1 00:00:05,300 --> 00:00:09,555 Dans cette vidéo, nous commençons la première partie du cours de procédure civile :  2 00:00:09,644 --> 00:00:11,644 première partie consacrée à l'action. 3 00:00:12,770 --> 00:00:15,890 L'un des titres du code de procédure civile est intitulé L'action, 4 00:00:16,130 --> 00:00:19,466 il comprend les articles 30 à 32- 1.  5 00:00:20,311 --> 00:00:21,288 Qu'est-ce que l'action ?  6 00:00:21,333 --> 00:00:25,200 L'article 30 en donne une définition,  que nous détaillerons plus tard. 7 00:00:25,490 --> 00:00:29,511 Mais pour l'instant, essayons de la percevoir intuitivement. 8 00:00:29,620 --> 00:00:30,577 Prenons un exemple. 9 00:00:31,130 --> 00:00:34,177 Je traverse la rue, je me fais renverser par un vélo. 10 00:00:35,990 --> 00:00:39,555 Ma jambe est cassée, ça me fait mal, je ne peux pas travailler pendant quelque temps. 11 00:00:40,160 --> 00:00:43,911 Je subis donc plusieurs préjudices dont je veux être indemnisé. 12 00:00:44,150 --> 00:00:47,155 Et je souhaite avoir, un chiffre au hasard, 15 000 euros. 13 00:00:47,390 --> 00:00:49,244 Imaginons que les assurances n'existent pas. 14 00:00:49,244 --> 00:00:52,533 Je suis dans un pur rapport entre la victime et le responsable. 15 00:00:53,780 --> 00:00:56,044 Le cycliste refuse de payer. 16 00:00:56,270 --> 00:01:01,200 Il dit que j'ai traversé la rue sans regarder s'il y avait un véhicule. 17 00:01:01,911 --> 00:01:04,933 Et selon moi, c'est lui qui ne regardait pas devant lui. 18 00:01:05,822 --> 00:01:09,288 Est-ce que j'ai une action contre le cycliste ?  19 00:01:09,600 --> 00:01:11,155 Oui, pourquoi ?  20 00:01:12,000 --> 00:01:14,840 Parce que j'ai le droit d'agir en justice contre le cycliste. 21 00:01:15,440 --> 00:01:19,422 On peut aussi dire que j'ai un droit d'action,  j'ai une action, j'ai un droit d'action, 22 00:01:19,466 --> 00:01:20,355 c'est la même chose. 23 00:01:20,630 --> 00:01:23,280 Je suis titulaire d'un droit d'action contre le cycliste. 24 00:01:24,044 --> 00:01:25,733 Mais qu'est-ce que ça veut dire exactement ?  25 00:01:25,822 --> 00:01:29,333 Est-ce que ça signifie que j'ai droit à 15 000 euros de dommages et intérêts ?  26 00:01:29,511 --> 00:01:32,577 Non, parce que peut-être que je n'y ai pas droit. 27 00:01:32,870 --> 00:01:34,311 C'est le juge qui en décidera. 28 00:01:34,890 --> 00:01:38,355 Et pour autant, j'ai quand même le droit de saisir le juge. 29 00:01:38,990 --> 00:01:40,311 Donc, il faut distinguer. 30 00:01:41,390 --> 00:01:43,822 Il y a le droit à 15 000 euros. 31 00:01:44,450 --> 00:01:45,466 Selon moi, je l'ai.  32 00:01:45,466 --> 00:01:47,155 Mais peut-être que le juge dira que non,  33 00:01:47,155 --> 00:01:49,511 c'est ce qu'on appelle le droit substantiel. 34 00:01:50,450 --> 00:01:54,888 Et le droit d'agir en justice : dans mon cas, de toute façon, je l'ai. 35 00:01:56,160 --> 00:01:59,540 Donc, j'ai le droit d'agir en justice contre le cycliste. 36 00:01:59,750 --> 00:02:00,755 Qu'est-ce que ça signifie ? 37 00:02:00,844 --> 00:02:04,340 Ça signifie que j'ai le droit de saisir le juge, dans quel but ?  38 00:02:04,800 --> 00:02:07,430 Pour tenter d'obtenir 15 000 euros. 39 00:02:07,511 --> 00:02:12,355 Autrement dit, je le saisis pour lui demander 15 000 euros,  40 00:02:12,488 --> 00:02:15,155 et pour qu'il se prononce sur cette demande. 41 00:02:16,100 --> 00:02:18,622 Avoir le droit d'agir en justice, avoir une action,  42 00:02:18,933 --> 00:02:23,822 c'est donc avoir le droit de saisir un juge, de former une prétention, 43 00:02:24,044 --> 00:02:27,911 et d'obtenir un jugement sur le fond de cette prétention ;  44 00:02:28,444 --> 00:02:31,733 d'obtenir un jugement, pas d'obtenir gain de cause. 45 00:02:32,060 --> 00:02:35,155 Ça, c'est seulement si j'ai le droit substantiel que j'indique. 46 00:02:36,080 --> 00:02:38,720 Comme on le verra, c'est à peu près la formule de l'article 30. 47 00:02:39,260 --> 00:02:41,450 Je vais d'abord annoncer le plan de cette première partie. 48 00:02:41,990 --> 00:02:44,800 Ce droit d'action, il faut d'abord en définir les contours,  49 00:02:45,155 --> 00:02:47,970 le distinguer des notions voisines,  préciser ses caractéristiques. 50 00:02:48,044 --> 00:02:51,600 Le titre premier sera donc consacré à la notion d'action. 51 00:02:51,950 --> 00:02:56,088 Puis, il faut énoncer les conditions d'existence du droit l'action, ce sera le titre 2 :  52 00:02:56,220 --> 00:02:58,311 les conditions d'existence de l'action. 53 00:02:58,760 --> 00:03:02,400 Et enfin, il faudra décrire les actes juridiques qui permettent de l'exercer, 54 00:03:03,066 --> 00:03:05,644 les demandes et les défenses, ce sera le titre 3 : 55 00:03:05,777 --> 00:03:07,955 les actes de mise en œuvre de l'action. 56 00:03:08,300 --> 00:03:11,111 Titre 1 : La notion d'action. 57 00:03:13,910 --> 00:03:17,644 Il est très difficile de dégager ce que recouvre exactement la notion d'action. 58 00:03:18,620 --> 00:03:22,100 Cette notion a fait l'objet de constructions doctrinales multiples. 59 00:03:22,840 --> 00:03:26,622 Et en réalité, on n'est toujours pas parvenu à une définition qui satisfasse tout le monde. 60 00:03:26,960 --> 00:03:31,644 L'article 30 en propose une qui est inspirée de la pensée d'Henri Motulsky. 61 00:03:32,360 --> 00:03:34,266 Je vous cite à présent l'article 30 : 62 00:03:34,260 --> 00:03:37,100 "L'action est le droit pour l'auteur d'une prétention 63 00:03:37,400 --> 00:03:41,020 d'être entendue sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée",  64 00:03:41,022 --> 00:03:42,311 c'est l'alinéa premier. 65 00:03:42,990 --> 00:03:44,355 Il y a un alinéa 2 : 66 00:03:44,840 --> 00:03:49,511 "Pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention." 67 00:03:50,355 --> 00:03:54,044 À la lecture de cette définition, on peut dire ce que l'action n'est pas, 68 00:03:54,488 --> 00:03:57,511 et ce qu'elle est du moins selon Henri Motulsky. 69 00:03:58,190 --> 00:04:00,755 Chapitre premier : ce qu'elle n'est pas. 70 00:04:02,660 --> 00:04:06,444 L'action doit être nettement distinguée de notions voisines,  71 00:04:07,155 --> 00:04:10,460 d'abord du droit substantiel,  ensuite de la demande en justice. 72 00:04:10,800 --> 00:04:15,511 Section 1 : la distinction de l'action et du droit substantiel. 73 00:04:16,600 --> 00:04:19,155 Je reprends l'alinéa premier de l'article 30 : 74 00:04:19,422 --> 00:04:23,822 "L'action est le droit pour l'auteur d'une prétention d'être entendu sur le fond de celle-ci 75 00:04:23,860 --> 00:04:25,822 afin que le juge la dise bien ou mal fondée."  76 00:04:26,488 --> 00:04:27,422 Je reprends les termes : 77 00:04:27,511 --> 00:04:32,844 "L'action est le droit d'être entendus par le juge sur le fond d'une prétention."  78 00:04:34,444 --> 00:04:37,466 La prétention, en procédure civile, a un sens étroit. 79 00:04:37,640 --> 00:04:42,577 C'est l'objet de la demande, l'avantage que je souhaite obtenir : 80 00:04:42,800 --> 00:04:47,155 des dommages et intérêts, la nullité du contrat, l'exécution provisoire, 81 00:04:47,466 --> 00:04:50,577 l'interdiction de publication d'un article de presse, etc. 82 00:04:50,960 --> 00:04:52,311 C'est la prétention au sens : 83 00:04:52,444 --> 00:04:56,088 je prétends à quelque chose, pas  je prétends que quelque chose. 84 00:04:57,410 --> 00:04:58,580 Le fond de la prétention. 85 00:04:58,780 --> 00:05:03,022 Le fond de la prétention, ce sont les éléments qui relèvent du droit substantiel, 86 00:05:03,600 --> 00:05:07,377 qui permettent de savoir si cette prétention est justifiée ou non. 87 00:05:08,030 --> 00:05:11,911 Par exemple : si ma prétention est 15 000 euros de dommages et intérêts, 88 00:05:11,955 --> 00:05:16,400 le fond de ma prétention c'est tout ce qui est susceptible de la justifier. 89 00:05:16,940 --> 00:05:20,622 Les faits : le défendeur m'a renversé avec son vélo, il m'a cassé la jambe. 90 00:05:21,110 --> 00:05:25,940 Et le droit : il a selon moi commis une faute qui m'a causée un préjudice 91 00:05:25,955 --> 00:05:28,311 en vertu de l'article 1240 du code civil. 92 00:05:28,400 --> 00:05:31,422 J'ai donc un droit subjectif substantiel à réparation. 93 00:05:32,960 --> 00:05:36,266 Il s'agit donc de ce qui fonde la prétention, de son fondement. 94 00:05:37,800 --> 00:05:41,210 Etre entendu : cela signifie que le juge va m'entendre. 95 00:05:41,410 --> 00:05:42,266 Dans quel but ?  96 00:05:42,577 --> 00:05:48,000 Pour décider si j'ai raison ou non, si oui ou non je suis bien fondé à ma prétention. 97 00:05:49,190 --> 00:05:52,222 À l'issue de son examen du fond de la prétention,  98 00:05:52,977 --> 00:05:55,820 le juge va décider si elle est bien fondée ou mal fondée. 99 00:05:57,120 --> 00:06:01,600 Si il estime qu'il y a effectivement une faute qui a causé un préjudice,  100 00:06:02,088 --> 00:06:05,460 il estimera que le droit substantiel que j'invoque existe,  101 00:06:05,644 --> 00:06:07,733 sinon il estimera qu'il n'existe pas. 102 00:06:08,600 --> 00:06:11,733 Donc l'action, c'est un droit à ce que le juge m'entende, 103 00:06:11,733 --> 00:06:16,888 à ce qu'il examine la prétention, et qu'il dise si oui ou non elle est fondée. 104 00:06:16,933 --> 00:06:20,133 Si oui ou non, je suis titulaire du droit substantiel que j'invoque. 105 00:06:21,260 --> 00:06:24,755 On voit donc que le droit d'action et le droit substantiel,  106 00:06:24,888 --> 00:06:27,822 ce n'est pas la même chose puisque je peux avoir le droit d'action, 107 00:06:28,400 --> 00:06:32,044 le droit d'obtenir du juge qu'il  examine le fond de ma prétention,  108 00:06:32,577 --> 00:06:35,688 sans finalement avoir le droit substantiel que j'invoque. 109 00:06:36,890 --> 00:06:40,666 Pour les auteurs de l'article 30, et là pour tous les auteurs modernes,  110 00:06:40,800 --> 00:06:46,177 l'action et le droit substantiels sont donc deux droits autonomes l'un de l'autre. 111 00:06:47,470 --> 00:06:49,288 Il n'en a pas toujours été ainsi. 112 00:06:49,490 --> 00:06:53,150 La doctrine classique du 19e siècle et du début du 20e siècle 113 00:06:53,350 --> 00:06:56,120 comptait quatre conditions d'existence de l'action. 114 00:06:56,177 --> 00:06:58,620 À l'époque, on disait l'action, on ne disait pas encore le droit d'action. 115 00:06:58,711 --> 00:06:59,688 C'est symptomatique. 116 00:06:59,910 --> 00:07:03,866 Ces quatre conditions,  c'était l'intérêt, la qualité, 117 00:07:04,440 --> 00:07:06,025 qui sont encore considérés aujourd'hui 118 00:07:06,025 --> 00:07:08,325 on le verra comme des conditions des licences de l'action. 119 00:07:08,840 --> 00:07:11,180 Troisième condition : la capacité pour agir. 120 00:07:12,290 --> 00:07:14,933 Aujourd'hui, on ne considère pas que c'est une condition du droit d'action. 121 00:07:15,111 --> 00:07:18,222 On le verra à propos de l'exercice de la demande. 122 00:07:18,800 --> 00:07:20,300 Mais je passe sur ce point pour l'instant. 123 00:07:20,500 --> 00:07:22,340 Ce qui nous intéresse,  c'est la quatrième condition. 124 00:07:22,400 --> 00:07:24,800 La quatrième condition, c'était le droit. 125 00:07:25,160 --> 00:07:28,670 C'est-à-dire dans l'esprit des auteurs : le droit substantiel. 126 00:07:28,870 --> 00:07:32,870 Il fallait avoir le droit substantiel pour pouvoir saisir le juge. 127 00:07:35,420 --> 00:07:38,750 Par exemple, pour pouvoir agir en recouvrement d'une créance, 128 00:07:39,380 --> 00:07:42,933 on considérait qu'il fallait être titulaire de ce droit de créance. 129 00:07:43,970 --> 00:07:50,400 L'action n'était donc pas un droit en elle-même,  elle n'était qu'un aspect du droit substantiel ; 130 00:07:50,666 --> 00:07:54,844 l'aspect qui permettait de défendre le droit substantiel en justice. 131 00:07:56,070 --> 00:07:58,000 C'est ce que voulait dire Demolombe 132 00:07:58,088 --> 00:08:00,933 lorsqu'il déclarait dans une formule qui est restée célèbre : 133 00:08:01,200 --> 00:08:04,133 "L'action, c'est le droit lui-même." 134 00:08:04,177 --> 00:08:06,666 Je rappelle que le droit, pour lui, c'est le droit substantiel. 135 00:08:06,800 --> 00:08:10,444 "L'action, c'est le droit lui-même, mis en mouvement ;  136 00:08:11,866 --> 00:08:16,000 c'est le droit à l'état d'action au lieu d'être à l'état de repos, 137 00:08:16,266 --> 00:08:19,955 le droit à l'état de guerre au lieu d'être à l'état de paix." 138 00:08:21,600 --> 00:08:23,880 J'explicite ce qu'il veut dire. 139 00:08:24,440 --> 00:08:26,330 On peut avoir un droit substantiel. 140 00:08:26,630 --> 00:08:30,222 Parfois, on n'en fait rien, il est à l'état de paix quand il n'est pas contrarié. 141 00:08:30,440 --> 00:08:35,022 Parfois, il est contrarié, on le défend, il devient à l'état de guerre. 142 00:08:36,020 --> 00:08:40,222 Je ne peux pas avoir d'actions si je n'ai pas de droit substantiel dans cette conception. 143 00:08:40,940 --> 00:08:43,750 En réalité, cette conception procédait d'une confusion 144 00:08:44,275 --> 00:08:47,550 qui a été dénoncée par la doctrine au début du 20e siècle,  145 00:08:47,600 --> 00:08:53,377 en particulier par Henri Vizioz, autre grand auteur de procédures civiles, Henri Vizioz.  146 00:08:53,422 --> 00:08:55,820 Notamment dans un article daté de 1927. 147 00:08:56,840 --> 00:08:58,844 Pourquoi était-ce une confusion ? 148 00:08:59,060 --> 00:09:00,444 Dans les ouvrages, 149 00:09:01,466 --> 00:09:05,650 on avance plusieurs arguments, toujours les mêmes qui sont de bons arguments. 150 00:09:06,355 --> 00:09:09,822 On avance qu'il y a des droits substantiels,  des droit subjectifs substantiels  151 00:09:12,222 --> 00:09:13,777 qui ne peuvent pas être défendus par une action ;  152 00:09:13,770 --> 00:09:17,600 et inversement, il y a des actions qui n'ont pas pour objet de défendre un droit substantiel. 153 00:09:17,950 --> 00:09:20,400 Je ne détaillerai pas ces arguments parce que selon moi, 154 00:09:20,622 --> 00:09:25,333 il y en a un central qui se suffit à lui-même qui est un argument d'ordre logique. 155 00:09:26,080 --> 00:09:28,266 Je reviens à la définition de l'action. 156 00:09:29,890 --> 00:09:34,533 C'est le droit d'obtenir du juge qu'il statue au fond sur la prétention. 157 00:09:35,860 --> 00:09:40,444 Donc si j'ai l'action, j'ai droit à ce que le juge examine ma demande,  158 00:09:40,620 --> 00:09:47,555 c'est-à-dire j'ai le droit à ce que le juge dise si le droit substantiel que j'invoque existe ou non. 159 00:09:49,150 --> 00:09:53,822 Si on estime que l'existence de l'action est subordonnée 160 00:09:53,955 --> 00:09:56,622 à l'existence de ce droit substantiel,  161 00:09:57,111 --> 00:09:59,244 on aboutit à un cercle vicieux. 162 00:10:00,280 --> 00:10:06,666 Pour pouvoir demander au juge si j'ai droit au recouvrement d'une créance, 163 00:10:07,022 --> 00:10:10,266 il faudrait déjà que j'ai droit au recouvrement d'une créance.  164 00:10:11,022 --> 00:10:16,400 Je n'aurais dans cette conception le droit de savoir si j'ai un droit de créance 165 00:10:16,622 --> 00:10:18,844 que si j'ai ce droit de créance. 166 00:10:19,210 --> 00:10:22,444 C'est le serpent qui se mord la queue, on voit bien qu'on n'en sort pas. 167 00:10:23,270 --> 00:10:26,755 Et d'ailleurs, on voit bien en réalité qu'on peut avoir le droit d'action 168 00:10:26,888 --> 00:10:30,000 sans pour autant avoir le droit substantiel qu'on invoque, 169 00:10:30,222 --> 00:10:34,133 tout simplement lorsque j'ai le droit à ce que le juge examine ma demande, 170 00:10:34,130 --> 00:10:35,075 j'ai le droit d'action,  171 00:10:35,375 --> 00:10:38,300 mais je n'ai pas le droit substantiel et le juge va me débouter. 172 00:10:41,511 --> 00:10:43,550 Ici, quelques éléments terminologique. 173 00:10:43,870 --> 00:10:49,333 Si le demandeur est titulaire d'un droit d'action, donc si l'action existe,  174 00:10:49,333 --> 00:10:53,111 on dit que sa demande est recevable. 175 00:10:53,800 --> 00:10:55,688 Comme on le verra, j'anticipe un peu, 176 00:10:56,044 --> 00:10:59,333 si le défendeur veut contester l'existence de l'action, 177 00:10:59,333 --> 00:11:02,488 il veut contester la recevabilité de la demande, 178 00:11:02,800 --> 00:11:07,155 il devra soulever un moyen de défense qui s'appelle une fin de non-recevoir. 179 00:11:08,140 --> 00:11:15,111 Si l'action n'existe pas, la demande est irrecevable, et elle est rejetée comme telle. 180 00:11:16,450 --> 00:11:21,340 Si le demandeur est titulaire du droit substantiel qu'il invoque,  181 00:11:21,777 --> 00:11:25,377 si ce droit substantiel existe, on dit que la demande est bien fondée. 182 00:11:25,422 --> 00:11:29,822 Bien fondée parce qu'on a examiné le fond de la prétention : son fondement. 183 00:11:30,430 --> 00:11:33,777 Le défendeur qui veut contester l'existence du droit substantiel 184 00:11:34,330 --> 00:11:38,133 devra soulever cette fois-ci un moyen de défense qui s'appelle une défense au fond. 185 00:11:38,770 --> 00:11:42,755 Si effectivement, le droit substantiel n'existe pas, la demande est mal fondée. 186 00:11:42,888 --> 00:11:44,860 Le juge rejettera donc la demande comme telle. 187 00:11:44,888 --> 00:11:49,377 On dit aussi qu'il déboute le demandeur de sa demande. 188 00:11:50,920 --> 00:11:55,600 La différence entre recevabilité et bien-fondé de la demande,  189 00:11:56,000 --> 00:11:59,022 et entre fin de non-recevoir et défense au fond,  190 00:12:00,311 --> 00:12:04,177 cette différence est la traduction technique de la distinction théorique 191 00:12:04,222 --> 00:12:07,155 entre l'action, le droit d'action,  et le droit substantiel. 192 00:12:08,500 --> 00:12:13,022 Le juge doit donc faire attention, lorsqu'il estime que la demande doit être rejetée,  193 00:12:13,510 --> 00:12:17,111 à déterminer exactement pourquoi la demande doit être rejetée. 194 00:12:17,155 --> 00:12:18,950 Il doit identifier ce qui fait défaut. 195 00:12:19,022 --> 00:12:20,355 Est-ce que c'est le droit d'action ? 196 00:12:20,600 --> 00:12:22,577 Ou est-ce que c'est le droit substantiel ?  197 00:12:23,422 --> 00:12:26,844 Régulièrement, les juridictions du fond se trompent. 198 00:12:27,911 --> 00:12:33,733 Elles constatent que le demandeur ne démontre pas l'existence de son droit substantiel. 199 00:12:34,750 --> 00:12:37,511 Elles en déduisent qu'il n'a pas d'intérêt pour agir,  200 00:12:37,555 --> 00:12:41,377 et que donc il n'a pas de droit d'action,  et elle déclare la demande d'irrecevable. 201 00:12:42,280 --> 00:12:44,266 Ce raisonnement est faux. 202 00:12:45,640 --> 00:12:49,200 L'intérêt pour agir, comme on le verra, ce n'est pas :  203 00:12:49,511 --> 00:12:51,244 est-ce que j'ai une chance de succès ? 204 00:12:51,244 --> 00:12:54,933 Est-ce que j'ai une chance  d'obtenir ce que je demande ? 205 00:12:55,155 --> 00:12:59,466 C'est simplement, dans l'éventualité où je gagnerais,  206 00:13:00,044 --> 00:13:03,777 est-ce que j'obtiendrai un avantage personnel ?  207 00:13:03,822 --> 00:13:05,955 Si oui, j'ai intérêt pour agir. 208 00:13:07,200 --> 00:13:09,822 Ce que les juridictions du fond devraient,  209 00:13:10,933 --> 00:13:13,600 la façon dont elles devraient résonner lorsqu'elles constatent 210 00:13:13,640 --> 00:13:16,888 que le demandeur ne démontre pas du tout l'existence du droit substantiel,  211 00:13:17,555 --> 00:13:20,755 c'est que certes le demandeur a intérêt pour agir,  212 00:13:20,750 --> 00:13:23,777 parce que par exemple il demande des dommages et intérêts 213 00:13:23,911 --> 00:13:25,822 ou le paiement d'une créance, de l'argent, 214 00:13:25,822 --> 00:13:29,511 donc cela lui procurerait un avantage,  donc sa demande est recevable. 215 00:13:29,555 --> 00:13:33,022 Mais sur le fond, il ne démontre pas qu'il possède,  216 00:13:33,066 --> 00:13:35,600 qu'il détient le droit substantiel qu'il invoque. 217 00:13:37,390 --> 00:13:44,933 Quel est l'enjeu de la détermination exacte du motif de rejet de la demande ? 218 00:13:45,422 --> 00:13:46,711 Cet enjeu est pratique. 219 00:13:46,990 --> 00:13:51,244 Selon que c'est le défaut du droit d'action ou le défaut du droit substantiel 220 00:13:51,240 --> 00:13:53,050 qui est invoqué par le défendeur, 221 00:13:53,150 --> 00:13:56,220 ce n'est pas le même moyen de défense qu'il faudra soulever :  222 00:13:56,222 --> 00:13:59,066 tantôt une fin de non-recevoir,  tantôt une défense au fond. 223 00:13:59,530 --> 00:14:04,222 Chacun de ces moyens de défense est soumis, on le verra dans le titre 3, a un régime propre. 224 00:14:04,711 --> 00:14:08,044 Certes, ils sont assez proches s'agissant de la fin de non-recevoir et de la défense au fond, 225 00:14:08,088 --> 00:14:09,560 mais il subsiste des différences. 226 00:14:09,600 --> 00:14:14,088 Il faut donc exactement distinguer le plan de la recevabilité 227 00:14:14,311 --> 00:14:17,244 et le plan du bien-fondé de la demande. 228 00:14:19,490 --> 00:14:22,400 Nous avons ainsi fini la section 1, 229 00:14:22,400 --> 00:14:25,775 la distinction entre le droit d'action et le droit substantiel. 230 00:14:26,450 --> 00:14:29,333 Nous passerons beaucoup moins de temps sur la section 2,  231 00:14:29,511 --> 00:14:31,333 que nous verrons dans une prochaine vidéo.