "le juge doit en toutes circonstances faire observer 9 00:00:36,800 --> 00:00:39,552 et observer lui-même le principe de la contradiction". 10 00:00:39,720 --> 00:00:41,980 Ici, ce qui nous intéresse, ce n'est plus faire observer, 11 00:00:42,144 --> 00:00:43,552 qui relevait de la première forme 12 00:00:43,600 --> 00:00:45,280 du principe de la contradiction entre les parties, 13 00:00:45,696 --> 00:00:47,120 mais observer lui-même. 14 00:00:47,536 --> 00:00:50,320 Et l'article 16 alinéa 3 indique : 15 00:00:50,384 --> 00:00:54,720 "Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office 16 00:00:55,040 --> 00:00:58,600 sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations". 17 00:00:59,650 --> 00:01:01,808 Cet aspect du contradictoire est donc 18 00:01:01,984 --> 00:01:05,536 un corollaire du pouvoir conféré au juge par l'article 12, 19 00:01:05,616 --> 00:01:09,220 le pouvoir de relever d'office un élément juridique. 20 00:01:09,600 --> 00:01:13,830 Lorsqu'il exerce ce pouvoir, il doit prévenir les parties. 21 00:01:14,770 --> 00:01:20,208 Cette admission du contradictoire d'une obligation pour le juge 22 00:01:20,528 --> 00:01:22,080 de respecter le principe de la contradiction, 23 00:01:22,592 --> 00:01:24,370 cette admission n'a pas été sans mal. 24 00:01:24,570 --> 00:01:29,536 Il faut rappeler en quelques mots quelle a été l'histoire de l'article 16. 25 00:01:30,640 --> 00:01:35,888 L'article 16 a été édicté originellement par le décret du 9 septembre 1971 26 00:01:36,032 --> 00:01:36,896 qui est le premier décret 27 00:01:36,992 --> 00:01:40,832 à contenir les articles du futur Code de procédure civile, 28 00:01:40,920 --> 00:01:44,496 qui lui ne sera promulgué que le 5 décembre 75, 29 00:01:45,184 --> 00:01:47,856 et dans le décret du 9 septembre 71, 30 00:01:48,192 --> 00:01:50,560 on trouve un article 16 avec un alinéa premier 31 00:01:50,672 --> 00:01:52,608 rédigé de la même façon qu'aujourd'hui : 32 00:01:53,136 --> 00:01:55,408 "Le juge doit en toutes circonstances faire observer 33 00:01:55,504 --> 00:01:57,550 et observer lui-même le principe de la contradiction". 34 00:01:58,510 --> 00:02:02,256 Cette rédaction n'a pas plu à un certain nombre de magistrats 35 00:02:02,816 --> 00:02:05,968 qui ont estimé que le principe de la contradiction 36 00:02:06,032 --> 00:02:08,304 ne devait pas concerner le juge lui-même, 37 00:02:08,592 --> 00:02:10,944 qu'il relevait de l'antagonisme entre les parties. 38 00:02:11,100 --> 00:02:13,570 Mais le juge est étranger à cet antagonisme. 39 00:02:14,950 --> 00:02:17,136 Le droit appartient au juge. 40 00:02:19,680 --> 00:02:20,752 S'il appartient au juge, 41 00:02:21,088 --> 00:02:23,800 pourquoi devrait-il en conférer avec les parties ? 42 00:02:24,040 --> 00:02:25,420 C'est lui qui sait le droit. 43 00:02:25,504 --> 00:02:26,380 C'est sa mission. 44 00:02:26,448 --> 00:02:28,390 C'est sa fonction, il connaît le droit. 45 00:02:30,520 --> 00:02:34,768 Les magistrats ont pris la chose comme une surveillance 46 00:02:34,864 --> 00:02:36,790 qui serait exercée sur leur office. 47 00:02:37,850 --> 00:02:40,088 Claude Parodi indiquait, 48 00:02:40,866 --> 00:02:45,844 exprimait ainsi le fait que cette disposition ne lui convenait pas 49 00:02:46,066 --> 00:02:46,955 en ces termes : 50 00:02:47,136 --> 00:02:48,672 "le principe de contradiction 51 00:02:48,944 --> 00:02:51,984 ne doit jamais procéder d'une méfiance à l'égard du juge 52 00:02:52,580 --> 00:02:57,190 et la justice étatique est en effet fondée sur la confiance dans le juge". 53 00:02:58,592 --> 00:03:01,060 Ils prenaient ça comme une méfiance exprimée à leur égard. 54 00:03:02,170 --> 00:03:03,600 Autre inconvénient, 55 00:03:03,712 --> 00:03:07,136 cela impliquait que le juge prévienne les parties 56 00:03:08,240 --> 00:03:10,928 lorsqu'il envisageait de relever une règle de droit 57 00:03:11,120 --> 00:03:12,400 à laquelle elles n'avaient pas pensé 58 00:03:12,720 --> 00:03:15,280 et cela occasionnait une énorme perte de temps, 59 00:03:15,408 --> 00:03:18,640 puisque la plupart du temps, le moment où le juge s'en rend compte, 60 00:03:18,768 --> 00:03:22,288 c'est vers la fin du dossier, voire pendant la phase de délibérer, 61 00:03:22,352 --> 00:03:23,904 donc tous les moyens ont été échangés, 62 00:03:24,224 --> 00:03:27,100 l'audience des débats, c'est-à-dire de plaidoirie a eu lieu. 63 00:03:27,700 --> 00:03:30,624 Le juge réfléchit à l'affaire au sens de sa décision 64 00:03:30,688 --> 00:03:31,552 et c'est là qu'il se dit : 65 00:03:31,632 --> 00:03:33,824 "Pourquoi n'ont-ils pas invoqué telle règle de droit ? 66 00:03:33,904 --> 00:03:34,752 Je vais le faire 67 00:03:35,200 --> 00:03:38,016 et donc je dois rouvrir les débats 68 00:03:38,160 --> 00:03:42,064 pour permettre aux parties d'échanger à nouveau des écritures sur ce thème 69 00:03:42,544 --> 00:03:44,928 et ensuite il faudra prévoir une nouvelle audience des débats" 70 00:03:44,992 --> 00:03:48,490 et cela peut être dans un an si vraiment la juridiction est surchargée, 71 00:03:48,970 --> 00:03:49,872 ce qui n'est pas si rare. 72 00:03:51,760 --> 00:03:54,790 Cela engendrait, selon les magistrats, beaucoup d'inconvénients. 73 00:03:55,360 --> 00:03:58,336 Ils ont donc réussi à exercer des pressions sur la chancellerie 74 00:03:58,960 --> 00:04:02,960 de telle manière que le décret du 5 décembre 1975, 75 00:04:03,072 --> 00:04:06,800 celui-là même qui en même temps institue un nouveau Code de procédure civile 76 00:04:06,880 --> 00:04:08,928 entré en vigueur le 1er janvier 76, 77 00:04:09,536 --> 00:04:14,192 ce décret du 5 décembre 75 modifie l'article 16 alinéa premier, 78 00:04:15,776 --> 00:04:17,072 de la façon suivante : 79 00:04:17,800 --> 00:04:19,840 "Le juge doit en toutes circonstances 80 00:04:20,400 --> 00:04:22,272 faire observer le principe de la contradiction" 81 00:04:22,816 --> 00:04:24,650 et "observer lui-même" disparu. 82 00:04:26,710 --> 00:04:32,656 Cette suppression a entraîné des fortes réactions d'hostilité 83 00:04:32,750 --> 00:04:33,955 de la part des avocats 84 00:04:34,777 --> 00:04:38,622 et d'une grande partie de la doctrine universitaire. 85 00:04:39,580 --> 00:04:45,550 Les critiques qui ont été apportées à cette suppression sont diverses. 86 00:04:45,850 --> 00:04:47,900 Les principales sont les suivantes. 87 00:04:48,100 --> 00:04:49,024 La première critique, 88 00:04:49,120 --> 00:04:51,904 c'est que le fait que le juge 89 00:04:52,768 --> 00:04:55,792 prévienne les parties qu'il envisage de relever une règle de droit d'office, 90 00:04:56,800 --> 00:05:04,432 c'est une question, une obligation qui est exigée par la loyauté du procès. 91 00:05:04,864 --> 00:05:06,768 Les parties doivent pouvoir s'exprimer 92 00:05:07,200 --> 00:05:10,050 sur des éléments qui vont être retenus à leur encontre. 93 00:05:10,250 --> 00:05:13,650 C'est une considération de la plus élémentaire justice. 94 00:05:15,264 --> 00:05:20,624 Imaginez le sentiment que peut ressentir une partie qui découvre le jugement, 95 00:05:21,184 --> 00:05:22,640 qui découvre qu'elle a perdu 96 00:05:22,784 --> 00:05:25,744 et qu'elle a perdu en application d'une règle de droit 97 00:05:26,496 --> 00:05:28,416 qui n'a jamais été discutée entre les parties, 98 00:05:28,480 --> 00:05:30,912 qui n'a jamais été soulevée, dont personne n'a jamais parlé. 99 00:05:31,670 --> 00:05:34,300 Elle ne peut éprouver qu'un sentiment d'injustice et à juste titre. 100 00:05:38,752 --> 00:05:41,168 Cette idée que les parties ne doivent pas être surprises 101 00:05:41,232 --> 00:05:42,336 par le contenu de la décision 102 00:05:43,440 --> 00:05:46,048 est l'idé e qui étaitmise en avant par Motulsky 103 00:05:46,336 --> 00:05:50,944 pour justifier que le juge ait l'obligation de respecter lui aussi 104 00:05:51,040 --> 00:05:52,240 le principe de la contradiction. 105 00:05:52,980 --> 00:05:55,712 Deuxième critique, critique d'ordre pragmatique cette fois-ci, 106 00:05:56,790 --> 00:05:58,816 il se peut que lorsque le juge se dise : 107 00:05:59,488 --> 00:06:01,344 "Au fond, cette règle de droit est sans doute applicable", 108 00:06:01,552 --> 00:06:02,560 il se peut qu'il se trompe. 109 00:06:03,200 --> 00:06:04,928 D'abord, il se peut qu'il se trompe en droit 110 00:06:04,992 --> 00:06:07,744 parce que même si bien sûr, le juge est censé connaître le droit 111 00:06:07,820 --> 00:06:10,133 et en général, il le connaît, l'erreur est humaine, 112 00:06:10,384 --> 00:06:12,096 donc il peut commettre une erreur de droit 113 00:06:12,560 --> 00:06:14,384 et surtout, et ce sera plus fréquent, 114 00:06:14,510 --> 00:06:17,920 il peut se tromper sur les faits, c'est-à-dire que lui a l'impression, 115 00:06:18,560 --> 00:06:21,130 au vu des faits qui ressortent de l'étude du dossier 116 00:06:21,296 --> 00:06:22,448 apportés par les parties, 117 00:06:22,704 --> 00:06:25,296 que telle règle de droit pourrait qui ont été s'appliquer à ces faits, 118 00:06:25,680 --> 00:06:27,168 mais peut-être que ce pas du tout le cas 119 00:06:27,360 --> 00:06:31,264 et qu'en réalité, s'il dit aux parties : 120 00:06:31,408 --> 00:06:33,150 "Qu'est-ce que vous pensez de l'application de cette règle de droit ?", 121 00:06:33,360 --> 00:06:36,064 la partie qui est défavorisée par la règle de droit 122 00:06:36,320 --> 00:06:39,744 va lui montrer qu'en réalité, les faits ne sont pas ce qu'il croit 123 00:06:40,016 --> 00:06:41,980 et que la règle de droit ne s'applique pas. 124 00:06:42,352 --> 00:06:45,150 Nul ne connaît mieux les faits du dossier évidemment que les parties. 125 00:06:45,344 --> 00:06:49,568 C'est donc une raison très importante 126 00:06:49,664 --> 00:06:53,904 pour laquelle le juge doit éviter toute erreur de jugement de sa part 127 00:06:54,192 --> 00:06:56,370 en prévenant les parties de son initiative. 128 00:06:57,630 --> 00:07:01,320 Et enfin, il faut se mettre sur le même terrain que Claude (Parodi). 129 00:07:01,392 --> 00:07:03,488 Claude (Parodi), comme je l'ai dit, 130 00:07:03,568 --> 00:07:05,712 trouvait que le fait d'obliger le juge 131 00:07:05,792 --> 00:07:07,120 à respecter le principe de la contradiction 132 00:07:07,200 --> 00:07:09,660 était de nature à susciter une méfiance à l'égard du juge. 133 00:07:10,300 --> 00:07:12,570 Mais on peut lui répondre que c'est exactement le contraire, 134 00:07:13,020 --> 00:07:18,440 comme l'a écrit Alain Bénabent dans un article sur ce thème en 1977, 135 00:07:19,050 --> 00:07:21,300 c'est le secret qui suscite le soupçon. 136 00:07:21,690 --> 00:07:25,632 Lorsque le juge relève un moyen de droit "en secret" selon son expression, 137 00:07:26,304 --> 00:07:28,608 alors il suscite la méfiance 138 00:07:28,784 --> 00:07:32,896 parce qu'on ne sait pas exactement pourquoi est-ce qu'il l'a relevé, 139 00:07:33,008 --> 00:07:34,176 comment il l'a relevé. 140 00:07:36,360 --> 00:07:40,560 La justice se doit d'être transparente dans la mesure du possible. 141 00:07:43,456 --> 00:07:46,560 Alain Bénabent souligne que c'est justement parce que l'article 12 142 00:07:46,672 --> 00:07:49,370 confère un pouvoir au juge qu'il n'avait pas avant, 143 00:07:49,824 --> 00:07:51,712 le pouvoir de relever d'office les moyens de droit, 144 00:07:51,808 --> 00:07:54,240 que ce pouvoir doit être encadré, 145 00:07:54,320 --> 00:07:56,816 que l'exercice de ce pouvoir doit être encadré. 146 00:07:57,870 --> 00:07:59,328 Fortes de tous ces arguments, 147 00:07:59,424 --> 00:08:03,056 des associations d'avocats ont formé un recours devant le Conseil d'État 148 00:08:04,144 --> 00:08:05,680 pour demander l'annulation du texte, 149 00:08:06,208 --> 00:08:11,010 ce qui a donné lieu à l'arrêt du Conseil d'État du 12 octobre 1979. 150 00:08:11,580 --> 00:08:12,496 L'arrêt s'intitule : 151 00:08:12,736 --> 00:08:14,576 Rassemblement des nouveaux avocats de France, 152 00:08:14,640 --> 00:08:16,240 qui est l'une des associations requérantes, 153 00:08:16,640 --> 00:08:18,544 Rassemblement des nouveaux avocats de France, 154 00:08:18,832 --> 00:08:25,408 et le Conseil d'État décide d'annuler le premier alinéa de l'article 16 155 00:08:25,888 --> 00:08:27,936 au motif que le principe de la contradiction 156 00:08:28,000 --> 00:08:30,544 constitue une garantie essentielle des justiciables. 157 00:08:31,090 --> 00:08:32,112 Et dans le même temps, 158 00:08:32,280 --> 00:08:38,496 puisque cette méconnaissance du principe de la contradiction est commise 159 00:08:39,232 --> 00:08:41,408 à l'occasion de l'exercice par le juge 160 00:08:41,728 --> 00:08:43,400 de son pouvoir de relever d'office du juge, 161 00:08:43,792 --> 00:08:44,704 dans le même temps, 162 00:08:44,848 --> 00:08:48,224 le Conseil d'État croit bon d'annuler aussi le fameux pouvoir, 163 00:08:48,320 --> 00:08:50,416 c'est-à-dire l'article 12 alinéa 3, 164 00:08:50,880 --> 00:08:53,920 donc l'alinéa 3 qui je vous le rappelle, énonçait jusqu'alors : 165 00:08:54,912 --> 00:08:56,896 "Il peut relever d'office les moyens de pur droit". 166 00:08:58,350 --> 00:09:00,800 Cet alinéa 3 est également annulé, 167 00:09:01,120 --> 00:09:04,400 en tant en quelque sorte qu'il serait indivisible de l'article16 alinéa 1, 168 00:09:04,496 --> 00:09:05,504 il faut annuler les deux en même temps. 169 00:09:06,960 --> 00:09:09,510 Cette double annulation procède manifestement d'une erreur. 170 00:09:09,680 --> 00:09:10,400 Autant, oui 171 00:09:10,528 --> 00:09:13,888 il est vrai qu'il était indispensable d'annuler l'article 16 alinéa premier 172 00:09:16,640 --> 00:09:18,416 puisque c'est en cela 173 00:09:18,464 --> 00:09:21,760 que résidait la méconnaissance du principe de la contradiction, 174 00:09:21,840 --> 00:09:23,010 garantie essentielle des justiciables, 175 00:09:23,340 --> 00:09:26,130 autant le pouvoir du juge de relever d'office les moyens de droit, 176 00:09:26,460 --> 00:09:29,040 en revanche, n'avait aucune raison d'être annulé 177 00:09:29,280 --> 00:09:31,808 dès lors qu'allait être restaurée 178 00:09:32,016 --> 00:09:33,800 l'obligation pour le juge de prévenir les parties. 179 00:09:34,160 --> 00:09:35,430 Donc il ne fallait pas l'annuler. 180 00:09:36,016 --> 00:09:37,024 Pour autant, en réalité, 181 00:09:37,088 --> 00:09:38,928 cela n'a jamais gêné personne qu'elle soit annulée 182 00:09:39,040 --> 00:09:42,688 puisque le pouvoir de relever d'office les moyens de droit par le juge 183 00:09:42,768 --> 00:09:46,224 résulte suffisamment de l'article 12 alinéa premier 184 00:09:46,304 --> 00:09:49,360 et alinéa 2 comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire. 185 00:09:49,536 --> 00:09:52,624 C'est la raison pour laquelle on n'a jamais éprouvé le besoin de réécrire, 186 00:09:52,960 --> 00:09:57,056 de réintroduire un alinéa 3 ainsi rédigé dans l'article 12. 187 00:09:57,510 --> 00:09:59,584 En revanche, il a fallu réécrire l'article 16, 188 00:09:59,824 --> 00:10:03,424 c'est ce qui a été fait par le décret du 12 mai 1981 : 189 00:10:04,144 --> 00:10:06,848 "Le juge doit en toutes circonstances faire observer 190 00:10:06,960 --> 00:10:09,264 et observer lui-même le principe de la contradiction". 191 00:10:09,430 --> 00:10:11,040 C'est la rédaction actuelle 192 00:10:11,632 --> 00:10:15,680 désormais, il est bien admis et bien posé à l'article 16 193 00:10:15,776 --> 00:10:20,704 que le juge doit lui aussi respecter le principe de la contradiction, 194 00:10:21,088 --> 00:10:24,256 c'est-à-dire inviter les parties à s'exprimer 195 00:10:24,320 --> 00:10:26,832 sur un moyen de droit qu'il envisagerait de relever d'office. 196 00:10:28,730 --> 00:10:31,312 Le principe est enfin posé, 197 00:10:31,536 --> 00:10:34,976 mais la jurisprudence trouve le moyen d'y apporter 198 00:10:35,056 --> 00:10:36,128 un certain nombre d'exceptions. 199 00:10:36,370 --> 00:10:40,040 Paragraphe 2 : les limites apportées par la jurisprudence. 200 00:10:41,780 --> 00:10:44,256 On trouve deux types de limites dans la jurisprudence, 201 00:10:44,320 --> 00:10:48,410 d'abord la jurisprudence prévoit des cas de dispense de respect du principe 202 00:10:49,150 --> 00:10:51,472 et ensuite, en matière de procédure orale, 203 00:10:51,712 --> 00:10:54,440 elle institue une présomption de respect du principe. 204 00:10:55,440 --> 00:10:57,310 A : Les dispenses. 205 00:10:58,640 --> 00:10:59,690 Pourquoi des dispenses ? 206 00:10:59,890 --> 00:11:02,288 Parce que selon la Cour de cassation, 207 00:11:02,400 --> 00:11:05,232 bien sûr le juge doit respecter le principe de la contradiction, 208 00:11:05,360 --> 00:11:07,520 l'article 16 alinéa premier le dit désormais clairement, 209 00:11:07,840 --> 00:11:11,660 mais il n'en reste pas moins que cela fait perdre beaucoup de temps au juge. 210 00:11:12,980 --> 00:11:16,850 Il faut imposer cette obligation de manière raisonnable. 211 00:11:17,150 --> 00:11:21,680 Dans certains cas, s'il n'y a pas lieu de respecter la contradiction, 212 00:11:21,760 --> 00:11:22,970 alors le juge en sera dispensé. 213 00:11:23,510 --> 00:11:25,040 Quels sont ces cas en jurisprudence ? 214 00:11:25,600 --> 00:11:26,688 Principalement, 215 00:11:27,888 --> 00:11:31,760 il y a trois exceptions à l'obligation du juge de respecter la contradiction. 216 00:11:32,480 --> 00:11:35,328 La première concerne l'hypothèse dans laquelle le demandeur 217 00:11:35,408 --> 00:11:38,690 n'invoque aucun fondement juridique au soutien de sa prétention. 218 00:11:40,290 --> 00:11:43,184 Vous vous souvenez peut-être que dans certains cas, 219 00:11:43,952 --> 00:11:47,090 la partie peut former une demande en indiquant simplement les faits, 220 00:11:47,232 --> 00:11:48,368 "voilà ce qui s'est passé, 221 00:11:48,784 --> 00:11:51,968 et c'est la raison pour laquelle je demande des dommages et intérêts", 222 00:11:52,810 --> 00:11:54,466 sans indiquer le fondement juridique 223 00:11:54,533 --> 00:11:56,022 qui lui paraît justifier cette prétention. 224 00:11:56,660 --> 00:11:59,392 C'est possible lorsque la demande n'est pas formée par voie d'assignation, 225 00:12:00,048 --> 00:12:01,440 ni par voie de conclusion 226 00:12:01,520 --> 00:12:02,622 devant le tribunal de grande instance 227 00:12:02,755 --> 00:12:05,177 ou la cour d'appel lorsque la représentation est obligatoire. 228 00:12:06,384 --> 00:12:09,320 Lorsque le demandeur n'invoque aucun fondement juridique, 229 00:12:09,824 --> 00:12:11,024 dans ce cas là, on avait vu 230 00:12:11,120 --> 00:12:14,544 que selon une jurisprudence constante et incontestée, 231 00:12:15,120 --> 00:12:19,440 le juge a l'obligation de relever d'office la règle de droit. 232 00:12:19,610 --> 00:12:22,250 Il faut bien qu'il applique la règle de droit au fait. 233 00:12:22,450 --> 00:12:24,790 Si personne ne le lui suggère, il est obligé de le faire lui. 234 00:12:25,880 --> 00:12:28,000 Dans ce cas, la jurisprudence énonce 235 00:12:28,128 --> 00:12:29,760 que le juge n'a pas à prévenir les parties 236 00:12:29,904 --> 00:12:31,760 de la règle de droit qu'il envisage de relever d'office. 237 00:12:32,416 --> 00:12:38,570 Deuxième hypothèse, l'hypothèse dans laquelle le juge relève d'office, 238 00:12:40,220 --> 00:12:42,320 selon la formule qu'on trouve dans les arrêts : 239 00:12:42,608 --> 00:12:45,856 "L'absence d'une condition d'application de la règle de droit 240 00:12:45,920 --> 00:12:47,440 invoquée par le demandeur". 241 00:12:50,060 --> 00:12:51,104 Je prends un exemple : 242 00:12:52,592 --> 00:12:55,340 une demande est fondée sur l'article 1240 du Code civil. 243 00:12:55,540 --> 00:12:57,740 Il faut démontrer une faute, un préjudice, une causalité. 244 00:12:57,940 --> 00:12:59,010 Le demandeur tente de le faire. 245 00:12:59,510 --> 00:13:01,400 Le défendeur répond qu'il n'a pas commis de faute. 246 00:13:02,432 --> 00:13:06,620 Le juge examine l'affaire et constate qu'il y a peut-être une faute, 247 00:13:06,736 --> 00:13:10,016 mais qu'en revanche, le lien de causalité n'est sans doute pas établi. 248 00:13:11,330 --> 00:13:12,410 Le défendeur n'y a pas pensé. 249 00:13:12,620 --> 00:13:15,024 Le juge peut, c'est dans son pouvoir, 250 00:13:15,232 --> 00:13:20,048 relever d'office ce moyen qui constitue un moyen de défense au fond. 251 00:13:20,490 --> 00:13:23,570 Si le défendeur avait soulevé l'absence d'un lien de causalité, 252 00:13:23,770 --> 00:13:25,010 ça aurait été un moyen de défense au fond. 253 00:13:25,760 --> 00:13:27,648 Le juge a le pouvoir de relever d'office, 254 00:13:27,728 --> 00:13:30,110 ce qui constitue un moyen de défense au fond. 255 00:13:30,310 --> 00:13:31,280 Lorsqu'il le fait, 256 00:13:32,688 --> 00:13:34,784 la Cour de cassation le dispense 257 00:13:34,960 --> 00:13:38,096 d'avoir à prévenir les parties qu'il va relever d'office, 258 00:13:38,432 --> 00:13:41,312 l'absence d'une condition d'application de la règle de droit invoquée. 259 00:13:42,370 --> 00:13:46,540 Ce type de moyens, la Cour de cassation l'appelle le moyen dans la cause. 260 00:13:47,000 --> 00:13:47,990 Qu'est-ce qu'elle veut dire par là ? 261 00:13:48,190 --> 00:13:49,910 Qu'est-ce qu'un moyen dans la cause dans ce sens ? 262 00:13:50,930 --> 00:13:56,240 C'est un moyen qui consiste à ne relever aucune règle de droit nouvelle 263 00:13:56,540 --> 00:13:57,952 puisqu'on est toujours sur le terrain, 264 00:13:58,048 --> 00:14:00,290 dans mon exemple, de l'article1240 du Code civil. 265 00:14:00,770 --> 00:14:04,130 Ce qu'on relève, c'est que l'une des conditions n'est pas réunies, 266 00:14:04,330 --> 00:14:06,890 mais il ne s'agit pas de relever une autre règle de droit. 267 00:14:07,460 --> 00:14:09,760 C'est le sens de l'expression "le moyen est dans la cause", 268 00:14:10,100 --> 00:14:12,020 donc le juge n'a pas à respecter la contradiction. 269 00:14:12,950 --> 00:14:14,144 Troisième hypothèse, 270 00:14:14,224 --> 00:14:19,584 c'est l'hypothèse dans laquelle le juge restitue leur exacte qualification 271 00:14:19,872 --> 00:14:22,250 à des faits déjà débattus par les parties. 272 00:14:23,312 --> 00:14:24,224 Par exemple, 273 00:14:28,768 --> 00:14:32,624 il résulte des faits que les parties ont conclu une opération à trois personnes 274 00:14:34,512 --> 00:14:35,990 dont la qualification est débattue. 275 00:14:36,350 --> 00:14:38,960 Le demandeur prétend qu'il s'agit d'une cession de créance. 276 00:14:39,590 --> 00:14:41,584 Le défendeur se défend en disant : 277 00:14:41,632 --> 00:14:44,624 "Mais pas du tout, il s'agit d'une simple indication de paiement", 278 00:14:45,056 --> 00:14:47,296 qualification qui n'emporte pas du tout les mêmes conséquences 279 00:14:47,360 --> 00:14:50,510 sur les obligations des parties à cette opération. 280 00:14:51,152 --> 00:14:52,432 Le juge examine le dossier 281 00:14:52,512 --> 00:14:55,184 et décide qu'il s'agit d'une délégation imparfaite. 282 00:14:56,330 --> 00:14:59,616 Lorsqu'il substitue ainsi sa propre qualification 283 00:14:59,936 --> 00:15:02,064 aux qualifications proposées par les deux parties, 284 00:15:02,800 --> 00:15:04,928 il n'a pas à respecter le principe de la contradiction. 285 00:15:04,992 --> 00:15:06,576 Il n'a pas à prévenir les parties que, 286 00:15:06,944 --> 00:15:10,510 pour sa part, il envisage de qualifier l'opération de délégation imparfaite. 287 00:15:12,070 --> 00:15:17,170 Avant, la Cour de cassation évoquait la notion de moyens dans la cause, 288 00:15:17,216 --> 00:15:21,010 mais face aux critiques doctrinales, elle ne le fait plus. 289 00:15:22,590 --> 00:15:24,630 Elle n'évoque plus le moyen dans la cause à propos de cette hypothèse, 290 00:15:24,768 --> 00:15:26,080 mais la solution subsiste. 291 00:15:26,512 --> 00:15:29,456 Le juge est dispensé d'avoir à respecter le principe de la contradiction. 292 00:15:30,160 --> 00:15:33,370 Qu'est-ce qui justifie cette distance dans ces trois cas ? 293 00:15:35,760 --> 00:15:39,792 Je rappelle le fondement de l'obligation pour le juge de respecter lui-même 294 00:15:40,592 --> 00:15:41,780 le principe de la contradiction. 295 00:15:42,670 --> 00:15:44,736 Il ne faut pas que les parties soient surprises 296 00:15:45,248 --> 00:15:48,730 lorsqu'elles lisent la décision par le fondement juridique retenu par le juge. 297 00:15:51,070 --> 00:15:52,816 Précisément, pour la Cour de cassation, 298 00:15:53,056 --> 00:15:54,064 dans ces trois cas, 299 00:15:55,200 --> 00:15:58,640 peut-être que les parties vont être surprises en lisant le jugement 300 00:15:58,864 --> 00:16:01,504 et en découvrant l'élément nouveau relevé par le juge, 301 00:16:01,680 --> 00:16:03,024 mais elles ne devraient pas l'être. 302 00:16:03,280 --> 00:16:05,320 Elles ont fait preuve de négligence. 303 00:16:05,392 --> 00:16:07,990 Elles devaient s'attendre à ce que le juge procède ainsi. 304 00:16:08,260 --> 00:16:10,144 Elles devaient s'attendre à ce que le juge relève d'office 305 00:16:10,640 --> 00:16:13,060 un élément de droit nouveau, donc tant pis pour elles. 306 00:16:13,270 --> 00:16:15,760 Si elles voulaient une discussion contradictoire, 307 00:16:15,904 --> 00:16:19,270 alors elles devaient elles-mêmes penser à tous les éléments de droit. 308 00:16:19,360 --> 00:16:21,400 Et là, elles auraient eu une discussion contradictoire. 309 00:16:22,540 --> 00:16:26,800 Plus précisément, comment s'applique cette justification selon les cas ? 310 00:16:27,130 --> 00:16:28,000 Dans le premier cas, 311 00:16:29,024 --> 00:16:31,570 aucun fondement juridique n'a été suggéré par les parties. 312 00:16:31,930 --> 00:16:34,180 Si les parties n'invoquent pas de fondement juridique, 313 00:16:34,480 --> 00:16:38,680 elles doivent bien s'attendre à ce que le juge en relève un d'office, 314 00:16:39,290 --> 00:16:40,832 donc elles ne peuvent pas prétendre être surprises 315 00:16:40,944 --> 00:16:43,088 par le fait qu'il a relevé d'office une règle de droit 316 00:16:43,408 --> 00:16:44,736 qu'elle n'avait pas soulevée. 317 00:16:44,890 --> 00:16:46,210 Il était évident qu'il allait le faire. 318 00:16:47,020 --> 00:16:48,832 Si elle voulait une discussion contradictoire, 319 00:16:48,976 --> 00:16:51,040 c'était à elle de suggérer un fondement juridique, 320 00:16:51,728 --> 00:16:53,040 de faire l'effort de le suggérer. 321 00:16:53,740 --> 00:16:54,560 Deuxième cas, 322 00:16:55,152 --> 00:16:59,870 lorsque le juge relève d'office ce qui constitue un moyen de défense au fond. 323 00:17:02,200 --> 00:17:05,760 Il relève donc un élément 324 00:17:05,872 --> 00:17:09,968 qui a trait aux conditions d'application de la règle de droit invoquée. 325 00:17:10,510 --> 00:17:12,880 Cette règle de droit a été invoquée par le demandeur. 326 00:17:13,080 --> 00:17:13,840 Elle est dans le débat. 327 00:17:14,530 --> 00:17:18,064 C'était aux parties de se demander d'elles-mêmes 328 00:17:18,240 --> 00:17:20,064 si cette règle de droit s'applique effectivement, 329 00:17:20,160 --> 00:17:22,660 donc d'envisager une à une toutes ses conditions d'application. 330 00:17:23,620 --> 00:17:27,792 Elles ne peuvent pas s'étonner de ce que le juge, 331 00:17:28,064 --> 00:17:30,320 à qui on suggère l'application de la règle de droit, 332 00:17:30,816 --> 00:17:32,160 fasse lui-même la démarche, 333 00:17:32,272 --> 00:17:33,776 et au besoin d'office 334 00:17:34,464 --> 00:17:37,424 de vérifier que les conditions d'application 335 00:17:37,504 --> 00:17:39,280 de cette règle de droit sont réunies. 336 00:17:39,728 --> 00:17:41,856 Là encore, elles ne peuvent pas prétendre être surprises 337 00:17:41,952 --> 00:17:44,080 par le fait que le juge a vérifié une à une 338 00:17:44,240 --> 00:17:46,368 les conditions d'application de la règle de droit. 339 00:17:46,820 --> 00:17:49,180 Encore une fois, si elle voulait une discussion contradictoire, 340 00:17:49,380 --> 00:17:53,408 c'était à elle de faire ce travail 341 00:17:53,472 --> 00:17:55,136 et d'envisager toutes les conditions d'application. 342 00:17:56,110 --> 00:17:58,512 Troisième cas de dispense, 343 00:17:59,072 --> 00:18:01,472 les parties ont discuté 344 00:18:01,616 --> 00:18:04,560 de la qualification juridique d'un fait en particulier. 345 00:18:05,590 --> 00:18:08,304 L'une a avancé une qualification A, l'autre une qualification B. 346 00:18:09,910 --> 00:18:12,864 Cela signifie que la question de la qualification de ce fait 347 00:18:13,200 --> 00:18:14,080 était dans le débat 348 00:18:15,744 --> 00:18:16,432 et que, là encore, 349 00:18:16,592 --> 00:18:18,576 c'était à elles d'envisager toutes les qualifications possibles 350 00:18:18,640 --> 00:18:20,720 et de ne pas s'arrêter l'une à une qualification, 351 00:18:20,832 --> 00:18:22,080 l'autre à une autre qualification. 352 00:18:22,510 --> 00:18:24,576 Elles ne peuvent pas être surprises, là non plus, 353 00:18:24,672 --> 00:18:26,528 dès lors qu'elles ont mis dans le débat la question 354 00:18:26,784 --> 00:18:28,520 de la qualification exacte de ce fait, 355 00:18:28,670 --> 00:18:30,160 elles ne peuvent pas prétendre être surprises 356 00:18:30,240 --> 00:18:31,168 que le juge, lui aussi, 357 00:18:31,488 --> 00:18:34,096 s'est intéressé à cette qualification et en a relevé une autre. 358 00:18:34,896 --> 00:18:37,180 Que penser de ces justifications ? 359 00:18:38,050 --> 00:18:40,540 À mon sens, elles ne sont pas convaincantes. 360 00:18:41,200 --> 00:18:42,192 Dans le premier cas, 361 00:18:43,616 --> 00:18:47,264 en effet, peut-être qu'on peut estimer que le demandeur, 362 00:18:47,328 --> 00:18:49,728 s'il souhaitait une discussion contradictoire, 363 00:18:51,296 --> 00:18:54,144 il lui appartenait de suggérer un fondement juridique. 364 00:18:54,250 --> 00:18:58,533 À partir du moment où il laisse le juge faire le travail, 365 00:18:59,320 --> 00:19:02,704 on peut estimer qu'il ne peut pas exiger en plus du juge 366 00:19:02,816 --> 00:19:03,440 que le juge lui dise : 367 00:19:03,568 --> 00:19:05,904 "J'envisage de relever telle règle de droit, qu'en pensez-vous ?". 368 00:19:06,730 --> 00:19:10,208 Mais le défendeur n'y est pour rien 369 00:19:10,304 --> 00:19:12,460 si le demandeur n'a invoqué aucun fondement juridique. 370 00:19:13,088 --> 00:19:17,008 On ne peut pas exiger de lui qu'il tente de deviner 371 00:19:17,088 --> 00:19:19,850 quel est le fondement juridique qui fonde la prétention 372 00:19:19,952 --> 00:19:24,192 pour pouvoir y répondre un peu à l'aveuglette. 373 00:19:26,940 --> 00:19:29,472 Le défendeur, évidemment, 374 00:19:31,536 --> 00:19:33,880 ne va pas suggérer de fondement juridique non plus. 375 00:19:34,630 --> 00:19:37,392 Et pourtant, le juge va appliquer une règle de droit 376 00:19:38,096 --> 00:19:41,248 qui peut-être va conduire au rejet de la demande, 377 00:19:41,328 --> 00:19:44,304 mais qui va peut-être conduire à l'accueil de la demande 378 00:19:44,544 --> 00:19:48,592 et le défendeur n'aura pas pu se défendre sur cette règle de droit 379 00:19:48,896 --> 00:19:51,904 parce que le juge n'a pas à prévenir les parties 380 00:19:52,016 --> 00:19:53,568 qu'il envisage de relever telle règle de droit. 381 00:19:54,220 --> 00:19:56,740 Cela me parait d'une très grande injustice. 382 00:19:57,610 --> 00:20:00,080 En ce qui concerne les deuxième et troisième cas, 383 00:20:01,600 --> 00:20:04,432 peut-être qu'il eût été préférable 384 00:20:04,576 --> 00:20:08,592 que les parties pensent d'elles-mêmes à tous les moyens de défense au fond, 385 00:20:08,896 --> 00:20:11,200 à toutes les qualifications possibles pour un même fait 386 00:20:11,280 --> 00:20:12,480 - donc deuxième cas et troisième cas - 387 00:20:13,408 --> 00:20:14,416 mais à vrai dire, 388 00:20:14,528 --> 00:20:16,880 quand le juge relève d'office un élément juridique nouveau, 389 00:20:17,184 --> 00:20:22,110 par hypothèse, c'est que les parties ont failli dans ce travail. 390 00:20:23,360 --> 00:20:27,312 Elles ont été négligentes, ou en tout cas, elles n'ont pas pensé, 391 00:20:27,408 --> 00:20:30,672 ce qui est une forme de négligence peut-être, 392 00:20:30,880 --> 00:20:32,656 à un certain élément juridique nouveau. 393 00:20:33,150 --> 00:20:37,008 Si on en déduit qu'elles ne méritent pas dans ces conditions 394 00:20:37,344 --> 00:20:38,896 qu'on les prévienne et qu'elles puissent s'exprimer, 395 00:20:39,344 --> 00:20:43,216 si on va par là, on doit considérer qu'elles ne le méritent jamais, 396 00:20:43,600 --> 00:20:46,768 puisque par hypothèse, si le juge relève d'office un élément nouveau, 397 00:20:47,232 --> 00:20:48,760 c'est qu'elles-mêmes n'y ont pas pensé. 398 00:20:49,590 --> 00:20:50,352 C'est vider, 399 00:20:50,432 --> 00:20:52,520 autrement dit, le principe de toute sa substance 400 00:20:52,688 --> 00:20:53,632 que de raisonner 401 00:20:53,920 --> 00:20:58,600 en considérant que puisque les parties étaient en train de discuter 402 00:20:58,688 --> 00:21:00,656 d'une règle de droit ou de la qualification d'un fait, 403 00:21:00,940 --> 00:21:02,592 c'était à elles de penser à tout 404 00:21:02,656 --> 00:21:03,952 si elles voulaient une discussion contradictoire. 405 00:21:04,260 --> 00:21:05,216 Très bien, si on va par là, 406 00:21:05,408 --> 00:21:07,984 quel que soit l'élément juridique nouveau relevé par le juge, 407 00:21:08,416 --> 00:21:10,430 elles n'avaient qu'à y penser d'elles-mêmes. 408 00:21:11,376 --> 00:21:14,500 Or, l'article 16 alinéa premier et alinéa 3 existent bien, 409 00:21:14,700 --> 00:21:16,840 donc on ne peut pas vider le principe de sa substance. 410 00:21:16,992 --> 00:21:18,112 Le principe est que 411 00:21:18,352 --> 00:21:22,816 les parties ne doivent pas être surprises par un moyen de défense au fond 412 00:21:22,992 --> 00:21:24,112 auquel elles n'avaient pas pensé 413 00:21:24,432 --> 00:21:26,950 et auquel le demandeur aimerait peut-être répliquer. 414 00:21:27,640 --> 00:21:29,472 Elles ne doivent pas être surprises par une qualification 415 00:21:29,536 --> 00:21:31,952 à laquelle elles n'avaient peut-être pas pensé, 416 00:21:32,080 --> 00:21:33,568 elles n'avaient manifestement pas pensé. 417 00:21:34,840 --> 00:21:36,144 Le juge doit les prévenir. 418 00:21:36,550 --> 00:21:40,816 Personnellement, je ne vois aucune justification légitime 419 00:21:41,376 --> 00:21:44,576 au fait de dispenser le juge de les prévenir dans ce cas-là, 420 00:21:45,024 --> 00:21:48,720 la justification réelle étant naturellement, comme d'habitude, 421 00:21:48,992 --> 00:21:51,168 de faire gagner du temps au juge 422 00:21:51,296 --> 00:21:52,816 pour lui permettre, s'il le souhaite, 423 00:21:52,928 --> 00:21:54,352 de relever d'office un élément juridique 424 00:21:54,576 --> 00:21:58,930 sans avoir à rouvrir les débats avec tout le temps que cela implique. 425 00:21:59,740 --> 00:22:03,670 Nous verrons le deuxième type de limites apportées par la jurisprudence 426 00:22:03,760 --> 00:22:04,660 dans une prochaine vidéo.