1 00:00:08,945 --> 00:00:09,752 Paragraphe 3 : 2 00:00:10,850 --> 00:00:15,549 les effets des arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme. 3 00:00:17,505 --> 00:00:21,490 Alors ici, nous allons supposer que la Cour, dans une affaire, 4 00:00:21,709 --> 00:00:25,978 constate que la Convention européenne des droits de l'homme a été violée. 5 00:00:33,860 --> 00:00:36,218 Cet arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme 6 00:00:36,276 --> 00:00:39,425 ne va pas entraîner par lui-même, à lui seul, 7 00:00:39,738 --> 00:00:43,450 une modification du droit interne de l'État intéressé. 8 00:00:45,556 --> 00:00:52,887 Ainsi, si la Cour déclare dans un arrêt qu'une loi d'un pays est contraire à la Convention, 9 00:00:53,454 --> 00:00:57,280 ça n'entraîne pas immédiatement abrogation de cette loi. 10 00:00:58,690 --> 00:01:01,469 Dans ce cas, c'est alors à l'État condamné 11 00:01:01,927 --> 00:01:05,770 qu'il incombe de prendre des mesures pour se conformer à l'arrêt de la Cour. 12 00:01:06,763 --> 00:01:07,549 Dans mon exemple, 13 00:01:08,538 --> 00:01:12,894 c'est à l'État qu'il incombe d'abroger la loi contraire à la Convention. 14 00:01:15,180 --> 00:01:19,076 Et le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, 15 00:01:19,767 --> 00:01:23,970 a alors pour rôle de veiller à ce que l'État contrevenant 16 00:01:24,290 --> 00:01:27,030 prenne bien ces mesures d'application de l'arrêt. 17 00:01:29,774 --> 00:01:33,592 Seulement il n'est pas toujours possible d'effacer 18 00:01:33,963 --> 00:01:38,120 les conséquences d'une violation de la Convention européenne des droits de l'homme. 19 00:01:42,661 --> 00:01:46,414 Par exemple supposons que dans une affaire, 20 00:01:48,436 --> 00:01:50,072 la Cour européenne des droits de l'homme affirme 21 00:01:50,123 --> 00:01:53,672 que la procédure qui a été suivie par les juridictions nationales 22 00:01:53,738 --> 00:01:56,218 n'est pas conforme à la Convention, 23 00:01:58,341 --> 00:02:01,541 ça n'entraîne pas la nullité de cette procédure. 24 00:02:02,880 --> 00:02:06,974 Cette procédure, elle est devenue définitive depuis, 25 00:02:07,032 --> 00:02:09,556 et elle ne peut plus être remise en cause. 26 00:02:11,723 --> 00:02:15,272 Alors dans ce cas, la Cour européenne des droits de l'homme 27 00:02:15,861 --> 00:02:20,872 ne va pas se contenter d'affirmer que la Convention a été violée, 28 00:02:22,232 --> 00:02:27,610 elle va en plus accorder à la victime ce que l'article 41 de la Convention 29 00:02:27,665 --> 00:02:30,240 rappelle une satisfaction équitable. 30 00:02:31,163 --> 00:02:36,458 C'est-à-dire qu'elle va condamner l'État à lui verser des dommages et intérêts. 31 00:02:39,694 --> 00:02:43,100 Mais l'influence des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme 32 00:02:43,781 --> 00:02:48,450 ne se limite pas à ce seul aspect pécuniaire. 33 00:02:50,930 --> 00:02:53,590 Si les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme 34 00:02:53,690 --> 00:02:55,510 ont aujourd'hui une grande importance, 35 00:02:56,669 --> 00:03:01,580 c'est surtout parce que, du fait de leur retentissement médiatique, 36 00:03:02,487 --> 00:03:06,130 ils incitent les États à modifier leur législation 37 00:03:06,872 --> 00:03:11,120 et les juridictions nationale à modifier leur jurisprudence. 38 00:03:13,032 --> 00:03:16,981 Et ça, l'on en trouve un exemple typique, bien qu'encore ancien, 39 00:03:17,163 --> 00:03:19,134 dans le cas des écoutes téléphoniques. 40 00:03:21,585 --> 00:03:23,294 En 1990 en France, 41 00:03:23,760 --> 00:03:29,927 les écoutes téléphoniques ne faisaient pas l'objet d'une réglementation spécifique. 42 00:03:31,694 --> 00:03:33,730 Elles pouvaient être ordonnées par un juge d'instruction 43 00:03:33,760 --> 00:03:35,970 sur le fondement d'un texte très général 44 00:03:36,727 --> 00:03:41,803 qui donne au juge d'instruction le pouvoir de procéder à tous les actes d'information 45 00:03:41,854 --> 00:03:45,025 qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. 46 00:03:47,876 --> 00:03:49,425 La Cour de cassation quant à elle 47 00:03:49,476 --> 00:03:53,505 considérait qu'il s'agissait là d'un moyen licite de preuve, 48 00:03:54,174 --> 00:03:55,469 elle disait simplement : 49 00:03:57,018 --> 00:04:00,540 il faut que l'écoute ait été effectuée sous le contrôle du juge d'instruction, 50 00:04:01,570 --> 00:04:04,700 il fallait qu'elle n'ait impliqué ni artifice ni stratagème, 51 00:04:05,592 --> 00:04:09,774 par exemple il ne fallait pas inciter un tiers à téléphoner à un suspect 52 00:04:09,941 --> 00:04:11,789 pour pouvoir enregistrer la conversation. 53 00:04:12,778 --> 00:04:17,898 Et enfin, elle affirmait qu'il ne fallait pas que ça ait porté atteinte aux droits de la défense, 54 00:04:18,014 --> 00:04:23,432 par exemple ne pas écouter la conversation d'un inculpé avec son avocat. 55 00:04:26,138 --> 00:04:31,490 Mais l'encadrement des écoutes de ce fait était pour le moins limité. 56 00:04:32,821 --> 00:04:34,029 La Cour européenne des droits de l'homme 57 00:04:34,792 --> 00:04:41,498 va juger dans un arrêt Kruslin, en date du 24 avril 1990, 58 00:04:41,585 --> 00:04:42,625 dans l'arrêt Kruslin, 59 00:04:45,440 --> 00:04:47,350 la Cour européenne des droits de l'homme 60 00:04:47,898 --> 00:04:54,596 va affirmer que les garanties apportées par le droit français sont insuffisantes 61 00:04:54,749 --> 00:04:57,280 au regard de l'article 8 de la Convention, 62 00:04:58,334 --> 00:04:59,985 article 8 qui affirme : 63 00:05:00,545 --> 00:05:03,105 "Il ne peut y avoir d'ingérence dans la vie d'une personne 64 00:05:03,636 --> 00:05:07,447 que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi". 65 00:05:10,007 --> 00:05:15,665 La Cour considère que l'ingérence n'est pas suffisamment prévue par la loi. 66 00:05:16,220 --> 00:05:21,134 Elle considère que le droit français n'encadre pas suffisamment les écoutes téléphoniques. 67 00:05:22,872 --> 00:05:24,996 Et voilà la France qui est condamnée. 68 00:05:26,865 --> 00:05:32,829 Alors cette condamnation va inciter la jurisprudence à évoluer 69 00:05:32,880 --> 00:05:35,658 et le législateur à réagir, et cela assez vite. 70 00:05:39,330 --> 00:05:43,796 On voit en effet, tout d'abord la chambre criminelle de la Cour de cassation 71 00:05:44,472 --> 00:05:49,185 réagir dès un arrêt rendu le 15 mai 1990, 72 00:05:50,980 --> 00:05:53,360 et là, la chambre criminelle nous dit qu'une écoute téléphonique 73 00:05:53,432 --> 00:05:56,829 ne peut être ordonnée qu'à l'occasion d'un crime ou d'un délit 74 00:05:56,880 --> 00:05:59,141 portant gravement atteinte à l'ordre public. 75 00:06:00,676 --> 00:06:06,283 Et on a là un premier encadrement, une première définition des infractions 76 00:06:06,523 --> 00:06:08,850 pouvant donner lieu à une écoute téléphonique. 77 00:06:10,450 --> 00:06:16,450 Et puis par la suite, on va avoir assez rapidement une réaction législative. 78 00:06:17,636 --> 00:06:22,203 La réaction législative va en effet venir avec une loi du 10 juillet 1991, 79 00:06:23,978 --> 00:06:31,672 une loi qui réglemente, dans les articles 100 à 100-7 du Code de procédure pénale, 80 00:06:32,021 --> 00:06:36,225 qui réglemente de manière un peu plus détaillée les écoutes téléphoniques, 81 00:06:36,821 --> 00:06:41,185 le législateur affirmant notamment qu'une écoute ne peut être ordonnée que pour des crimes 82 00:06:41,701 --> 00:06:46,356 ou pour des délits punis d'un emprisonnement supérieur à deux ans. 83 00:06:47,512 --> 00:06:51,556 Alors voilà un exemple tout à fait caractéristique 84 00:06:52,320 --> 00:06:57,818 qui montre comment la jurisprudence d'un côté et le législateur de l'autre 85 00:06:58,370 --> 00:07:03,978 évoluent rapidement en fonction des décisions qui sont rendues 86 00:07:04,589 --> 00:07:07,214 par la Cour européenne des droits de l'homme. 87 00:07:10,385 --> 00:07:17,578 Enfin, pour en terminer, il faut noter ici une remise en cause importante 88 00:07:18,436 --> 00:07:22,080 du principe général selon lequel les arrêts de condamnation 89 00:07:22,130 --> 00:07:25,287 de la Cour européenne des droits de l'homme sont sans influence 90 00:07:25,883 --> 00:07:30,370 sur la validité des procédures suivies par les juridictions nationales. 91 00:07:32,363 --> 00:07:39,260 Cette exception importante, cette remise en cause importante, elle existe en matière pénale. 92 00:07:41,592 --> 00:07:48,683 Le législateur français a en effet décidé, dans une loi du 15 juin 2000, 93 00:07:49,280 --> 00:07:53,730 il a décidé que désormais, lorsque la Cour européenne des droits l'Homme 94 00:07:53,985 --> 00:07:59,847 constaterait une violation de la Convention par des juridictions pénales françaises, 95 00:08:01,178 --> 00:08:05,825 désormais, la personne condamnée aurait le droit de demander le réexamen 96 00:08:06,443 --> 00:08:13,120 de sa condamnation par une commission spéciale de la Cour de cassation, 97 00:08:14,465 --> 00:08:22,490 commission spéciale qui a été transformée en 2014 en une Cour de révision et de réexamen, 98 00:08:23,461 --> 00:08:28,632 Cour de révision et de réexamen qui est composée de 18 magistrats de la Cour de cassation. 99 00:08:31,054 --> 00:08:37,410 Alors ceci va nous conduire maintenant tout naturellement à aborder, 100 00:08:37,636 --> 00:08:42,240 après les juridictions européennes, l'étude des juridictions nationales.