1 00:00:05,688 --> 00:00:09,022 L'arrêt Cesareo, le revirement de jurisprudence opéré par l'assemblée plénière, 2 00:00:09,020 --> 00:00:11,125 le 7 juillet 2006 dans l'Arrêt Cesareo 3 00:00:11,450 --> 00:00:14,620 a déclenché une énorme polémique qui n'est pas encore achevée. 4 00:00:15,100 --> 00:00:18,310 Les auteurs s'affrontent encore aujourd'hui entre les partisans 5 00:00:18,400 --> 00:00:22,577 et les opposants de cette nouvelle conception de la cause 6 00:00:22,666 --> 00:00:24,577 et de l'autorité de la chose jugée. 7 00:00:25,780 --> 00:00:30,266 Je vais énoncer d'abord les principales critiques qui ont été adressées à la solution. 8 00:00:30,577 --> 00:00:32,000 Elles sont de plusieurs ordres. 9 00:00:32,350 --> 00:00:43,822 Première série de critiques, les critiques du point de vue de la séparation des pouvoirs. 10 00:00:44,020 --> 00:00:45,466 Il a été reproché à la Cour de cassation, 11 00:00:45,510 --> 00:00:48,000 donc, indépendamment même du fond de la solution - est-ce qu'elle est bonne ? 12 00:00:48,088 --> 00:00:48,933 Est-ce qu'elle est mauvaise ? 13 00:00:48,977 --> 00:00:52,177 Il a été reproché à la Cour de cassation de s'ériger en législateur,  14 00:00:52,933 --> 00:00:54,355 de se prendre pour le législateur,  15 00:00:54,570 --> 00:01:01,066 de modifier la définition légale de l'autorité de la chose jugée et d'édicter une charge, 16 00:01:01,155 --> 00:01:03,555 un principe directeur qu'on ne trouve pas dans le code, 17 00:01:03,700 --> 00:01:05,511 le principe de concentration des moyens,  18 00:01:05,555 --> 00:01:08,355 une obligation pour les parties de concentrer leurs moyens. 19 00:01:09,866 --> 00:01:14,088 Deuxième série de critiques,  des critiques d'ordre politique,  20 00:01:14,088 --> 00:01:16,177 c'est-à-dire de l'ordre de la politique judiciaire. 21 00:01:16,690 --> 00:01:24,044 On a fait valoir que cette solution contribuait à bouleverser l'équilibre 22 00:01:24,370 --> 00:01:29,425 entre les rôles respectifs du juge d'un côté, et des parties de l'autre 23 00:01:29,500 --> 00:01:35,075 dans le procès civil en faisant, en chargeant très lourdement la barque des parties 24 00:01:35,175 --> 00:01:42,970 là où le Code de Procédure civile avait voulu un équilibre et un rôle actif pesant sur le juge. 25 00:01:43,022 --> 00:01:47,110 Alors, il est vrai que cette critique est devenue particulièrement prégnante 26 00:01:47,640 --> 00:01:48,711 un an et demi plus tard 27 00:01:48,711 --> 00:01:53,333 lorsque la Cour de cassation a rendu un arrêt dans un autre domaine 28 00:01:53,377 --> 00:01:55,600 qui est celui de l'office du juge que nous verrons plus tard. 29 00:01:55,810 --> 00:01:58,900 C'est un arrêt de l'assemblée plénière du 21 décembre 2007. 30 00:01:58,933 --> 00:02:02,222 Donc, j'énonce simplement le sens. 31 00:02:02,680 --> 00:02:05,600 Il a énoncé qu'en principe - il y a des exceptions -  32 00:02:05,644 --> 00:02:12,088 mais, en principe, le juge n'a pas l'obligation de relever d'office le bon fondement juridique, 33 00:02:12,088 --> 00:02:13,210 la règle de droit applicable. 34 00:02:13,430 --> 00:02:18,844 Donc, si les parties n'y ont pas pensé et qu'il existe une règle de droit 35 00:02:18,880 --> 00:02:20,725 qui aurait pu être invoquée par l'une d'entre elles, 36 00:02:22,125 --> 00:02:23,730 le juge a le pouvoir de le relever d'office. 37 00:02:23,733 --> 00:02:24,910 Ça, nul ne le conteste. 38 00:02:25,240 --> 00:02:27,820 Mais, ce n'est pour lui qu'une faculté. 39 00:02:27,822 --> 00:02:28,933 Il n'est pas obligé de le faire. 40 00:02:29,080 --> 00:02:32,300 C'est une critique, comme on verra,  qui a été très largement critiquée  41 00:02:33,200 --> 00:02:37,466 et il est vrai que la combinaison des deux arrêts de l'assemblée plénière 42 00:02:38,444 --> 00:02:40,711 conduit à une situation très sévère pour les parties. 43 00:02:40,760 --> 00:02:44,800 C'est-à-dire que si une partie ne pense pas au bon fondement juridique, 44 00:02:44,840 --> 00:02:47,733 dans lequel on invoque un, dont il se trouve qu'il est mauvais 45 00:02:47,920 --> 00:02:52,844 et puis, c'est tout, le juge n'est pas obligé de relever d'office le fondement juridique 46 00:02:53,150 --> 00:02:54,933 qui permettrait d'accueillir la demande 47 00:02:55,688 --> 00:02:59,955 ou qui permettrait de rejeter la demande - si on se place du point de vue du défendeur. 48 00:03:01,288 --> 00:03:04,960 Ensuite, si le procès s'achève, le juge peut se contenter de dire :  49 00:03:04,977 --> 00:03:07,155 ce fondement juridique n'est pas bon, donc, je vous déboute. 50 00:03:07,200 --> 00:03:07,733 Au revoir. 51 00:03:09,644 --> 00:03:12,820 Et si ensuite, la partie pense au bon fondement juridique,  52 00:03:13,020 --> 00:03:16,266 eh bien, c'est trop tard parce qu'elle va se heurter à l'autorité de la chose jugée. 53 00:03:16,760 --> 00:03:22,311 Donc, on arrive à une situation dans laquelle le choix du bon fondement juridique 54 00:03:22,840 --> 00:03:26,444 pèse très lourdement sur les parties avec une sanction très sévère 55 00:03:26,533 --> 00:03:28,690 qui est l'irrecevabilité d'une seconde demande,  56 00:03:29,911 --> 00:03:31,777 c'est-à-dire en fait, repose sur les avocats. 57 00:03:32,180 --> 00:03:34,000 Donc, si l'avocat n'est pas bon,  58 00:03:34,133 --> 00:03:39,511 est-ce que ce n'est pas injuste de prévoir une sanction aussi sévère pour le justiciable ? 59 00:03:40,260 --> 00:03:44,622 On fait valoir aussi que comme ça fait peser une obligation supplémentaire sur les avocats,  60 00:03:44,800 --> 00:03:47,377 ils engageront leur responsabilité professionnelle plus souvent 61 00:03:47,910 --> 00:03:52,311 et les primes d'assurance responsabilité professionnelle vont augmenter, 62 00:03:52,570 --> 00:03:54,977 que sans doute, ils vont, les avocats vont donc les répercuter 63 00:03:54,977 --> 00:03:56,888 sur le montant des honoraires qui va augmenter. 64 00:03:57,610 --> 00:04:00,970 Tout cela, c'est ce qui avait été énoncé juste après le revirement. 65 00:04:00,977 --> 00:04:04,222 Il ne semble pas que ce soit vraiment arrivé. 66 00:04:04,870 --> 00:04:09,511 Il a aussi été fait valoir que les avocats,  67 00:04:09,511 --> 00:04:11,555 par peur d'engager leur responsabilité professionnelle 68 00:04:11,600 --> 00:04:14,711 - mais, ça semble s'être avéré -  69 00:04:14,970 --> 00:04:16,800 vont écrire des conclusions interminables 70 00:04:16,880 --> 00:04:19,644 à la recherche de tous les fondements juridiques possibles et imaginables 71 00:04:19,866 --> 00:04:23,866 et une conclusion qui sera donc plus longue pour le juge de lire,  72 00:04:24,088 --> 00:04:27,288 ce qui retardera donc l'issue du procès. 73 00:04:28,480 --> 00:04:33,644 Enfin, pour résumer, on critique toujours du point de vue de la politique judiciaire 74 00:04:34,840 --> 00:04:37,000 ce revirement qui, à nouveau, 75 00:04:37,000 --> 00:04:41,025 n'est motivé que par la considération de gérer des flux judiciaires, 76 00:04:42,355 --> 00:04:46,444 rendre irrecevables le plus de demandes possibles, faire des économies, 77 00:04:47,560 --> 00:04:52,088 bref, toujours gérer la pénurie, le fait que le budget de la justice est insuffisant 78 00:04:52,133 --> 00:04:54,533 au détriment du justiciable 79 00:04:54,620 --> 00:04:58,125 et en portant atteinte à l'équilibre 80 00:04:58,125 --> 00:05:01,333 soigneusement réfléchi par les auteurs du Code de Procédure civile.  81 00:05:02,266 --> 00:05:05,555 Troisième série de critiques, du point de vue des libertés fondamentales, 82 00:05:06,177 --> 00:05:10,666 il a été fait valoir que cette solution portait atteinte au droit d'accès à un juge. 83 00:05:11,210 --> 00:05:16,311 En effet, dès lors qu'une fin de non-recevoir est opposée à la seconde demande,  84 00:05:16,355 --> 00:05:21,466 cela signifie que le demandeur, ça vaut aussi pour le défendeur, 85 00:05:21,555 --> 00:05:24,488 mais, par simplicité, je prends toujours l'exemple du demandeur. 86 00:05:24,710 --> 00:05:29,733 Le demandeur n'a pas le droit de voir examiner sa demande sous un autre angle juridique 87 00:05:29,733 --> 00:05:31,288 qui n'a encore jamais été examiné. 88 00:05:31,480 --> 00:05:36,980 Donc, il n'a pas l'accès à un juge pour voir examiner l'angle juridique 89 00:05:38,177 --> 00:05:39,377 qu'il adopte désormais. 90 00:05:40,570 --> 00:05:46,622 Alors, cette solution a, en revanche, été approuvée par un assez grand nombre d'auteurs,  91 00:05:47,155 --> 00:05:52,044 plutôt des auteurs spécialistes de droit international privé ou de droit comparé. 92 00:05:53,060 --> 00:05:57,022 Il est vrai que dans beaucoup d'autres pays,  cette solution existe depuis très longtemps. 93 00:05:57,022 --> 00:05:59,555 La solution de l'Arrêt 2006 qui existe en France depuis 2006,  94 00:05:59,555 --> 00:06:04,488 elle est adoptée de façon naturelle dans d'autres pays depuis très longtemps. 95 00:06:04,933 --> 00:06:09,244 Alors, voilà les objections qui sont opposées aux critiques que je viens d'énoncer.  96 00:06:09,733 --> 00:06:12,355 D'abord, est-ce que le juge s'est vraiment érigé en législateur ? 97 00:06:12,355 --> 00:06:14,044 Est-ce qu'il s'est pris pour le législateur ? 98 00:06:15,440 --> 00:06:18,266 En réalité, si on regarde bien exactement ce qu'il a fait,  99 00:06:18,888 --> 00:06:23,955 il a pris l'article 1351 à l'époque - 1355 aujourd'hui du Code civil - 100 00:06:25,466 --> 00:06:29,600 et il a interprété un mot, le mot "cause". 101 00:06:30,110 --> 00:06:32,330 Ce mot "cause" n'est pas défini dans le Code civil. 102 00:06:32,355 --> 00:06:33,290 Il n'y a pas de définition. 103 00:06:33,333 --> 00:06:34,533 Ça veut dire qu'on peut l'interpréter. 104 00:06:34,650 --> 00:06:36,088 Le juge doit l'interpréter. 105 00:06:36,470 --> 00:06:41,911 Il se trouve qu'il l'a interprété d'une certaine façon depuis très longtemps et jusqu'en 2006. 106 00:06:41,950 --> 00:06:44,133 Et qu'à partir de 2006, le juge se dit : 107 00:06:44,130 --> 00:06:46,222 mais, en fait, on va changer l'interprétation pour des raisons 108 00:06:46,311 --> 00:06:48,444 qui, effectivement, tiennent à la politique judiciaire, etc. 109 00:06:48,711 --> 00:06:50,130 sur lesquelles je reviendrai après. 110 00:06:51,530 --> 00:06:52,880 Il n'y a là rien de choquant. 111 00:06:54,060 --> 00:06:55,250 Il a fait son rôle de juge. 112 00:06:55,450 --> 00:06:58,800 Il a joué son rôle de juge,  c'est-à-dire le juge interprète la loi 113 00:06:58,888 --> 00:07:00,266 lorsqu'elle n'est pas assez précise. 114 00:07:00,440 --> 00:07:03,822 Il me semble qu'on n'a rien à lui reprocher de ce point de vue. 115 00:07:04,610 --> 00:07:07,955 Alors, certes, la conséquence, c'est que les parties doivent concentrer leurs moyens, 116 00:07:08,088 --> 00:07:11,511 mais, ce n'est pas là ajouter un principe directeur, 117 00:07:11,660 --> 00:07:14,666 c'est une simple conséquence logique, pragmatique,  118 00:07:15,066 --> 00:07:18,000 naturelle du fait que le sens de la cause 119 00:07:18,040 --> 00:07:20,844 et donc de l'autorité de la chose jugée a changé. 120 00:07:21,422 --> 00:07:24,650 Conséquence, si on souhaite faire valoir ces fondements juridiques, 121 00:07:24,890 --> 00:07:27,466 il faut le faire lors du premier procès parce qu'après, il sera trop tard. 122 00:07:27,650 --> 00:07:29,450 Mais, ce n'est pas ajouter une règle de droit. 123 00:07:29,466 --> 00:07:31,370 Ce n'est même pas une règle de droit, selon moi. 124 00:07:31,610 --> 00:07:33,866 C'est une simple conséquence naturelle.  125 00:07:34,488 --> 00:07:38,533 Deuxième série de critiques, là, maintenant,  du point de vue de la politique judiciaire. 126 00:07:38,960 --> 00:07:44,311 Il est vrai que du point de vue de la partie qui  n'a pas pensé à tous les fondements juridiques 127 00:07:44,530 --> 00:07:47,111 lors du premier procès, la solution est très sévère,  128 00:07:47,244 --> 00:07:49,700 puisque, après, c'est vraiment trop tard. 129 00:07:51,830 --> 00:07:55,377 La question, c'est : est-ce que cette partie est la seule 130 00:07:55,688 --> 00:07:58,400 dont les intérêts méritent d'être pris en compte ? 131 00:07:58,790 --> 00:08:03,911 Est-ce que l'intérêt de l'autre partie ne mérite pas tout autant d'être pris en compte ? 132 00:08:03,955 --> 00:08:05,688 Et quel est l'intérêt de l'autre partie ? 133 00:08:06,080 --> 00:08:09,111 Eh bien, c'est qu'à l'issue du procès,  134 00:08:09,111 --> 00:08:12,666 c'est-à-dire éventuellement,  à l'issue de plusieurs instances,  135 00:08:12,666 --> 00:08:16,977 puisque je ne l'ai peut-être pas assez précisé, mais en revanche,  136 00:08:17,060 --> 00:08:19,377 si je n'ai pas pensé à un fondement juridique en première instance 137 00:08:19,377 --> 00:08:22,430 et que j'y pense seulement en appel, il n'y a aucun problème. 138 00:08:22,444 --> 00:08:23,550 C'est complètement recevable. 139 00:08:24,250 --> 00:08:28,266 Donc, j'ai cette partie-là, elle a subi tout un procès 140 00:08:28,711 --> 00:08:31,600 avec éventuellement, diverses instances sur voie de recours. 141 00:08:32,133 --> 00:08:35,377 Et à l'issue de ce procès,  il me semble qu'il est légitime 142 00:08:37,110 --> 00:08:40,755 qu'elle puisse s'estimer tranquille, que la stabilité juridique soit garantie pour elle 143 00:08:41,466 --> 00:08:45,680 et qu'elle ne soit pas exposée à ce que tout un procès 144 00:08:45,880 --> 00:08:49,422 avec éventuellement plusieurs instances successives soit à nouveau invoqué 145 00:08:49,730 --> 00:08:52,970 parce que son adversaire avait oublié un fondement juridique. 146 00:08:54,110 --> 00:08:59,200 Et en prenant en compte ainsi  les intérêts des deux parties 147 00:08:59,200 --> 00:09:01,600 et pas seulement celle qui a oublié un fondement,  148 00:09:01,911 --> 00:09:04,755 on prend en compte finalement,  on renforce l'intérêt général,  149 00:09:04,844 --> 00:09:07,288 c'est-à-dire l'exigence de stabilité juridique. 150 00:09:08,130 --> 00:09:11,066 En ce qui concerne justement l'intérêt général 151 00:09:11,155 --> 00:09:13,600 et l'argument qui a été fait valoir par la Cour de cassation 152 00:09:13,777 --> 00:09:17,466 selon lequel cela permettrait d'éviter les manœuvres déloyales 153 00:09:17,770 --> 00:09:20,533 consistant pour une partie à garder par-devers elle 154 00:09:20,577 --> 00:09:24,977 un fondement juridique dans l'idée de le réutiliser ensuite et d'intenter tout un procès 155 00:09:25,777 --> 00:09:27,866 avec ce nouveau fondement juridique, en revanche, 156 00:09:29,155 --> 00:09:32,133 ça me paraît relever un peu de l'ordre du fantasme. 157 00:09:33,110 --> 00:09:35,911 Quand on discute avec des avocats,  on ne rencontre jamais un seul 158 00:09:36,400 --> 00:09:39,380 qui est susceptible d'adopter ce type de stratégie. 159 00:09:39,510 --> 00:09:42,844 Il me semble que les avocats essayent tout de suite et même dès la première instance 160 00:09:42,888 --> 00:09:45,022 - à vrai dire - de penser à tous les fondements juridiques. 161 00:09:45,111 --> 00:09:48,711 Et s'ils ne le font pas, c'est par négligence ou par méconnaissance du droit. 162 00:09:48,977 --> 00:09:52,844 Mais, ce n'est pas dans un but machiavélique. 163 00:09:54,933 --> 00:09:58,000 Donc, du point de vue de la politique judiciaire, 164 00:09:59,066 --> 00:10:05,810 la solution est déséquilibrée pour la partie qui oublie le fondement juridique. 165 00:10:05,822 --> 00:10:08,533 Mais, en revanche, elle est bonne pour l'autre partie. 166 00:10:08,888 --> 00:10:11,920 Alors, toujours du point de vue de la politique judiciaire, 167 00:10:12,000 --> 00:10:14,533 il est vrai que les écritures vont être plus longues 168 00:10:14,622 --> 00:10:16,755 et donc, que le juge mettra plus de temps à les lire. 169 00:10:17,080 --> 00:10:23,066 Cependant, si on compare les deux allongements du procès 170 00:10:23,111 --> 00:10:24,888 qui résultent de l'une et l'autre solution, 171 00:10:25,200 --> 00:10:30,400 il me semble que l'allongement du procès est tiré de ce qu'avant 2006, 172 00:10:30,400 --> 00:10:33,333 une partie pouvait recommencer dès la première instance 173 00:10:33,330 --> 00:10:37,288 et avec toutes les instances éventuelles successives tout un procès, 174 00:10:37,600 --> 00:10:42,533 ça fait perdre beaucoup plus de temps et d'argent à tout le monde que le fait que le juge,  175 00:10:42,622 --> 00:10:46,844 dans le premier procès, doive lire des conclusions plus longues que d'habitude. 176 00:10:49,180 --> 00:10:51,511 Cela dit, pour conclure sur ce point-là,  177 00:10:52,222 --> 00:10:58,044 il est vrai que la solution serait sans doute plus équilibrée si elle ne se combinait pas 178 00:10:58,088 --> 00:11:00,222 avec l'arrêt du 21 décembre 2007. 179 00:11:00,490 --> 00:11:06,044 Mais, s'il y a une solution à changer, à mon sens, ce n'est pas celle de 2006. 180 00:11:06,044 --> 00:11:09,066 C'est la solution posée le 21 décembre 2007. 181 00:11:09,340 --> 00:11:12,488 Nous verrons que certaines voix s'élèvent d'ailleurs en ce sens. 182 00:11:13,420 --> 00:11:17,644 C'est-à-dire qu'il faut considérer qu'au moins, dans certaines circonstances,  183 00:11:17,688 --> 00:11:21,777 le juge a l'obligation d'appliquer d'office la bonne règle de droit. 184 00:11:22,260 --> 00:11:28,622 Et si on change ça, si on arrive à cette solution-là, la sanction prévue par l'arrêt,  185 00:11:29,111 --> 00:11:34,755 la sanction de l'irrecevabilité qui intervient plus fréquemment depuis l'Arrêt Cesareo, 186 00:11:34,933 --> 00:11:37,511 en réalité, elle n'interviendra plus si fréquemment que cela, 187 00:11:37,555 --> 00:11:39,733 puisque dans la plupart des cas,  188 00:11:39,822 --> 00:11:44,444 le juge aura eu l'obligation lui-même de relever d'office la règle de droit. 189 00:11:45,140 --> 00:11:47,470 Donc la solution deviendrait parfaitement équilibrée.  190 00:11:48,400 --> 00:11:55,420 Enfin, dernier type d'objection, les atteintes aux libertés fondamentales. 191 00:11:55,511 --> 00:11:58,533 C'est-à-dire plus précisément,  l'atteinte au droit d'accès au juge. 192 00:12:02,577 --> 00:12:04,620 Comme un certain nombre de droits fondamentaux,  193 00:12:04,666 --> 00:12:06,340 le droit d'accès au juge est un droit relatif. 194 00:12:06,350 --> 00:12:10,100 C'est-à-dire que la Convention Européenne des Droits de l'Homme admet 195 00:12:10,270 --> 00:12:13,675 pour un certain nombre de droits fondamentaux qu'il puisse y avoir une atteinte 196 00:12:13,825 --> 00:12:15,150 à ce droit fondamental,  197 00:12:15,200 --> 00:12:16,720 ce qu'elle appelle une ingérence. 198 00:12:17,140 --> 00:12:23,200 Si cette ingérence poursuit un but légitime et si elle est proportionnée à ce but légitime. 199 00:12:24,280 --> 00:12:26,470 Peut-être peut-on dire que c'est le cas en l'espèce. 200 00:12:26,670 --> 00:12:28,810 Le but légitime, personne ne le nie. 201 00:12:28,888 --> 00:12:31,422 Le but légitime, c'est celui de l'Autorité de la chose jugée elle-même. 202 00:12:31,422 --> 00:12:35,733 C'est-à-dire les procès doivent avoir une fin, la stabilité des situations juridiques. 203 00:12:37,450 --> 00:12:41,466 Maintenant, est-elle proportionnée ou non, cette atteinte, à ce but légitime ? 204 00:12:41,670 --> 00:12:45,600 Bien, si on considère que le demandeur a eu tout un procès 205 00:12:46,044 --> 00:12:48,133 pour faire valoir ses fondements juridiques, 206 00:12:49,333 --> 00:12:52,711 on peut considérer que le fait qu'il ne puisse plus le faire,  207 00:12:52,711 --> 00:12:55,200 une fois le premier procès définitivement achevé,  208 00:12:57,155 --> 00:13:01,066 est une atteinte proportionnée au but légitime. 209 00:13:01,270 --> 00:13:03,377 Voilà en tous les cas ce qui est répondu  210 00:13:05,200 --> 00:13:09,600 par les partisans de la solution de l'arrêt Cesareo à ses adversaires.  211 00:13:10,350 --> 00:13:11,866 Alors, à l'étranger, comme je l'ai dit,  212 00:13:11,866 --> 00:13:17,644 on trouve de façon assez commune la solution qui résulte de l'Arrêt Cesareo,  213 00:13:18,355 --> 00:13:20,266 notamment, dans les pays de Common Law. 214 00:13:20,890 --> 00:13:23,470 Ces pays vont même parfois plus loin. 215 00:13:23,511 --> 00:13:27,511 C'est-à-dire qu'il peut arriver que la règle soit que si une partie, 216 00:13:27,777 --> 00:13:30,266 par exemple, a subi plusieurs chefs de préjudices,  217 00:13:31,422 --> 00:13:37,600 elle doit les invoquer dès le premier procès. 218 00:13:37,600 --> 00:13:43,688 C'est-à-dire elle doit non seulement invoquer, demander 15 000 euros pour préjudice moral,  219 00:13:43,911 --> 00:13:46,666 mais, aussi, 20 000 euros pour pretium doloris. 220 00:13:46,755 --> 00:13:49,911 Et si elle en invoque un et pas l'autre,  221 00:13:49,955 --> 00:13:55,155 on considérera donc qu'elle retourne  ensuite en première instance cette fois-ci 222 00:13:55,155 --> 00:13:57,155 pour demander réparation du préjudice 223 00:13:57,330 --> 00:13:59,725 dont elle n'avait pas demandé  réparation la première fois,  224 00:14:00,450 --> 00:14:02,880 on lui dise : il fallait le faire plus tard. 225 00:14:04,150 --> 00:14:13,377 Alors, ça va plus loin parce que là, l'objet et la cause factuelle ne sont pas les mêmes. 226 00:14:13,530 --> 00:14:18,622 Il ne s'agit pas de demander réparation à raison du même dommage. 227 00:14:19,060 --> 00:14:25,200 Donc, cela revient en fait à concentrer non plus seulement les moyens, mais les demandes. 228 00:14:25,244 --> 00:14:32,044 Or, on s'est demandé si en 2008, la première chambre civile ne prenait pas ce chemin. 229 00:14:32,044 --> 00:14:35,644 Donc, on s'est demandé avec cette fois-ci beaucoup d'inquiétude. 230 00:14:39,640 --> 00:14:46,222 Par exemple, l'arrêt en question, c'est un arrêt de la première chambre civile du 28 mai 2008. 231 00:14:47,240 --> 00:14:53,244 Et grosso modo, dans cet arrêt, lors d'une première instance, le demandeur, 232 00:14:53,320 --> 00:14:55,200 il s'agissait d'une inexécution contractuelle. 233 00:14:55,200 --> 00:15:00,133 Le demandeur avait demandé l'exécution forcée de cette obligation contractuelle,  234 00:15:00,711 --> 00:15:03,000 et ce dont il avait été débouté. 235 00:15:03,110 --> 00:15:05,066 La deuxième fois, il demandait des dommages et intérêts 236 00:15:05,111 --> 00:15:07,911 à raison de l'inexécution contractuelle. 237 00:15:07,980 --> 00:15:11,466 Et la première chambre civile a exigé 238 00:15:12,311 --> 00:15:16,500 qu'il forme les deux demandes au cours du premier procès. 239 00:15:16,577 --> 00:15:19,644 C'est-à-dire qu'elle a estimé que s'il avait intenté un second procès 240 00:15:20,050 --> 00:15:22,630 pour cette fois-ci demander des dommages et intérêts,  241 00:15:22,666 --> 00:15:32,666 c'est-à-dire un autre avantage, la seconde demande serait irrecevable. 242 00:15:32,880 --> 00:15:39,525 C'était donc une exigence de concentration des demandes qui paraissaient posées  243 00:15:39,525 --> 00:15:44,380 et la formule utilisée par cet arrêt de la première chambre civile était la suivante. 244 00:15:44,444 --> 00:15:47,422 "Il incombe au demandeur de présenter dans la même instance 245 00:15:47,688 --> 00:15:51,600 toutes les demandes fondées sur la même cause". 246 00:15:51,600 --> 00:15:52,600 Donc, c'est un petit peu tous les moyens. 247 00:15:52,622 --> 00:15:54,577 C'était conscient de la part de la première chambre civile. 248 00:15:54,750 --> 00:16:00,000 Cette fois-ci, elle demandait à ce que toutes les demandes dans la même affaire 249 00:16:00,088 --> 00:16:02,577 ou en tout cas, en l'espèce, fondées sur la même inexécution contractuelle,  250 00:16:03,644 --> 00:16:06,977 soient formées dès le premier procès. 251 00:16:07,770 --> 00:16:12,177 Alors, comme il s'agissait en réalité de deux instances successives 252 00:16:12,266 --> 00:16:14,133 en matière d'arbitrage interne,  253 00:16:14,260 --> 00:16:18,977 on s'était demandé si la solution était justifiée par ce contexte particulier.  254 00:16:20,040 --> 00:16:22,800 Par la suite, d'autres arrêts de la première chambre civile ont semé le doute. 255 00:16:22,888 --> 00:16:24,755 Cette fois-ci, ils n'étaient plus rendus en matière d'arbitrage 256 00:16:24,800 --> 00:16:27,550 et on s'est demandé si elle ne persistait pas. 257 00:16:27,850 --> 00:16:28,840 Mais, ça n'était pas clair. 258 00:16:28,844 --> 00:16:32,800 Elle n'utilisait plus une formule claire,  comme elle l'avait fait en 2008 et en réalité,  259 00:16:33,022 --> 00:16:36,400 on pouvait considérer que ce  n'est pas ce qu'elle entendait faire. 260 00:16:37,090 --> 00:16:38,622 Et finalement, aujourd'hui,  261 00:16:39,066 --> 00:16:42,755 il est clair que toutes les chambres de la Cour de cassation rejettent 262 00:16:43,688 --> 00:16:45,466 un principe de concentration des demandes. 263 00:16:45,511 --> 00:16:47,950 Personne n'exige une concentration des demandes. 264 00:16:48,310 --> 00:16:49,733 La deuxième chambre civile 265 00:16:49,822 --> 00:16:55,333 le rejette depuis longtemps dans un certain nombre d'arrêts qui l'affirment, 266 00:16:56,088 --> 00:16:57,511 plus récemment, les autres chambres 267 00:16:57,730 --> 00:17:01,600 et notamment, la première chambre civile a également rejeté de la façon la plus nette 268 00:17:02,400 --> 00:17:03,850 un principe de concentration des demandes. 269 00:17:03,860 --> 00:17:07,425 C'est-à-dire qu'elle a déclaré recevable une demande 270 00:17:07,550 --> 00:17:10,080 qui n'avait pas été formée lors du premier procès,  271 00:17:10,080 --> 00:17:14,933 au motif qu'elle n'avait pas le même objet qu'une première demande, 272 00:17:17,688 --> 00:17:20,890 la demande qui avait initié le premier procès. 273 00:17:21,022 --> 00:17:24,888 Donc, si l'objet n'est pas le même, ce n'est pas la même demande. 274 00:17:24,933 --> 00:17:26,430 Il n'y a pas d'exigence de concentration. 275 00:17:26,444 --> 00:17:28,044 Il n'y a pas d'autorité de la chose jugée. 276 00:17:28,210 --> 00:17:30,444 La demande est recevable. 277 00:17:32,080 --> 00:17:36,075 Nous avons à présent fini d'étudier la première condition 278 00:17:36,225 --> 00:17:38,350 de succès de l'autorité de la chose jugée.