1 00:00:05,440 --> 00:00:10,180 Deuxième type de contrôle, donc après les contrôles à priori 2 00:00:10,380 --> 00:00:14,160 qui portent directement sur la conformité du traité à la Constitution, 3 00:00:14,620 --> 00:00:17,840 voyons les hypothèses de contrôle par voie d'exception. 4 00:00:18,120 --> 00:00:21,600 Donc ce sont les différends qui sont portés devant les juridictions 5 00:00:21,800 --> 00:00:24,680 internes qui ne concernent pas directement les traités, 6 00:00:24,880 --> 00:00:30,120 mais le traité va intervenir comme norme participant au contexte du 7 00:00:30,320 --> 00:00:33,740 différend et dans le cadre de l'appréciation par exemple devant 8 00:00:33,940 --> 00:00:37,540 le juge administratif de la légalité d'un décret, ce décret va être 9 00:00:37,740 --> 00:00:41,620 contesté au regard d'un traité international et potentiellement 10 00:00:41,820 --> 00:00:45,480 peut être discutée la conformité de ce traité international à la 11 00:00:45,680 --> 00:00:46,440 Constitution. 12 00:00:46,640 --> 00:00:49,340 Donc l'objet de ces différends n'est pas directement la 13 00:00:50,000 --> 00:00:53,520 constitutionnalité du traité, mais c'est en appréciant la légalité 14 00:00:53,720 --> 00:00:58,580 d'un acte administratif que va pouvoir dans certaines hypothèses 15 00:00:58,780 --> 00:01:02,900 être soulevée la question de la conformité du traité à la Constitution. 16 00:01:03,400 --> 00:01:05,480 Je vous donnerai des exemples naturellement pour mieux comprendre 17 00:01:05,680 --> 00:01:06,900 ces différentes hypothèses. 18 00:01:07,280 --> 00:01:13,980 Donc c'est une autre situation dans laquelle peut être discutée 19 00:01:14,180 --> 00:01:17,840 la conformité du traité à la Constitution et donc l'autorité 20 00:01:18,040 --> 00:01:20,280 du traité vis-à-vis de la Constitution. 21 00:01:21,680 --> 00:01:25,680 Alors dans le contentieux qui relève des juridictions de droit commun, 22 00:01:25,900 --> 00:01:30,020 donc du juge administratif et du juge judiciaire, donc globalement, 23 00:01:30,220 --> 00:01:34,140 ces juridictions-là vont dans ces hypothèses faire prévaloir la 24 00:01:34,340 --> 00:01:35,520 Constitution sur le traité. 25 00:01:35,720 --> 00:01:38,720 Donc là encore, la Constitution va apparaître comme un obstacle 26 00:01:38,920 --> 00:01:40,900 à l'exécution du traité international. 27 00:01:42,020 --> 00:01:47,200 Alors si on prend premièrement la juridiction administrative, 28 00:01:47,720 --> 00:01:58,380 donc dans un arrêt Koné de 1996, le Conseil d'État a considéré qu'en 29 00:01:58,580 --> 00:02:03,300 présence d'une contradiction entre un traité et un principe fondamental 30 00:02:03,500 --> 00:02:06,800 reconnu par les lois de la République, donc contradiction entre un traité 31 00:02:07,000 --> 00:02:09,960 et une norme constitutionnelle, donc en l'espèce un principe 32 00:02:10,160 --> 00:02:14,460 fondamental reconnu par les lois de la République, le traité devait 33 00:02:14,660 --> 00:02:18,740 être interprété conformément au principe à valeur constitutionnelle. 34 00:02:18,940 --> 00:02:22,920 Donc le traité doit être interprété conformément au principe à valeur 35 00:02:23,120 --> 00:02:24,200 constitutionnelle. 36 00:02:24,400 --> 00:02:27,820 Donc c'est une manière pour le Conseil d'État de dire que le traité 37 00:02:28,020 --> 00:02:29,720 doit s'incliner devant la Constitution. 38 00:02:30,200 --> 00:02:33,660 Donc lorsqu'il y a contradiction entre le traité et la Constitution, 39 00:02:34,200 --> 00:02:37,620 le traité doit s'incliner, donc il doit être interprété pour 40 00:02:37,820 --> 00:02:40,560 s'adapter à la norme constitutionnelle. 41 00:02:40,760 --> 00:02:46,800 Alors l'affaire concernait un décret d'extradition qui avait été pris 42 00:02:47,000 --> 00:02:51,720 par les autorités françaises dans le cadre d'une convention d'un 43 00:02:51,920 --> 00:02:55,820 traité bilatéral franco-malien, traité bilatéral en matière 44 00:02:56,020 --> 00:02:59,840 d'extradition, des traités assez classiques, donc ce traité bilatéral 45 00:03:00,040 --> 00:03:06,620 franco-malien, et ce traité ne comportait aucune obligation de 46 00:03:06,820 --> 00:03:09,420 refuser l'extradition pour infraction politique. 47 00:03:09,980 --> 00:03:14,960 Donc le traité bilatéral ne comportait aucune exception à l'obligation 48 00:03:15,160 --> 00:03:19,580 d'extrader un ressortissant étranger, et notamment ne comportait pas 49 00:03:19,780 --> 00:03:23,080 une exception qui est classique en matière d'extradition, 50 00:03:23,300 --> 00:03:28,460 exception à l'extradition lorsque l'extradition est demandée à des 51 00:03:28,660 --> 00:03:29,420 fins politiques. 52 00:03:29,620 --> 00:03:35,140 Donc on n'extrade pas lorsque cette procédure d'extradition a des buts 53 00:03:35,340 --> 00:03:36,100 uniquement politiques. 54 00:03:36,500 --> 00:03:40,540 Donc c'est une exception classique qui n'était pas prévue par ce traité 55 00:03:40,740 --> 00:03:45,280 franco-malien, et le Conseil d'État a considéré que cette exception, 56 00:03:45,680 --> 00:03:49,640 donc qui fait obstacle à l'extradition lorsqu'elle est demandée à des 57 00:03:49,840 --> 00:03:53,700 buts politiques, relevait d'un principe fondamental reconnu par 58 00:03:53,900 --> 00:03:54,660 les lois de la République. 59 00:03:54,920 --> 00:03:58,700 Donc la Constitution dit il y a l'exception, le traité dit il n'y 60 00:03:58,900 --> 00:04:01,720 a pas exception, donc il y a contradiction entre les deux normes, 61 00:04:01,920 --> 00:04:06,960 et c'est dans le cadre de ce contrôle de décret d'extradition que le 62 00:04:07,160 --> 00:04:10,860 Conseil d'État considère qu'il faut faire prévaloir la Constitution 63 00:04:11,060 --> 00:04:16,600 sur le traité international, et donc en l'espèce, 64 00:04:16,800 --> 00:04:21,600 le décret d'extradition qui avait été adopté par les autorités françaises 65 00:04:21,800 --> 00:04:25,560 sur la base de la convention bilatérale est annulé car contraire à la 66 00:04:25,760 --> 00:04:26,520 Constitution. 67 00:04:26,720 --> 00:04:30,000 Donc c'est un décret d'exécution d'un traité international mais 68 00:04:30,200 --> 00:04:33,360 qui est annulé car il heurte la Constitution française. 69 00:04:33,800 --> 00:04:36,540 Donc c'est une hypothèse où on voit que la Constitution va faire 70 00:04:36,740 --> 00:04:41,040 obstacle à l'exécution du traité international, plaçant encore une 71 00:04:41,240 --> 00:04:43,800 fois potentiellement la France dans une situation de violation 72 00:04:44,000 --> 00:04:47,500 du traité bilatéral, et engageant donc potentiellement 73 00:04:47,700 --> 00:04:49,880 la responsabilité internationale de la France. 74 00:04:51,400 --> 00:04:54,060 Ça, c'est l'arrêt Koné de 1996. 75 00:04:54,680 --> 00:04:59,260 Le Conseil d'État a dégagé une solution miroir dans un autre arrêt 76 00:04:59,460 --> 00:05:05,720 d'importance, c'est sa décision Sarran de 1998, la décision Sarran 77 00:05:05,920 --> 00:05:08,840 de 1998 du Conseil d'État. 78 00:05:09,060 --> 00:05:14,280 Donc là était en cause le décret, un décret qui permettait, 79 00:05:14,500 --> 00:05:18,320 qui prévoyait l'organisation du scrutin sur le territoire de la 80 00:05:18,520 --> 00:05:24,020 Nouvelle-Calédonie, et ce décret, donc comme du fait de la particularité 81 00:05:24,220 --> 00:05:27,880 du droit électoral applicable en Nouvelle-Calédonie, donc mettait 82 00:05:28,080 --> 00:05:32,480 en œuvre ce principe de corps électoral restreint qui est prévu par une 83 00:05:32,680 --> 00:05:33,540 loi constitutionnelle. 84 00:05:33,740 --> 00:05:37,940 Donc on avait un décret qui s'appuyait sur la Constitution et qui prévoyait, 85 00:05:38,500 --> 00:05:41,660 mettait en œuvre ce principe de corps électoral restreint. 86 00:05:41,880 --> 00:05:45,600 Et ce décret avait été contesté devant le Conseil d'État. 87 00:05:45,940 --> 00:05:50,860 Les requérants demandaient l'annulation du décret au motif qu'il violait 88 00:05:51,060 --> 00:05:54,180 un certain nombre de traités internationaux de dispositions 89 00:05:54,380 --> 00:05:55,200 internationales. 90 00:05:55,400 --> 00:05:59,000 Et dans sa décision, le Conseil d'État a considéré que 91 00:05:59,200 --> 00:06:04,420 la suprématie conférée aux engagements internationaux, donc par l'article 55, 92 00:06:04,860 --> 00:06:10,040 la suprématie conférée aux engagements internationaux ne s'applique pas 93 00:06:10,240 --> 00:06:13,700 dans l'ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle. 94 00:06:13,900 --> 00:06:18,840 Donc la supériorité des traités ne s'applique pas dans l'ordre 95 00:06:19,040 --> 00:06:21,880 interne aux dispositions de nature constitutionnelle. 96 00:06:22,080 --> 00:06:24,800 Donc c'est consacré, la supériorité de la Constitution 97 00:06:25,000 --> 00:06:26,080 sur les traités. 98 00:06:26,400 --> 00:06:30,460 Donc en l'espèce, ce décret électoral qui s'appuyait sur la Constitution 99 00:06:30,660 --> 00:06:34,900 a été maintenu dans l'ordonnancement juridique. 100 00:06:35,100 --> 00:06:39,500 Donc le Conseil d'État a refusé d'annuler ce décret électoral, 101 00:06:39,860 --> 00:06:43,280 alors même que le décret entrait en contradiction avec des traités 102 00:06:43,480 --> 00:06:44,240 internationaux. 103 00:06:44,440 --> 00:06:47,980 Donc là encore, c'est une hypothèse où la Constitution prévaut sur 104 00:06:48,180 --> 00:06:51,780 le traité international, et donc le traité international ne va pas 105 00:06:51,980 --> 00:06:55,190 être respecté parce qu'il faut respecter la Constitution. 106 00:06:55,390 --> 00:06:59,260 Donc on va maintenir, en l'espèce ce décret électoral 107 00:06:59,460 --> 00:07:03,180 sera maintenu dans l'ordonnancement juridique interne, alors même qu'il 108 00:07:03,380 --> 00:07:04,520 est contraire au traité international. 109 00:07:05,840 --> 00:07:09,360 Donc ces deux hypothèses, qui sont des hypothèses miroir, 110 00:07:09,580 --> 00:07:13,960 montrent que pour les juridictions internes, et le Conseil d'État 111 00:07:14,160 --> 00:07:17,680 l'a dit très clairement, la Constitution prévaut sur les 112 00:07:17,880 --> 00:07:18,700 traités internationaux. 113 00:07:18,900 --> 00:07:23,320 Donc lorsqu'il s'agit d'apprécier la conformité, la légalité des 114 00:07:23,520 --> 00:07:26,800 actes administratifs, c'est la Constitution que l'on fait prévaloir 115 00:07:27,000 --> 00:07:27,760 sur le traité international. 116 00:07:28,780 --> 00:07:32,840 Donc on va annuler l'acte administratif qui est contraire à la Constitution, 117 00:07:33,340 --> 00:07:36,760 même s'il est conforme au traité, et on ne va pas annuler l'acte 118 00:07:36,960 --> 00:07:41,060 administratif qui est conforme à la Constitution, même s'il est 119 00:07:41,260 --> 00:07:42,940 contraire au traité international. 120 00:07:43,560 --> 00:07:47,560 Voilà les deux hypothèses, donc miroir, de l'affaire Koné 121 00:07:47,760 --> 00:07:50,060 et de l'affaire Sarran du Conseil d'État. 122 00:07:50,580 --> 00:07:57,640 La Cour de cassation a suivi une position analogue à celle du Conseil 123 00:07:57,840 --> 00:08:01,140 d'État, qui est peut-être moins décrite dans ses décisions, 124 00:08:01,340 --> 00:08:04,800 mais elle suit le même le même cheminement que le Conseil d'État. 125 00:08:05,000 --> 00:08:16,060 Alors c'est notamment la décision Fraisse de la Cour de cassation 126 00:08:16,260 --> 00:08:21,680 du 2 juin 2000, où on retrouve un raisonnement très proche de 127 00:08:21,880 --> 00:08:25,780 celle de la décision du Conseil d'État dans l'arrêt Sarran. 128 00:08:25,980 --> 00:08:30,180 Donc était d'ailleurs en cause toujours ce principe de corps électoral 129 00:08:30,380 --> 00:08:33,420 restreint dans le cadre des élections en Nouvelle-Calédonie, 130 00:08:33,660 --> 00:08:37,160 puisque là, c'est un contentieux électoral qui portait sur un refus 131 00:08:37,360 --> 00:08:42,580 d'inscription sur une liste électorale, donc qui relève de l'ordre judiciaire, 132 00:08:42,780 --> 00:08:47,540 et la requérante invoquait là encore plusieurs libertés fondamentales 133 00:08:47,740 --> 00:08:51,080 qui étaient contenues dans des traités internationaux, notamment 134 00:08:51,280 --> 00:08:55,320 le principe d'égalité, pour contester ce refus d'inscription. 135 00:08:55,540 --> 00:09:01,300 Et la Cour de cassation va considérer là encore que la suprématie conférée 136 00:09:01,500 --> 00:09:04,240 aux engagements internationaux ne s'applique pas dans l'ordre 137 00:09:04,440 --> 00:09:08,640 interne aux dispositions de valeurs constitutionnelles, donc même position 138 00:09:08,840 --> 00:09:10,860 de principe pour la Cour de cassation. 139 00:09:11,100 --> 00:09:16,600 Et donc là encore, le fait qu'il y ait contrariété au traité va 140 00:09:16,800 --> 00:09:18,980 céder le pas devant la Constitution. 141 00:09:19,540 --> 00:09:24,940 Donc on va maintenir les actes, les décisions internes qui sont 142 00:09:25,140 --> 00:09:27,820 contraires au traité, parce que ce sont des décisions 143 00:09:28,020 --> 00:09:31,460 qui viennent s'appuyer sur la Constitution, donc de nouveau des 144 00:09:31,660 --> 00:09:34,920 hypothèses où on fait prévaloir la Constitution sur le traité. 145 00:09:35,240 --> 00:09:38,240 Alors ces hypothèses, ces solutions sont techniques mais 146 00:09:38,440 --> 00:09:40,920 il faut bien comprendre ce que ça signifie du point de vue du 147 00:09:41,120 --> 00:09:41,880 droit international. 148 00:09:42,080 --> 00:09:44,840 Ça signifie que dans toutes ces hypothèses-là, la Constitution 149 00:09:45,040 --> 00:09:49,160 fait obstacle à l'exécution du traité international, ça signifie 150 00:09:49,360 --> 00:09:52,020 que le droit interne ne va pas être adapté au droit international, 151 00:09:52,620 --> 00:09:56,020 ne va pas être adapté aux traités internationaux, et donc que 152 00:09:56,220 --> 00:09:59,640 potentiellement, le traité international n'est pas exécuté 153 00:09:59,840 --> 00:10:01,010 dans l'ordre juridique interne. 154 00:10:01,210 --> 00:10:05,340 Donc toujours la même situation dans ce cas-là, il y a potentiellement 155 00:10:05,540 --> 00:10:10,360 violation du traité international et donc engagement de la responsabilité 156 00:10:10,560 --> 00:10:11,320 de l'État. 157 00:10:11,520 --> 00:10:14,300 Donc ça montre bien ces enjeux-là sur ces questions très techniques 158 00:10:14,500 --> 00:10:19,480 d'articulation entre les systèmes, ça montre bien leurs enjeux pour 159 00:10:19,680 --> 00:10:21,980 le système international, c'est ce qui va déterminer 160 00:10:22,180 --> 00:10:26,600 l'effectivité du traité international en droit interne. 161 00:10:26,800 --> 00:10:29,220 Et dans ces hypothèses-là, la Constitution a fait obstacle, 162 00:10:29,560 --> 00:10:33,720 donc l'autorité du traité n'en a été qu'affaiblie puisque pas 163 00:10:33,920 --> 00:10:37,840 de mesures d'exécution du traité dans l'ordre juridique interne. 164 00:10:38,860 --> 00:10:43,140 Alors cette solution-là, qui conduit donc à reconnaître 165 00:10:43,340 --> 00:10:48,360 la supériorité de la Constitution sur le traité, a été plus difficile 166 00:10:48,560 --> 00:10:51,540 à maintenir en ce qui concerne le droit de l'Union européenne. 167 00:10:52,280 --> 00:10:55,620 On le sait, on l'a dit, dans l'arrêt Costa contre Enel, 168 00:10:55,820 --> 00:11:00,580 la Cour de justice de l'Union européenne a reconnu donc l'effet 169 00:11:00,780 --> 00:11:04,640 direct du droit de l'Union européenne, la primauté du droit de l'Union 170 00:11:04,840 --> 00:11:06,240 européenne sur l'ensemble du droit national. 171 00:11:06,920 --> 00:11:10,280 Donc cette solution qui finalement, en ce qui concerne en tout cas 172 00:11:10,480 --> 00:11:13,280 la primauté du droit de l'Union, n'est pas différente de ce que 173 00:11:13,480 --> 00:11:16,240 reconnaît le droit international à l'égard de l'ensemble des engagements 174 00:11:16,440 --> 00:11:17,240 internationaux. 175 00:11:17,980 --> 00:11:23,800 Cette jurisprudence et l'intégration poussée dans l'Union européenne 176 00:11:24,000 --> 00:11:28,060 va modifier la position des juridictions internes en ce qui 177 00:11:28,260 --> 00:11:34,100 concerne l'articulation entre donc la Constitution et le droit de 178 00:11:34,300 --> 00:11:35,060 l'Union européenne. 179 00:11:35,260 --> 00:11:40,260 Alors les juridictions françaises ont été très réticentes à s'adapter 180 00:11:40,460 --> 00:11:41,880 à cette évolution. 181 00:11:43,380 --> 00:11:46,560 Pendant longtemps, le Conseil constitutionnel a considéré et 182 00:11:46,760 --> 00:11:50,880 a rappelé que les rapports entre le droit à l'époque communautaire 183 00:11:51,080 --> 00:11:55,380 et le droit constitutionnel étaient les mêmes que les rapports entre 184 00:11:55,580 --> 00:11:57,920 le droit international et le droit constitutionnel. 185 00:11:58,120 --> 00:12:00,980 Donc il n'y avait pas de spécificité du droit de l'Union européenne. 186 00:12:01,180 --> 00:12:04,860 Il s'agissait de rapports classiques entre droit international et droit 187 00:12:05,060 --> 00:12:09,320 interne, ce qui signifie supériorité de la Constitution sur les traités. 188 00:12:09,900 --> 00:12:14,360 Donc pas de spécificité, donc par exemple dans sa décision 189 00:12:14,560 --> 00:12:19,620 de 2004 relative au traité instituant 190 00:12:19,820 --> 00:12:22,080 une Constitution pour l'Europe, donc traité qui finalement n'a 191 00:12:22,280 --> 00:12:26,360 pas été ratifié, donc dans sa décision de 2004 relative au traité instituant 192 00:12:26,560 --> 00:12:29,700 une Constitution pour l'Europe, donc le Conseil constitutionnel 193 00:12:29,900 --> 00:12:33,360 a affirmé que ce traité-là conserve la qualité de traité international 194 00:12:33,560 --> 00:12:38,420 et donc qu'il relève des rapports classiques entre le droit international 195 00:12:38,620 --> 00:12:39,980 et le droit interne. 196 00:12:40,820 --> 00:12:45,480 Alors ça, c'est la position initiale, le Conseil constitutionnel a assoupli 197 00:12:45,680 --> 00:12:49,400 sa position au fur et à mesure de sa jurisprudence et il a de 198 00:12:49,600 --> 00:12:53,220 plus en plus reconnu la spécificité du droit de l'Union européenne 199 00:12:53,420 --> 00:12:57,280 et donc la spécificité de l'articulation entre l'ordre juridique 200 00:12:57,480 --> 00:13:00,120 de l'Union européenne et l'ordre juridique interne. 201 00:13:00,580 --> 00:13:04,580 Alors par exemple, on pourrait citer beaucoup d'exemples, 202 00:13:04,780 --> 00:13:08,800 mais dans une décision là encore de 2004, loi pour la confiance 203 00:13:09,000 --> 00:13:14,940 dans l'économie numérique, le Conseil constitutionnel a fondé 204 00:13:15,140 --> 00:13:20,380 l'exécution du droit communautaire non seulement sur l'article 55, 205 00:13:20,620 --> 00:13:23,660 donc cette disposition classique en matière de droit international 206 00:13:23,860 --> 00:13:26,660 et de droit interne, donc non seulement sur l'article 207 00:13:26,860 --> 00:13:34,100 55 mais aussi sur l'article 88-1 de la Constitution qui est cette 208 00:13:34,300 --> 00:13:38,680 disposition spécifique pour l'Union européenne et donc ce qui a commencé 209 00:13:38,880 --> 00:13:42,420 à marquer la singularité du droit de l'Union européenne pour l'ordre 210 00:13:42,620 --> 00:13:43,380 juridique français. 211 00:13:44,400 --> 00:13:47,220 Il considère, et ça, c'est sa formulation qui est devenue 212 00:13:47,420 --> 00:13:50,940 classique, que le droit de l'Union européenne est intégré à l'ordre 213 00:13:51,140 --> 00:13:54,960 juridique interne et distinct de l'ordre juridique international. 214 00:13:55,760 --> 00:13:58,940 Donc spécificité du droit de l'Union européenne qui est reconnu ici 215 00:13:59,140 --> 00:14:02,040 par le Conseil constitutionnel, le droit de l'Union européenne 216 00:14:02,240 --> 00:14:06,040 est intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre 217 00:14:06,240 --> 00:14:10,060 juridique international et c'est ce qui va bouleverser un petit 218 00:14:10,260 --> 00:14:14,580 peu les solutions qui jusqu'à jusqu'à présent étaient appliquées, 219 00:14:14,780 --> 00:14:16,480 qui étaient les solutions que l'on a vues, Koné, Sarran, 220 00:14:16,680 --> 00:14:21,120 Fraisse, qui étaient donc classiques en matière de rapports entre les 221 00:14:21,320 --> 00:14:24,640 systèmes, le système international et le système interne. 222 00:14:25,160 --> 00:14:30,340 Alors par exemple le Conseil d'État, là on va prendre la jurisprudence 223 00:14:30,540 --> 00:14:34,900 administrative, donc le Conseil d'État estime que lorsqu'il est 224 00:14:35,100 --> 00:14:41,360 saisi d'un moyen tiré de la contrariété d'un acte réglementaire de 225 00:14:41,560 --> 00:14:45,260 transposition d'une directive, donc contrariété d'un acte 226 00:14:45,460 --> 00:14:48,360 réglementaire de transposition d'une directive à une règle 227 00:14:48,560 --> 00:14:52,120 constitutionnelle, donc un acte réglementaire qui a été pris en 228 00:14:52,320 --> 00:14:54,720 application d'une directive mais qui est contraire à la norme 229 00:14:54,920 --> 00:14:58,360 constitutionnelle, donc là potentiellement, il y a une contrariété 230 00:14:58,560 --> 00:15:02,500 entre la directive et la norme constitutionnelle, dans ce cas-là 231 00:15:02,700 --> 00:15:07,920 le juge doit rechercher s'il existe une règle ou un principe général 232 00:15:08,120 --> 00:15:13,120 du droit de l'Union européenne qui est analogue à cette règle 233 00:15:13,320 --> 00:15:16,760 constitutionnelle, donc analogue à la règle constitutionnelle qui 234 00:15:16,960 --> 00:15:21,860 est invoquée, et si c'est le cas, il doit apprécier la conformité 235 00:15:22,060 --> 00:15:26,600 de cet acte réglementaire à ce principe de droit de l'Union 236 00:15:26,800 --> 00:15:31,040 européenne, donc appréciation plus classique de conventionnalité, 237 00:15:31,260 --> 00:15:36,620 donc le juge apprécie la conformité de l'acte réglementaire au droit 238 00:15:36,820 --> 00:15:39,260 de l'Union européenne, à ce principe du droit de l'Union 239 00:15:39,460 --> 00:15:42,720 européenne, le cas échéant s'il y a une difficulté d'interprétation, 240 00:15:42,920 --> 00:15:47,280 il doit sursoir à statuer et saisir la Cour de Justice de l'Union 241 00:15:47,480 --> 00:15:51,660 européenne d'une question préjudicielle, et donc le conflit 242 00:15:51,860 --> 00:15:56,260 qui initialement était un conflit entre une directive et une 243 00:15:56,460 --> 00:16:00,060 Constitution, et la Constitution française, devient un conflit entre 244 00:16:00,260 --> 00:16:02,420 le droit de l'Union européenne et le droit de l'Union européenne, 245 00:16:02,620 --> 00:16:06,300 c'est-à-dire entre la directive qui est transposée par l'acte interne 246 00:16:06,500 --> 00:16:10,560 et le principe qui a été établi dans le droit de l'Union européenne. 247 00:16:10,760 --> 00:16:15,320 Donc c'est la solution qui a été dégagée dans le fameux arrêt Arcelor 248 00:16:15,520 --> 00:16:19,100 de 2007, la décision Arcelor de 2007 du Conseil d'État, 249 00:16:19,300 --> 00:16:23,040 qui conduit ni plus ni moins à transformer le contrôle qui 250 00:16:24,200 --> 00:16:27,560 initialement je le répète était un contrôle de constitutionnalité 251 00:16:27,760 --> 00:16:30,520 de la directive, donc est-ce que la directive est conforme à la 252 00:16:30,720 --> 00:16:34,900 Constitution française, on le déplace vers un contrôle 253 00:16:35,100 --> 00:16:39,360 de conventionnalité de la directive, donc on va apprécier la conformité 254 00:16:39,560 --> 00:16:42,940 de la directive au principe de droit de l'Union européenne. 255 00:16:43,140 --> 00:16:47,860 Donc on déplace le contrôle, ce qui permet d'éviter d'exercer 256 00:16:48,060 --> 00:16:50,800 ce contrôle de Constitutionnalité de la directive qui est extrêmement 257 00:16:51,000 --> 00:16:55,740 délicat, qui est délicat pour la France parce que si on applique 258 00:16:55,940 --> 00:16:59,280 un contrôle de constitutionnalité classique, on se retrouve dans 259 00:16:59,480 --> 00:17:03,640 l'hypothèse Koné si on prend la solution générale qui s'applique 260 00:17:03,840 --> 00:17:06,820 et donc on doit faire prévaloir la Constitution sur la directive, 261 00:17:07,220 --> 00:17:11,380 ça signifie écarter l'acte de transposition de la directive, 262 00:17:11,720 --> 00:17:15,680 ça signifie ne pas transposer une directive alors même que la France 263 00:17:15,880 --> 00:17:18,780 est sous l'obligation de transposer les directives. 264 00:17:18,980 --> 00:17:23,840 Donc pour éviter cette solution qui est celle, la solution générale 265 00:17:24,040 --> 00:17:27,160 qui vaut en matière d'articulation entre traité et Constitution, 266 00:17:27,380 --> 00:17:31,840 pour éviter cette solution, le Conseil d'État décale son contrôle 267 00:17:32,040 --> 00:17:36,200 et décale son contrôle vers une situation qui est beaucoup plus 268 00:17:36,400 --> 00:17:39,460 confortable, qui est un contrôle de la conformité de la directive 269 00:17:39,660 --> 00:17:42,100 au droit de l'Union européenne, naturellement que les directives 270 00:17:42,300 --> 00:17:45,580 doivent être conformes à leur ordre juridique donc elles doivent être 271 00:17:45,780 --> 00:17:48,680 conformes au droit de l'Union européenne, donc s'il y a annulation 272 00:17:48,880 --> 00:17:52,660 le cas échéant, ce sera du fait d'une contrariété de la directive 273 00:17:52,860 --> 00:17:55,600 avec le droit de l'Union européenne, ce qui est une situation qui est 274 00:17:55,800 --> 00:18:00,060 tout à fait admissible dans le cadre de l'articulation entre l'ordre 275 00:18:00,260 --> 00:18:04,560 juridique européen et l'ordre juridique interne. 276 00:18:04,760 --> 00:18:10,520 Donc c'est cette solution qui a été trouvée pour s'écarter de la 277 00:18:10,720 --> 00:18:15,560 solution classique, jurisprudence Koné, Sarran, et pour adapter le contrôle 278 00:18:15,760 --> 00:18:19,080 du juge administratif et avoir un contrôle qui soit plus acceptable 279 00:18:19,280 --> 00:18:22,780 au regard de la spécificité du droit de l'Union européenne, 280 00:18:22,980 --> 00:18:26,280 donc là on écarte quelque peu la Constitution pour se concentrer 281 00:18:26,480 --> 00:18:31,380 sur le contrôle de conventionnalité, donc le contrôle de la conformité 282 00:18:31,580 --> 00:18:34,720 de la directive au droit de l'Union européenne, donc c'est l'aménagement 283 00:18:34,920 --> 00:18:38,620 en quelque sorte qu'a trouvé le Conseil d'État pour adapter son 284 00:18:38,820 --> 00:18:42,420 contrôle et éviter l'application de la jurisprudence Koné en matière 285 00:18:42,620 --> 00:18:43,680 de droit de l'Union européenne. 286 00:18:44,580 --> 00:18:47,660 Alors il y a d'autres exemples, cette jurisprudence Arcelor a été 287 00:18:47,860 --> 00:18:52,680 ensuite déclinée à d'autres situations, mais je ne vais pas rentrer dans 288 00:18:52,880 --> 00:18:54,760 tous ces détails-là, l'important est que vous compreniez 289 00:18:54,960 --> 00:18:59,580 la position générale, on essaye d'éviter l'application 290 00:18:59,780 --> 00:19:03,700 de la solution de principe dans le cadre du droit de l'Union 291 00:19:03,900 --> 00:19:04,660 européenne. 292 00:19:04,860 --> 00:19:08,540 Alors récemment tout de même, il faut souligner une décision 293 00:19:08,740 --> 00:19:14,940 récente du Conseil d'État qui vient quand même rappeler la supériorité 294 00:19:15,140 --> 00:19:18,320 de la Constitution sur le droit de l'Union européenne, 295 00:19:18,520 --> 00:19:24,360 donc en général rappel qu'on essaye d'éviter de consacrer dans des 296 00:19:24,560 --> 00:19:25,720 décisions internes. 297 00:19:25,920 --> 00:19:30,900 Alors c'est la décision du Conseil d'État du 21 avril 2021, 298 00:19:31,560 --> 00:19:36,660 French Data Network donc décision 299 00:19:36,860 --> 00:19:40,420 du Conseil d'État, étaient en cause donc des dispositions réglementaires 300 00:19:40,620 --> 00:19:46,400 qui prévoyaient l'obligation de conservation généralisée des données 301 00:19:46,600 --> 00:19:51,280 personnelles pour les opérateurs numériques, donc obligation de 302 00:19:51,480 --> 00:19:54,940 conservation généralisée des données personnelles de connexion. 303 00:19:57,480 --> 00:20:02,560 La difficulté est que ces dispositions réglementaires s'inscrivaient 304 00:20:02,760 --> 00:20:06,180 difficilement dans la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union 305 00:20:06,380 --> 00:20:09,440 européenne, donc il y avait un risque de contradiction, je ne 306 00:20:09,640 --> 00:20:10,660 rentre pas dans les détails qui sont très techniques, 307 00:20:10,860 --> 00:20:14,320 mais il y avait un risque de contradiction de ces dispositions 308 00:20:14,520 --> 00:20:16,640 réglementaires vis-à-vis du droit de l'Union européenne, 309 00:20:16,840 --> 00:20:20,460 vis-à-vis en l'espèce de la jurisprudence de l'Union européenne, 310 00:20:20,660 --> 00:20:24,480 donc ce qui signifiait potentiellement annulation de ces dispositions 311 00:20:24,680 --> 00:20:27,260 réglementaires pour non-conformité au droit de l'Union européenne, 312 00:20:27,460 --> 00:20:30,060 là c'est un contrôle classique du juge administratif. 313 00:20:30,980 --> 00:20:34,140 Du fait de ce risque, le gouvernement, et ça, 314 00:20:34,340 --> 00:20:39,480 c'est une chose assez inédite dans la pratique, le gouvernement a 315 00:20:39,680 --> 00:20:44,160 demandé expressément au Conseil d'État de ne pas faire application 316 00:20:44,360 --> 00:20:47,660 de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, 317 00:20:47,860 --> 00:20:51,060 donc d'écarter la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union 318 00:20:51,260 --> 00:20:55,200 européenne, du fait de plusieurs normes constitutionnelles qui 319 00:20:55,400 --> 00:21:03,500 viendraient comme appui à ce principe 320 00:21:03,700 --> 00:21:07,300 de conservation généralisée des données personnelles de connexion. 321 00:21:07,500 --> 00:21:12,000 Donc le gouvernement, dans son mémoire, a demandé au 322 00:21:12,200 --> 00:21:15,280 Conseil d'État d'écarter la jurisprudence de la Cour de Justice 323 00:21:15,480 --> 00:21:18,640 de l'Union européenne au profit de normes constitutionnelles, 324 00:21:18,840 --> 00:21:22,780 notamment la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation, 325 00:21:23,000 --> 00:21:27,220 donc la sécurité publique, sauvegarde des intérêts fondamentaux 326 00:21:27,420 --> 00:21:33,020 de la nation, qui pour le gouvernement permet l'adoption donc de ce principe 327 00:21:33,220 --> 00:21:37,620 de conservation généralisée des données, alors même que ce principe 328 00:21:37,820 --> 00:21:40,600 est potentiellement contraire au droit de l'Union européenne. 329 00:21:40,800 --> 00:21:44,440 Donc là, on entre à nouveau dans une contradiction entre droit de 330 00:21:44,640 --> 00:21:49,000 l'Union européenne et Constitution, et le gouvernement demande 331 00:21:49,200 --> 00:21:54,400 l'application de la supériorité de la Constitution sur le droit 332 00:21:54,600 --> 00:21:57,180 de l'Union européenne, solution qui est difficile 333 00:21:58,080 --> 00:22:01,520 naturellement à accepter du fait des spécificités de l'ordre juridique 334 00:22:01,720 --> 00:22:02,580 européen. 335 00:22:02,780 --> 00:22:09,120 Alors en l'espèce, le Conseil d'État a suivi ce raisonnement puisqu'il 336 00:22:09,320 --> 00:22:13,560 a ouvert ce que l'on qualifie de réserve constitutionnelle. 337 00:22:13,760 --> 00:22:17,800 Donc il a ouvert une réserve constitutionnelle qui permet aux juges, 338 00:22:18,000 --> 00:22:21,960 aux juges administratifs, de vérifier que l'application du 339 00:22:22,160 --> 00:22:27,400 droit de l'Union européenne, tel qu'interprété le cas échéant 340 00:22:27,600 --> 00:22:30,520 par la Cour de Justice de l'Union européenne, donc de vérifier que 341 00:22:30,720 --> 00:22:34,380 l'application du droit de l'Union européenne ne compromet pas en 342 00:22:34,580 --> 00:22:38,020 pratique des exigences constitutionnelles qui ne sont 343 00:22:38,220 --> 00:22:41,400 pas garanties de façon équivalente par le droit européen. 344 00:22:41,820 --> 00:22:46,580 Donc le juge administratif doit vérifier que l'application du droit 345 00:22:46,780 --> 00:22:49,080 de l'Union européenne, en l'espèce l'application de cette 346 00:22:49,280 --> 00:22:51,640 jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, 347 00:22:51,840 --> 00:22:56,140 ne compromet pas en pratique des exigences constitutionnelles qui 348 00:22:56,340 --> 00:22:59,560 ne sont pas garanties de façon équivalente par le droit européen. 349 00:22:59,980 --> 00:23:05,080 Et si l'application du droit européen compromet ces exigences françaises, 350 00:23:05,280 --> 00:23:11,700 alors l'acte interne qui a été 351 00:23:11,900 --> 00:23:15,380 pris en méconnaissance du droit de l'Union européenne n'est pas annulé. 352 00:23:15,580 --> 00:23:19,400 Donc on retrouve ces jurisprudences classiques du droit international. 353 00:23:19,760 --> 00:23:24,140 Donc on n'annule pas l'acte interne qui est contraire au droit de l'Union 354 00:23:24,340 --> 00:23:28,200 européenne parce qu'il permet la satisfaction des exigences 355 00:23:28,400 --> 00:23:29,220 constitutionnelles. 356 00:23:29,420 --> 00:23:32,720 Donc c'est là encore une situation où on fait prévaloir la Constitution 357 00:23:32,920 --> 00:23:37,800 sur le traité international, ici sur le droit de l'Union européenne, 358 00:23:38,000 --> 00:23:41,500 puisqu'on va maintenir dans l'ordonnancement juridique interne 359 00:23:41,700 --> 00:23:46,020 un acte contraire au droit de l'Union européenne parce qu'il permet de 360 00:23:46,220 --> 00:23:48,620 mettre en œuvre des normes constitutionnelles. 361 00:23:48,820 --> 00:23:51,800 Donc c'est finalement une solution que l'on connaît classiquement 362 00:23:52,000 --> 00:23:56,840 dans les rapports entre droit international et droit interne, 363 00:23:57,040 --> 00:24:01,140 que l'on ne pensait pas applicable lorsque sont en cause les rapports 364 00:24:01,340 --> 00:24:03,940 entre le droit de l'Union européenne et le droit interne du fait de 365 00:24:04,140 --> 00:24:07,660 la spécificité de l'ordre juridique intégré de l'Union européenne. 366 00:24:07,860 --> 00:24:12,660 Mais c'est une solution qu'a reconnue le Conseil d'État dans cette décision 367 00:24:12,860 --> 00:24:13,620 French Data Network. 368 00:24:13,820 --> 00:24:18,800 Alors elle ne vaut naturellement que lorsque la norme constitutionnelle 369 00:24:19,000 --> 00:24:21,920 n'a pas d'équivalent dans le droit de l'Union européenne. 370 00:24:22,120 --> 00:24:25,700 Donc lorsqu'il n'y a pas d'équivalent, on va faire prévaloir la Constitution 371 00:24:25,900 --> 00:24:30,120 parce que l'idée est de faire obstacle à l'application du droit de l'Union 372 00:24:30,320 --> 00:24:33,960 européenne qui viendrait remettre en cause des exigences 373 00:24:34,160 --> 00:24:35,000 constitutionnelles. 374 00:24:35,200 --> 00:24:38,020 Donc si cette exigence constitutionnelle est déjà prévue 375 00:24:38,220 --> 00:24:41,820 par le système européen, a priori le droit européen est 376 00:24:42,020 --> 00:24:44,340 conforme à cette exigence constitutionnelle, donc il n'y 377 00:24:44,540 --> 00:24:45,300 a pas de difficulté. 378 00:24:45,500 --> 00:24:48,340 Ou s'il y a difficulté, c'est un problème de contradiction 379 00:24:48,540 --> 00:24:53,240 à l'intérieur de l'ordre juridique européen comme dans l'affaire Arcelor. 380 00:24:53,460 --> 00:24:57,800 Donc c'est un acte de droit de l'Union européenne qui est contraire 381 00:24:58,000 --> 00:25:00,450 à un principe général du droit de l'Union européenne. 382 00:25:00,650 --> 00:25:06,200 Par contre s'il n'y a pas de principe en droit de l'Union européenne 383 00:25:06,400 --> 00:25:09,820 analogue aux normes constitutionnelles, il faut faire de nouveau prévaloir 384 00:25:10,020 --> 00:25:13,180 la Constitution et ne pas faire appliquer, ne pas faire application 385 00:25:13,380 --> 00:25:18,120 d'un droit européen qui mettrait à mal des exigences constitutionnelles. 386 00:25:18,320 --> 00:25:21,100 Et donc c'est ce qu'on a appelé la réserve constitutionnelle, 387 00:25:21,300 --> 00:25:24,140 donc réserve qui renvoie à ces dispositions constitutionnelles 388 00:25:24,340 --> 00:25:27,060 qui ne trouveraient pas d'équivalent en droit de l'Union européenne. 389 00:25:27,260 --> 00:25:31,000 Ce qu'on appelle aussi l'identité constitutionnelle française. 390 00:25:31,500 --> 00:25:34,880 Donc ces normes constitutionnelles françaises qui seraient propres 391 00:25:35,080 --> 00:25:39,320 à l'ordre juridique français et donc en l'espèce, était en question 392 00:25:39,520 --> 00:25:42,840 à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation. 393 00:25:43,100 --> 00:25:46,600 Donc c'est le type de disposition constitutionnelle dont on va avoir 394 00:25:47,140 --> 00:25:50,620 difficilement un support analogue en droit de l'Union européenne 395 00:25:50,820 --> 00:25:53,260 parce que les intérêts fondamentaux de la nation, par définition, 396 00:25:53,460 --> 00:25:56,420 ils sont propres à la nation et ne sont pas forcément les mêmes 397 00:25:56,620 --> 00:25:58,560 dans le cadre du droit de l'Union européenne. 398 00:25:58,760 --> 00:26:02,560 Donc là encore, une solution très technique qu'il faut comprendre 399 00:26:02,760 --> 00:26:08,780 dans sa spécificité mais qui montre que même dans le cadre du droit 400 00:26:08,980 --> 00:26:11,540 de l'Union européenne, malgré la jurisprudence Arcelor 401 00:26:11,740 --> 00:26:15,560 qui a essayé de simplifier les rapports entre le droit de l'Union 402 00:26:15,760 --> 00:26:18,580 européenne et la Constitution, même dans ce cadre-là, 403 00:26:18,780 --> 00:26:23,380 la Constitution s'impose vis-à-vis du droit de l'Union européenne, 404 00:26:23,580 --> 00:26:26,680 s'impose vis-à-vis du traité international lorsqu'il y a 405 00:26:26,880 --> 00:26:29,120 contradiction entre ces deux normes juridiques. 406 00:26:29,320 --> 00:26:33,120 Et donc là encore, c'est une hypothèse où la Constitution va faire obstacle 407 00:26:33,320 --> 00:26:38,460 à l'exécution du traité international, en l'espèce à l'exécution du droit 408 00:26:38,660 --> 00:26:39,540 de l'Union européenne.