1 00:00:05,650 --> 00:00:09,220 L'une des principales missions de l'administration est de prendre 2 00:00:09,420 --> 00:00:12,730 toutes les mesures qui sont nécessaires à la préservation de l'ordre public, 3 00:00:12,930 --> 00:00:15,550 c'est-à-dire de prendre des mesures de police. 4 00:00:15,750 --> 00:00:20,290 Mais, nous l'avons vu dans la vidéo précédente, l'ordre public est 5 00:00:20,490 --> 00:00:21,310 extrêmement divers. 6 00:00:21,820 --> 00:00:26,470 Il en va de même donc des compétences, qui sont distribuées pour assurer 7 00:00:26,670 --> 00:00:28,810 la préservation de cet ordre public. 8 00:00:29,290 --> 00:00:32,730 Elles sont éclatées entre un grand nombre d'organes. 9 00:00:33,520 --> 00:00:36,460 Dit autrement, il existe une grande variété des personnes publiques, 10 00:00:36,660 --> 00:00:39,430 et des organes de ces personnes publiques, qui sont titulaires 11 00:00:39,700 --> 00:00:42,340 de pouvoirs de police, c'est-à-dire qu'elles sont titulaires 12 00:00:42,540 --> 00:00:46,750 d'un pouvoir de prendre des mesures de préservation, visant à préserver 13 00:00:46,950 --> 00:00:47,710 l'ordre public. 14 00:00:49,450 --> 00:00:52,210 Le principe d'une compétence est qu'elle est fixe, c'est-à-dire 15 00:00:53,050 --> 00:00:57,010 que la personne qui en est dotée ne peut pas dépasser cette compétence. 16 00:00:57,310 --> 00:01:00,010 Et une personne qui n'est pas dotée de telles compétences ne peut pas, 17 00:01:00,210 --> 00:01:01,450 normalement, intervenir. 18 00:01:02,230 --> 00:01:06,370 Il s'agit d'un point que nous reverrons bien plus en détail au second semestre, 19 00:01:06,570 --> 00:01:08,590 mais que j'évoque ici très rapidement. 20 00:01:09,340 --> 00:01:13,630 Une mesure prise par une autorité administrative qui n'a pas une 21 00:01:13,830 --> 00:01:17,980 compétence pour intervenir est illégale, et elle peut être ensuite 22 00:01:18,180 --> 00:01:20,050 annulée par le juge administratif. 23 00:01:21,730 --> 00:01:25,420 Il est important de passer en revue la distribution des compétences 24 00:01:25,620 --> 00:01:28,090 de police au sein des organes administratifs. 25 00:01:28,930 --> 00:01:33,400 Et en la matière, une distinction essentielle est faite entre les 26 00:01:33,600 --> 00:01:37,510 autorités que l'on dit de police générale et les autorités que l'on 27 00:01:37,710 --> 00:01:38,940 dit de police spéciale. 28 00:01:39,910 --> 00:01:43,270 Avant d'en venir à la répartition des compétences entre les autorités 29 00:01:43,470 --> 00:01:47,620 de police générale et les autorités de police spéciale, il faut expliquer 30 00:01:47,820 --> 00:01:50,410 la distinction entre ces deux types de police. 31 00:01:50,610 --> 00:01:54,040 Ensuite, nous verrons donc la répartition des compétences de 32 00:01:54,240 --> 00:01:55,660 police générale et de police spéciale. 33 00:01:55,860 --> 00:02:01,210 Enfin, dans une autre vidéo, nous verrons que ces compétences 34 00:02:01,410 --> 00:02:03,100 peuvent éventuellement se chevaucher. 35 00:02:05,080 --> 00:02:09,820 Commençons, premièrement, A, par la distinction des polices 36 00:02:10,020 --> 00:02:11,050 générales et spéciales. 37 00:02:15,510 --> 00:02:20,940 Voyons d'abord comment se distinguent, la manière dont on distingue les 38 00:02:21,180 --> 00:02:25,350 polices administratives générales des polices administratives spéciales. 39 00:02:26,370 --> 00:02:31,380 Il s'agit d'un critère de répartition des compétences entre les autorités 40 00:02:31,580 --> 00:02:32,340 de police. 41 00:02:32,540 --> 00:02:34,920 Une partie de la doctrine — c'est le cas, par exemple, 42 00:02:35,120 --> 00:02:39,510 du professeur Jacques Petit —, explique qu'il existe deux types 43 00:02:39,710 --> 00:02:43,500 d'ordre public, auxquels répondent des polices différentes. 44 00:02:44,250 --> 00:02:48,090 Il y aurait un ordre public général, qui serait pris en charge par les 45 00:02:48,290 --> 00:02:52,260 autorités de police administrative générale, et des ordres publics 46 00:02:52,460 --> 00:02:56,850 spéciaux, qui sont pris en charge par des autorités de police spéciale. 47 00:02:58,560 --> 00:03:03,750 D'un côté, l'ordre public général correspond, je cite Jacques Petit, 48 00:03:03,950 --> 00:03:08,280 "au minimum de conditions qui apparaissent indispensables pour 49 00:03:08,480 --> 00:03:11,850 garantir l'exercice des libertés et des droits fondamentaux". 50 00:03:13,620 --> 00:03:14,520 J'ai terminé la citation. 51 00:03:14,790 --> 00:03:19,500 Cet ordre public général est composé de la sécurité, de la salubrité, 52 00:03:19,700 --> 00:03:21,750 de la tranquillité publique, comme nous l'avons déjà vu, 53 00:03:22,200 --> 00:03:25,770 ainsi que de la moralité publique et de la dignité humaine. 54 00:03:27,240 --> 00:03:30,330 De l'autre côté, il y a des ordres publics spéciaux, sectoriels, 55 00:03:31,680 --> 00:03:34,230 qui correspondent à des polices particulières. 56 00:03:34,740 --> 00:03:36,060 Je cite encore Jacques Petit. 57 00:03:36,260 --> 00:03:40,380 "Au-delà du minimum exigé par les valeurs libérales qui découlent 58 00:03:40,580 --> 00:03:44,490 de l'ordre public général, la police spéciale devient compétente." 59 00:03:45,740 --> 00:03:46,950 J'en ai terminé avec la citation. 60 00:03:47,150 --> 00:03:50,580 C'est-à-dire que la police spéciale prend en charge des ordres publics 61 00:03:50,780 --> 00:03:51,540 spéciaux. 62 00:03:51,740 --> 00:03:56,220 Par exemple : l'ordre public du cinéma pour la police du cinéma, 63 00:03:56,420 --> 00:03:59,550 l'ordre public environnemental pour le préfet dans certaines 64 00:03:59,750 --> 00:04:02,280 catégories, sur lesquelles je reviendrai plus tard, 65 00:04:02,480 --> 00:04:03,240 etc. 66 00:04:03,870 --> 00:04:06,510 Différents ordres publics, les uns à côté des autres, 67 00:04:06,710 --> 00:04:08,610 qui sont des ordres publics spéciaux. 68 00:04:09,810 --> 00:04:12,720 Cette présentation ne me semble pas particulièrement satisfaisante. 69 00:04:12,920 --> 00:04:16,320 C'est-à-dire que l'ordre public, à mon avis, est unique, 70 00:04:16,520 --> 00:04:21,630 il est unitaire, même s'il contient en lui-même un très grand nombre 71 00:04:21,830 --> 00:04:24,390 de principes et de valeurs différentes. 72 00:04:25,410 --> 00:04:28,920 Et même si, d'ailleurs, cet ordre public évolue dans le 73 00:04:29,120 --> 00:04:29,940 temps et dans l'espace. 74 00:04:30,540 --> 00:04:34,200 C'est donc un concept unique, mais qui est plastique, 75 00:04:34,620 --> 00:04:36,150 élastique d'une certaine manière. 76 00:04:37,140 --> 00:04:40,080 Il n'existe pas plusieurs ordres publics, il n'y en a qu'un seul 77 00:04:40,380 --> 00:04:44,100 qui est composite, qui est composé de différentes valeurs, 78 00:04:44,790 --> 00:04:46,200 et de valeurs multiples. 79 00:04:48,960 --> 00:04:52,110 Cet ordre public, donc, est protégé par des autorités 80 00:04:52,310 --> 00:04:53,070 différentes. 81 00:04:53,820 --> 00:04:59,400 J'en viens véritablement aux critères de distinction entre les autorités 82 00:04:59,600 --> 00:05:01,920 de police spéciale et les autorités de police générale. 83 00:05:03,120 --> 00:05:08,010 Certains organes administratifs assurent la préservation de l'ordre 84 00:05:08,210 --> 00:05:12,620 public dans tous les domaines des activités humaines, sans distinction. 85 00:05:12,820 --> 00:05:16,950 C'est-à-dire que ces organes-là peuvent prendre des mesures pour 86 00:05:17,220 --> 00:05:21,270 éviter la divagation des chiens errants, pour réglementer la baignade, 87 00:05:21,480 --> 00:05:24,330 pour réglementer le stationnement des véhicules, pour interdire le 88 00:05:24,530 --> 00:05:27,840 camping, pour interdire un spectacle de danse sur la voie publique, 89 00:05:28,040 --> 00:05:28,800 etc. 90 00:05:29,000 --> 00:05:34,080 Bref, ces autorités de police peuvent prendre des mesures dans des domaines 91 00:05:34,280 --> 00:05:35,160 extrêmement divers. 92 00:05:36,240 --> 00:05:39,900 D'autres organes administratifs, eux, assurent la préservation de 93 00:05:40,100 --> 00:05:43,410 l'ordre public, mais dans des domaines précis des activités humaines. 94 00:05:44,010 --> 00:05:47,250 Telle autorité délivre des permis de chasse, et elle ne fait que ça. 95 00:05:47,910 --> 00:05:51,630 Telle autre autorité est chargée de la protection des monuments 96 00:05:51,830 --> 00:05:53,700 historiques, et elle ne fait que ça également. 97 00:05:54,090 --> 00:05:57,180 Telle autre autorité, encore, délivre des visas 98 00:05:57,380 --> 00:06:00,360 d'exploitation pour les films, et elle ne fait que cette police 99 00:06:00,560 --> 00:06:01,320 du cinéma. 100 00:06:01,770 --> 00:06:06,420 Ces autorités ne prennent que des mesures de police dans ces domaines 101 00:06:06,620 --> 00:06:07,380 précis. 102 00:06:07,580 --> 00:06:10,200 Et vous voyez là, donc, la distinction entre les autorités 103 00:06:10,400 --> 00:06:13,380 de police administrative générale et les autorités de police 104 00:06:13,680 --> 00:06:15,180 administrative spéciale. 105 00:06:15,660 --> 00:06:19,140 Les autorités de police administrative générale prennent des mesures dans 106 00:06:19,340 --> 00:06:22,260 tous les domaines des activités humaines, peuvent prendre des mesures 107 00:06:22,460 --> 00:06:25,500 dans tous ces domaines, tandis que les autorités de police 108 00:06:25,700 --> 00:06:30,450 administrative spéciale ne peuvent prendre des mesures de police que 109 00:06:30,650 --> 00:06:33,420 dans certains domaines précis des activités humaines. 110 00:06:35,670 --> 00:06:39,930 Maintenant que nous avons défini la distinction entre les polices 111 00:06:40,130 --> 00:06:42,630 administratives générales d'un côté et les police administrative 112 00:06:42,830 --> 00:06:46,560 spéciale de l'autre, voyons comment se répartissent 113 00:06:46,920 --> 00:06:50,280 les compétences de police administrative générale, 114 00:06:50,550 --> 00:06:53,430 et les mesures de police administrative spéciale ensuite. 115 00:06:53,970 --> 00:06:58,470 D'abord, B : la répartition des compétences de police administrative 116 00:06:58,670 --> 00:06:59,430 générale. 117 00:07:03,430 --> 00:07:09,820 La répartition des compétences de police administrative générale 118 00:07:10,020 --> 00:07:12,930 se fait entre trois autorités particulières. 119 00:07:13,480 --> 00:07:16,630 Il y a d'une part le maire, il y a d'autre part le préfet, 120 00:07:17,020 --> 00:07:18,800 et enfin le Premier ministre. 121 00:07:19,000 --> 00:07:19,990 Revenons sur ces trois organes. 122 00:07:21,010 --> 00:07:23,440 D'abord, le maire. 123 00:07:24,850 --> 00:07:28,990 Le maire est l'autorité de police administrative générale dans la 124 00:07:29,190 --> 00:07:29,950 commune. 125 00:07:30,150 --> 00:07:34,090 Je vous en ai déjà parlé, c'est la loi municipale du 5 avril 126 00:07:34,290 --> 00:07:35,230 1884. 127 00:07:36,220 --> 00:07:39,040 Cette loi a doté le maire d'un pouvoir de police. 128 00:07:39,240 --> 00:07:42,760 Aujourd'hui, cette loi municipale a été codifiée. 129 00:07:42,960 --> 00:07:45,700 Et ce qu'il nous en reste, c'est l'article L. 130 00:07:45,900 --> 00:07:52,570 2212-1 du CGCT, duquel j'ai déjà parlé, qui dispose que le maire est chargé, 131 00:07:52,770 --> 00:07:56,050 sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans 132 00:07:56,250 --> 00:07:59,500 le département, c'est-à-dire le préfet, de la police municipale. 133 00:07:59,700 --> 00:08:01,810 Le maire est donc chargé de la police municipale sous le contrôle 134 00:08:02,010 --> 00:08:02,770 du préfet. 135 00:08:03,970 --> 00:08:08,770 Ensuite, la police administrative municipale est définie à l'article L. 136 00:08:08,970 --> 00:08:14,230 2212-2 du CGCT, que nous avons vu dans la vidéo précédente. 137 00:08:14,430 --> 00:08:18,410 C'est-à-dire que le maire est chargé de préserver la sécurité, 138 00:08:18,610 --> 00:08:20,470 la tranquillité et la salubrité publique. 139 00:08:21,940 --> 00:08:24,880 Relèvent également de la compétence du maire, comme nous l'avons vu, 140 00:08:25,180 --> 00:08:28,300 la préservation de la moralité publique, à condition qu'il y ait 141 00:08:28,500 --> 00:08:32,560 des circonstances locales, et la protection de la dignité humaine, 142 00:08:32,860 --> 00:08:35,770 en application de la jurisprudence commune de Morsang-sur-Orge. 143 00:08:37,810 --> 00:08:39,520 Voilà pour la première autorité, qu'est le maire. 144 00:08:40,090 --> 00:08:43,420 Deuxième autorité de police administrative générale : 145 00:08:43,900 --> 00:08:44,660 le préfet. 146 00:08:46,450 --> 00:08:49,210 Le préfet de département est une autorité de police administrative 147 00:08:49,410 --> 00:08:50,170 générale. 148 00:08:50,370 --> 00:08:55,600 Cela est ancien, et même plus ancien encore que l'attribution d'un pouvoir 149 00:08:55,800 --> 00:08:58,210 de police administrative générale au maire. 150 00:08:58,810 --> 00:09:06,180 En effet, c'est une loi des 22 décembre 1789 et 8 janvier 1790, 151 00:09:06,380 --> 00:09:07,510 il ne s'agit que d'une seule loi. 152 00:09:08,560 --> 00:09:12,940 Cette loi a confié au préfet un pouvoir de police administrative 153 00:09:13,140 --> 00:09:15,610 générale, avant donc même que le maire en dispose. 154 00:09:15,850 --> 00:09:19,030 Puisque le pouvoir de police municipale, je vous l'ai dit, 155 00:09:19,630 --> 00:09:21,670 n'est intervenu qu'en 1884. 156 00:09:23,560 --> 00:09:28,900 L'article 2 de la section 3 de cette loi, des 22 décembre 1789 157 00:09:29,100 --> 00:09:32,350 et 8 janvier 1790, dispose la chose suivante. 158 00:09:33,370 --> 00:09:36,850 "Les administrations de département seront encore chargées, 159 00:09:37,050 --> 00:09:41,260 sous l'autorité et l'inspection du roi, comme chef suprême de la nation 160 00:09:41,460 --> 00:09:44,980 et de l'administration générale du royaume, de toutes les parties 161 00:09:45,180 --> 00:09:47,620 de cette administration, notamment celles qui sont relatives 162 00:09:47,980 --> 00:09:52,390 au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité 163 00:09:52,590 --> 00:09:57,790 publique." En 1789-1790, le législateur a conféré un pouvoir 164 00:09:58,090 --> 00:10:02,710 au préfet d'assurer la préservation, le maintien de la salubrité, 165 00:10:02,910 --> 00:10:04,840 de la sûreté et de la tranquillité publique. 166 00:10:05,040 --> 00:10:11,560 Évidemment, en 1884, la loi municipale a ôté une grande 167 00:10:11,760 --> 00:10:15,910 partie des compétences de police du préfet pour les donner aux maires, 168 00:10:16,110 --> 00:10:18,460 puisqu'elle a créé la police administrative municipale. 169 00:10:18,700 --> 00:10:20,680 C'était une première loi de décentralisation. 170 00:10:20,880 --> 00:10:26,410 Aujourd'hui, le préfet de département dispose d'un pouvoir de police 171 00:10:26,620 --> 00:10:27,380 à plusieurs titres. 172 00:10:27,580 --> 00:10:34,630 Premièrement, premier élément, dont je vous ai déjà parlé dans 173 00:10:34,830 --> 00:10:38,560 des vidéos précédentes : le préfet peut se substituer à 174 00:10:38,760 --> 00:10:42,220 un ou plusieurs maires qui n'ont pas exercé leur pouvoir de police 175 00:10:42,420 --> 00:10:43,180 municipale. 176 00:10:43,660 --> 00:10:48,130 Pour ce faire, le préfet doit d'abord mettre en demeure le ou les maires 177 00:10:48,330 --> 00:10:49,090 concernés. 178 00:10:49,290 --> 00:10:52,990 Et si le ou les maires concernés ne prennent pas les mesures qu'il faut. 179 00:10:53,260 --> 00:10:57,370 Le préfet peut se substituer à eux, à ces maires, en prenant des mesures 180 00:10:57,570 --> 00:10:59,440 de police administrative à leur place. 181 00:10:59,830 --> 00:11:00,970 C'est l'article L. 182 00:11:01,170 --> 00:11:04,840 2215-1, premièrement, du CGCT. 183 00:11:06,460 --> 00:11:09,460 Deuxième possibilité : le préfet peut prendre des mesures 184 00:11:09,660 --> 00:11:13,590 de police lorsqu'il existe un risque de trouble à la sécurité, 185 00:11:13,790 --> 00:11:17,950 la tranquillité ou la salubrité publique, sur le territoire de 186 00:11:18,150 --> 00:11:22,600 plusieurs communes, ou alors sur le territoire du département dans 187 00:11:22,800 --> 00:11:23,560 son intégralité. 188 00:11:24,250 --> 00:11:25,630 C'est l'article L. 189 00:11:25,830 --> 00:11:30,310 2215-1, troisièmement, du CGCT. 190 00:11:31,330 --> 00:11:34,600 Cette disposition est assez logique, elle signifie simplement que le 191 00:11:34,800 --> 00:11:38,470 maire exerce son pouvoir de police à l'échelle du territoire de sa 192 00:11:38,670 --> 00:11:43,240 commune, et sous l'autorité du préfet, mais le maire ne peut pas prendre 193 00:11:43,440 --> 00:11:45,820 des mesures en dehors du territoire de sa commune. 194 00:11:46,390 --> 00:11:50,110 En dehors du territoire de sa commune, c'est-à-dire une mesure de police 195 00:11:50,310 --> 00:11:56,140 qui aurait une assise sur plusieurs communes ne peut être prise que 196 00:11:56,340 --> 00:12:00,640 par l'autorité qui est supérieure au maire et, conformément au CGCT, 197 00:12:00,840 --> 00:12:03,740 l'autorité qui est supérieure au maire en matière de police, 198 00:12:04,010 --> 00:12:04,770 c'est le préfet. 199 00:12:05,000 --> 00:12:08,060 Donc seul le préfet, en tant que supérieur hiérarchique 200 00:12:08,260 --> 00:12:12,980 des maires, peut prendre des mesures de police qui auront une étendue 201 00:12:14,210 --> 00:12:15,950 plus large qu'une seule commune. 202 00:12:19,890 --> 00:12:24,450 Et troisièmement, il arrive que la police administrative soit étatisée 203 00:12:24,650 --> 00:12:26,670 dans certaines communes, c'est-à-dire que le préfet de 204 00:12:26,870 --> 00:12:30,780 département devient le titulaire d'une partie des compétences de 205 00:12:30,980 --> 00:12:31,830 police municipale. 206 00:12:33,330 --> 00:12:35,730 Cela arrive dans des cas exceptionnels. 207 00:12:36,750 --> 00:12:37,510 Un exemple. 208 00:12:38,580 --> 00:12:42,090 Dans Paris et les communes de la petite couronne d'île-de-France, 209 00:12:42,290 --> 00:12:46,500 c'est-à-dire la Commune de Paris, les communes des départements du 210 00:12:46,700 --> 00:12:49,740 Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et des Hauts de Seine, 211 00:12:50,100 --> 00:12:54,090 c'est au préfet de police de Paris de prendre les mesures de police 212 00:12:54,290 --> 00:12:55,590 administrative nécessaires. 213 00:12:56,010 --> 00:12:58,110 C'est un article L. 214 00:12:58,310 --> 00:13:01,980 2512-13 du CGCT. 215 00:13:03,120 --> 00:13:09,090 Il arrive également que dans certaines communes, les pouvoirs de police 216 00:13:09,290 --> 00:13:14,520 du maire soit conférés en partie au préfet lorsqu'il y a des besoins 217 00:13:14,720 --> 00:13:18,390 particuliers de sécurité, des besoins qui s'apprécient au 218 00:13:18,590 --> 00:13:23,220 regard de la quantité de population sur le territoire de la commune, 219 00:13:23,490 --> 00:13:26,670 de la situation dans un ensemble urbain, ou alors des caractéristiques 220 00:13:26,870 --> 00:13:29,250 particulières de la délinquance dans certaines communes. 221 00:13:29,580 --> 00:13:32,340 C'est notamment le cas des villes qui sont les chefs-lieux de 222 00:13:32,540 --> 00:13:33,300 département. 223 00:13:33,500 --> 00:13:35,850 C'est-à-dire que dans ces villes-là, les chefs-lieux de département, 224 00:13:36,540 --> 00:13:39,600 une grande partie des pouvoirs de police du maire de ces villes 225 00:13:39,800 --> 00:13:41,250 sont transmis aux préfets. 226 00:13:42,240 --> 00:13:44,370 C'est en application de l'article L. 227 00:13:44,570 --> 00:13:47,910 2214-1 du CGCT. 228 00:13:49,410 --> 00:13:53,160 On parle donc de communes dans lesquelles la police a été étatisée. 229 00:13:54,180 --> 00:13:56,280 Elle n'est plus exercée par le maire de la commune, 230 00:13:56,480 --> 00:13:59,520 mais par le représentant de l'État dans le département, 231 00:13:59,720 --> 00:14:00,480 c'est-à-dire le préfet. 232 00:14:01,320 --> 00:14:03,690 Voilà donc pour le préfet, deuxième autorité de police 233 00:14:03,890 --> 00:14:04,650 administrative générale. 234 00:14:05,700 --> 00:14:09,840 Voyons maintenant, troisième autorité de police administrative générale, 235 00:14:10,200 --> 00:14:11,190 le Premier ministre. 236 00:14:13,020 --> 00:14:16,740 Le Premier ministre est l'autorité de police administrative générale 237 00:14:17,040 --> 00:14:18,330 au niveau national. 238 00:14:19,380 --> 00:14:22,950 Contrairement au maire et au préfet de département, qui, 239 00:14:23,150 --> 00:14:26,520 eux, ont été investis de leur compétence en vertu de textes, 240 00:14:26,720 --> 00:14:32,550 — pour le préfet, c'est la loi de 1789-1790 ; pour le maire, 241 00:14:32,750 --> 00:14:37,560 il s'agit de la loi de 1884 —, pour le Premier ministre, 242 00:14:38,340 --> 00:14:43,650 il n'y avait pas de texte initialement qui lui a confié un pouvoir de 243 00:14:43,850 --> 00:14:44,640 police administrative. 244 00:14:45,810 --> 00:14:49,290 Puisqu'il n'existait pas de texte, comment se fait-il que le Premier 245 00:14:49,490 --> 00:14:53,370 ministre soit considéré aujourd'hui encore comme une autorité de police 246 00:14:53,570 --> 00:14:54,360 administrative générale ? 247 00:14:55,350 --> 00:15:01,500 Tout remonte à une célèbre affaire qui a été jugée par le Conseil 248 00:15:01,700 --> 00:15:06,810 d'État le 8 août 1919, la célèbre affaire Sieur Labonne. 249 00:15:09,150 --> 00:15:11,790 Reprenons les faits de cette affaire. 250 00:15:13,080 --> 00:15:17,610 Le 10 mars 1899, le président de la République, Émile Loubet, 251 00:15:18,120 --> 00:15:22,830 fait publier un décret qui porte règlement relatif à la circulation 252 00:15:23,030 --> 00:15:23,790 des automobiles. 253 00:15:24,390 --> 00:15:27,990 Ce décret est le premier code de la route français. 254 00:15:29,100 --> 00:15:33,090 L'article 11 de ce décret prévoit la chose suivante, je le cite : 255 00:15:33,450 --> 00:15:37,860 "Nul ne pourra conduire une automobile s'il n'est porteur d'un certificat 256 00:15:38,060 --> 00:15:42,810 de capacité délivré par le préfet." L'article 32, ensuite, 257 00:15:43,010 --> 00:15:47,670 de ce décret prévoit qu'après deux contraventions dans une année, 258 00:15:48,150 --> 00:15:51,960 un conducteur automobile peut se voir retirer son certificat de 259 00:15:52,160 --> 00:15:53,430 capacité par le préfet. 260 00:15:53,730 --> 00:15:57,660 Le préfet peut délivrer des certificats, et les retirer si 261 00:15:57,860 --> 00:16:00,990 le conducteur a commis deux contraventions dans une année. 262 00:16:02,580 --> 00:16:06,600 L'article 32 de ce décret a été appliqué à un automobiliste, 263 00:16:06,900 --> 00:16:11,730 le Sieur Labonne, qui a contesté ensuite le retrait de son certificat 264 00:16:12,000 --> 00:16:13,440 devant le juge administratif. 265 00:16:14,130 --> 00:16:19,440 Son argumentation était la suivante : seuls le préfet et le maire ont 266 00:16:19,640 --> 00:16:21,690 un pouvoir de police, en vertu des textes, 267 00:16:21,890 --> 00:16:24,390 c'est-à-dire les textes révolutionnaires d'un côté, 268 00:16:24,590 --> 00:16:28,500 pour le préfet, ou la loi de 1884 pour les maires. 269 00:16:29,580 --> 00:16:32,580 Aucun texte, pour le coup, n'investit le président de la 270 00:16:32,780 --> 00:16:35,190 République d'une compétence de police administrative générale. 271 00:16:35,700 --> 00:16:41,220 Le décret de 1899, qui a été adopté par Émile Loubet, est donc illégal. 272 00:16:41,580 --> 00:16:45,330 Il n'est fondé sur aucune habilitation préalable du président de la 273 00:16:45,530 --> 00:16:46,290 République. 274 00:16:46,490 --> 00:16:51,390 Le retrait, qui a donc été décidé par le préfet sur le fondement 275 00:16:51,810 --> 00:16:54,660 de ce décret illégal, est lui aussi illégal. 276 00:16:55,170 --> 00:16:57,270 Il s'agit de ce qu'on appelle une exception d'illégalité, 277 00:16:57,470 --> 00:17:01,170 c'est-à-dire qu'on conteste un acte qui a été adopté sur le fondement 278 00:17:01,440 --> 00:17:03,390 d'un autre acte qui, lui, est illégal. 279 00:17:03,780 --> 00:17:08,730 L'illégalité de l'acte premier entraîne l'illégalité du second. 280 00:17:09,570 --> 00:17:12,960 Nous reviendrons sur ce mécanisme au second semestre. 281 00:17:14,960 --> 00:17:18,380 Saisi de la question, le Conseil d'État devait se prononcer, 282 00:17:18,710 --> 00:17:22,220 et il l'a fait, de la manière suivante dans son arrêt Sieur Labonne. 283 00:17:22,790 --> 00:17:25,940 Je cite le Conseil d'État : "Il appartient au chef de l'État, 284 00:17:26,450 --> 00:17:29,750 en dehors de toute délégation législative et en vertu de ses 285 00:17:29,950 --> 00:17:34,220 pouvoirs propres, de déterminer celles des mesures de police qui 286 00:17:34,420 --> 00:17:37,550 doivent, en tout état de cause, être appliquées à l'ensemble du 287 00:17:37,750 --> 00:17:42,920 territoire." Il poursuit : "Le décret du 10 mars 1899, 288 00:17:43,120 --> 00:17:47,600 à raison des dangers que représente la locomotion automobile, 289 00:17:48,050 --> 00:17:52,430 a pu valablement exiger que tout conducteur automobile fût porteur 290 00:17:52,630 --> 00:17:55,790 d'une autorisation de conduire, délivrée sous la forme d'un certificat 291 00:17:55,990 --> 00:18:02,170 de capacité." Je continue ici la citation : "La faculté d'accorder 292 00:18:02,370 --> 00:18:06,200 ce certificat, remise par ledit décret à l'autorité administrative", 293 00:18:06,650 --> 00:18:10,820 ici le préfet, “comportait nécessairement, pour la même autorité, 294 00:18:11,120 --> 00:18:15,290 celle de retirer ledit certificat en cas de manquement grave aux 295 00:18:15,490 --> 00:18:21,020 dispositions réglementant la circulation." Dans cet arrêt, 296 00:18:21,260 --> 00:18:26,000 le Conseil d'État décide, d'une part, point sur lequel je 297 00:18:26,200 --> 00:18:29,360 vais revenir, que le président de la République disposait d'un 298 00:18:29,560 --> 00:18:33,140 pouvoir pour réglementer la circulation automobile au niveau national, 299 00:18:33,440 --> 00:18:36,620 sans même avoir de délégation législative pour le faire. 300 00:18:37,010 --> 00:18:41,510 Et deuxièmement, il a pu charger les préfets de délivrer des certificats 301 00:18:41,710 --> 00:18:45,560 de capacité et de les retirer, dans l'hypothèse où un conducteur 302 00:18:45,760 --> 00:18:48,620 d'automobiles ne respecterait pas le Code de la route. 303 00:18:51,380 --> 00:18:55,730 En d'autres termes, je reviens sur le point de la compétence du 304 00:18:55,930 --> 00:18:59,900 président de la République : lorsque la préservation de l'ordre 305 00:19:00,100 --> 00:19:05,150 public sur tout le territoire l'exige, le chef de l'État peut intervenir. 306 00:19:05,570 --> 00:19:09,110 Il n'a pas besoin d'être habilité par un texte pour le faire. 307 00:19:10,280 --> 00:19:13,130 Dans son arrêt, le Conseil d'État parle, je vous l'ai dit, 308 00:19:13,330 --> 00:19:15,200 de pouvoirs propres du chef de l'État. 309 00:19:15,680 --> 00:19:19,100 En d'autres termes, le Conseil d'État apporte un fondement 310 00:19:19,300 --> 00:19:21,230 constitutionnel à sa décision. 311 00:19:21,950 --> 00:19:24,770 Et d'ailleurs, dans les visas de l'arrêt Sieur Labonne, 312 00:19:25,610 --> 00:19:29,030 le Conseil d'État mentionne la Constitution de la Troisième 313 00:19:29,230 --> 00:19:29,990 République. 314 00:19:30,800 --> 00:19:35,330 Il considère donc que la Constitution de la Troisième République a 315 00:19:35,530 --> 00:19:40,040 implicitement conféré au chef de l'État certains pouvoirs, 316 00:19:40,240 --> 00:19:41,630 qu'il qualifie de pouvoirs propres. 317 00:19:42,290 --> 00:19:48,740 Et fait partie de ces pouvoirs propres, un pouvoir de police administrative 318 00:19:48,940 --> 00:19:49,700 générale. 319 00:19:51,110 --> 00:19:53,600 Cet arrêt est contestable juridiquement. 320 00:19:54,200 --> 00:19:59,300 En effet, le Conseil d'État ne fait qu'évoquer la Constitution de 1875, 321 00:19:59,840 --> 00:20:05,150 mais il ne dit pas à quelle disposition précise de la Constitution de 1875 322 00:20:05,780 --> 00:20:09,800 il se réfère, c'est-à-dire quel article de cette Constitution donne 323 00:20:10,000 --> 00:20:12,260 un pouvoir de police administrative générale au préfet. 324 00:20:13,040 --> 00:20:17,090 En outre, le Conseil d'État dit bien que le chef de l'État a un 325 00:20:17,290 --> 00:20:20,000 pouvoir de police sans même qu'il n'existe une loi. 326 00:20:20,200 --> 00:20:23,960 Je vous l'ai dit, en dehors de toute délégation législative. 327 00:20:24,160 --> 00:20:25,250 Ce sont les termes du Conseil d'État. 328 00:20:25,450 --> 00:20:29,120 Or, s'il n'y a pas de dispositions constitutionnelles précises, 329 00:20:29,450 --> 00:20:33,050 mises à part des pouvoirs propres qui seraient implicites au sein 330 00:20:33,250 --> 00:20:36,620 de la Constitution de 1875, et qu'il n'y a pas non plus de 331 00:20:36,820 --> 00:20:40,100 disposition législative : normalement, le président de la 332 00:20:40,300 --> 00:20:43,940 République ne pourrait pas intervenir, ne devrait pas pouvoir intervenir. 333 00:20:44,570 --> 00:20:48,740 C'est ce qu'on a dit dès le début de ce cours : il faut être habilité 334 00:20:48,940 --> 00:20:49,700 pour prendre des décisions. 335 00:20:49,900 --> 00:20:53,540 Or, ici, la Constitution ne donne pas d'habilitation précise au chef 336 00:20:53,740 --> 00:20:56,030 de l'État pour prendre des mesures de police administrative générale, 337 00:20:56,480 --> 00:20:59,540 ni la loi ne lui donne ce genre de pouvoirs. 338 00:21:01,100 --> 00:21:04,580 En principe, il aurait dû revenir au législateur d'intervenir, 339 00:21:05,060 --> 00:21:09,340 ou alors au préfet, sur le fondement de la loi de 1789-1790, 340 00:21:12,020 --> 00:21:15,110 ou au maire sur le fondement de la loi de 1884. 341 00:21:15,680 --> 00:21:19,640 Bien évidemment, la circulation automobile pose un problème de 342 00:21:19,840 --> 00:21:23,090 sécurité sur tout le territoire français, et il n'y aurait aucun 343 00:21:23,290 --> 00:21:26,930 sens à ce que les maires et les préfets interviennent, chacun dans 344 00:21:27,130 --> 00:21:29,900 leur coin, pour réglementer la circulation automobile. 345 00:21:30,290 --> 00:21:34,370 C'est donc d'une certaine manière logique que le chef de l'État puisse 346 00:21:34,570 --> 00:21:41,030 se prononcer sur la police de la circulation, sur le champ du territoire 347 00:21:41,230 --> 00:21:42,440 national dans son entier. 348 00:21:43,430 --> 00:21:45,460 Mais l'arrêt demeure contestable. 349 00:21:45,660 --> 00:21:49,520 Il est logique d'un point de vue de l'opportunité, mais il est 350 00:21:49,720 --> 00:21:51,500 contestable d'un point de vue juridique. 351 00:21:52,010 --> 00:21:55,430 Il fonde le pouvoir du chef de l'État sur une interprétation très 352 00:21:55,630 --> 00:22:00,800 générale de la Constitution de 1875, et non sur une disposition précise 353 00:22:01,000 --> 00:22:01,760 de cette Constitution. 354 00:22:02,510 --> 00:22:06,560 C'est une manière de dire ici que le Conseil d'État a étendu les 355 00:22:06,760 --> 00:22:10,490 pouvoirs du chef de l'État, afin de donner une base légale 356 00:22:10,690 --> 00:22:14,270 à son décret, et donc de justifier une action qui, en principe, 357 00:22:14,540 --> 00:22:19,250 serait contraire à la Constitution et contraire à la législation. 358 00:22:21,020 --> 00:22:24,650 Une question s'est posée ensuite, après l'adoption de la Constitution 359 00:22:24,850 --> 00:22:26,210 de 1958. 360 00:22:27,170 --> 00:22:30,860 La répartition des compétences entre le législateur et le pouvoir 361 00:22:31,060 --> 00:22:34,550 réglementaire, répartition des compétences qui a été posée par 362 00:22:34,750 --> 00:22:39,860 les articles 34 et 37 de cette Constitution, a-t-elle donné un 363 00:22:40,060 --> 00:22:42,980 nouveau fondement aux pouvoirs de police du chef de l'État ? 364 00:22:43,850 --> 00:22:49,430 L'article 37 de la Constitution de 1958 donne, en effet, 365 00:22:49,630 --> 00:22:51,980 un pouvoir réglementaire autonome au Premier ministre. 366 00:22:52,180 --> 00:22:57,440 Est-ce que cette Constitution a changé les choses, a mis un terme, 367 00:22:57,640 --> 00:23:02,030 ou alors a-t-elle confirmé la jurisprudence Sieur Labonne ? 368 00:23:05,270 --> 00:23:12,710 La réponse nous a été donnée par le Conseil d'État dans un arrêt de 1975, 369 00:23:13,520 --> 00:23:17,480 à l'occasion duquel il devait se prononcer sur la légalité d'un 370 00:23:17,680 --> 00:23:21,620 décret pris par le Premier ministre, rendant le port de la ceinture 371 00:23:21,820 --> 00:23:23,960 de sécurité obligatoire en voiture. 372 00:23:24,950 --> 00:23:26,450 En l'espèce, comme dans l'arrêt Labonne, l'exécutif… 373 00:23:28,130 --> 00:23:30,640 Cette fois, il ne s'agissait plus du président de la République, 374 00:23:30,840 --> 00:23:32,870 — dans le contexte de la Cinquième République, ce n'est plus à lui 375 00:23:33,070 --> 00:23:35,000 d'intervenir —, mais au Premier ministre. 376 00:23:35,200 --> 00:23:40,370 L'exécutif, le Premier ministre ici, avait pris ce règlement sans aucune 377 00:23:40,570 --> 00:23:43,970 habilitation, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de loi qui lui avait 378 00:23:44,170 --> 00:23:45,680 donné une compétence pour intervenir. 379 00:23:46,460 --> 00:23:48,530 Dans sa décision, le Conseil d'État dit la chose suivante : 380 00:23:49,760 --> 00:23:53,180 "Il appartient au gouvernement, en vertu des dispositions des articles 381 00:23:53,380 --> 00:23:58,190 21 et 37 de la Constitution, de prendre des mesures de police 382 00:23:58,520 --> 00:24:02,870 applicables à l'ensemble du territoire, et notamment qui ont pour objet 383 00:24:03,170 --> 00:24:07,160 la sécurité des conducteurs des voitures automobiles et des personnes 384 00:24:07,360 --> 00:24:13,820 transportées." C'est donc un arrêt du 4 juin 1975, Bouvet de la 385 00:24:14,020 --> 00:24:21,080 Maisonneuve ; arrêt qui confirme finalement la permanence du pouvoir 386 00:24:21,280 --> 00:24:25,880 de police, non plus du chef de l'État, ce pouvoir ayant été transféré 387 00:24:26,080 --> 00:24:28,250 au Premier ministre, c'est-à-dire au chef du gouvernement. 388 00:24:30,530 --> 00:24:32,630 Dans un deuxième temps, le Conseil d'État a pris un autre 389 00:24:32,830 --> 00:24:37,550 arrêt le 17 février 1978, qui est encore plus clair sur la 390 00:24:37,750 --> 00:24:41,390 préservation du pouvoir de police de l'exécutif, et en l'occurrence 391 00:24:41,590 --> 00:24:42,350 du Premier ministre. 392 00:24:42,550 --> 00:24:44,210 Je cite cet arrêt du Conseil d'État. 393 00:24:45,590 --> 00:24:49,130 "En donnant compétence au législateur pour fixer les règles concernant 394 00:24:49,340 --> 00:24:52,910 les garanties fondamentales accordées aux citoyens dans l'exercice des 395 00:24:53,110 --> 00:24:57,830 libertés publiques, l'article 34 de la Constitution n'a pas retiré 396 00:24:58,030 --> 00:25:01,310 au chef du gouvernement les attributions de police générale 397 00:25:01,510 --> 00:25:04,820 qu'il exerçait antérieurement." La Constitution — c'est moi qui 398 00:25:05,020 --> 00:25:08,120 parle ici, ce n'est pas le Conseil d'État —, la Constitution n'a pas 399 00:25:08,320 --> 00:25:12,290 retiré son pouvoir au chef de l'État, au chef ici du gouvernement, 400 00:25:13,700 --> 00:25:16,700 n'a donc pas abrogé la jurisprudence Labonne. 401 00:25:17,720 --> 00:25:21,830 Je continue la citation de la décision du Conseil d’État : "Il appartient 402 00:25:22,030 --> 00:25:25,640 dès lors au Premier ministre de pourvoir, par des précautions 403 00:25:25,840 --> 00:25:29,240 convenables, à la sécurité des usagers des voies publiques sur 404 00:25:29,440 --> 00:25:32,330 l'ensemble du territoire, et notamment de réglementer l'affichage 405 00:25:32,530 --> 00:25:36,350 de la publicité aux abords des voies ouvertes à la circulation." Ici, 406 00:25:37,040 --> 00:25:41,120 il s'agissait d'une interdiction d'apposer des panneaux publicitaires 407 00:25:41,630 --> 00:25:42,650 sur les bords des routes. 408 00:25:43,010 --> 00:25:47,360 Car effectivement, l'affichage publicitaire est accidentogène, 409 00:25:47,570 --> 00:25:51,710 dès lors qu'il peut distraire les automobilistes, ou alors être confondu 410 00:25:51,980 --> 00:25:53,780 avec la signalisation routière. 411 00:25:55,490 --> 00:25:58,370 En définitive, pour conclure sur cette jurisprudence Labonne. 412 00:25:59,540 --> 00:26:04,700 Le Conseil d'État a d'abord créé, sans véritable fondement 413 00:26:04,900 --> 00:26:09,050 constitutionnel, mais plutôt sur des pouvoirs implicites, 414 00:26:09,250 --> 00:26:15,410 a créé un pouvoir de police administrative générale au profit 415 00:26:15,860 --> 00:26:18,740 d'abord du président de la République, sous la Troisième République, 416 00:26:19,430 --> 00:26:22,040 qui a ensuite été transféré au Premier ministre. 417 00:26:22,240 --> 00:26:24,920 Aujourd'hui, c'est le Premier ministre qui est compétent pour prendre 418 00:26:25,120 --> 00:26:28,550 des mesures de police administrative générale sur le territoire national, 419 00:26:29,090 --> 00:26:31,850 mais se pose une question, une nouvelle question. 420 00:26:32,050 --> 00:26:37,370 Certes, ce pouvoir a été préservé, mais quel est aujourd'hui le fondement 421 00:26:37,570 --> 00:26:38,330 de cette compétence ? 422 00:26:38,530 --> 00:26:42,230 S'agit-il toujours d'un pouvoir propre qui découlerait de manière 423 00:26:42,430 --> 00:26:43,880 très implicite de la Constitution ? 424 00:26:44,600 --> 00:26:47,720 Ou alors, s'agit-il simplement d'une jurisprudence Sieur Labonne 425 00:26:48,440 --> 00:26:50,810 qui demeure assez contestable juridiquement ? 426 00:26:51,980 --> 00:26:52,940 Il y a deux possibilités. 427 00:26:54,080 --> 00:26:58,580 Il y a d'abord des arrêts qui fondent la compétence du Premier ministre 428 00:26:58,820 --> 00:27:03,410 sur les articles 21 et 37 de la Constitution, c'est-à-dire les 429 00:27:03,610 --> 00:27:07,430 articles qui prévoient l'existence du pouvoir réglementaire du Premier 430 00:27:07,630 --> 00:27:08,390 ministre. 431 00:27:08,590 --> 00:27:12,260 Ces articles, en conférant un pouvoir réglementaire au Premier ministre, 432 00:27:12,530 --> 00:27:16,010 pourraient être considérés comme le fondement d'un pouvoir de police. 433 00:27:16,790 --> 00:27:19,880 C'est le sens, par exemple, de l'arrêt Bouvet de la Maisonneuve, 434 00:27:20,080 --> 00:27:21,230 que je vous citais précédemment. 435 00:27:21,800 --> 00:27:26,800 Il y a également un autre arrêt, celui du 22 janvier 1982, 436 00:27:27,140 --> 00:27:29,000 Associations Auto défense. 437 00:27:29,780 --> 00:27:32,150 Je le cite : "Il appartient au gouvernement de prendre, 438 00:27:32,350 --> 00:27:35,720 en vertu des articles 21 et 37 de la Constitution, des mesures 439 00:27:35,920 --> 00:27:38,900 de police applicables à l'ensemble du territoire." Dans le cadre de 440 00:27:39,100 --> 00:27:44,030 cette jurisprudence, simplement, le pouvoir de police générale qui 441 00:27:44,230 --> 00:27:47,750 est conféré au Premier ministre serait directement fondé sur la 442 00:27:47,950 --> 00:27:48,710 Constitution. 443 00:27:49,580 --> 00:27:50,960 Mais d'autres arrêts sont moins clairs. 444 00:27:51,650 --> 00:27:55,520 Il y a en effet des arrêts qui indiquent simplement que la 445 00:27:55,720 --> 00:28:02,210 Constitution de 1958 n'a pas retiré sa compétence au Premier ministre. 446 00:28:02,410 --> 00:28:05,750 C'est-à-dire que dans ce cas-là, on se trouve plutôt dans l'idée 447 00:28:05,950 --> 00:28:10,430 d'un maintien de la jurisprudence Sieur Labonne, c'est-à-dire le 448 00:28:10,630 --> 00:28:12,800 maintien de l'idée qu'il y aurait des pouvoirs propres, 449 00:28:13,080 --> 00:28:16,940 un pouvoir propre de police qui appartiendrait à l'exécutif, 450 00:28:17,270 --> 00:28:21,540 et depuis 1958, qui appartiendrait au Premier ministre. 451 00:28:22,660 --> 00:28:26,180 La jurisprudence demeure donc assez ambiguë sur ce point, 452 00:28:26,380 --> 00:28:28,820 et il est pour le moment impossible de trancher.