1 00:00:05,620 --> 00:00:09,490 J’en viens maintenant à la deuxième implication du principe d’égalité, 2 00:00:09,690 --> 00:00:13,330 qui est le principe de neutralité de l’administration. 3 00:00:14,470 --> 00:00:18,310 La neutralité de l’administration et de ses agents est une conséquence 4 00:00:18,510 --> 00:00:20,440 importante du principe d’égalité. 5 00:00:20,640 --> 00:00:24,970 L’administration française est censée n’avoir aucune opinion 6 00:00:25,270 --> 00:00:27,640 politique, ni aucune religion. 7 00:00:28,300 --> 00:00:32,110 Elle traite tous les administrés de la même manière, sans distinction 8 00:00:32,310 --> 00:00:33,880 d’origine, de race, de religion, d’opinion. 9 00:00:35,530 --> 00:00:40,480 Par exemple, l’administration viole le principe d’égalité lorsqu’elle 10 00:00:40,680 --> 00:00:44,170 interdit à un membre du Parti communiste de se présenter à un 11 00:00:44,370 --> 00:00:45,370 concours de la fonction publique. 12 00:00:45,570 --> 00:00:48,910 C’est la solution qu’a retenue le Conseil d’État dans un arrêt 13 00:00:49,110 --> 00:00:53,890 très important, l’arrêt Barel du 28 mai 1954. 14 00:00:54,090 --> 00:00:57,190 "L’administration — je cite le Conseil d’État — ne saurait, 15 00:00:57,460 --> 00:01:01,780 sans méconnaître le principe d’égalité d’accès de tous les Français aux 16 00:01:01,980 --> 00:01:06,550 emplois de la fonction publique, écarter — ici d’un concours — un 17 00:01:06,750 --> 00:01:10,150 candidat en se fondant exclusivement sur ses opinions politiques". 18 00:01:11,080 --> 00:01:16,150 Il n’existe aucune différence objective de situation entre un candidat 19 00:01:16,350 --> 00:01:17,320 communiste et les autres. 20 00:01:17,770 --> 00:01:21,130 En traitant de manière différenciée un candidat en raison de ses opinions 21 00:01:21,330 --> 00:01:25,210 politiques, l’administration ne se comporte pas avec la neutralité 22 00:01:25,450 --> 00:01:29,800 qu’on doit exiger d’elle et elle viole donc le principe d’égalité. 23 00:01:31,000 --> 00:01:35,260 La neutralité se matérialise également par la voie du principe de laïcité, 24 00:01:35,620 --> 00:01:39,970 aux termes duquel l’administration ne reconnaît, ni ne subventionne 25 00:01:40,240 --> 00:01:41,000 aucun culte. 26 00:01:41,560 --> 00:01:44,710 Il résulte, de ce principe, plusieurs conséquences sur lesquelles 27 00:01:44,910 --> 00:01:45,670 je vais revenir maintenant. 28 00:01:45,870 --> 00:01:51,310 Premièrement, découlent du principe de neutralité, des obligations 29 00:01:51,510 --> 00:01:52,540 pour les agents publics. 30 00:01:53,500 --> 00:01:55,150 Nous verrons cela dans une prochaine vidéo. 31 00:01:55,570 --> 00:01:58,300 Les agents doivent être neutres, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent 32 00:01:58,500 --> 00:02:02,080 pas manifester leur appartenance religieuse de manière ostentatoire. 33 00:02:02,590 --> 00:02:06,670 Les agents publics voient donc leur liberté, ici leur liberté 34 00:02:06,870 --> 00:02:10,270 religieuse, limitée au nom de la neutralité. 35 00:02:10,480 --> 00:02:11,240 Nous y reviendrons. 36 00:02:11,440 --> 00:02:17,680 Deuxièmement, les personnes publiques ne peuvent pas manifester de préférence 37 00:02:17,880 --> 00:02:18,640 vis-à-vis d’un culte. 38 00:02:19,330 --> 00:02:23,560 Cela résulte très clairement de l’article 28 de la loi de 1905 39 00:02:23,760 --> 00:02:25,210 de séparation des Églises et de l’État. 40 00:02:25,690 --> 00:02:29,020 Je cite cet article 28 : "Il est interdit, à l’avenir, 41 00:02:29,220 --> 00:02:33,880 d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments 42 00:02:34,080 --> 00:02:37,840 publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception 43 00:02:38,040 --> 00:02:41,320 des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans 44 00:02:41,520 --> 00:02:44,260 les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées 45 00:02:44,460 --> 00:02:45,220 ou des expositions". 46 00:02:45,420 --> 00:02:49,420 Donc, pas de manifestation de la préférence de l’administration 47 00:02:49,620 --> 00:02:50,380 vis-à-vis d’un culte. 48 00:02:51,460 --> 00:02:56,500 La question s’est posé plus récemment de la compatibilité à ce principe 49 00:02:56,920 --> 00:03:00,220 de l’installation de crèches de Noël dans les bâtiments publics, 50 00:03:00,520 --> 00:03:03,880 notamment dans le Conseil général de Vendée. 51 00:03:04,870 --> 00:03:10,060 Dans une ordonnance de référé du 9 novembre 2016, Fédération de 52 00:03:10,260 --> 00:03:13,870 la libre-pensée de Vendée, le Conseil d’État a distingué deux 53 00:03:14,070 --> 00:03:17,290 cas pour traiter de cette question de la possibilité d’installer des 54 00:03:17,490 --> 00:03:19,150 crèches de Noël dans les bâtiments publics. 55 00:03:20,650 --> 00:03:23,710 Le Conseil d’État distingue deux cas : en fonction du contexte, 56 00:03:23,910 --> 00:03:29,080 des conditions, de lieu d’installation et des éventuels les usages locaux. 57 00:03:29,800 --> 00:03:34,870 Une crèche peut soit avoir un caractère culturel, artistique ou festif, 58 00:03:35,650 --> 00:03:39,430 soit s’apparenter à un acte de prosélytisme ou de revendication 59 00:03:39,630 --> 00:03:40,420 d’une opinion religieuse. 60 00:03:40,620 --> 00:03:43,900 Évidemment, dans le premier cas, c’est-à-dire aspect culturel, 61 00:03:44,100 --> 00:03:47,680 artistique ou festif, l’installation d’une crèche de 62 00:03:47,880 --> 00:03:48,640 Noël est possible. 63 00:03:49,060 --> 00:03:52,840 En revanche, dans le second, c’est-à-dire dans le cas du 64 00:03:53,040 --> 00:03:54,880 prosélytisme ou de la revendication d’une opinion religieuse, 65 00:03:55,080 --> 00:04:01,090 l’administration manque à son devoir de neutralité et la crèche doit 66 00:04:01,290 --> 00:04:02,050 être retirée. 67 00:04:02,250 --> 00:04:08,230 Donc, obligation de l’administration de traiter, de la même manière, 68 00:04:08,430 --> 00:04:10,840 les différents cultes, notamment de ne pas manifester 69 00:04:11,530 --> 00:04:13,660 sa préférence pour l’un ou l’autre culte. 70 00:04:15,610 --> 00:04:19,360 Mais troisièmement, c’est le point sur lequel je vais le plus insister, 71 00:04:19,560 --> 00:04:25,240 l’administration ne peut pas imposer de restrictions à l’exercice de 72 00:04:25,440 --> 00:04:26,290 la liberté religieuse. 73 00:04:26,830 --> 00:04:31,360 Elle ne peut imposer des restrictions à cette liberté que si ces restrictions 74 00:04:31,560 --> 00:04:35,230 sont nécessaires pour la bonne exécution du service public ou 75 00:04:35,430 --> 00:04:36,790 pour la préservation de l’ordre public. 76 00:04:36,990 --> 00:04:40,870 L’administration ne peut pas imposer la neutralité aux administrés, 77 00:04:41,410 --> 00:04:45,490 en dehors des cas de la bonne organisation du service public 78 00:04:45,760 --> 00:04:47,860 et de la préservation de l’ordre public. 79 00:04:48,940 --> 00:04:52,330 En d’autres termes, la neutralité s’impose à l’administration, 80 00:04:52,750 --> 00:04:56,590 mais l’administration ne peut pas imposer aux administrés la neutralité, 81 00:04:56,860 --> 00:05:01,600 sauf cas de bonne organisation du service et de préservation de 82 00:05:01,800 --> 00:05:02,560 l’ordre public. 83 00:05:02,760 --> 00:05:05,740 Je vais vous donner plusieurs exemples de cette interdiction faite à 84 00:05:05,940 --> 00:05:08,860 l’administration d’imposer la neutralité aux administrés. 85 00:05:09,610 --> 00:05:15,820 Premier exemple : un avis du 27 octobre 1989 dans lequel le Conseil 86 00:05:16,020 --> 00:05:20,080 d’État s’est opposé à ce que l’administration interdise le port 87 00:05:20,280 --> 00:05:23,530 de signes religieux par les élèves de l’Éducation nationale. 88 00:05:24,250 --> 00:05:26,920 Le Conseil d’État explique la chose suivante dans son avis : 89 00:05:28,360 --> 00:05:33,130 "La liberté reconnue aux élèves comporte pour eux le droit d’exprimer 90 00:05:33,330 --> 00:05:36,580 et de manifester leurs croyances religieuses à l’intérieur des 91 00:05:36,780 --> 00:05:40,450 établissements scolaires dans le respect du pluralisme et de la 92 00:05:40,650 --> 00:05:46,210 liberté d’autrui — c’est là où je posais une nuance juste avant 93 00:05:46,410 --> 00:05:51,430 — liberté de principe, à condition qu’il ne soit pas porté 94 00:05:51,630 --> 00:05:54,610 — je cite toujours le Conseil d’État — atteinte aux activités 95 00:05:55,120 --> 00:05:58,600 d’enseignement, au contenu des programmes et à l’obligation 96 00:05:58,800 --> 00:05:59,560 d’assiduité". 97 00:06:00,940 --> 00:06:03,670 La neutralité de l’action administrative ne s’impose pas 98 00:06:03,970 --> 00:06:08,650 aux administrés, ici aux écoliers et aux élèves des collèges et des 99 00:06:08,850 --> 00:06:14,200 lycées, sauf à ce que l’expression religieuse nuise à la bonne exécution 100 00:06:14,530 --> 00:06:17,740 des missions d’intérêt général, comme l’explique le Conseil d’État, 101 00:06:17,940 --> 00:06:21,040 je cite un autre passage de cet avis de 1989 : "L’administration 102 00:06:22,270 --> 00:06:25,420 peut restreindre la liberté de manifester sa croyance lorsque 103 00:06:25,720 --> 00:06:30,250 celle-ci — je cite — fait obstacle à l’accomplissement des missions 104 00:06:30,450 --> 00:06:34,240 dévolues par le législateur au service public de l’éducation". 105 00:06:34,440 --> 00:06:38,470 Donc, la liberté est le principe, et l’administration peut restreindre 106 00:06:38,670 --> 00:06:42,700 cette liberté pour assurer la bonne exécution du service public. 107 00:06:43,720 --> 00:06:52,780 En d’autres termes, la restriction des libertés doit être adaptée 108 00:06:55,930 --> 00:06:58,270 au but qu’elle doit poursuivre, c’est-à-dire la bonne organisation 109 00:06:58,470 --> 00:06:59,230 du service public. 110 00:07:00,490 --> 00:07:06,220 Deuxième exemple, un arrêt Koen et Consistoire central des Israélites 111 00:07:06,420 --> 00:07:10,930 de France rendu par le Conseil d’État le 14 avril 1995. 112 00:07:11,650 --> 00:07:15,670 En l’espèce, les requérants contestaient le fait que le décret 113 00:07:15,870 --> 00:07:19,060 relatif aux droits et obligations des élèves des collèges et des 114 00:07:19,260 --> 00:07:24,640 lycées ne prévoyait aucune dérogation à l’obligation d’assiduité fondée 115 00:07:24,840 --> 00:07:25,960 sur la pratique religieuse. 116 00:07:27,040 --> 00:07:30,970 Autrement dit, les requérants auraient souhaité que l’administration prévoie 117 00:07:31,170 --> 00:07:34,420 des dispenses d’assiduité pour les élèves afin qu’ils puissent 118 00:07:34,620 --> 00:07:35,560 pratiquer leur religion. 119 00:07:36,310 --> 00:07:39,010 Le Conseil d’État, ici encore, adopte une position nuancée. 120 00:07:39,730 --> 00:07:42,520 Il estime que l’administration n’a pas commis d’illégalité en 121 00:07:42,720 --> 00:07:47,170 l’occurrence, n’a pas commis d’illégalité en ne prévoyant pas 122 00:07:47,370 --> 00:07:52,240 de dérogation à l’obligation d’assiduité pour la pratique de 123 00:07:52,440 --> 00:07:53,200 la religion. 124 00:07:53,800 --> 00:07:57,040 Elle n’a pas commis d’illégalité dès lors que l’obligation d’assiduité 125 00:07:57,240 --> 00:08:00,970 n’empêche pas, au cas par cas, d’attribuer des dérogations pour 126 00:08:01,170 --> 00:08:01,990 la pratique d’une religion. 127 00:08:02,620 --> 00:08:07,030 Le juge ajoute que de telles dispenses doivent être compatibles, 128 00:08:07,730 --> 00:08:11,800 je cite : "Avec l’accomplissement des tâches inhérentes à l’étude 129 00:08:12,220 --> 00:08:14,740 et avec le respect de l’ordre public dans l’établissement". 130 00:08:15,130 --> 00:08:17,980 Ici encore, on le voit, les restrictions à la liberté 131 00:08:18,180 --> 00:08:21,940 religieuse doivent être justifiées par des motifs d’intérêt général, 132 00:08:22,140 --> 00:08:26,530 c’est-à-dire par la bonne organisation du service public ou par le respect 133 00:08:26,730 --> 00:08:29,500 de l’ordre public, ici l’ordre public dans l’établissement scolaire. 134 00:08:31,440 --> 00:08:35,130 Troisième exemple, l’ordonnance du Conseil d’État plus récente, 135 00:08:35,520 --> 00:08:39,720 rendue le 26 août 2016, Ligue des droits de l’homme. 136 00:08:41,310 --> 00:08:44,430 En l’espèce, le Conseil d’État devait se prononcer sur la légalité 137 00:08:44,630 --> 00:08:48,690 d’un arrêté pris par le maire de Villeneuve-Loubet interdisant le 138 00:08:48,890 --> 00:08:52,170 port d’une tenue de baignade ayant une connotation religieuse. 139 00:08:52,620 --> 00:08:55,170 En d’autres termes, il s’agissait d’un arrêté qui interdisait le 140 00:08:55,370 --> 00:08:56,850 port de ce que l’on appelle le burkini. 141 00:08:58,380 --> 00:09:03,510 Dans sa décision, le juge ordonne la suspension de cet arrêté. 142 00:09:04,140 --> 00:09:04,900 Pourquoi le fait-il ? 143 00:09:05,100 --> 00:09:09,690 Il estime en effet que pour restreindre l’accès à la plage et à la baignade, 144 00:09:10,200 --> 00:09:13,530 le maire, un maire, en général, ne peut se fonder que, 145 00:09:14,310 --> 00:09:18,150 je cite : "sur les seules nécessités de l’ordre public, telles qu’elles 146 00:09:18,350 --> 00:09:21,420 découlent des circonstances de temps et de lieux et compte tenu 147 00:09:21,620 --> 00:09:24,120 des exigences qu’impliquent le bon accès au rivage, 148 00:09:24,450 --> 00:09:28,140 la sécurité de la baignade, ainsi que l’hygiène et la décence 149 00:09:28,340 --> 00:09:29,100 sur la plage". 150 00:09:30,150 --> 00:09:33,690 Le Conseil d’État poursuit : "Les restrictions que le maire 151 00:09:34,260 --> 00:09:39,300 ici apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques 152 00:09:39,500 --> 00:09:41,400 avérés d’atteintes à l’ordre public". 153 00:09:42,270 --> 00:09:46,440 Or ici, le Conseil d’État constate qu’il n’y avait aucun risque de 154 00:09:46,640 --> 00:09:50,310 trouble à l’ordre public précis invoqué par le maire devant lui. 155 00:09:51,000 --> 00:09:55,590 Donc ici, le maire a usé de ses pouvoirs pour imposer la neutralité 156 00:09:55,790 --> 00:09:59,520 aux administrés, alors que ce n’est pas l’objet de la police 157 00:09:59,720 --> 00:10:00,480 administrative. 158 00:10:00,750 --> 00:10:03,810 La police administrative a pour objet, on en a parlé précédemment, 159 00:10:04,350 --> 00:10:10,260 l’objet de la police est de prévenir les atteintes à l’ordre public. 160 00:10:10,460 --> 00:10:13,470 Ici, il ne s’agissait pas de prévenir les atteintes à l’ordre public, 161 00:10:13,670 --> 00:10:15,990 mais simplement d’imposer la neutralité aux administrés. 162 00:10:16,440 --> 00:10:20,100 La mesure de police a donc été adoptée illégalement. 163 00:10:21,600 --> 00:10:23,760 Je cite encore une fois le Conseil d’État dans cette affaire : 164 00:10:23,960 --> 00:10:29,040 "La mesure était constitutive d’une atteinte grave et manifestement 165 00:10:29,240 --> 00:10:32,850 illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, 166 00:10:33,210 --> 00:10:35,730 la liberté de conscience et la liberté personnelle". 167 00:10:35,930 --> 00:10:45,140 J’insisterai, pour terminer, sur une nuance par rapport au principe 168 00:10:45,340 --> 00:10:46,100 de laïcité. 169 00:10:46,400 --> 00:10:49,280 Je viens de vous expliquer que l’administration ne peut pas imposer 170 00:10:49,550 --> 00:10:53,390 la neutralité aux administrés, mais plutôt que la neutralité s’impose 171 00:10:53,590 --> 00:10:54,350 à elle. 172 00:10:54,550 --> 00:10:57,710 Mais le législateur, lui, peut imposer la neutralité 173 00:10:57,910 --> 00:10:58,670 aux administrés. 174 00:10:59,570 --> 00:11:04,940 En effet, deux exemples de la neutralité imposée par le législateur : 175 00:11:06,320 --> 00:11:14,930 une loi du 15 mars 2004 a encadré le port de signes ou de tenues 176 00:11:15,130 --> 00:11:17,990 qui manifestent une appartenance religieuse dans les écoles, 177 00:11:18,190 --> 00:11:19,700 les collèges et les lycées publics. 178 00:11:20,390 --> 00:11:22,610 Cette loi insère un article L. 179 00:11:22,810 --> 00:11:29,270 141-5-1 dans le Code de l’éducation qui dispose la chose suivante : 180 00:11:29,660 --> 00:11:31,670 "Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, 181 00:11:32,090 --> 00:11:35,960 le port de signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent 182 00:11:36,160 --> 00:11:39,110 ostensiblement une appartenance religieuse est interdit". 183 00:11:39,590 --> 00:11:45,590 On voit bien qu’en 1989, le Conseil d’État avait estimé 184 00:11:45,790 --> 00:11:50,480 que la liberté l’emportait sur la neutralité et que les élèves 185 00:11:50,680 --> 00:11:55,490 pouvaient manifester leur religion au sein de l’école, du collège 186 00:11:55,690 --> 00:11:59,120 ou du lycée, à condition de ne pas mettre en cause le bon 187 00:11:59,320 --> 00:12:01,130 fonctionnement du service public ou l’ordre public. 188 00:12:01,330 --> 00:12:04,280 C’est donc le législateur qui est intervenu plus tard, 189 00:12:04,480 --> 00:12:08,810 en 2004, pour interdire le port du voile en particulier, 190 00:12:09,010 --> 00:12:11,780 puisque c’était essentiellement celui-ci qui posait problème aux 191 00:12:11,980 --> 00:12:12,740 pouvoirs publics. 192 00:12:14,180 --> 00:12:18,050 Voilà une neutralité imposée par le législateur aux administrés, 193 00:12:18,250 --> 00:12:19,910 et ici, aux usagers d’un service public. 194 00:12:21,620 --> 00:12:26,390 Deuxième exemple de restriction de la liberté de religion par le 195 00:12:26,590 --> 00:12:33,800 législateur, la loi du 11 octobre 2010 a interdit la dissimulation 196 00:12:34,000 --> 00:12:38,570 du visage dans l’espace public, c’est-à-dire qu’il a interdit le 197 00:12:38,770 --> 00:12:39,590 port du voile intégral. 198 00:12:41,210 --> 00:12:46,070 Le Conseil d’État a été saisi de cette loi et il devait se prononcer 199 00:12:46,270 --> 00:12:49,910 sur la conformité de l’interdiction du voile intégral, puisqu’il s’agit 200 00:12:50,780 --> 00:12:56,360 de cela, l’interdiction du voile intégral vis-à-vis des principes 201 00:12:56,560 --> 00:12:57,380 de valeur constitutionnelle. 202 00:12:58,580 --> 00:13:02,660 Saisi de la question de la conformité de cette loi à la liberté en général, 203 00:13:02,860 --> 00:13:06,830 mais également à la liberté de conscience, le Conseil constitutionnel 204 00:13:07,160 --> 00:13:13,160 a estimé que l’atteinte à ces libertés n’était pas manifestement 205 00:13:13,360 --> 00:13:16,610 disproportionnée par rapport à la protection de l’ordre public 206 00:13:16,810 --> 00:13:18,830 qui était poursuivi par le législateur. 207 00:13:19,850 --> 00:13:24,200 Il faut bien noter ici que le Conseil d’État ne recherche pas une simple 208 00:13:24,400 --> 00:13:29,240 disproportion entre la préservation de l’ordre public et l’atteinte 209 00:13:29,440 --> 00:13:32,690 aux libertés que constitue l’interdiction de la dissimulation 210 00:13:32,890 --> 00:13:33,860 du visage dans l’espace public. 211 00:13:35,120 --> 00:13:37,160 Le Conseil constitutionnel, dans cette décision, 212 00:13:37,640 --> 00:13:41,630 exige une disproportion manifeste, c’est-à-dire une disproportion 213 00:13:41,830 --> 00:13:45,500 grave entre la préservation de l’ordre public et l’atteinte aux 214 00:13:45,700 --> 00:13:46,460 libertés. 215 00:13:46,660 --> 00:13:50,240 Il est donc possible qu’il existe, au fond, une disproportion, 216 00:13:50,720 --> 00:13:54,260 peut-être légère, mais une disproportion entre le but qui 217 00:13:54,460 --> 00:13:57,380 était poursuivi par le législateur et l’atteinte aux libertés. 218 00:13:57,680 --> 00:14:01,250 Et au demeurant, force est de constater que la décision du Conseil 219 00:14:01,450 --> 00:14:03,440 constitutionnel est très laconique.