1 00:00:06,050 --> 00:00:06,710 Bonjour. 2 00:00:07,800 --> 00:00:10,290 Terminons l’étude des conventions fiscales bilatérales. 3 00:00:10,490 --> 00:00:12,150 J’évoquais, la dernière fois, 4 00:00:12,190 --> 00:00:13,730 un certain nombre d’éléments de contenu 5 00:00:13,760 --> 00:00:15,800 que l’on trouve dans les différents articles 6 00:00:16,040 --> 00:00:17,750 et conventions fiscales bilatérales, 7 00:00:17,750 --> 00:00:21,130 définition de la résidence pour les particuliers 8 00:00:21,260 --> 00:00:22,660 et aussi pour les entreprises, 9 00:00:22,830 --> 00:00:25,450 notamment grâce à la notion d’établissement stable. 10 00:00:26,280 --> 00:00:28,460 Un autre élément extrêmement important 11 00:00:28,490 --> 00:00:30,900 que l’on trouve dans les conventions fiscales bilatérales, 12 00:00:31,030 --> 00:00:35,040 c’est en général une manière de clarifier 13 00:00:35,460 --> 00:00:39,300 la façon de déterminer l’impôt dû par les entreprises 14 00:00:39,410 --> 00:00:40,870 qui sont des groupes d’entreprises, 15 00:00:41,500 --> 00:00:46,200 qui s’échangent des biens et des services au sein d’un même groupe, 16 00:00:46,420 --> 00:00:48,700 avec un passage de frontières puisque, par hypothèse, 17 00:00:48,730 --> 00:00:51,190 c’est ce qui nous intéresse au titre des conventions internationales. 18 00:00:51,690 --> 00:00:56,710 Je parle d’une notion capitale du droit fiscal international 19 00:00:56,740 --> 00:00:58,010 et du droit fiscal tout court, 20 00:00:58,080 --> 00:00:59,630 c’est la notion de prix de transfert. 21 00:01:01,720 --> 00:01:03,511 La définition de prix de transfert, je viens de vous la donner en réalité, 22 00:01:03,644 --> 00:01:08,800 ce sont les prix facturés par des entreprises liées, 23 00:01:08,850 --> 00:01:10,980 c’est-à-dire lorsqu’une entreprise en contrôle une autre, 24 00:01:11,420 --> 00:01:14,840 c’est par principe au sein d’un groupe d’entreprises, 25 00:01:15,000 --> 00:01:16,170 soit à travers des filiales, 26 00:01:16,200 --> 00:01:19,340 soit à travers des succursales ou des établissements stables, 27 00:01:19,590 --> 00:01:20,980 vous connaissez maintenant l’expression. 28 00:01:21,510 --> 00:01:22,640 Des échanges s’insinuent. 29 00:01:23,040 --> 00:01:25,310 Toute la difficulté, c’est que ces échanges, 30 00:01:25,520 --> 00:01:27,590 par hypothèse, puisqu’ils se réalisent au sein d’un groupe, 31 00:01:27,780 --> 00:01:29,680 ne sont pas réalisés sur le marché, 32 00:01:29,710 --> 00:01:32,860 ne sont pas réalisés sur un marché ouvert et concurrentiel, 33 00:01:32,960 --> 00:01:36,350 avec un risque qui en soi n’est pas tout à fait scandaleux, 34 00:01:36,470 --> 00:01:43,490 c’est que la filiale par exemple se voit imposer des prix par sa maison mère 35 00:01:44,340 --> 00:01:47,780 ou bénéficie à l’inverse de prix extrêmement avantageux, 36 00:01:47,800 --> 00:01:51,220 beaucoup plus que lorsque la maison mère vend la même chose 37 00:01:51,290 --> 00:01:53,670 à une entreprise qui n’est pas liée. 38 00:01:54,230 --> 00:01:56,220 Tout cela en soi n’est pas un problème. 39 00:01:56,300 --> 00:01:59,730 C’est la liberté d’entreprendre qui est en cause, 40 00:01:59,780 --> 00:02:01,860 pour parler comme le Conseil constitutionnel. 41 00:02:02,600 --> 00:02:04,870 Où cela peut devenir un enjeu fiscal, 42 00:02:04,920 --> 00:02:09,940 c’est qu’avec cette possibilité qu'ont les groupes de minorer ou de majorer 43 00:02:10,120 --> 00:02:14,330 comme cela leur dit leur prix de transfert, 44 00:02:14,360 --> 00:02:17,600 c’est-à-dire la manière dont ils se facturent mutuellement 45 00:02:17,700 --> 00:02:21,040 des prestations de service ou des biens, 46 00:02:21,120 --> 00:02:25,130 le problème est la possibilité de localiser plus ou moins de bénéfices 47 00:02:25,260 --> 00:02:28,230 sur le territoire d’un pays ou sur le territoire d’un autre pays. 48 00:02:28,500 --> 00:02:30,060 Je prends un exemple très simple : 49 00:02:30,130 --> 00:02:33,010 lorsque Renault France vend à ses différentes filiales 50 00:02:33,040 --> 00:02:34,540 un véhicule construit en France. 51 00:02:34,770 --> 00:02:38,577 Imaginons que Renault France fasse le choix de vendre 52 00:02:39,355 --> 00:02:43,533 une Clio à un tarif moindre en Roumanie, 53 00:02:43,866 --> 00:02:46,422 pour la filiale roumaine, qu'en Suisse, 54 00:02:46,810 --> 00:02:50,490 cela se comprendrait sur un plan strictement commercial 55 00:02:50,520 --> 00:02:52,830 avec l’idée que le niveau de vie est plus élevé en Suisse, 56 00:02:52,980 --> 00:02:54,430 et que potentiellement, 57 00:02:54,470 --> 00:02:57,490 il sera possible de revendre ensuite la voiture plus chère en Suisse. 58 00:02:57,590 --> 00:03:00,830 Néanmoins, ces pratiques ont des conséquences 59 00:03:00,860 --> 00:03:02,890 qui peuvent sembler étranges pour les Etats. 60 00:03:02,970 --> 00:03:04,880 C'est que de cette manière, 61 00:03:06,510 --> 00:03:08,622 la même voiture vendue en Roumanie 62 00:03:08,866 --> 00:03:11,533 rapportera moins d’argent à Renault France 63 00:03:11,750 --> 00:03:15,600 que la voiture vendue en Suisse avec au bout du compte moins d’impôts 64 00:03:15,755 --> 00:03:18,440 pour le gouvernement français prélevés au titre d’une transaction, 65 00:03:18,470 --> 00:03:20,800 celle avec la Roumanie, que de l’autre transaction. 66 00:03:21,840 --> 00:03:24,190 Il peut être possible de justifier ce type de pratiques 67 00:03:24,220 --> 00:03:26,450 sans que le gouvernement français et l’administration fiscale 68 00:03:26,666 --> 00:03:27,530 n’y voient malice. 69 00:03:27,560 --> 00:03:29,070 Mais dans un certain nombre de situations, 70 00:03:29,450 --> 00:03:33,720 il est aussi possible évidemment de manipuler ces prix de transfert. 71 00:03:33,750 --> 00:03:38,290 Lorsqu’une entreprise comme Renault par exemple, un groupe international, 72 00:03:38,610 --> 00:03:43,620 souhaite en réalité maximiser son bénéfice à l’échelle mondiale, 73 00:03:43,660 --> 00:03:45,460 puisque c’est ça qui l’intéresse au bout du compte. 74 00:03:45,500 --> 00:03:50,670 Ce n’est pas tant le bénéfice de l’implantation française, 75 00:03:50,970 --> 00:03:53,350 ou de l’implantation roumaine ou de l’implantation suisse 76 00:03:53,400 --> 00:03:55,010 qui compte pour une grande entreprise, 77 00:03:55,300 --> 00:03:58,070 ce sont les bénéfices globaux de la holding 78 00:03:58,120 --> 00:04:00,960 qui détient l’ensemble en général, qui peut être cotée en France. 79 00:04:02,260 --> 00:04:05,750 Pour maximiser ce bénéfice après impôt, 80 00:04:06,360 --> 00:04:10,500 il peut être pertinent de faire en sorte que plus de bénéfices 81 00:04:10,650 --> 00:04:13,300 soient alloués à une filiale roumaine ou suisse, 82 00:04:13,360 --> 00:04:17,150 peu importe, là où les bénéfices seront moins imposés, 83 00:04:17,170 --> 00:04:19,210 que si ces bénéfices restaient en France. 84 00:04:19,340 --> 00:04:25,560 Vous le comprenez, prenons un pays comme la Suisse ou un pays européen, 85 00:04:25,610 --> 00:04:29,740 peu importe, dans lequel le taux d’imposition sur les sociétés, 86 00:04:29,790 --> 00:04:32,630 le taux d’impôt sur les bénéfices est moindre que ce qu’il est en France, 87 00:04:32,880 --> 00:04:35,420 il peut être très tentant pour l’entreprise française 88 00:04:35,470 --> 00:04:39,210 de vendre à prix coûtant son véhicule pour garder cet exemple 89 00:04:39,280 --> 00:04:41,760 afin de ne réaliser aucun bénéfice sur le territoire français, 90 00:04:41,790 --> 00:04:45,140 et donc de ne payer aucun impôt et de réaliser tout le bénéfice 91 00:04:45,220 --> 00:04:47,780 sur le territoire étranger où il sera moins taxé. 92 00:04:47,960 --> 00:04:50,340 Et ensuite, le bénéfice restant sera rapatrié 93 00:04:50,510 --> 00:04:52,190 et ne sera pas taxé une seconde fois 94 00:04:52,930 --> 00:04:56,070 au regard d’un certain nombre de principes 95 00:04:56,420 --> 00:04:59,720 anti-double taxation d’un même flux. 96 00:05:00,710 --> 00:05:01,560 Au bout du compte, 97 00:05:01,590 --> 00:05:05,280 le revenu mondial de l’entreprise concernée sera plus important. 98 00:05:05,340 --> 00:05:07,066 Mais, bien sûr, 99 00:05:07,400 --> 00:05:12,022 l’administration fiscale française pourra mettre en cause cette pratique 100 00:05:12,060 --> 00:05:16,422 en estimant que la France n’a pas pu taxer à sa juste valeur 101 00:05:17,644 --> 00:05:19,020 la production en question, 102 00:05:19,200 --> 00:05:23,000 puisque c’est de manière artificielle qu’une part importante de bénéfices 103 00:05:23,030 --> 00:05:26,330 aura été localisée dans l’Etat où la fiscalité est moindre. 104 00:05:27,560 --> 00:05:32,030 Cette problématique des prix de transfert et de la possibilité, 105 00:05:32,060 --> 00:05:34,840 le cas échéant, pour les administrations fiscales du monde entier, 106 00:05:35,000 --> 00:05:39,230 de remettre en cause la façon dont ces groupes d’entreprises auront alloué, 107 00:05:40,340 --> 00:05:44,370 entre les différents Etats dans lesquels elles sont présentes, leurs bénéfices, 108 00:05:44,720 --> 00:05:45,910 cette possibilité de prendre en compte 109 00:05:45,940 --> 00:05:47,200 et de remettre en cause les prix de transfert 110 00:05:47,230 --> 00:05:50,760 repose sur un principe fondamental 111 00:05:51,080 --> 00:05:55,190 repris par pratiquement l’ensemble des conventions bilatérales 112 00:05:55,220 --> 00:05:56,120 dans le monde entier. 113 00:05:56,210 --> 00:06:01,310 C'est un principe forgé par l’OCDE, beaucoup critiqué, mais jamais égalé, 114 00:06:02,090 --> 00:06:03,750 personne n’a jamais trouvé beaucoup mieux, 115 00:06:04,430 --> 00:06:07,070 c’est le principe dit de pleine concurrence. 116 00:06:07,590 --> 00:06:09,060 Quelques mots sur ce principe, 117 00:06:09,100 --> 00:06:10,570 qui se retrouve dans l’ensemble des conventions 118 00:06:10,660 --> 00:06:12,370 signées par la France notamment. 119 00:06:12,560 --> 00:06:16,577 L’idée étant que les prix de transfert 120 00:06:17,266 --> 00:06:28,266 doivent être réenvisagés par les administrations 121 00:06:28,688 --> 00:06:31,266 sur le fondement de ce prix de pleine concurrence, 122 00:06:31,390 --> 00:06:37,733 c’est-à-dire en fonction de ce que serait le prix de la même transaction 123 00:06:37,777 --> 00:06:41,320 si, au lieu de prendre place entre deux entreprises liées, 124 00:06:41,820 --> 00:06:46,750 cette même transaction prenait place entre la même entreprise d’un côté 125 00:06:46,770 --> 00:06:48,800 et une entreprise indépendante de l’autre. 126 00:06:49,190 --> 00:06:52,490 Il s’agit d’établir un prix dit de pleine concurrence, 127 00:06:52,580 --> 00:06:54,950 c’est-à-dire un prix qui se réaliserait 128 00:06:55,010 --> 00:06:58,580 sur un marché concurrentiel entre deux entités non liées. 129 00:06:59,070 --> 00:07:01,550 L’idée ensuite c’est de retraiter, 130 00:07:02,290 --> 00:07:04,100 en fonction de ce prix de pleine concurrence, 131 00:07:04,210 --> 00:07:09,420 le prix effectivement facturé à la filiale pour réduire l’écart. 132 00:07:09,580 --> 00:07:11,820 Pas forcément pour l'éliminer totalement, cet écart, 133 00:07:11,850 --> 00:07:14,680 parce qu’il est parfois justifié de faire payer moins cher 134 00:07:14,810 --> 00:07:18,810 à sa filiale les voitures qu’on envoie à Renault Suisse 135 00:07:18,940 --> 00:07:23,070 plutôt qu’à un garagiste suisse ou à un distributeur indépendant suisse, 136 00:07:23,190 --> 00:07:24,890 parce que les volumes sont peut-être différents, 137 00:07:24,920 --> 00:07:28,850 parce que la prise de risque de la filiale locale est moindre 138 00:07:29,300 --> 00:07:33,280 ou au contraire plus importante, selon les cas, que l’opérateur non lié. 139 00:07:33,320 --> 00:07:35,700 Donc les prix ne sont pas nécessairement exactement les mêmes 140 00:07:35,900 --> 00:07:40,670 mais, néanmoins, une réflexion doit être menée sur la manière d’ajuster 141 00:07:40,730 --> 00:07:42,340 par rapport au prix de pleine concurrence, 142 00:07:42,630 --> 00:07:46,880 le prix qui fiscalement sera considéré par chacune des administrations 143 00:07:46,920 --> 00:07:50,390 comme le bon prix de la transaction, 144 00:07:50,490 --> 00:07:54,200 celui sur lequel se fondera le niveau d’imposition. 145 00:07:54,620 --> 00:07:56,400 Pardonnez-moi, je suis très rapide 146 00:07:56,430 --> 00:07:58,950 sur ces questions extrêmement subtiles et complexes, 147 00:07:59,300 --> 00:08:01,930 mais que je ne peux malheureusement approfondir. 148 00:08:03,390 --> 00:08:07,090 Le Master 1, notamment de droit des affaires mais pas seulement, 149 00:08:07,670 --> 00:08:11,520 vous offre une matière spécifiquement dédiée à ces questions, 150 00:08:11,550 --> 00:08:12,860 c’est le droit fiscal international, 151 00:08:13,110 --> 00:08:16,840 qui vous permettra le cas échéant de voir ça dans le détail. 152 00:08:17,200 --> 00:08:20,330 Simplement, retenons que ces problématiques de prix de transfert 153 00:08:20,360 --> 00:08:23,040 sont au cœur des réflexions 154 00:08:23,260 --> 00:08:29,070 et de la manière dont les conventions bilatérales sont aujourd'hui dessinées 155 00:08:29,120 --> 00:08:31,250 et parfois réactualisées, 156 00:08:31,460 --> 00:08:33,820 avec des vraies difficultés qui se développent 157 00:08:33,880 --> 00:08:36,910 notamment sur la manière de tarifer, 158 00:08:37,310 --> 00:08:40,380 d’appliquer ces prix de pleine concurrence à certaines transactions 159 00:08:40,540 --> 00:08:42,240 pour lesquelles il est très difficile de trouver 160 00:08:42,260 --> 00:08:43,490 ce qu’on appelle des comparables, 161 00:08:43,520 --> 00:08:48,580 c’est-à-dire des éléments de raisonnement fiables. 162 00:08:49,030 --> 00:08:54,360 Pensons à la manière dont de très grosses entreprises comme McDonald's, 163 00:08:54,810 --> 00:08:58,630 Apple, Starbucks, je cite ces entreprises à dessein 164 00:08:58,670 --> 00:09:00,970 puisqu’un certain nombre de polémiques ont éclaté, 165 00:09:02,350 --> 00:09:06,600 viennent facturer ce qu'on appelle des incorporels, 166 00:09:06,640 --> 00:09:08,460 l’exploitation d’un certain nombre d’incorporels. 167 00:09:08,510 --> 00:09:11,070 Ça peut être des brevets, ça peut être des savoir-faire, 168 00:09:11,100 --> 00:09:14,911 ça peut être une marque ou un algorithme pour Google. 169 00:09:15,050 --> 00:09:17,220 La richesse de Google provient d’un algorithme. 170 00:09:17,970 --> 00:09:22,540 Chaque filiale de Google paye à celle qui détient l’algorithme 171 00:09:22,760 --> 00:09:24,750 le droit d’exploiter cet algorithme Google. 172 00:09:25,010 --> 00:09:27,160 Or, il est très difficile 173 00:09:27,290 --> 00:09:29,980 pour une administration de mettre en cause ce tarif, 174 00:09:30,070 --> 00:09:31,640 puisqu’il n’y a pas vraiment de comparable. 175 00:09:31,800 --> 00:09:33,460 Cela n'aurait aucun sens 176 00:09:34,150 --> 00:09:37,880 de facturer à des entreprises non liées ce même service, 177 00:09:38,020 --> 00:09:40,300 de sorte qu’il y a une vraie difficulté pour les Etats 178 00:09:40,410 --> 00:09:43,740 véritablement challengés par les prix de transfert 179 00:09:43,780 --> 00:09:45,630 établis par certaines grandes entreprises 180 00:09:45,710 --> 00:09:47,510 au titre non pas d’une voiture, 181 00:09:47,550 --> 00:09:49,450 car là on arrive à trouver des comparables 182 00:09:49,480 --> 00:09:52,590 en allant regarder ce que Peugeot ou Citroën fait, 183 00:09:52,750 --> 00:09:56,860 mais des services ou des incorporels 184 00:09:57,350 --> 00:10:00,690 dont la valeur n’est pas du tout évidente à déterminer. 185 00:10:00,730 --> 00:10:03,050 C’est donc un énorme enjeu que je ne fais qu’effleurer, 186 00:10:04,130 --> 00:10:08,670 qui se trouve derrière cette question des prix de transfert 187 00:10:08,770 --> 00:10:12,780 que les conventions fiscales s’efforcent de prendre en compte, 188 00:10:12,810 --> 00:10:15,230 pour mettre d’accord les Etats 189 00:10:15,850 --> 00:10:19,250 sur ces questions de répartition de la matière imposable. 190 00:10:19,300 --> 00:10:20,260 C’est toujours la même question. 191 00:10:21,530 --> 00:10:24,370 Pour terminer, un très bref second paragraphe 192 00:10:24,400 --> 00:10:26,720 à propos de ces conventions fiscales bilatérales 193 00:10:27,580 --> 00:10:33,230 pour mentionner un élément relativement intéressant lié à la portée exacte, 194 00:10:33,260 --> 00:10:35,810 sur le plan juridique en France, des conventions bilatérales. 195 00:10:35,870 --> 00:10:38,060 Il se trouve que ce sont des conventions internationales, 196 00:10:38,260 --> 00:10:41,730 qui au terme de l’article 55 de la Constitution, 197 00:10:42,210 --> 00:10:44,830 priment la loi, c’est-à-dire qu’elles ont une valeur, 198 00:10:44,860 --> 00:10:48,570 pour reprendre les termes de l’article 55, "supérieure à celle des lois". 199 00:10:48,810 --> 00:10:50,790 Toutefois, traditionnellement, 200 00:10:50,850 --> 00:10:52,900 le Conseil d’Etat, et pas la Cour de cassation 201 00:10:52,920 --> 00:10:56,180 qui est moins confrontée à ce genre de questions, 202 00:10:56,420 --> 00:11:00,590 mais le Conseil d’état continue depuis un arrêt important d’Assemblée 203 00:11:01,500 --> 00:11:05,370 du 28 juin 2002 Société Schneider Electric, 204 00:11:05,950 --> 00:11:10,440 le Conseil d’Etat, depuis cet arrêt qui a répété de manière solennelle 205 00:11:10,590 --> 00:11:11,940 une idée déjà présente, 206 00:11:12,450 --> 00:11:17,230 considère que les conventions fiscales bilatérales connaissent 207 00:11:17,570 --> 00:11:22,700 un principe dit de subsidiarité des conventions fiscales 208 00:11:22,870 --> 00:11:28,260 qui signifie que si elles ont vocation à primer la loi, 209 00:11:28,420 --> 00:11:30,890 elles ne sont applicables que dans un second temps. 210 00:11:31,790 --> 00:11:36,010 Les particuliers doivent toujours d'abord demander au juge, 211 00:11:36,410 --> 00:11:39,640 si un litige se noue avec l’administration, 212 00:11:39,920 --> 00:11:42,020 d’être satisfaits sur le fondement de la loi. 213 00:11:42,260 --> 00:11:46,340 Ce n’est que si l’application de la loi domestique 214 00:11:47,020 --> 00:11:49,520 ne leur donne pas satisfaction que dans un second temps seulement, 215 00:11:49,800 --> 00:11:54,600 ils pourront invoquer la contrariété de la loi par rapport à la Convention. 216 00:11:56,022 --> 00:11:58,870 Ce principe de subsidiarité des conventions fiscales, 217 00:11:59,240 --> 00:12:03,820 qui ne fait que repousser l’échéance d’examen 218 00:12:04,560 --> 00:12:08,900 de la situation factuelle de l’acte d’imposition au regard de la Convention, 219 00:12:08,970 --> 00:12:11,690 a toutefois un intérêt, c’est cela qui mérite d’être retenu. 220 00:12:11,870 --> 00:12:16,320 C'est que le Conseil d’Etat en tire un principe procédural très intéressant : 221 00:12:16,570 --> 00:12:19,130 dans la mesure où dans tous les cas, 222 00:12:19,480 --> 00:12:24,177 l’invocabilité d’une convention dépend d’abord de la possibilité ou pas 223 00:12:24,466 --> 00:12:26,390 d’invoquer avec succès la loi, 224 00:12:27,530 --> 00:12:28,610 selon le Conseil d’Etat, 225 00:12:28,750 --> 00:12:31,444 la question de l’invocabilité de la convention 226 00:12:31,555 --> 00:12:33,890 renvoie au champ d’application de la loi. 227 00:12:34,520 --> 00:12:37,060 Or, vous le savez sans doute depuis la deuxième année, 228 00:12:37,630 --> 00:12:40,430 le champ d’application de la loi, selon le Conseil d'Etat, 229 00:12:40,480 --> 00:12:42,240 est un motif d’ordre public. 230 00:12:42,280 --> 00:12:46,740 Cela signifie qu’un juge, même si la question ne lui est pas posée, 231 00:12:47,300 --> 00:12:49,480 doit spontanément soulever 232 00:12:50,470 --> 00:12:53,810 la contrariété éventuelle d’un acte administratif, d’un acte d’imposition, 233 00:12:55,180 --> 00:12:59,420 avec un certain nombre de règles qui auraient été mal appliquées 234 00:12:59,490 --> 00:13:01,040 et un certain nombre de lois 235 00:13:01,610 --> 00:13:03,750 qui n’auraient pas été correctement appliquées 236 00:13:03,790 --> 00:13:06,020 au regard de ce qu’est leur champ d’application. 237 00:13:06,590 --> 00:13:07,700 Tout cela est assez vague, 238 00:13:07,880 --> 00:13:10,640 mais cela a un intérêt pratique considérable, 239 00:13:10,850 --> 00:13:16,030 c'est que le Conseil d’Etat se sent autorisé, de sa propre initiative, 240 00:13:16,070 --> 00:13:20,170 à soulever l’éventuelle contrariété d’un acte d’imposition 241 00:13:20,390 --> 00:13:22,060 avec une convention bilatérale 242 00:13:22,090 --> 00:13:25,950 qui n’aurait pas été spontanément soulevée par le contribuable. 243 00:13:26,360 --> 00:13:29,870 Autrement dit, la contrariété d’un acte d’imposition d’une convention fiscale 244 00:13:29,920 --> 00:13:32,080 est un moyen d’ordre public. 245 00:13:32,480 --> 00:13:38,250 C’est intéressant parce que par ailleurs le Conseil d'Etat a toujours refusé 246 00:13:38,420 --> 00:13:40,950 de faire de la violation du droit international, 247 00:13:40,980 --> 00:13:44,710 en général par un acte administratif, un moyen d'ordre public. 248 00:13:45,610 --> 00:13:47,560 L’éventuelle violation du droit de l’Union européenne, 249 00:13:47,620 --> 00:13:49,760 l’éventuelle violation du droit européen des droits de l'homme, 250 00:13:49,880 --> 00:13:51,550 ou encore d’une convention d’extradition, 251 00:13:52,340 --> 00:13:57,110 doit être soulevée par le particulier, par le requérant plus généralement. 252 00:13:57,230 --> 00:13:59,130 Il n’appartient pas au juge d’aller vérifier 253 00:13:59,170 --> 00:14:01,290 qu’il n’y a pas peut-être une convention internationale 254 00:14:01,330 --> 00:14:06,210 qui serait violée par l’acte querellé, sauf en matière fiscale. 255 00:14:06,890 --> 00:14:10,270 Au terme de cet arrêt de 2002 que je vous ai rappelé, 256 00:14:10,310 --> 00:14:15,880 il se trouve qu’il est contemporain d’un autre arrêt du 6 décembre 2002, 257 00:14:16,220 --> 00:14:18,950 arrêt Massiolac qui, en Assemblée, 258 00:14:19,170 --> 00:14:22,710 a rappelé le fait que n’est pas un moyen d’ordre public 259 00:14:22,750 --> 00:14:24,850 par principe la violation d’une convention internationale. 260 00:14:24,970 --> 00:14:31,020 On retrouve cette spécificité fiscale, plutôt favorable au contribuable, 261 00:14:31,190 --> 00:14:33,970 qui s’explique par le fait qu’il est beaucoup plus simple, 262 00:14:34,070 --> 00:14:36,410 en matière fiscale, d’identifier que potentiellement, 263 00:14:36,490 --> 00:14:39,360 une ou parfois deux conventions bilatérales sont violées, 264 00:14:39,470 --> 00:14:41,840 lorsqu’il y a des relations avec deux Etats. 265 00:14:42,080 --> 00:14:46,110 C’est beaucoup plus facile que de passer au crible des milliers de directives 266 00:14:46,130 --> 00:14:47,790 et de règlements communautaires 267 00:14:47,820 --> 00:14:50,150 par exemple pour vérifier qu’il n’y aurait pas, sur un point ou un autre, 268 00:14:51,050 --> 00:14:56,150 un moyen que le particulier, le requérant aurait oublié de soulever. 269 00:14:56,370 --> 00:14:58,580 Voilà cette petite spécificité. 270 00:15:00,450 --> 00:15:03,710 Pour conclure sur ces conventions bilatérales internationales, 271 00:15:04,080 --> 00:15:08,260 je redis à quel point elles portent aujourd'hui des enjeux 272 00:15:08,290 --> 00:15:10,770 qui sont au cœur de l’actualité, qui ne font que se développer, 273 00:15:10,910 --> 00:15:13,888 principalement par le biais de cette question de la lutte 274 00:15:14,088 --> 00:15:15,010 contre l’évasion fiscale. 275 00:15:16,460 --> 00:15:19,177 C’est la raison pour laquelle nous reviendrons sur ces sujets 276 00:15:19,200 --> 00:15:20,044 un peu plus tard 277 00:15:20,240 --> 00:15:23,280 au titre des dispositifs que je qualifie de régulation fiscale, 278 00:15:23,450 --> 00:15:26,770 qui visent notamment à dissuader certaines pratiques, 279 00:15:27,150 --> 00:15:30,590 en incorporant aux conventions bilatérales certains outils 280 00:15:30,790 --> 00:15:32,860 dont nous dirons plus de choses.