1 00:00:05,650 --> 00:00:08,390 Nous avons vu dans la vidéo précédente la passation du contrat. 2 00:00:08,590 --> 00:00:11,440 Abordons maintenant l'exécution du contrat dans un B. 3 00:00:12,790 --> 00:00:16,960 Les règles relatives à l'exécution des contrats publics dépendent 4 00:00:17,160 --> 00:00:19,750 de la nature de ces derniers. 5 00:00:20,590 --> 00:00:25,570 En d'autres termes, le régime de l'exécution du contrat dépend de 6 00:00:25,770 --> 00:00:29,650 s'il est administratif ou s'il est civil, c’est-à-dire s'il relève 7 00:00:30,670 --> 00:00:31,430 du droit privé. 8 00:00:31,630 --> 00:00:34,190 S'il relève du droit public, comme nous allons le voir, 9 00:00:34,390 --> 00:00:38,230 il existe des règles particulières qui, en réalité, donnent une forme 10 00:00:38,430 --> 00:00:41,770 d'avantage à l'administration dans le cadre de ses relations avec 11 00:00:41,970 --> 00:00:46,120 son cocontractant, car l'administration intervient, je le dis à chaque fois, 12 00:00:46,320 --> 00:00:47,080 dans l'intérêt général. 13 00:00:51,310 --> 00:00:55,150 On va envisager deux choses dans le cadre de cette vidéo. 14 00:00:56,080 --> 00:01:01,060 S'agissant de l'exécution du contrat, nous allons voir d'abord son exécution, 15 00:01:01,270 --> 00:01:07,300 disons normale, puis ce qui se passe lorsque l'exécution devient 16 00:01:07,500 --> 00:01:10,570 compliquée, lorsque la bonne exécution est altérée.     17 00:01:10,770 --> 00:01:14,320 Premièrement, l'exécution normale du contrat. 18 00:01:16,850 --> 00:01:20,050 Il faut bien voir d'abord que les contrats de l'administration ont 19 00:01:20,250 --> 00:01:22,520 force obligatoire comme tout contrat. 20 00:01:23,420 --> 00:01:26,690 S'applique en la matière, bien évidemment, l'ancien article 21 00:01:27,130 --> 00:01:33,020 1134 du Code civil, aujourd'hui 1103 de ce code : "Les contrats 22 00:01:33,220 --> 00:01:36,140 légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits." 23 00:01:36,770 --> 00:01:40,850 Bien évidemment, un contrat administratif est aussi obligatoire 24 00:01:41,050 --> 00:01:42,050 qu'un contrat de droit privé. 25 00:01:42,470 --> 00:01:47,540 Il s'agit du même fondement, celui de la force obligatoire du 26 00:01:47,740 --> 00:01:48,500 contrat. 27 00:01:49,580 --> 00:01:53,930 Le Conseil d'État fait une application particulière de cet article 1103, 28 00:01:54,230 --> 00:01:56,000 précédemment 1134. 29 00:01:56,900 --> 00:02:02,000 Dans un arrêt, par exemple, du 29 juin 2001, le Conseil d'État 30 00:02:02,200 --> 00:02:06,410 a considéré qu'il existe un principe général du droit dont s'inspire 31 00:02:06,920 --> 00:02:10,130 l'article 1134 du Code civil, à l'époque. 32 00:02:11,960 --> 00:02:14,600 Principe général du droit qui s'applique à l'administration. 33 00:02:14,960 --> 00:02:19,340 Autrement dit, le juge administratif fait une application indirecte 34 00:02:19,540 --> 00:02:28,490 de l'article 1134, aujourd'hui 1103, puisque cet article découle d'un 35 00:02:28,690 --> 00:02:31,370 principe général du droit, il s'inspire d'un principe général 36 00:02:31,570 --> 00:02:34,760 du droit qui veut que les contrats ont force obligatoire pour leurs 37 00:02:34,960 --> 00:02:35,720 parties. 38 00:02:35,920 --> 00:02:40,790 L'article 1134, aujourd'hui 1103, s'applique dans les relations civiles 39 00:02:41,330 --> 00:02:46,250 et le principe général du droit dont découle cet article 1134, 40 00:02:46,460 --> 00:02:50,570 aujourd'hui 1103, s'applique à la fois aux contrats privés, 41 00:02:50,770 --> 00:02:52,700 mais aussi aux contrats de l'administration. 42 00:02:54,290 --> 00:02:57,650 Il résulte de cela que, bien évidemment, les parties doivent 43 00:02:57,850 --> 00:02:59,630 respecter leurs obligations. 44 00:02:59,900 --> 00:03:04,820 Chaque partie au contrat a le droit à ce que l'autre partie exécute 45 00:03:05,020 --> 00:03:05,780 ses obligations. 46 00:03:06,290 --> 00:03:10,280 Le contrat de l'administration, en outre, a comme tout contrat 47 00:03:10,480 --> 00:03:14,000 un effet relatif, c’est-à-dire que seules les parties doivent 48 00:03:14,200 --> 00:03:14,960 l'exécuter. 49 00:03:15,160 --> 00:03:18,950 Le contrat ne crée pas d'obligation à l'égard des tiers. 50 00:03:19,670 --> 00:03:24,410 Il y a tout de même une nuance en droit administratif car en droit 51 00:03:24,610 --> 00:03:27,170 administratif plus qu'ailleurs, les contrats peuvent avoir des 52 00:03:27,370 --> 00:03:28,430 effets vis-à-vis des tiers. 53 00:03:29,000 --> 00:03:32,210 Puisqu'un contrat administratif concerne très souvent le service 54 00:03:32,410 --> 00:03:35,780 public, l'exécution d'une mission de service public, il peut contenir 55 00:03:35,980 --> 00:03:38,660 des clauses que l'on dit réglementaires, c’est-à-dire des 56 00:03:38,860 --> 00:03:42,290 clauses qui n'ont pas seulement pour objet de régir les relations 57 00:03:42,490 --> 00:03:46,010 entre les parties, mais qui peuvent avoir des effets à l'égard des tiers. 58 00:03:47,660 --> 00:03:52,700 Il y a deux particularités à noter concernant l'exécution normale 59 00:03:52,900 --> 00:03:53,660 du contrat. 60 00:03:54,380 --> 00:03:57,320 Ces particularités concernent les contrats administratifs précisément, 61 00:03:57,520 --> 00:04:00,560 c’est-à-dire ceux qui, on l'a vu, sont soit qualifiés 62 00:04:00,800 --> 00:04:05,180 d'administratifs par le législateur, soit qui remplissent les critères 63 00:04:05,380 --> 00:04:08,090 qui ont été fixés par le juge, critère organique de la présence 64 00:04:08,290 --> 00:04:12,920 d'une personne publique et critère matériel soit du lien avec le service 65 00:04:13,120 --> 00:04:16,190 public, soit de la clause exorbitante du droit commun. 66 00:04:17,120 --> 00:04:20,690 C'était pour récapituler les conditions pour qu'un contrat soit administratif. 67 00:04:21,080 --> 00:04:23,330 Ce que je vais vous dire maintenant concerne les contrats 68 00:04:23,530 --> 00:04:24,290 administratifs.    69 00:04:24,490 --> 00:04:29,210 Premièrement, les contrats administratifs, ceux qui sont le 70 00:04:29,410 --> 00:04:32,540 plus liés au service public, contiennent très généralement des 71 00:04:32,740 --> 00:04:37,310 clauses qui sont relatives au contrôle de l'administration sur l'activité 72 00:04:37,510 --> 00:04:41,150 de son partenaire, c’est-à-dire que dans le cadre de l'exécution 73 00:04:41,540 --> 00:04:45,020 normale d'un contrat administratif, il est très fréquent que 74 00:04:45,220 --> 00:04:49,010 l'administration ait un pouvoir de contrôle très poussé de son 75 00:04:49,210 --> 00:04:49,970 cocontractant. 76 00:04:50,170 --> 00:04:55,850 Il peut s'agir d'un pouvoir de surveillance de son cocontractant 77 00:04:56,050 --> 00:04:59,570 pour vérifier qu'il s'exécute correctement, qu'il exécute 78 00:04:59,770 --> 00:05:00,710 correctement ses obligations. 79 00:05:01,770 --> 00:05:05,390 Il peut s'agir d'un contrôle qui va bien plus loin, jusqu'à la direction 80 00:05:05,590 --> 00:05:08,720 totale des opérations, notamment, par exemple dans le 81 00:05:08,920 --> 00:05:12,350 cadre de la construction des ouvrages qui sont nécessaires au service public, 82 00:05:13,190 --> 00:05:21,290 la personne publique opère un véritable contrôle sur son partenaire privé. 83 00:05:22,700 --> 00:05:26,510 Deuxième remarque, l'administration peut, dans l'intérêt général, 84 00:05:26,840 --> 00:05:29,600 modifier les clauses du contrat administratif. 85 00:05:29,800 --> 00:05:33,800 D'abord, il faut bien évidemment noter que, comme en droit privé, 86 00:05:34,310 --> 00:05:37,280 les parties peuvent modifier le contrat d'un commun accord. 87 00:05:37,480 --> 00:05:38,330 Ça, c'est bien évident. 88 00:05:38,690 --> 00:05:42,560 Les parties peuvent signer un avenant, c’est-à-dire un contrat qui a pour 89 00:05:42,760 --> 00:05:44,750 objet de modifier un contrat préexistant. 90 00:05:45,800 --> 00:05:49,460 Mais la particularité des contrats publics et des contrats administratifs, 91 00:05:50,090 --> 00:05:54,560 c'est qu'ils prévoient très souvent que la personne publique peut modifier 92 00:05:54,770 --> 00:05:58,550 le contrat pour l'adapter aux évolutions de l'intérêt général. 93 00:05:58,940 --> 00:06:03,500 Et d'ailleurs, même lorsque le contrat administratif ne prévoit 94 00:06:03,700 --> 00:06:06,740 pas sa propre modification, ne comporte pas une clause qui 95 00:06:06,940 --> 00:06:10,220 permette à l'administration de modifier unilatéralement le contrat, 96 00:06:10,730 --> 00:06:13,250 l'administration dispose tout de même de ce pouvoir. 97 00:06:14,060 --> 00:06:17,520 C'est un pouvoir qui découle de l'affaire que nous avons déjà vue, 98 00:06:18,130 --> 00:06:21,220 Compagnie générale française des tramways de 1910. 99 00:06:21,420 --> 00:06:26,290 Pour rappel, le préfet des Bouches du Rhône avait demandé à la Compagnie 100 00:06:26,490 --> 00:06:29,680 des tramways d'augmenter le nombre de tramways en circulation à Marseille 101 00:06:29,950 --> 00:06:34,150 pour adapter le trafic à l'accroissement de la population. 102 00:06:34,350 --> 00:06:38,650 Or, dans le cahier des charges de la concession qui avait fait 103 00:06:38,850 --> 00:06:42,100 l'objet d'un accord des deux parties, il était prévu que le nombre de 104 00:06:42,300 --> 00:06:46,450 trains minimum en circulation ne pouvait être modifié que d'un commun 105 00:06:46,650 --> 00:06:47,410 accord. 106 00:06:48,160 --> 00:06:51,490 Le Conseil d'État ne fait pourtant pas application de ce cahier des 107 00:06:51,690 --> 00:06:55,570 charges et sur les conclusions de Léon Blum, que j'ai déjà 108 00:06:55,770 --> 00:06:59,590 mentionnées, il considère que le préfet a le droit non seulement 109 00:06:59,790 --> 00:07:02,170 d'approuver les horaires des trains, ce sont les conclusions de Léon 110 00:07:02,370 --> 00:07:08,440 Blum ici, mais encore de prescrire les additions et modifications 111 00:07:08,640 --> 00:07:13,690 nécessaires pour assurer dans l'intérêt public la marche normale du service. 112 00:07:14,740 --> 00:07:19,750 Le principe de mutabilité du service public, dont nous avons déjà parlé ici, 113 00:07:20,230 --> 00:07:25,480 permet à l'administration de modifier un contrat sans l'accord de son 114 00:07:25,680 --> 00:07:28,990 cocontractant et sans que cela ne soit prévu par le contrat lui-même 115 00:07:29,410 --> 00:07:33,040 et même que le contrat prévoit l'inverse, c’est-à-dire la nécessité 116 00:07:33,240 --> 00:07:36,430 d'un commun accord pour modifier les clauses du contrat. 117 00:07:37,780 --> 00:07:44,380 Et ce pouvoir a été encore plus expressément mentionné dans la 118 00:07:44,580 --> 00:07:48,730 jurisprudence du Conseil d'État dans son arrêt du 2 février 1983 119 00:07:49,180 --> 00:07:53,380 que j'ai déjà cité, arrêt Union des transports publics urbains 120 00:07:53,580 --> 00:07:54,340 et régionaux. 121 00:07:54,790 --> 00:07:58,780 Dans cet arrêt, le Conseil d'État précise bien que l'administration 122 00:07:58,980 --> 00:08:02,800 a le pouvoir, je cite ici : "D'apporter unilatéralement des 123 00:08:03,000 --> 00:08:06,070 modifications à la consistance des services et à leurs modalités 124 00:08:06,270 --> 00:08:10,180 d'exploitation et que cela est une règle générale applicable aux 125 00:08:10,380 --> 00:08:12,670 contrats administratifs." C’est-à-dire que même lorsque le contrat 126 00:08:12,870 --> 00:08:16,210 administratif ne prévoit pas que l'administration dispose d'un pouvoir 127 00:08:16,410 --> 00:08:19,510 de modification unilatérale, celle-ci dispose tout de même de 128 00:08:19,710 --> 00:08:20,470 ce pouvoir. 129 00:08:20,670 --> 00:08:23,710 Il s'agit d'une règle qui relève du régime général des contrats 130 00:08:23,910 --> 00:08:28,060 administratifs, c’est-à-dire d'une règle qui ne nécessite pas de clause 131 00:08:28,450 --> 00:08:29,500 au sein même du contrat. 132 00:08:31,750 --> 00:08:35,710 Il faut tout de même relever des limites à ce pouvoir de modification 133 00:08:35,950 --> 00:08:36,710 du contrat. 134 00:08:37,240 --> 00:08:42,160 Première limite, bien évidemment, l'administration ne peut pas modifier 135 00:08:42,360 --> 00:08:46,210 le contrat de telle sorte qu'il s'agisse ensuite d'un nouveau contrat. 136 00:08:47,020 --> 00:08:47,780 Pour quelles raisons ? 137 00:08:48,970 --> 00:08:52,330 Parce qu'elle doit, dans ce cas-là, respecter une nouvelle mise en 138 00:08:52,530 --> 00:08:53,290 concurrence. 139 00:08:53,490 --> 00:08:56,560 Je vous le disais dans la vidéo précédente, l'administration doit 140 00:08:56,760 --> 00:09:00,370 très souvent mettre en concurrence pour passer un contrat. 141 00:09:01,390 --> 00:09:06,160 Et puisque cette mise en concurrence a eu lieu en fonction d'un certain 142 00:09:06,360 --> 00:09:10,180 nombre de besoins de l'administration, si ces besoins ont changé et que 143 00:09:10,380 --> 00:09:12,970 l'administration souhaite modifier le contrat, en réalité, 144 00:09:13,170 --> 00:09:15,880 elle ne peut plus modifier ce contrat, mais elle doit passer un nouveau 145 00:09:16,080 --> 00:09:16,840 contrat. 146 00:09:17,230 --> 00:09:21,610 La modification ne peut pas avoir pour objet de passer un nouveau 147 00:09:21,810 --> 00:09:24,940 contrat avec le cocontractant, auquel cas l'administration doit 148 00:09:25,140 --> 00:09:28,990 passer à nouveau par le biais d'une procédure de mise en concurrence. 149 00:09:30,730 --> 00:09:35,980 Deuxième nuance, deuxième limite de ce principe de modification 150 00:09:36,180 --> 00:09:41,200 unilatérale : la modification doit toujours être motivée par la poursuite 151 00:09:41,400 --> 00:09:42,220 de l'intérêt général. 152 00:09:42,670 --> 00:09:46,630 Et si la modification entraîne des frais supplémentaires pour 153 00:09:46,830 --> 00:09:50,140 le cocontractant de l'administration, celle-ci doit les compenser. 154 00:09:50,530 --> 00:09:54,370 Elle ne peut pas utiliser son pouvoir de modification unilatérale pour 155 00:09:54,570 --> 00:09:58,840 détruire l'équilibre qui a été trouvé dans le contrat initial 156 00:09:59,440 --> 00:10:03,610 entre les prestations d'un côté et la rémunération, d'autre part. 157 00:10:03,940 --> 00:10:10,930 Il faut retrouver l'équilibre du contrat qui est éventuellement 158 00:10:11,130 --> 00:10:14,170 déséquilibré par la modification qui a été apportée par 159 00:10:14,370 --> 00:10:15,130 l'administration. 160 00:10:15,330 --> 00:10:17,780 Il faut à la fois qu'il y ait un motif d'intérêt général et une 161 00:10:17,980 --> 00:10:20,920 compensation des surcoûts éventuels pour le cocontractant de 162 00:10:21,120 --> 00:10:21,880 l'administration. 163 00:10:23,530 --> 00:10:25,130 Voilà pour l'exécution normale. 164 00:10:25,330 --> 00:10:29,410 On va mettre dans l'exécution normale également le fait que l'intérêt 165 00:10:29,610 --> 00:10:30,580 général est évolutif. 166 00:10:31,060 --> 00:10:35,470 Dans ce cadre de cette exécution normale du contrat, il peut y avoir 167 00:10:35,770 --> 00:10:38,020 une modification du contrat par l'administration. 168 00:10:38,410 --> 00:10:42,700 Mais voyons maintenant l'exécution qui est altérée, c’est-à-dire soit 169 00:10:42,910 --> 00:10:46,990 que le cocontractant de l'administration n'exécute pas 170 00:10:47,190 --> 00:10:51,610 ses obligations, soit que le cocontractant de l'administration 171 00:10:51,880 --> 00:10:57,310 ne peut pas exécuter ses obligations 172 00:10:57,700 --> 00:10:58,460 correctement. 173 00:10:59,320 --> 00:11:04,210 Soit il s'agit d'une défaillance du cocontractant volontaire, 174 00:11:04,510 --> 00:11:06,880 soit il s'agit d'une défaillance involontaire. 175 00:11:07,080 --> 00:11:08,950 Nous allons voir ces deux éléments successivement.    176 00:11:09,150 --> 00:11:09,910 a. 177 00:11:10,110 --> 00:11:11,260 La carence d'une partie. 178 00:11:12,610 --> 00:11:16,500 L'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat constitue une faute 179 00:11:17,280 --> 00:11:20,880 et en droit civil, lorsqu'il y a une faute dans le cadre de 180 00:11:21,080 --> 00:11:24,420 l'exécution du contrat, cela entraîne l'engagement par 181 00:11:24,620 --> 00:11:27,180 le juge de la responsabilité contractuelle de la partie qui 182 00:11:27,380 --> 00:11:28,140 est défaillante. 183 00:11:29,400 --> 00:11:34,350 Mais l'administration dans les contrats administratifs dispose 184 00:11:34,550 --> 00:11:38,370 de pouvoirs propres et elle n'a pas nécessairement besoin d'avoir 185 00:11:38,570 --> 00:11:39,330 recours au juge. 186 00:11:39,530 --> 00:11:42,420 C'est une différence importante avec le droit privé des contrats. 187 00:11:43,050 --> 00:11:46,290 L'administration en la matière, elle a le choix, c’est-à-dire qu'elle 188 00:11:46,490 --> 00:11:51,630 peut soit passer par le juge, demander devant le juge l'engagement 189 00:11:51,830 --> 00:11:54,840 de la responsabilité contractuelle de son partenaire, soit elle peut 190 00:11:55,040 --> 00:11:55,860 agir d'autorité. 191 00:11:57,450 --> 00:11:58,740 Ce n'est pas le cas de son cocontractant. 192 00:11:59,310 --> 00:12:04,950 Si ce cocontractant fait face à une inexécution de la part de 193 00:12:05,150 --> 00:12:07,920 l'administration, il doit saisir le juge. 194 00:12:08,160 --> 00:12:12,450 Il ne peut pas avoir un comportement unilatéral vis-à-vis de 195 00:12:12,650 --> 00:12:15,900 l'administration, sauf à résilier le contrat, mais il s'agirait à 196 00:12:16,100 --> 00:12:18,390 nouveau d'une faute, car, nous allons voir, 197 00:12:18,590 --> 00:12:22,320 le cocontractant n'a pas le droit de ne pas exécuter le contrat en 198 00:12:22,520 --> 00:12:24,720 raison de l'inexécution de l'administration. 199 00:12:25,290 --> 00:12:32,640 Je le précise, le cocontractant de l'administration, s'il veut 200 00:12:32,880 --> 00:12:35,610 engager la responsabilité contractuelle de l'administration, 201 00:12:35,810 --> 00:12:36,990 il doit avoir recours au juge. 202 00:12:37,230 --> 00:12:42,450 Il ne peut pas agir de son propre chef vis-à-vis de l'administration. 203 00:12:42,750 --> 00:12:45,750 Et cela, toujours en raison, évidemment, du fait que le contrat 204 00:12:46,110 --> 00:12:49,860 poursuit l'intérêt général puisqu'il s'agit d'un contrat administratif. 205 00:12:50,060 --> 00:12:55,080 Il a un lien avec l'intérêt général, ce qui suppose que le cocontractant 206 00:12:55,280 --> 00:12:56,640 doit en permanence l'exécuter. 207 00:12:58,050 --> 00:13:01,740 S'agissant des pouvoirs de l'administration, il faut noter 208 00:13:01,940 --> 00:13:08,130 que le contrat administratif prévoit très souvent des pouvoirs importants 209 00:13:08,330 --> 00:13:09,750 au profit de l'administration. 210 00:13:09,950 --> 00:13:14,340 D'abord, le contrat peut prévoir des sanctions en cas d'inexécution, 211 00:13:14,550 --> 00:13:18,270 par exemple, des pénalités de retard que l'administration peut infliger 212 00:13:18,570 --> 00:13:22,860 à son cocontractant s'il ne s'exécute pas ou ne s'exécute pas correctement 213 00:13:23,060 --> 00:13:23,820 dans les temps. 214 00:13:24,480 --> 00:13:28,260 Mais même lorsque le contrat ne prévoit rien, l'administration 215 00:13:29,190 --> 00:13:32,550 dispose de pouvoirs très importants vis-à-vis de son cocontractant 216 00:13:33,150 --> 00:13:36,090 et il s'agit ici de pouvoirs qui sont liés au caractère administratif 217 00:13:36,290 --> 00:13:37,050 du contrat, comme toujours.    218 00:13:37,250 --> 00:13:43,930 Premièrement, l'administration dispose de ce qu'on appelle l'exception 219 00:13:44,130 --> 00:13:47,940 d'une exécution, c’est-à-dire que si son cocontractant ne s'exécute pas, 220 00:13:48,270 --> 00:13:51,360 l'administration peut cesser de s'exécuter également. 221 00:13:52,080 --> 00:13:53,630 Ce n'est pas le cas dans le sens inverse. 222 00:13:53,830 --> 00:13:57,360 C'est ce que je vous disais, lorsque l'administration ne s'exécute 223 00:13:57,560 --> 00:14:01,890 pas, son cocontractant n'a généralement pas le droit, il y a des exceptions, 224 00:14:02,090 --> 00:14:09,660 mais elles sont absolument mineures, de ne pas s'exécuter vis-à-vis 225 00:14:10,170 --> 00:14:11,010 de l'administration. 226 00:14:11,210 --> 00:14:17,230 Deuxièmement, l'administration a généralement très souvent la 227 00:14:17,430 --> 00:14:21,790 faculté d'agir autoritairement, c’est-à-dire à la place de son 228 00:14:21,990 --> 00:14:22,750 cocontractant. 229 00:14:22,950 --> 00:14:24,640 C'est ce que l'on a vu dans une vidéo précédente s'agissant des 230 00:14:24,840 --> 00:14:27,400 actes administratifs, il s'agit de ce qu'on appelle l'exécution 231 00:14:27,600 --> 00:14:32,560 d'office, l'administration agit à la place de la personne qui aurait 232 00:14:32,760 --> 00:14:36,400 dû agir et réalise d'office ses obligations. 233 00:14:37,750 --> 00:14:41,680 Et enfin, l'administration dispose d'un pouvoir de résiliation pour faute. 234 00:14:42,250 --> 00:14:44,890 Lorsque le cocontractant de l'administration commet une faute 235 00:14:45,090 --> 00:14:49,810 grave dans le cadre de l'exécution ou de la non-exécution du contrat, 236 00:14:50,050 --> 00:14:54,280 l'administration peut le sanctionner en résiliant aux torts de son 237 00:14:54,480 --> 00:14:56,590 cocontractant le contrat qui a été signé. 238 00:14:57,250 --> 00:15:00,970 Tous ces pouvoirs existent, même sans texte, c’est-à-dire même 239 00:15:01,240 --> 00:15:04,030 sans une clause du contrat qui les prévoit. 240 00:15:04,230 --> 00:15:09,640 Cependant, une petite nuance qui 241 00:15:09,840 --> 00:15:12,370 ne change rien au pouvoir de l'administration, mais il faut 242 00:15:12,570 --> 00:15:14,710 bien voir que l'administration doit respecter dans ce cadre-là 243 00:15:15,070 --> 00:15:18,460 les droits de la défense, comme on l'a vu, s'agissant des 244 00:15:18,660 --> 00:15:20,140 actes administratifs unilatéraux. 245 00:15:20,770 --> 00:15:24,280 En effet, les sanctions qui sont prononcées en matière contractuelle, 246 00:15:24,730 --> 00:15:29,320 par exemple, la résiliation unilatérale, les pénalités qui 247 00:15:29,520 --> 00:15:34,180 peuvent être prononcées, ces différentes sanctions sont 248 00:15:34,380 --> 00:15:36,970 des actes unilatéraux de l'administration dans le cadre 249 00:15:37,170 --> 00:15:38,170 d'une relation contractuelle. 250 00:15:38,680 --> 00:15:41,770 Ces actes unilatéraux, qui visent le cocontractant de 251 00:15:41,970 --> 00:15:45,280 l'administration, sont des actes qui relèvent de l'obligation de 252 00:15:45,480 --> 00:15:47,320 suivre une procédure contradictoire. 253 00:15:48,580 --> 00:15:52,630 L'administration doit constater l'inexécution ou la mauvaise exécution 254 00:15:52,830 --> 00:15:57,250 du contrat, doit mettre son cocontractant en demeure de s'exécuter 255 00:15:57,450 --> 00:15:58,210 correctement. 256 00:15:58,410 --> 00:16:02,320 Le cocontractant dispose à ce moment-là de la faculté de s'exprimer par 257 00:16:02,520 --> 00:16:03,370 rapport à l'administration. 258 00:16:04,060 --> 00:16:07,510 Et enfin, l'administration pourra, à la suite de cette procédure, 259 00:16:07,900 --> 00:16:10,540 prononcer une sanction vis-à-vis de son cocontractant. 260 00:16:12,760 --> 00:16:16,000 Voilà pour l'idée de la carence d'une partie. 261 00:16:16,360 --> 00:16:20,920 Nous abordons maintenant le pendant, c’est-à-dire plutôt les droits 262 00:16:21,250 --> 00:16:24,550 du cocontractant vis-à-vis de l'administration et non plus les 263 00:16:24,750 --> 00:16:27,160 pouvoirs de l'administration vis-à-vis de son cocontractant. 264 00:16:27,430 --> 00:16:32,080 En quoi consistent ces droits vis-à-vis de l'administration ? 265 00:16:32,280 --> 00:16:35,530 Nous allons voir un cas précis qui est un aléa dans l'exécution 266 00:16:35,730 --> 00:16:37,350 du contrat que l'on appelle imprévision.    267 00:16:37,550 --> 00:16:38,310 b. 268 00:16:40,720 --> 00:16:43,390 Les difficultés d'exécution du contrat peuvent découler d'un élément 269 00:16:43,590 --> 00:16:45,400 qui est extérieur au cocontractant. 270 00:16:45,850 --> 00:16:49,360 L'exécution de ces obligations devient plus difficile que prévu 271 00:16:49,630 --> 00:16:52,570 en raison d'un aléa, c’est-à-dire de quelque chose qui 272 00:16:52,780 --> 00:16:54,340 ne relève pas de la volonté des parties. 273 00:16:56,470 --> 00:17:00,640 C'est ce qu'on appelle l'imprévision et qui remonte à une affaire Compagnie 274 00:17:00,840 --> 00:17:04,210 générale d'éclairage de Bordeaux, qui a été jugée par le Conseil 275 00:17:04,410 --> 00:17:06,370 d'État le 30 mars 1916. 276 00:17:07,360 --> 00:17:10,300 La Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux était concessionnaire 277 00:17:10,500 --> 00:17:13,000 du service public de l'éclairage au sein de la commune. 278 00:17:13,510 --> 00:17:17,440 À l'époque, le gaz d'éclairage était fabriqué à partir de la houille, 279 00:17:17,640 --> 00:17:19,090 qui est une sorte de charbon. 280 00:17:19,900 --> 00:17:21,880 On appelait ça du gaz de houille. 281 00:17:22,540 --> 00:17:26,770 Pendant la guerre, à cause de l'occupation des régions productrices 282 00:17:26,970 --> 00:17:30,790 de charbon et des difficultés du transport par la mer du transport 283 00:17:30,990 --> 00:17:33,340 maritime, le prix du charbon s'envole. 284 00:17:33,940 --> 00:17:37,660 À ce moment-là, l'exécution du contrat devient difficile pour 285 00:17:37,960 --> 00:17:42,730 la Compagnie d'éclairage de Bordeaux et celle-ci demande à l'administration 286 00:17:42,930 --> 00:17:47,980 de compenser les pertes qu'elle subit du fait de l'envol des prix 287 00:17:48,180 --> 00:17:48,940 du charbon. 288 00:17:49,690 --> 00:17:51,160 La commune de Bordeaux refuse. 289 00:17:51,670 --> 00:17:56,440 Le juge est saisi par la Compagnie d'éclairage et le juge condamne 290 00:17:56,640 --> 00:17:59,560 la Ville à indemniser son cocontractant. 291 00:18:00,610 --> 00:18:04,600 Il juge en effet que le contrat doit s'exécuter tel qu'il a été signé. 292 00:18:04,800 --> 00:18:08,500 Le Conseil d'État considère qu'un contrat doit être exécuté tel qu'il 293 00:18:08,700 --> 00:18:12,160 a été signé et que normalement, une variation de prix des matières 294 00:18:12,360 --> 00:18:15,760 premières doit être anticipée par les parties. 295 00:18:16,150 --> 00:18:19,000 Autrement dit, en principe, le cocontractant de l'administration 296 00:18:19,210 --> 00:18:23,080 n'a pas le droit à une indemnisation pour la variation de ces prix, 297 00:18:23,680 --> 00:18:24,440 premier élément. 298 00:18:25,150 --> 00:18:29,440 Mais le juge ajoute la chose suivante  : "La hausse survenue au cours 299 00:18:29,640 --> 00:18:32,320 de la guerre actuelle, dont le prix du charbon qui est 300 00:18:32,520 --> 00:18:37,180 la matière première de la fabrication du gaz, s'est trouvé atteindre 301 00:18:37,840 --> 00:18:42,490 une proportion telle que non seulement elle a un caractère exceptionnel 302 00:18:42,690 --> 00:18:49,480 dans le sens habituellement donné 303 00:18:49,680 --> 00:18:53,380 à ce terme qui, dans une mesure déjouant tous les calculs, 304 00:18:53,580 --> 00:18:57,340 dépasse certainement les limites extrêmes des majorations ayant 305 00:18:57,540 --> 00:19:01,060 pu être envisagées par les parties lors de la passation du contrat 306 00:19:01,260 --> 00:19:04,870 de concession." Dit d'une autre manière, le Conseil d'État estime 307 00:19:05,070 --> 00:19:09,310 qu'ici les prévisions qui ont pu légitimement être faites par les 308 00:19:09,510 --> 00:19:15,100 parties ont été totalement déjouées par la hausse des prix du charbon 309 00:19:15,300 --> 00:19:16,060 en raison de la guerre. 310 00:19:16,260 --> 00:19:18,700 Il s'agissait d'un événement complètement imprévisible par les 311 00:19:18,900 --> 00:19:22,720 parties et qui a entraîné un bouleversement de l'économie du 312 00:19:22,920 --> 00:19:27,820 contrat qui obligeait l'administration à compenser les pertes de la compagnie 313 00:19:28,150 --> 00:19:28,910 d'éclairage. 314 00:19:29,590 --> 00:19:33,310 Quelles sont les conditions de l'imprévision qui découlent à la 315 00:19:33,510 --> 00:19:35,680 fois de cet arrêt et de la jurisprudence postérieure ? 316 00:19:36,490 --> 00:19:37,390 Il y a trois conditions. 317 00:19:37,590 --> 00:19:42,880 Premièrement, le bouleversement de l'économie du contrat doit résulter 318 00:19:43,080 --> 00:19:44,740 d'un événement qui est extérieur aux parties. 319 00:19:45,310 --> 00:19:50,290 L'exécution est rendue plus onéreuse par un phénomène naturel en raison 320 00:19:50,490 --> 00:19:53,820 de circonstances économiques, comme c'était le cas dans l'arrêt 321 00:19:54,070 --> 00:20:00,670 Compagnie d'éclairage de Bordeaux, mais il ne peut pas s'agir d'un 322 00:20:00,870 --> 00:20:04,720 événement qui a pour origine le comportement de l'administration 323 00:20:04,920 --> 00:20:07,870 ou un mauvais comportement également du cocontractant. 324 00:20:08,070 --> 00:20:10,000 Il faut que cet événement soit extérieur. 325 00:20:10,200 --> 00:20:13,120 Deuxièmement, cet événement, et j'en parlais un peu juste avant, 326 00:20:13,390 --> 00:20:16,450 doit être imprévisible, c’est-à-dire que les parties n'ont 327 00:20:16,650 --> 00:20:19,270 pas pu l'envisager au moment de la conclusion du contrat. 328 00:20:19,810 --> 00:20:21,910 Cela est bien expliqué dans l'arrêt lorsqu'il parle de : 329 00:20:22,330 --> 00:20:27,130 "Tous les calculs des parties doivent avoir été déjoués." Et enfin, 330 00:20:27,330 --> 00:20:31,300 troisièmement, l'exécution du contrat n'est pas devenue impossible. 331 00:20:31,720 --> 00:20:36,640 C'est son économie qui a été bouleversée, c’est-à-dire que les 332 00:20:36,840 --> 00:20:41,590 coûts que représente l'exécution du contrat se sont accrus d'une 333 00:20:41,790 --> 00:20:45,850 manière qui n'était pas prévisible par les parties, mais l'exécution 334 00:20:46,050 --> 00:20:47,800 du contrat demeure possible. 335 00:20:48,000 --> 00:20:52,150 Sinon, il ne s'agit plus d'une imprévision, il s'agit d'une force 336 00:20:52,350 --> 00:20:55,660 majeure que nous allons voir dans la prochaine vidéo.