1 00:00:05,180 --> 00:00:09,280 Alors, après la question de la conformité de l'articulation entre 2 00:00:09,480 --> 00:00:12,280 Constitution et traité, donc qui donne, dans le système 3 00:00:12,480 --> 00:00:15,760 juridique français, priorité à la Constitution sur les traités, 4 00:00:16,360 --> 00:00:21,940 voyons donc, plus simples en théorie, le rapport entre les traités et la loi. 5 00:00:22,140 --> 00:00:26,760 Donc, la question de la conventionnalité de la loi et de 6 00:00:26,960 --> 00:00:27,720 son contrôle. 7 00:00:28,220 --> 00:00:33,100 On l'a dit, l'article 55 de la Constitution précise la supériorité 8 00:00:33,300 --> 00:00:35,260 des traités sur la loi. 9 00:00:35,500 --> 00:00:39,940 Là, il y a consécration de la supériorité du traité sur la loi, 10 00:00:40,160 --> 00:00:43,500 ce qui signifie donc application d'un contrôle de conventionnalité 11 00:00:43,700 --> 00:00:44,460 de la loi. 12 00:00:44,660 --> 00:00:48,740 L'effectivité de cette règle de supériorité va être déterminée 13 00:00:48,940 --> 00:00:51,020 par les modalités de ce contrôle de conventionnalité. 14 00:00:51,340 --> 00:00:55,040 Plus le contrôle de conventionnalité va être facile à être exercé, 15 00:00:55,240 --> 00:00:58,840 plus on va assurer la supériorité des traités sur la loi. 16 00:01:00,040 --> 00:01:03,580 Première question, qui effectue ce contrôle de conventionnalité 17 00:01:03,780 --> 00:01:04,800 en droit français ? 18 00:01:05,120 --> 00:01:09,160 Donc, ce contrôle de conventionnalité qui va conduire à faire prévaloir 19 00:01:09,360 --> 00:01:11,500 le traité sur la loi dans l'ordre juridique français. 20 00:01:12,440 --> 00:01:14,840 Ce sont, vous le savez, les juridictions de droit commun, 21 00:01:15,100 --> 00:01:18,720 juges administratifs et juges judiciaires, la question avait 22 00:01:18,920 --> 00:01:23,180 été posée au Conseil constitutionnel, est-ce qu'il détient ce contrôle 23 00:01:23,380 --> 00:01:24,940 de conventionnalité de la loi ? 24 00:01:25,140 --> 00:01:30,500 Puisque la Constitution ne prévoit pas précisément l'autorité qui 25 00:01:30,700 --> 00:01:32,600 contrôle la conventionnalité de la loi. 26 00:01:32,800 --> 00:01:35,440 La question avait été posée au Conseil constitutionnel, c'est 27 00:01:35,640 --> 00:01:41,540 sa décision IVG relative à la loi autorisant l'interruption volontaire 28 00:01:41,740 --> 00:01:46,920 de grossesse, sa décision de 1975, puisque dans cette décision, 29 00:01:47,180 --> 00:01:51,960 dans cette affaire avait été invoqué le fait que la Constitution ne 30 00:01:52,160 --> 00:01:57,200 prévoyant pas expressément le contrôle 31 00:01:57,400 --> 00:01:58,380 de conventionnalité. 32 00:01:58,580 --> 00:02:02,720 Les requérants faisaient valoir que le contrôle de constitutionnalité 33 00:02:02,920 --> 00:02:07,240 de la loi, qui lui est prévu par la Constitution, impliquait un 34 00:02:07,440 --> 00:02:08,660 contrôle de conventionnalité. 35 00:02:08,860 --> 00:02:14,520 Donc, c'est le Conseil constitutionnel qui était le juge habilité à contrôler 36 00:02:14,720 --> 00:02:18,860 et la conformité de la loi à la Constitution et la conformité de 37 00:02:19,060 --> 00:02:20,840 la loi aux traités internationaux. 38 00:02:21,140 --> 00:02:25,980 Le Conseil constitutionnel a écarté ce raisonnement et il s'est déclaré 39 00:02:26,180 --> 00:02:30,220 donc incompétent en tant que juge constitutionnel, incompétent pour 40 00:02:30,420 --> 00:02:34,400 examiner la compatibilité des lois aux traités internationaux, 41 00:02:34,600 --> 00:02:37,020 donc c'est sa décision IVG de 1975. 42 00:02:37,980 --> 00:02:43,200 Alors, ce qui a justifié notamment la solution retenue par le Conseil 43 00:02:43,400 --> 00:02:48,240 constitutionnel, c'est l'idée que ce contrôle de conventionnalité 44 00:02:48,440 --> 00:02:55,500 de la loi est un contrôle qui est contingent, donc qui dépend de 45 00:02:55,700 --> 00:02:56,840 facteurs externes. 46 00:02:57,720 --> 00:03:01,420 Ce que relève le Conseil constitutionnel, c'est que ce contrôle 47 00:03:01,620 --> 00:03:04,700 dépend notamment d'une condition dont on va parler un peu plus tard, 48 00:03:04,900 --> 00:03:09,400 qui est la condition de réciprocité, qui est une condition d'applicabilité 49 00:03:09,600 --> 00:03:13,260 du traité en droit interne, donc le traité en droit interne 50 00:03:13,460 --> 00:03:16,980 français est applicable s'il est exécuté par l'autre partie 51 00:03:17,180 --> 00:03:18,320 contractante. 52 00:03:18,520 --> 00:03:21,640 Et cette condition de réciprocité, encore une fois on verra comment 53 00:03:21,840 --> 00:03:25,020 elle est mise en œuvre par le juge, fait que le contrôle de 54 00:03:25,220 --> 00:03:27,780 conventionnalité des lois est contingent, donc va dépendre de 55 00:03:27,980 --> 00:03:32,180 l'attitude de l'État qui est partenaire de l'État partie au traité. 56 00:03:32,400 --> 00:03:36,360 Donc, pour le Conseil constitutionnel, du fait de cette contingence du 57 00:03:36,560 --> 00:03:39,540 contrôle, il n'est pas possible pour lui d'exercer ce contrôle 58 00:03:39,740 --> 00:03:44,320 au titre de ce contrôle de constitutionnalité qui lui est 59 00:03:44,520 --> 00:03:45,760 reconnu par la Constitution. 60 00:03:46,900 --> 00:03:50,320 Conséquence qui a été tirée de cette décision IVG de 1975, 61 00:03:51,120 --> 00:03:54,400 le Conseil constitutionnel n'est pas compétent pour contrôler la 62 00:03:54,600 --> 00:03:57,620 conventionnalité de la loi, donc il revient aux juridictions 63 00:03:57,820 --> 00:04:01,720 internes de droit commun, le juge administratif et le juge 64 00:04:01,920 --> 00:04:05,560 judiciaire de faire prévaloir le traité sur la loi. 65 00:04:06,700 --> 00:04:10,260 Il a fallu attendre les décisions qui ont consacré ce principe, 66 00:04:10,720 --> 00:04:13,060 les décisions de la Cour de cassation premièrement. 67 00:04:13,320 --> 00:04:17,620 C'est la décision de 1975, Jacques Vabre de la Cour de cassation, 68 00:04:17,820 --> 00:04:22,260 qui tire les conséquences de la décision IVG du Conseil constitutionnel 69 00:04:22,460 --> 00:04:26,800 en considérant qu'elle est compétente, que l'ordre judiciaire est compétent 70 00:04:27,000 --> 00:04:30,860 pour examiner si une loi est contraire ou non à un traité international. 71 00:04:32,240 --> 00:04:37,120 Si la loi est contraire au traité international, le juge va faire 72 00:04:37,320 --> 00:04:41,600 prévaloir le traité sur la loi contraire, même si la loi est 73 00:04:41,800 --> 00:04:46,220 postérieure au traité, donc même si on a adopté une loi 74 00:04:46,420 --> 00:04:48,580 en méconnaissance d'un traité international. 75 00:04:50,180 --> 00:04:54,300 Le Conseil d'État, lui, a tardé pour tirer les conséquences 76 00:04:54,500 --> 00:04:58,900 de la décision IVG de 1975, puisqu'il a opéré son revirement 77 00:04:59,100 --> 00:05:04,160 uniquement dans sa décision Nicolo 78 00:05:04,360 --> 00:05:10,200 de 1989, qui là aussi va consacrer le contrôle de conventionnalité 79 00:05:10,400 --> 00:05:12,480 de la loi par le juge administratif. 80 00:05:13,440 --> 00:05:16,940 Il ressort de ces trois jurisprudences, du Conseil constitutionnel, 81 00:05:17,140 --> 00:05:19,620 de la Cour de cassation, et du Conseil d'État, 82 00:05:19,820 --> 00:05:23,440 que le contrôle de la conformité de la loi au traité relève des 83 00:05:23,640 --> 00:05:26,740 juridictions de droit commun, et donc il appartient aux juges 84 00:05:26,940 --> 00:05:30,560 administratifs et aux juges judiciaires de faire prévaloir le traité sur 85 00:05:30,760 --> 00:05:31,780 la loi contraire. 86 00:05:32,880 --> 00:05:36,240 Ça, c'est pour l'autorité de contrôle, en ce qui concerne les modalités 87 00:05:36,440 --> 00:05:39,580 de ce contrôle, parce que selon les modalités de ce contrôle de 88 00:05:39,780 --> 00:05:44,180 conventionnalité, l'autorité supérieure du traité sera plus ou moins effective. 89 00:05:44,840 --> 00:05:48,840 Alors, ce contrôle est un contrôle par voie d'exception, 90 00:05:49,040 --> 00:05:51,800 que ce soit devant le juge administratif ou le juge judiciaire. 91 00:05:52,000 --> 00:05:56,340 C'est-à-dire que n'est pas directement contestée la conformité de la loi 92 00:05:56,540 --> 00:05:59,620 à la convention, ce qui est contesté ce sont des mesures d'application, 93 00:05:59,840 --> 00:06:03,100 donc devant le juge administratif des décrets, des décisions 94 00:06:03,300 --> 00:06:04,720 administratives individuelles. 95 00:06:05,420 --> 00:06:08,620 C'est dans le cadre de ce litige que va être par voie d'exception, 96 00:06:08,920 --> 00:06:13,760 invoquée donc l'inconventionnalité de la loi dont découle la mesure 97 00:06:13,960 --> 00:06:14,720 d'exécution. 98 00:06:14,920 --> 00:06:19,100 On n'est pas dans un contrôle d'action, c'est-à-dire qui porterait directement 99 00:06:19,300 --> 00:06:22,820 sur un contrôle de la conformité de la loi à la convention. 100 00:06:23,360 --> 00:06:27,480 On est dans un litige qui va concerner la légalité d'une autre mesure, 101 00:06:27,840 --> 00:06:31,160 d'un autre acte administratif, mais pour apprécier la légalité 102 00:06:31,360 --> 00:06:35,160 de cet acte administratif, on va invoquer par voie d'exception, 103 00:06:35,400 --> 00:06:40,980 donc la conformité ou la contrariété de la loi au traité international. 104 00:06:41,780 --> 00:06:43,980 C'est ce qu'on appelle un contrôle par voie d'exception, 105 00:06:44,660 --> 00:06:50,040 qui vient s'appuyer sur un différend qui concerne une autre norme que la loi. 106 00:06:50,860 --> 00:06:52,700 Alors, pourquoi cette précision ? 107 00:06:52,900 --> 00:06:58,360 Parce que ce cadre d'appréciation de la conventionnalité de la loi 108 00:06:58,560 --> 00:07:02,660 va avoir une conséquence sur la décision que peut prendre le juge 109 00:07:02,860 --> 00:07:04,700 administratif ou judiciaire. 110 00:07:04,900 --> 00:07:08,960 Comme il s'agit d'un contrôle par voie d'exception, le juge ne pourra 111 00:07:09,160 --> 00:07:10,220 jamais annuler la loi. 112 00:07:10,980 --> 00:07:14,460 La seule chose qu'il peut faire c'est écarter la loi et en tirer 113 00:07:14,660 --> 00:07:17,780 des conséquences ensuite pour le litige dont il est saisi. 114 00:07:18,500 --> 00:07:21,220 Par exemple, le juge administratif en tirera des conséquences sur 115 00:07:21,420 --> 00:07:22,400 l'acte administratif. 116 00:07:23,600 --> 00:07:27,780 Dans ces décisions, même s'il y a contrariété d'une loi à un traité 117 00:07:27,980 --> 00:07:30,660 international, il n'y aura pas annulation de la loi. 118 00:07:31,360 --> 00:07:35,020 C'est un élément qui est important puisque ça signifie qu'une loi 119 00:07:35,220 --> 00:07:39,460 contraire à un traité perdurera dans l'ordre juridique interne, 120 00:07:39,660 --> 00:07:40,940 donc ne sera pas annulée. 121 00:07:41,600 --> 00:07:45,280 Par contre, le juge privera d'effet cette loi dans des contentieux 122 00:07:45,480 --> 00:07:46,240 individuelles. 123 00:07:46,800 --> 00:07:52,060 Le "nettoyage" de l'ordre juridique est uniquement parcellaire puisque 124 00:07:52,260 --> 00:07:55,260 la loi va se maintenir dans l'ordonnancement juridique tant 125 00:07:55,460 --> 00:07:57,560 qu'elle n'est pas remise en cause par le législateur. 126 00:07:57,880 --> 00:08:00,880 La loi va se maintenir dans l'ordonnancement juridique, 127 00:08:01,080 --> 00:08:04,920 par contre le juge va priver d'effet cette loi, car contraire au traité, 128 00:08:06,560 --> 00:08:10,700 dans des affaires individuelles lorsqu'il est saisi par des requérants 129 00:08:10,900 --> 00:08:11,660 particuliers. 130 00:08:12,240 --> 00:08:16,540 C'est une limite quand même à la supériorité du traité sur la loi 131 00:08:16,740 --> 00:08:19,740 puisqu'on va laisser, dans l'ordonnancement juridique, 132 00:08:19,940 --> 00:08:24,240 des lois qui ont été adoptées qui sont contraires au traité. 133 00:08:24,440 --> 00:08:27,560 Le juge ne va faire qu'écarter la loi et en écartant la loi il 134 00:08:27,760 --> 00:08:30,740 en tirera des conséquences sur un contentieux individuel. 135 00:08:31,320 --> 00:08:34,040 Ce que peut faire le juge naturellement, lorsqu'il tire des 136 00:08:34,240 --> 00:08:38,580 conséquences de cette loi, de la contrariété de la loi à la 137 00:08:38,780 --> 00:08:42,160 convention, il va tirer des conséquences sur un contentieux 138 00:08:42,360 --> 00:08:43,120 identifié. 139 00:08:43,320 --> 00:08:47,740 Ça va, par exemple, conduire le juge administratif à annuler des 140 00:08:47,940 --> 00:08:51,480 actes administratifs, des actes réglementaires ou des actes 141 00:08:51,680 --> 00:08:54,940 individuels, car ils sont pris en application d'une loi qui est 142 00:08:55,140 --> 00:08:56,100 contraire à un traité international. 143 00:08:57,160 --> 00:09:02,740 Ce sont ces actes-là qui vont être annulés, donc le "nettoyage" de 144 00:09:02,940 --> 00:09:07,260 l'ordre juridique va se faire à l'égard de ces actes administratifs là, 145 00:09:07,460 --> 00:09:10,440 donc ça va permettre d'assurer l'exécution du traité international. 146 00:09:10,640 --> 00:09:14,820 Mais pour autant la loi, qui est la loi contraire au traité 147 00:09:15,020 --> 00:09:19,320 international, va perdurer dans l'ordre juridique international. 148 00:09:21,100 --> 00:09:27,440 Donc, ce sont tous ces mécanismes-là qui vont permettre d'assurer la 149 00:09:27,640 --> 00:09:30,940 supériorité du traité sur la loi. 150 00:09:31,200 --> 00:09:35,160 On voit qu'on a un mécanisme qui est parcellaire puisqu'on a bien 151 00:09:35,360 --> 00:09:41,420 la supériorité du traité sur la loi, mais cette supériorité n'implique 152 00:09:41,620 --> 00:09:45,500 pas la disparition de la loi contraire dans l'ordonnancement juridique 153 00:09:45,700 --> 00:09:49,280 français, donc c'est quand même une limite à la supériorité du 154 00:09:49,480 --> 00:09:50,580 traité en droit français. 155 00:09:52,560 --> 00:09:56,780 Avec l'étude de ce contrôle de conventionnalité, qui permet d'assurer 156 00:09:56,980 --> 00:10:01,960 la supériorité des traités sur la loi, nous en avons fini sur cette première 157 00:10:02,160 --> 00:10:06,560 question qui est celle de l'autorité du traité en droit interne. 158 00:10:06,760 --> 00:10:11,440 On l'a dit, les traités sont supérieurs à la loi avec ce mécanisme de contrôle 159 00:10:11,640 --> 00:10:16,240 de conventionnalité qui conduit à épurer de manière partielle l'ordre 160 00:10:16,440 --> 00:10:20,460 juridique interne, et les traités ont valeur inférieure à la Constitution 161 00:10:20,660 --> 00:10:25,280 ce qui signifie que la Constitution peut venir bloquer soit la ratification 162 00:10:25,480 --> 00:10:28,700 du traité international soit l'exécution du droit international 163 00:10:28,900 --> 00:10:33,780 en laissant notamment perdurer des actes internes contraires au 164 00:10:33,980 --> 00:10:38,380 traité, mais qui viennent soutenir une norme constitutionnelle, 165 00:10:38,580 --> 00:10:42,100 comme on a pu voir dans les différentes jurisprudences que je vous ai 166 00:10:42,300 --> 00:10:43,060 mentionnées. 167 00:10:44,100 --> 00:10:47,000 Second point maintenant, toujours sur la question des traités 168 00:10:47,200 --> 00:10:49,800 internationaux dans l'ordre juridique français. 169 00:10:50,180 --> 00:10:53,760 Second point, les conditions d'applicabilité des traités en 170 00:10:53,960 --> 00:10:54,720 droit français. 171 00:10:55,060 --> 00:10:57,480 C'est un autre volet, c'est la question de savoir comment 172 00:10:57,680 --> 00:11:01,740 concrètement, est-ce qu'un traité international peut produire des 173 00:11:01,940 --> 00:11:05,960 effets en droit interne conformément à son autorité, que l'on a vue, 174 00:11:06,160 --> 00:11:08,440 supérieure à la loi, inférieure à la Constitution. 175 00:11:08,640 --> 00:11:12,020 Donc, comment concrètement, à quelles conditions un traité 176 00:11:12,220 --> 00:11:15,300 international va pouvoir produire ses effets en droit interne ? 177 00:11:15,500 --> 00:11:18,800 Là encore, plus les conditions sont nombreuses, plus elles sont 178 00:11:19,000 --> 00:11:23,560 strictes, moins on va pouvoir donner d'effet au traité en droit interne 179 00:11:23,760 --> 00:11:26,660 et donc plus on va remettre en cause l'exécution du droit 180 00:11:26,860 --> 00:11:30,980 international en droit interne, toujours le même raisonnement. 181 00:11:31,240 --> 00:11:35,220 Alors, c'est ce qu'on appelle les conditions d'applicabilité du traité 182 00:11:35,420 --> 00:11:36,380 en droit français. 183 00:11:36,620 --> 00:11:42,900 Ces conditions qui viennent déterminer la manière dont le traité va pouvoir 184 00:11:43,100 --> 00:11:45,820 concrètement produire des effets en droit interne. 185 00:11:46,840 --> 00:11:50,220 Dans le cadre de ces conditions dites d'applicabilité du traité, 186 00:11:50,420 --> 00:11:54,180 on distingue sous-branche, la terminologie peut varier, 187 00:11:54,380 --> 00:11:57,350 donc sous-branche à ces conditions d'applicabilité. 188 00:11:57,550 --> 00:12:02,200 Là, les conditions d'applicabilité dites simples comme on va voir 189 00:12:02,400 --> 00:12:03,160 dans un premier temps. 190 00:12:03,360 --> 00:12:07,440 Les conditions d'applicabilité simples qui conditionnent la 191 00:12:07,640 --> 00:12:11,680 possibilité pour le traité international de produire des effets 192 00:12:11,880 --> 00:12:12,640 en droit interne. 193 00:12:12,840 --> 00:12:16,700 Donc, la condition d'applicabilité simple conditionne la possibilité 194 00:12:16,900 --> 00:12:21,020 pour le traité international de produire des effets en droit interne. 195 00:12:21,940 --> 00:12:25,240 Deuxième sous-branche de l'applicabilité, les conditions 196 00:12:25,440 --> 00:12:30,460 d'invocabilité, là, qui vont déterminer la possibilité pour les particuliers 197 00:12:30,660 --> 00:12:33,900 de se prévaloir du traité international devant le juge. 198 00:12:34,640 --> 00:12:38,740 C'est une question qui va concerner le particulier, le juge et le traité 199 00:12:38,940 --> 00:12:41,280 international, donc ces conditions d'invocabilité. 200 00:12:41,960 --> 00:12:46,120 Ce sont l'ensemble de ces conditions, applicabilité simple et invocabilité, 201 00:12:46,320 --> 00:12:50,440 qui permettent là encore d'avoir l'ensemble du paysage en matière 202 00:12:50,640 --> 00:12:54,160 d'exécution des traités internationaux puisque très souvent c'est parce 203 00:12:54,360 --> 00:12:58,980 que l'individu invoque le traité international devant le juge interne 204 00:12:59,180 --> 00:13:02,580 que va se poser la question de la conformité du traité à la loi, 205 00:13:02,780 --> 00:13:05,900 la conformité du traité à la constitution et donc qu'in fine 206 00:13:06,100 --> 00:13:09,780 on va pouvoir en tirer des conséquences sur l'ordre juridique français. 207 00:13:10,100 --> 00:13:15,760 On va pouvoir appréhender l'exécution du traité dans l'ordre juridique 208 00:13:15,960 --> 00:13:16,720 français. 209 00:13:16,920 --> 00:13:19,560 Là encore, il faut voir l'ensemble de ces conditions pour avoir une 210 00:13:19,760 --> 00:13:23,760 compréhension complète des modalités d'exécution du traité en droit 211 00:13:23,960 --> 00:13:24,720 français. 212 00:13:24,920 --> 00:13:30,600 Premièrement, les conditions d'applicabilité simple qui vont 213 00:13:30,800 --> 00:13:35,480 conditionner la possibilité pour le traité de produire des effets 214 00:13:35,680 --> 00:13:36,440 en droit interne. 215 00:13:37,300 --> 00:13:41,620 Il faut renvoyer à l'article 55 de la constitution, que j'ai déjà cité, 216 00:13:41,820 --> 00:13:46,640 qui mentionne deux conditions d'applicabilité simple du traité. 217 00:13:46,840 --> 00:13:48,700 La première est la publication. 218 00:13:49,920 --> 00:13:54,360 Le traité, pour produire des effets en droit interne, il ne suffit 219 00:13:54,560 --> 00:13:56,060 pas qu'il soit entré en vigueur. 220 00:13:56,860 --> 00:14:00,700 Son entrée en vigueur va être déterminante pour le système juridique 221 00:14:00,900 --> 00:14:04,080 international, mais pour le système français ce qui va être déterminant 222 00:14:04,280 --> 00:14:07,020 c'est la publication du traité international. 223 00:14:09,040 --> 00:14:13,020 Avant la constitution de 1958, la condition qui était posée était 224 00:14:13,220 --> 00:14:16,160 celle de la promulgation du traité. 225 00:14:16,360 --> 00:14:20,860 Cette condition de promulgation a été modifiée en une condition 226 00:14:21,240 --> 00:14:23,960 de publication avec la constitution de 1958. 227 00:14:25,080 --> 00:14:29,980 Publication qui passe par un décret, on en a déjà parlé vis-à-vis de 228 00:14:30,180 --> 00:14:35,900 cette jurisprudence Blotzheim, qui va donc ouvrir un pan du contrôle 229 00:14:36,100 --> 00:14:37,740 du juge administratif. 230 00:14:37,940 --> 00:14:42,320 Donc, publication par voie de décret des traités internationaux. 231 00:14:42,520 --> 00:14:47,420 C'est une simple formalité qui va tout de même déterminer 232 00:14:47,620 --> 00:14:50,440 l'effectivité du traité dans l'ordre juridique interne. 233 00:14:50,640 --> 00:14:54,780 Ce n'est qu'une fois que le traité est publié qu'il va produire des 234 00:14:54,980 --> 00:14:55,920 effets en droit interne. 235 00:14:56,120 --> 00:15:00,360 Cette simple formalité c'est ce qui conduit les auteurs à considérer 236 00:15:00,560 --> 00:15:04,740 que l'article 5 est d'inspiration moniste puisqu'il n'y a pas d'autres 237 00:15:04,940 --> 00:15:10,380 étapes, comme l'adoption d'une loi, pour donner effet au traité dans 238 00:15:10,580 --> 00:15:14,020 l'ordre juridique français, cette simple publication suffit, 239 00:15:14,220 --> 00:15:17,320 il n'y a pas de nécessité d'adopter une loi qui viendrait transposer 240 00:15:17,520 --> 00:15:19,840 le traité, dans ce cas là on serait dans une approche dualiste. 241 00:15:20,040 --> 00:15:26,200 Donc, c'est cette simple condition de publication qui fait dire qu'au 242 00:15:26,400 --> 00:15:31,380 regard de l'article 55 on est dans une approche moniste à prévalence 243 00:15:31,580 --> 00:15:34,860 du droit international en ce qui concerne le droit français. 244 00:15:35,900 --> 00:15:39,440 La publication se fait par décret, je l'ai dit. 245 00:15:39,640 --> 00:15:43,060 Cette obligation de publication est entendue largement puisqu'elle 246 00:15:43,260 --> 00:15:46,720 vaut aussi pour les réserves, pour les déclarations interprétatives, 247 00:15:46,920 --> 00:15:50,180 mais aussi pour les dénonciations du traité, donc tout ce qui va 248 00:15:50,380 --> 00:15:53,600 graviter autour du traité, tout ce qui concerne la vie du 249 00:15:53,800 --> 00:15:58,300 traité est aussi intégré dans cette obligation de publication pour 250 00:15:58,840 --> 00:16:02,720 donner effet à des réserves en droit interne à des déclarations 251 00:16:02,920 --> 00:16:03,880 interprétatives, etc. 252 00:16:04,900 --> 00:16:10,440 Publication qui concerne l'ensemble des actes unilatéraux qui anime 253 00:16:10,640 --> 00:16:12,800 la vie du traité international. 254 00:16:13,000 --> 00:16:21,720 C'est donc la date de publication qui marque l'effectivité du traité 255 00:16:21,920 --> 00:16:22,710 en droit interne. 256 00:16:22,910 --> 00:16:25,900 La date de publication et non l'entrée en vigueur, donc là c'est parce 257 00:16:26,100 --> 00:16:27,300 qu'on est dans le système interne. 258 00:16:28,040 --> 00:16:32,760 C'est la date de publication qui va déterminer la prise d'effet 259 00:16:32,960 --> 00:16:35,880 du traité, l'effectivité du traité en droit interne. 260 00:16:36,380 --> 00:16:41,100 Il peut arriver que les décrets de publication interviennent plusieurs 261 00:16:41,300 --> 00:16:46,180 mois, dans quelques hypothèses plusieurs années, après la ratification 262 00:16:46,380 --> 00:16:50,060 du traité, donc on peut avoir une publication qui est décalée dans 263 00:16:50,260 --> 00:16:51,020 le temps. 264 00:16:51,220 --> 00:16:56,660 Il n'y a pas d'obligation de publication inscrite dans les textes, 265 00:16:56,860 --> 00:17:02,220 donc l'exécutif est a priori libre de procéder ou non à la publication 266 00:17:02,420 --> 00:17:06,620 du traité, et c'est ce qui explique que parfois on ait ce délai-là. 267 00:17:06,820 --> 00:17:10,440 Ce délai entre la ratification du traité ou la signature du traité 268 00:17:10,640 --> 00:17:14,140 et sa publication au journal officiel. 269 00:17:14,340 --> 00:17:17,680 Ça, c'est une situation qui est délicate pour le droit interne, 270 00:17:17,880 --> 00:17:21,540 pour l'état puisque pour le système international à partir du moment 271 00:17:21,740 --> 00:17:26,400 où le traité est ratifié ou signé, l’État est lié au traité international 272 00:17:26,600 --> 00:17:29,380 et doit le mettre en œuvre donc doit le respecter. 273 00:17:29,580 --> 00:17:33,080 Mais au regard de l'ordre juridique français, tant qu'il n'y a pas 274 00:17:33,280 --> 00:17:36,320 eu publication, le traité ne peut pas produire ses effets en droit 275 00:17:36,520 --> 00:17:37,280 interne. 276 00:17:37,480 --> 00:17:41,810 Cette phase-là, si elle existe, cette période-là entre la ratification 277 00:17:42,010 --> 00:17:46,540 de la signature d'une part et la publication, place l'état dans 278 00:17:46,740 --> 00:17:50,660 une situation qui peut être délicate puisqu'il est tenu de respecter 279 00:17:50,860 --> 00:17:52,980 son traité au regard du droit international. 280 00:17:55,220 --> 00:17:59,140 Là encore, ça pourrait potentiellement donner lieu à des cas de non-respect 281 00:17:59,400 --> 00:18:03,280 du traité international par l'ordre juridique interne et donc de 282 00:18:03,480 --> 00:18:05,320 responsabilité internationale de l'état. 283 00:18:06,340 --> 00:18:11,660 Voilà pour la première condition d'applicabilité simple du traité 284 00:18:11,860 --> 00:18:12,860 international, la publication. 285 00:18:13,060 --> 00:18:18,320 Seconde condition qui elle aussi est prévue par l'article 55 qu'on 286 00:18:18,520 --> 00:18:20,340 a déjà mentionné, la réciprocité. 287 00:18:21,100 --> 00:18:26,240 L'article 55 prévoit la supériorité des traités internationaux sur 288 00:18:26,440 --> 00:18:30,660 la loi uniquement sous réserve de réciprocité. 289 00:18:31,300 --> 00:18:36,380 Condition de réciprocité, que je vais détailler un peu plus loin, 290 00:18:36,580 --> 00:18:38,920 mais qui ne vaut pas pour tous les traités internationaux. 291 00:18:39,120 --> 00:18:44,820 On a interprété l'article 55 comme ne soumettant pas à la condition 292 00:18:45,020 --> 00:18:50,200 de réciprocité, certains traités, de par leur nature, c'est-à-dire 293 00:18:50,420 --> 00:18:53,160 de par leur nature ce sont des traités qui ne sont pas soumis 294 00:18:53,360 --> 00:18:54,120 à réciprocité. 295 00:18:54,320 --> 00:18:58,300 C'est une règle qui est exceptionnelle dans le système international, 296 00:18:58,500 --> 00:19:01,420 vous le comprenez, je vous l'ai dit, le système international fonctionne 297 00:19:01,620 --> 00:19:06,060 sur la réciprocité des engagements, mais par exception certains traités 298 00:19:06,260 --> 00:19:08,040 ne sont pas soumis à cette réciprocité. 299 00:19:08,240 --> 00:19:13,860 Ce qui signifie que les États sont tenus, dans ce cas là, 300 00:19:14,480 --> 00:19:17,560 de respecter leurs engagements internationaux même si leurs États 301 00:19:17,760 --> 00:19:19,520 cocontractants ne les respectent pas. 302 00:19:20,400 --> 00:19:23,480 Même si un l’État partenaire ne respecte pas le traité international, 303 00:19:23,680 --> 00:19:27,380 l’État reste soumis à ses engagements internationaux. 304 00:19:27,580 --> 00:19:31,640 C'est une situation qui, en principe, est exceptionnelle 305 00:19:31,840 --> 00:19:35,760 puisque le droit international fonctionne sous le principe général 306 00:19:35,960 --> 00:19:40,700 de réciprocité et qui dans les faits concerne bon nombre de traités 307 00:19:40,900 --> 00:19:43,440 internationaux puisque c'est le cas de beaucoup de traités 308 00:19:44,080 --> 00:19:47,100 internationaux en matière de droits de l'homme où là on considère qu'un 309 00:19:47,300 --> 00:19:49,840 État est tenu de respecter la convention européenne des droits 310 00:19:50,040 --> 00:19:53,080 de l'homme, même si la Russie ou l’Allemagne ne respectent pas la 311 00:19:53,280 --> 00:19:56,260 convention européenne des droits de l'homme, ça permet de consolider 312 00:19:56,460 --> 00:19:58,820 les engagements internationaux des États, naturellement. 313 00:19:59,780 --> 00:20:03,660 Ces traités-là, qui par leur nature ne sont pas soumis à la réciprocité, 314 00:20:05,460 --> 00:20:11,620 échappent à cette condition de réciprocité qui est visée à l'article 315 00:20:11,820 --> 00:20:12,580 55. 316 00:20:12,780 --> 00:20:17,400 C'est ce qu'a considéré le Conseil constitutionnel notamment à propos 317 00:20:17,600 --> 00:20:21,360 du statut de la Cour pénale internationale dans une décision 318 00:20:21,560 --> 00:20:22,320 de 1999. 319 00:20:23,840 --> 00:20:29,580 Décision dans laquelle il a considéré que, eu égard à l'objet de ce statut 320 00:20:29,780 --> 00:20:34,140 de la Cour pénale internationale, les obligations nées de ses engagements 321 00:20:34,340 --> 00:20:38,440 s'imposent à chacun des États parties indépendamment des conditions 322 00:20:38,640 --> 00:20:42,660 d'exécution par les autres États parties et donc que la réserve 323 00:20:42,860 --> 00:20:47,680 de réciprocité mentionnée à l'article 55 de la Constitution n'a pas lieu 324 00:20:47,880 --> 00:20:48,640 de s'appliquer. 325 00:20:48,840 --> 00:20:52,680 Puisque les engagements internationaux ne fonctionnent pas de manière 326 00:20:52,880 --> 00:20:56,000 réciproque, il n'y a pas lieu d'appliquer la réserve de réciprocité 327 00:20:56,200 --> 00:20:57,800 qui est prévue à l'article 55. 328 00:20:58,920 --> 00:21:03,000 En dehors de ces hypothèses-là qui concernent de plus en plus 329 00:21:03,200 --> 00:21:05,280 de traités puisqu'on a de plus en plus de traités qui sont conclus 330 00:21:05,480 --> 00:21:09,560 en matière de droits fondamentaux, la réserve de réciprocité joue. 331 00:21:09,760 --> 00:21:15,440 Donc, l'article 55 ne concerne que des traités qui font l'objet 332 00:21:15,640 --> 00:21:19,580 d'une application par les autres États parties au traité. 333 00:21:21,460 --> 00:21:25,780 La condition de réciprocité conduit à vérifier le comportement des 334 00:21:25,980 --> 00:21:29,920 États parties au traité international, est-ce qu'il respecte ou non le traité, 335 00:21:30,120 --> 00:21:33,200 et c'est uniquement dans l'hypothèse où ces états respectent le traité 336 00:21:33,400 --> 00:21:37,660 international que l'article 55 va pouvoir jouer et que le traité 337 00:21:37,860 --> 00:21:39,800 va pouvoir produire des effets en droit inter. 338 00:21:40,220 --> 00:21:45,020 Comment on apprécie cette condition de réciprocité ? 339 00:21:45,220 --> 00:21:51,360 Lorsqu'un particulier invoque un traité international, c'est le 340 00:21:51,560 --> 00:21:55,120 juge qui doit se demander si les conditions d'applicabilité simples 341 00:21:55,320 --> 00:21:59,020 sont réunies et qui doit vérifier cette condition de réciprocité. 342 00:21:59,700 --> 00:22:03,200 C'est naturellement, on le conçoit, un objet de contrôle 343 00:22:03,400 --> 00:22:07,320 qui est compliqué à exercer pour le juge et juge administratif comme 344 00:22:07,520 --> 00:22:11,940 juge judiciaire ont tendance à renvoyer à l'exécutif le soin 345 00:22:12,140 --> 00:22:14,820 d'apprécier cette condition de réciprocité, donc d'apprécier le 346 00:22:15,020 --> 00:22:18,960 comportement d'un État parti dans le cadre d'un système conventionnel. 347 00:22:19,240 --> 00:22:22,700 On comprend naturellement qu'il soit délicat pour le juge, 348 00:22:22,900 --> 00:22:26,720 qui soit administratif ou judiciaire, d'apprécier le comportement d'un 349 00:22:26,920 --> 00:22:29,000 État étranger en matière d'exécution d'un traité international. 350 00:22:30,380 --> 00:22:35,040 Plus précisément, quelle a été la position des juridictions ? 351 00:22:35,660 --> 00:22:40,100 La Cour de cassation n'a pas une attitude complètement homogène 352 00:22:40,300 --> 00:22:43,560 au sein de ses chambres, la chambre criminelle de la Cour 353 00:22:43,760 --> 00:22:48,380 de cassation pose au cas par cas des questions préjudicielles au 354 00:22:48,580 --> 00:22:51,540 ministère des Affaires étrangères donc renvoie à l'exécutif. 355 00:22:51,740 --> 00:22:56,140 Questions préjudicielles au ministère des Affaires étrangères pour apprécier 356 00:22:56,340 --> 00:23:00,580 cette condition de réciprocité, ça, c'est la position de la chambre 357 00:23:00,780 --> 00:23:01,920 criminelle de la Cour de cassation. 358 00:23:02,120 --> 00:23:05,580 La première chambre civile a une position différente qui est 359 00:23:05,780 --> 00:23:08,600 intéressante puisqu'elle considère qu'il y a une présomption de 360 00:23:08,800 --> 00:23:15,120 réciprocité dans l'exécution du traité international lorsque le 361 00:23:15,320 --> 00:23:19,700 gouvernement français n'a pris aucune initiative en matière de 362 00:23:19,900 --> 00:23:22,680 dénonciation ou de suspension du traité. 363 00:23:22,880 --> 00:23:26,980 Donc, lorsque le gouvernement français ne s'est pas manifesté, 364 00:23:27,180 --> 00:23:31,680 n'a pas manifesté de volonté de dénoncer ou de suspendre le traité 365 00:23:31,880 --> 00:23:36,840 parce qu'il ne serait pas respecté par l'autre partie contractante, 366 00:23:37,040 --> 00:23:40,460 par l'autre partie au traité, la première chambre civile considère 367 00:23:40,660 --> 00:23:44,740 qu'il y a une présomption de bonne exécution du traité par les 368 00:23:44,940 --> 00:23:49,920 cocontractants et que l'article 55 joue et qu'il peut être donné 369 00:23:50,120 --> 00:23:56,180 effet au traité international dans l'ordre juridique interne. 370 00:23:56,540 --> 00:24:01,200 C'est aussi un moyen de renvoyer à l'exécutif, mais un moyen différent 371 00:24:01,400 --> 00:24:05,060 puisque c'est à l'exécutif de mettre en œuvre les mécanismes de dénonciation 372 00:24:05,260 --> 00:24:06,940 ou de suspension du traité. 373 00:24:08,380 --> 00:24:11,360 Sans ces mécanismes-là, sans la mise en œuvre de ces 374 00:24:11,560 --> 00:24:15,460 mécanismes-là, le juge judiciaire considéra qu'il y a réciprocité 375 00:24:15,660 --> 00:24:19,140 et donc fera application du traité international en droit interne. 376 00:24:19,340 --> 00:24:22,920 Ça, c'est pour la position de la Cour de cassation. 377 00:24:23,120 --> 00:24:27,940 Le Conseil d’État, lui, a été beaucoup plus réticent, 378 00:24:28,140 --> 00:24:31,880 il a longtemps considéré qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier 379 00:24:32,160 --> 00:24:37,160 les conditions d'exécution du traité 380 00:24:37,360 --> 00:24:41,980 international par un État tiers, puisqu'il considérait que cela 381 00:24:42,180 --> 00:24:44,600 relève de l'exécutif. 382 00:24:44,800 --> 00:24:51,080 Sa position était et est toujours 383 00:24:51,600 --> 00:24:55,020 de saisir, au cas par cas, le ministère des Affaires étrangères 384 00:24:55,220 --> 00:24:59,740 par une question préjudicielle, d'attendre l'appréciation par le 385 00:24:59,940 --> 00:25:02,460 ministère des Affaires étrangères et ensuite d'en tirer des conséquences 386 00:25:02,660 --> 00:25:04,400 en matière d'application du traité. 387 00:25:04,600 --> 00:25:10,220 C'est toujours sa position, mais sa position a été critiqué 388 00:25:10,420 --> 00:25:13,800 et condamné par la Cour européenne des droits de l'homme, 389 00:25:14,000 --> 00:25:17,540 en tout cas certaines de ses modalités puisque la Cour européenne des 390 00:25:17,740 --> 00:25:21,240 droits de l'homme a considéré, dans un arrêt de 2003 Chevrol, 391 00:25:25,280 --> 00:25:32,440 que par cette pratique le Conseil d'État violait l'article 6 paragraphe 392 00:25:32,640 --> 00:25:37,740 1 de la CEDH, donc le droit au juge article 6 paragraphe 1 de la CEDH. 393 00:25:38,540 --> 00:25:44,840 En l'espèce, la Cour a relevé que, dans sa pratique, le Conseil d'État 394 00:25:45,040 --> 00:25:49,160 n'étudiait pas les éléments qui pouvaient être apportés par le 395 00:25:49,360 --> 00:25:54,240 requérant pour justifier de l'exécution par l’État tiers du traité 396 00:25:54,440 --> 00:25:55,200 international. 397 00:25:55,800 --> 00:25:58,660 Il n'y avait pas de prise en compte des éléments qui pouvaient être 398 00:25:58,860 --> 00:26:02,320 apportés par le requérant pour justifier de l'exécution du traité 399 00:26:02,520 --> 00:26:03,460 par l’État tiers. 400 00:26:04,040 --> 00:26:08,020 Il n'y avait pas non plus de débat contradictoire à l'issue du retour 401 00:26:08,220 --> 00:26:11,660 du MAE, donc une fois que l'avis était donné, le Conseil d'État 402 00:26:11,860 --> 00:26:15,800 se ralliait à l'avis du MAE sans ouvrir de débat contradictoire 403 00:26:16,000 --> 00:26:16,760 entre les parties.  404 00:26:17,360 --> 00:26:21,720 C'est avec ces modalités-là que la Cour européenne des droits de 405 00:26:21,920 --> 00:26:26,080 l'homme a considéré qu'il y avait une violation de l'article 6 CEDH, 406 00:26:26,280 --> 00:26:29,820 puisqu'il n'y avait pas de débat contradictoire qui était organisé 407 00:26:30,020 --> 00:26:33,240 autour de cette question de la réciprocité. 408 00:26:33,440 --> 00:26:39,480 Suite à cette condamnation, le Conseil d’État a modifié sa 409 00:26:39,680 --> 00:26:42,700 position, a modifié sa pratique. 410 00:26:42,900 --> 00:26:50,440 Il l'a fait dans une décision du 411 00:26:50,640 --> 00:26:54,700 9 juillet 2010 Souad Cheriet du Conseil d’État, dans laquelle il 412 00:26:54,900 --> 00:26:59,360 a considéré qu'il lui appartenait, après avoir recueilli les observations 413 00:26:59,560 --> 00:27:03,220 du ministère des Affaires étrangères et le cas échéant les observations 414 00:27:03,420 --> 00:27:07,640 de l’État étranger puisque l’État étranger peut également souhaiter 415 00:27:07,840 --> 00:27:10,820 intervenir dans la procédure, donc il doit recueillir ces 416 00:27:11,020 --> 00:27:14,560 informations et il doit organiser, sur la base de ces informations, 417 00:27:14,760 --> 00:27:16,360 un débat contradictoire. 418 00:27:16,560 --> 00:27:20,980 Donc, permettre au requérant de contester, le cas échéant, 419 00:27:21,180 --> 00:27:23,020 l'avis du ministère des Affaires étrangères. 420 00:27:23,220 --> 00:27:26,780 Ensuite, il appartient au juge de se forger sa propre opinion 421 00:27:26,980 --> 00:27:34,940 sur cette condition de réciprocité qui va conditionner l'application 422 00:27:35,140 --> 00:27:39,960 de l'article 55 et conditionner l'effectivité du traité en droit 423 00:27:40,160 --> 00:27:40,920 interne. 424 00:27:41,120 --> 00:27:45,880 Voilà pour ces premières conditions d'applicabilité des traités en 425 00:27:46,080 --> 00:27:46,840 droit français. 426 00:27:47,040 --> 00:27:50,880 Ces conditions relatives à l'applicabilité dite simple du 427 00:27:51,080 --> 00:27:53,500 traité en droit français.