1 00:00:05,940 --> 00:00:06,700 Bonjour. 2 00:00:07,520 --> 00:00:11,400 Après le principe de la légalité de l’impôt et du droit fiscal, 3 00:00:11,420 --> 00:00:16,266 venons-en au principe en pratique le plus important du droit fiscal assurément,  4 00:00:16,355 --> 00:00:19,955 qui suscite le plus de passions, c’est le principe d’égalité. 5 00:00:20,100 --> 00:00:22,800 C’est l’objet d’une sous-section deuxième. 6 00:00:23,288 --> 00:00:26,577 Voyons en quelques mots la formation de ce principe, 7 00:00:26,755 --> 00:00:31,155 avant de voir aujourd'hui la manière dont il a été étendu formidablement 8 00:00:31,244 --> 00:00:33,600 par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. 9 00:00:33,870 --> 00:00:36,300 Quelques mots sur la formation du principe. 10 00:00:36,980 --> 00:00:41,777 Évoquons la première référence à l’article 13 11 00:00:42,577 --> 00:00:45,630 ainsi qu’à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 12 00:00:45,680 --> 00:00:48,400 donc au principe d’égalité devant les charges publiques, article 13, 13 00:00:48,444 --> 00:00:50,933 et plus généralement devant la loi, article 6, 14 00:00:51,030 --> 00:00:52,711 qui s’applique aussi en matière fiscale, 15 00:00:52,755 --> 00:00:57,690 c’est la décision du 27 décembre 1973 dite taxation d’office. 16 00:00:57,820 --> 00:01:00,311 1973, c’est la première application 17 00:01:00,311 --> 00:01:03,244 par le Conseil constitutionnel de ce principe d’égalité en matière fiscale, 18 00:01:03,333 --> 00:01:08,133 deux ans seulement après la décision dite loi d’association de 1971. 19 00:01:08,622 --> 00:01:10,577 Donc le maniement de la DDHC 20 00:01:10,666 --> 00:01:14,430 par le Conseil constitutionnel est très récent en 1973. 21 00:01:14,933 --> 00:01:18,888 Immédiatement, la matière fiscale a été prise, 22 00:01:19,280 --> 00:01:23,688 saisie par le Conseil constitutionnel sous ce prisme du principe d’égalité que, très tôt, 23 00:01:23,688 --> 00:01:28,222 les parlementaires ont évoqué pour contester un certain nombre de dispositions fiscales. 24 00:01:29,100 --> 00:01:33,550 Au-delà, ce principe, fondamentalement,  25 00:01:33,600 --> 00:01:38,440 reste fondé sur l’article 13 et sur l’article 6 de la DDHC. 26 00:01:38,533 --> 00:01:48,177 L’article 13 vise spécifiquement les charges publiques, c’est-à-dire l’impôt. 27 00:01:48,300 --> 00:01:52,400 Pour l’entretien de la force publique, une contribution commune est indispensable. 28 00:01:52,844 --> 00:01:58,355 Elle doit être également répartie entre tous les citoyens à raison de leurs facultés. 29 00:01:58,550 --> 00:02:02,070 C’est ce que proclame l’article 13 de la DDHC. 30 00:02:03,060 --> 00:02:08,040 On trouve cette logique spécifique à la matière fiscale d’une égalité 31 00:02:08,240 --> 00:02:12,000 en fonction des facultés contributives, des capacités contributives. 32 00:02:12,510 --> 00:02:14,755 À cela, s’ajoute un article 6 de la Déclaration 33 00:02:14,840 --> 00:02:17,800 qui pose le principe de l’égalité devant la loi : 34 00:02:19,425 --> 00:02:23,460 "La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse". 35 00:02:23,660 --> 00:02:25,230 Cela vaut donc en matière fiscale. 36 00:02:25,590 --> 00:02:28,222 L’intérêt de cette double référence, 37 00:02:28,266 --> 00:02:31,080 c’est que le champ d’application de l’article 6 est plus large. 38 00:02:31,733 --> 00:02:33,600 On peut penser aux règles de procédure, 39 00:02:33,955 --> 00:02:37,070 de contentieux, de contestation en matière fiscale. 40 00:02:37,555 --> 00:02:40,320 Il ne s’agit pas de répartir véritablement l’impôt, 41 00:02:40,355 --> 00:02:42,755 mais de la manière de le prélever,  42 00:02:42,800 --> 00:02:45,466 qui doit concerner de la même manière l’ensemble des citoyens, 43 00:02:45,550 --> 00:02:50,977 donc l’article 6 peut faire l’objet d’un certain nombre d’invocations 44 00:02:51,066 --> 00:02:54,711 devant le Conseil Constitutionnel qui, nous y reviendrons, 45 00:02:54,880 --> 00:02:58,800 a tendance à mêler les références à l’article 6 et à l’article 13 dans sa jurisprudence 46 00:02:58,844 --> 00:03:01,688 sans toujours bien distinguer ces deux sources. 47 00:03:02,311 --> 00:03:04,750 Cela n’a pas une importance considérable. 48 00:03:04,755 --> 00:03:09,200 Ce qui compte, c’est de voir comment il les met communément, le cas échéant, en œuvre. 49 00:03:09,420 --> 00:03:12,330 Ce qui est important et intéressant, c’est de souligner à ce stade, 50 00:03:12,350 --> 00:03:15,800 le fait que la formulation même de l’article 13 semble 51 00:03:15,875 --> 00:03:22,850 aujourd’hui relativement désuète dans la mesure où c’est un principe d’égalité 52 00:03:22,850 --> 00:03:27,840 qui renvoie à l’idée, d’une part simplement des capacités contributives, 53 00:03:28,080 --> 00:03:29,822 là où on l’a vu, de plus en plus, 54 00:03:30,533 --> 00:03:34,266 l’impôt ne taxe pas simplement des capacités contributives, 55 00:03:34,355 --> 00:03:38,266 mais à travers toutes les impositions incitatives dont nous avons parlé, 56 00:03:38,355 --> 00:03:43,333 vient taxer une consommation pour la dissuader ou taxer une pratique, 57 00:03:43,330 --> 00:03:45,466 une pollution pour la dissuader, 58 00:03:46,080 --> 00:03:48,930 en principe indépendamment des capacités contributives. 59 00:03:49,440 --> 00:03:51,555 Lorsque vous payez une taxe sur le tabac, 60 00:03:51,555 --> 00:03:53,111 on ne vous demande pas combien vous touchez. 61 00:03:53,155 --> 00:03:55,740 Vos capacités contributives ne sont pas en cause. 62 00:03:56,280 --> 00:03:59,100 Vous le comprenez, a priori, l’article 13 n’est pas adéquat 63 00:03:59,300 --> 00:04:02,640 pour prendre en compte ce type de situation. 64 00:04:02,910 --> 00:04:04,266 Deuxième élément d’inadéquation, 65 00:04:04,311 --> 00:04:08,177 c’est le fait que l’article 13 fait référence à la fonction de l’impôt 66 00:04:08,266 --> 00:04:10,711 qui a beaucoup évolué depuis 1789. 67 00:04:11,010 --> 00:04:12,775 Néanmoins, ce qui est important, 68 00:04:12,925 --> 00:04:17,050 c’est bien toujours à l’article 13 que le Conseil constitutionnel se raccroche, 69 00:04:17,050 --> 00:04:18,300 ainsi qu’à l’article 6. 70 00:04:19,380 --> 00:04:21,630 Je le dis très rapidement et je vous renvoie pour l’essentiel 71 00:04:21,644 --> 00:04:23,511 à vos souvenirs de deuxième année de droit administratif. 72 00:04:23,510 --> 00:04:27,225 Mais c’est intéressant de noter qu’à l’origine, et toujours aujourd’hui parfois, 73 00:04:27,300 --> 00:04:31,680 le Conseil constitutionnel se réfère à une conception du principe d’égalité 74 00:04:31,680 --> 00:04:36,355 qui est la même que celle que le Conseil d’État applique en matière administrative, 75 00:04:36,400 --> 00:04:40,222 c’est-à-dire sur le fondement du principe général du droit d’égalité, 76 00:04:40,355 --> 00:04:44,400 celui consacré notamment par les arrêts du Conseil d’État de 1951, 77 00:04:45,510 --> 00:04:48,133 Société des Concerts du Conservatoire, précisé, 78 00:04:48,130 --> 00:04:55,155 peut-être mieux exprimé le 10 mai 1974 par l’arrêt du Conseil d’État Denoyez et Chorques, 79 00:04:55,288 --> 00:04:56,550 que vous avez vraisemblablement vu, 80 00:04:56,977 --> 00:05:01,822 qui concerne le tarif d’accès au bac à l’époque 81 00:05:01,955 --> 00:05:04,300 qui permettait de relier le continent à l’île de Ré. 82 00:05:07,180 --> 00:05:08,444 Dans ces affaires, 83 00:05:10,933 --> 00:05:17,155 le Conseil d’État vient indiquer que le principe d’égalité, ce sont deux choses : 84 00:05:19,688 --> 00:05:22,790 tout le monde ne doit pas être traité absolument à la même enseigne, ça n’aurait aucun sens, 85 00:05:23,140 --> 00:05:28,355 c’est l’idée selon laquelle des personnes placées dans des situations différentes 86 00:05:28,666 --> 00:05:30,000 au regard du service, 87 00:05:30,222 --> 00:05:32,577 les gens qui habitent à l’île de Ré et les gens qui n’y habitent pas, 88 00:05:32,800 --> 00:05:36,488 qui a priori ne sont pas placés dans la même situation au regard du service 89 00:05:36,533 --> 00:05:38,177 qui leur permet de rejoindre l’île de Ré, 90 00:05:38,622 --> 00:05:40,570 ces personnes placées dans des situations différentes, 91 00:05:40,660 --> 00:05:42,488 objectivement différentes au regard du service, 92 00:05:43,244 --> 00:05:44,800 peuvent bénéficier de tarifs différents, 93 00:05:44,840 --> 00:05:47,155 sans qu’il y ait d’obligation de traiter 94 00:05:47,244 --> 00:05:49,200 différemment les personnes placées dans des situations différentes. 95 00:05:49,200 --> 00:05:52,180 En tout cas, la possibilité de traiter différemment des personnes 96 00:05:52,380 --> 00:05:54,610 placées dans des situations différentes au regard du service, 97 00:05:54,810 --> 00:05:56,110 c’est le premier élément important. 98 00:05:56,440 --> 00:05:59,575 Le deuxième élément, c’est qu’il est également possible de traiter séparément 99 00:05:59,625 --> 00:06:02,660 des personnes pourtant placées dans la même situation au regard du service, 100 00:06:02,666 --> 00:06:04,660 si l’intérêt général le justifie. 101 00:06:05,010 --> 00:06:07,450 Par exemple, des personnes riches et des personnes pauvres, 102 00:06:07,511 --> 00:06:09,880 pour caricaturer, qui habiteraient sur l’île de Ré, 103 00:06:10,044 --> 00:06:15,111 pourraient potentiellement bénéficier de tarifs différents d’accès à un service public. 104 00:06:15,730 --> 00:06:18,533 C’est ce qui arrive dans un certain nombre de situations 105 00:06:18,620 --> 00:06:24,177 avec des cartes d’abonnement réservées aux familles nombreuses, aux chômeurs, etc., 106 00:06:25,060 --> 00:06:28,350 pour des raisons qui tiennent principalement à une volonté d’intérêt général 107 00:06:28,350 --> 00:06:31,600 de faciliter l’accès aux services publics à certaines catégories de personnes, 108 00:06:31,680 --> 00:06:34,888 alors même qu’elles ne sont pas, a priori, placées dans une situation différente, 109 00:06:34,888 --> 00:06:37,377 objectivement différente, au regard du service. 110 00:06:37,900 --> 00:06:43,066 Bref, cette conception de l’égalité assez simple en réalité, assez basique,  111 00:06:43,110 --> 00:06:49,777 est parfois prise en compte par le Conseil constitutionnel en matière fiscale 112 00:06:50,533 --> 00:06:52,800 lorsqu’il s’agit, par exemple, 113 00:06:52,930 --> 00:06:57,580 de vérifier que l’assiette d’un impôt est correctement délimitée 114 00:06:57,780 --> 00:07:03,790 et que le législateur n’a pas considéré 115 00:07:04,622 --> 00:07:07,911 une catégorie de contribuables manquant d’homogénéité, 116 00:07:08,000 --> 00:07:12,577 et que finalement, des personnes qui sont en réalité dans la même situation, 117 00:07:12,622 --> 00:07:17,200 et donc qui échapperaient à l’impôt, n’auraient pas dû être incluses 118 00:07:17,500 --> 00:07:19,000 dans le champ d’application dudit impôt. 119 00:07:19,390 --> 00:07:22,360 Pour ces problématiques de délimitation de l’assiette de l’impôt, 120 00:07:23,200 --> 00:07:28,266 cette logique très simple du Conseil d’État est reprise par le Conseil constitutionnel 121 00:07:28,355 --> 00:07:30,222 dans un certain nombre de situations, 122 00:07:30,940 --> 00:07:36,444 même si c’est plutôt rare pour deux raisons que j’évoque brièvement. 123 00:07:37,060 --> 00:07:40,222 Cette conception un peu  simpliste du principe d’égalité 124 00:07:40,222 --> 00:07:42,790 que je viens de citer pose deux problèmes en matière fiscale. 125 00:07:43,911 --> 00:07:45,880 Le premier problème, c’est qu’en matière fiscale, 126 00:07:46,090 --> 00:07:47,777 il y a toujours, d’après le législateur, 127 00:07:48,130 --> 00:07:51,244 un motif d’intérêt général derrière le fait d’avoir décidé 128 00:07:51,288 --> 00:07:53,600 un impôt d’une manière un peu particulière. 129 00:07:53,777 --> 00:07:57,790 Donc la référence à l’intérêt général est toujours maniée par le Parlement 130 00:07:58,311 --> 00:08:00,133 lorsqu’il vient accorder un cadeau fiscal, 131 00:08:00,133 --> 00:08:03,600 lorsqu’il vient délimiter l’assiette de n’importe quel impôt, 132 00:08:03,644 --> 00:08:06,670 écarter le cas échéant de cet impôt une certaine population. 133 00:08:06,870 --> 00:08:08,240 C’est toujours au nom de l’intérêt général. 134 00:08:08,444 --> 00:08:13,955 Or, le Conseil constitutionnel, depuis sa décision dite IVG du 15 janvier 1975, 135 00:08:14,310 --> 00:08:18,800 préfère rester un peu en retrait, et même ne pas apprécier la manière 136 00:08:19,150 --> 00:08:23,688 dont le Parlement a décidé que telle ou telle chose était ou n’était pas d’intérêt général. 137 00:08:23,980 --> 00:08:28,000 Le Conseil constitutionnel a une formule récurrente depuis 1975, 138 00:08:28,870 --> 00:08:33,422 affirmant qu’il n’a pas le même pouvoir d’appréciation que le Parlement, 139 00:08:33,422 --> 00:08:37,150 en tout cas un pouvoir d’appréciation qui n’est pas de la même nature que celui du Parlement. 140 00:08:37,260 --> 00:08:39,733 C’est une manière de dire que ça n’est pas son travail, 141 00:08:39,860 --> 00:08:44,355 si je puis m’exprimer ainsi, de se substituer au Parlement pour apprécier ce qui est 142 00:08:44,355 --> 00:08:45,422 ou n’est pas d’intérêt général. 143 00:08:45,555 --> 00:08:50,560 Vous le comprenez, cette mise en retrait du Conseil constitutionnel 144 00:08:50,890 --> 00:08:53,733 dès lors qu’il s’agit d’apprécier ce qui est ou n’est pas d’intérêt général, 145 00:08:53,950 --> 00:08:56,355 lui pose des difficultés pour contrôler la pertinence 146 00:08:56,533 --> 00:08:58,720 d’un certain nombre de dispositifs fiscaux. 147 00:08:58,800 --> 00:09:00,177 Voilà la première raison pour laquelle 148 00:09:00,444 --> 00:09:04,690 la conception traditionnelle de l’égalité n’est pas très opératoire en matière fiscale. 149 00:09:05,170 --> 00:09:06,130 Il y a une deuxième raison. 150 00:09:06,330 --> 00:09:10,030 En matière fiscale, les différences de situation qui justifient, 151 00:09:10,080 --> 00:09:12,977 d’après le Parlement, des différences de traitement, sont multiples, 152 00:09:13,022 --> 00:09:14,844 sont même extrêmement nombreuses. 153 00:09:15,288 --> 00:09:16,990 Je prenais l’exemple du Bac de l’île de Ré. 154 00:09:17,250 --> 00:09:21,070 Dans les affaires Denoyez et Chorques, trois tarifs étaient en cause. 155 00:09:21,270 --> 00:09:23,925 La question se posait de savoir si le principe d’égalité permettait 156 00:09:24,000 --> 00:09:29,020 de distinguer trois catégories de population pour leur faire payer des tarifs différents. 157 00:09:29,230 --> 00:09:31,066 En matière par exemple d’impôt sur le revenu, 158 00:09:31,330 --> 00:09:33,511 ce ne sont pas trois tarifs qui existent en pratique, 159 00:09:33,555 --> 00:09:35,422 ce sont des milliers, voire des millions, 160 00:09:35,955 --> 00:09:41,422 parce que chaque contribuable a un revenu un peu différent de celui du voisin, 161 00:09:41,640 --> 00:09:46,450 et l’impôt sur le revenu prend en compte de multiples caractéristiques 162 00:09:46,500 --> 00:09:48,000 attachées à chaque foyer fiscal 163 00:09:48,200 --> 00:09:50,711 pour leur accorder un petit cadeau supplémentaire, 164 00:09:50,755 --> 00:09:55,155 un petit traitement un peu différent, selon que vous avez des charges particulières, 165 00:09:55,200 --> 00:09:59,511 selon que vous avez des enfants, pas d’enfants, une grand-mère que vous hébergez. 166 00:10:00,355 --> 00:10:05,822 La loi prévoit de modifier quelque peu, de vous accorder une exonération 167 00:10:05,866 --> 00:10:07,080 sur tel ou tel élément de revenu. 168 00:10:08,044 --> 00:10:12,300 Bref, au bout du compte, pas tous les foyers fiscaux, 169 00:10:12,510 --> 00:10:15,030 les 37 millions de foyers fiscaux français, mais à peu près, 170 00:10:15,460 --> 00:10:19,955 ont un revenu différent et paient une cotisation d’impôt 171 00:10:19,955 --> 00:10:21,066 sur le revenu un petit peu différente. 172 00:10:21,244 --> 00:10:24,044 On le voit, c’est une multiplicité de différences de situations 173 00:10:24,088 --> 00:10:27,300 qui trouvent à susciter une différence de traitement. 174 00:10:27,870 --> 00:10:30,444 Il est extrêmement difficile, pour le Conseil constitutionnel, 175 00:10:30,444 --> 00:10:33,840 d’apprécier potentiellement chacune de ces différences pour vérifier 176 00:10:33,911 --> 00:10:38,400 qu’elles donnent lieu à une taxation qui est bien justifiée, 177 00:10:38,844 --> 00:10:43,333 même si elle est différente, elle est bien justifiée par cette différence de situation. 178 00:10:44,100 --> 00:10:50,311 Mais ces difficultés, cette relative inadéquation du principe d’égalité 179 00:10:50,355 --> 00:10:51,930 tel qu’il a été dégagé par le Conseil d’État, 180 00:10:52,540 --> 00:10:55,555 inadéquation à la matière fiscale, a été largement compensée 181 00:10:55,600 --> 00:10:58,044 par une extension du principe d’égalité 182 00:10:58,311 --> 00:11:02,755 avec une sorte de hardiesse du Conseil constitutionnel, 183 00:11:02,755 --> 00:11:05,288 qui a développé une logique extrêmement intéressante,  184 00:11:05,466 --> 00:11:06,990 peut-être contestable à certains égards. 185 00:11:07,230 --> 00:11:07,990 Venons-y. 186 00:11:08,190 --> 00:11:14,133 C'est l'objet d'un deuxième paragraphe,  relatif à l'extension du principe. 187 00:11:16,260 --> 00:11:19,644 Fondamentalement, je crois que c'est la volonté, légitime sans doute, 188 00:11:19,688 --> 00:11:24,488 du Conseil constitutionnel de contrôler de manière plus avisée, plus prudente, 189 00:11:24,488 --> 00:11:27,822 un certain nombre de dispositifs de fiscalité dite dérogatoire, 190 00:11:27,911 --> 00:11:33,600 bref de niches fiscales, qui l'a incité à trouver des manières de raisonner 191 00:11:33,730 --> 00:11:36,222 qui permettent justement de mettre son nez, si je puis dire, 192 00:11:36,266 --> 00:11:39,777 dans un certain nombre de dispositifs fiscaux, qui peut-être, 193 00:11:39,822 --> 00:11:44,400 peut-être, seraient justifiés par des motifs purement électoralistes dans un certain cas 194 00:11:44,420 --> 00:11:45,733 et pas toujours légitimes. 195 00:11:45,930 --> 00:11:49,555 En tout cas, le Conseil constitutionnel veut contrôler plus précisément,  196 00:11:49,600 --> 00:11:53,377 depuis les années 90 disons, un certain nombre de mécanismes. 197 00:11:53,670 --> 00:11:56,044 Comment cette volonté s'est-elle traduite ? 198 00:11:56,400 --> 00:11:59,244 Par le développement, d'abord, de ce que je crois 199 00:11:59,688 --> 00:12:03,270 que l'on peut qualifier de contrôle de cohérence des dispositifs fiscaux. 200 00:12:03,630 --> 00:12:05,422 Et nous verrons ensuite le développement, 201 00:12:05,510 --> 00:12:09,777 alors là qui a pris des proportions tout à fait considérables plus récemment, depuis 2012,  202 00:12:10,266 --> 00:12:14,088 d'un contrôle de proportionnalité de ces mêmes dispositifs fiscaux. 203 00:12:15,180 --> 00:12:18,044 Contrôle de cohérence, grand A, pour commencer. 204 00:12:20,660 --> 00:12:23,111 Nous l'avons vu, l'idée fondamentale, 205 00:12:24,444 --> 00:12:28,844 c'est que le législateur d'après le Conseil constitutionnel,  206 00:12:29,020 --> 00:12:33,688 doit apprécier les capacités contributives qu'il entend taxer, 207 00:12:34,933 --> 00:12:36,577 c'est l'article 13 de la déclaration 208 00:12:36,577 --> 00:12:39,866 qui impose de prendre en compte ces capacités contributives ; 209 00:12:39,955 --> 00:12:47,066 et que pour cela, le législateur doit se fonder sur des critères "objectifs et rationnels". 210 00:12:47,400 --> 00:12:53,200 Ce qui m'intéresse à ce stade, c'est cette notion de critères objectifs et rationnels 211 00:12:53,377 --> 00:12:55,244 pour définir notamment l'assiette d'un impôt, 212 00:12:57,911 --> 00:13:02,088 c'est cette notion qui est au cœur de la jurisprudence du Conseil constitutionnel,  213 00:13:02,400 --> 00:13:06,977 et qui en réalité l'a conduit, et vous allez comprendre très concrètement de quoi il s'agit, 214 00:13:07,022 --> 00:13:10,622 à développer deux formes différentes,  je crois qu'on peut les distinguer,  215 00:13:11,155 --> 00:13:12,690 de contrôle de cohérence. 216 00:13:12,900 --> 00:13:15,333 Il y a d'abord, et c'est vraiment le point le plus important 217 00:13:15,333 --> 00:13:17,911 parce que c'est celui qui est le plus fréquemment mis en œuvre 218 00:13:17,911 --> 00:13:20,266 par le Conseil constitutionnel à la demande des parlementaires,  219 00:13:20,311 --> 00:13:22,711 ou bien des requérants en QPC, 220 00:13:22,750 --> 00:13:27,325 c'est un contrôle de cohérence entre un dispositif fiscal 221 00:13:27,325 --> 00:13:29,688 et les motifs qui sont censés le porter,  222 00:13:29,733 --> 00:13:32,400 c'est-à-dire les motifs politiques que le législateur a mis en avant. 223 00:13:32,610 --> 00:13:36,533 Le contrôle de cohérence entre un dispositif et ses motifs, c'est le premier point. 224 00:13:36,680 --> 00:13:40,577 Et ensuite, nous verrons une autre forme plus sophistiquée peut-être de contrôle de cohérence,  225 00:13:43,288 --> 00:13:45,511 le contrôle de cohérence entre un dispositif fiscal 226 00:13:45,688 --> 00:13:48,380 et le régime globalement dans lequel il s'insère ; 227 00:13:48,444 --> 00:13:51,210 vous comprendrez avec des exemples de quoi il s'agit. 228 00:13:51,244 --> 00:13:58,177 Nous commençons par le contrôle de cohérence entre un dispositif et ses motifs. 229 00:13:59,777 --> 00:14:04,177 Partons d'une décision extrêmement importante qui a beaucoup fait parler d'elle à l'époque,  230 00:14:04,260 --> 00:14:07,377 et qui reste tout à fait fondamentale aujourd'hui, 231 00:14:07,600 --> 00:14:11,466 c'est la décision dite taxe carbone,  232 00:14:11,600 --> 00:14:14,430 en réalité c'est une décision qui ne portait pas que sur la taxe carbone, 233 00:14:14,670 --> 00:14:17,460 mais sur la loi de finances pour 2010 plus généralement. 234 00:14:17,750 --> 00:14:21,090 C'est une décision du 29 décembre 2009 du Conseil constitutionnel 235 00:14:21,290 --> 00:14:26,140 qui a, entre autres choses, annulé un dispositif tout à fait novateur,  236 00:14:26,177 --> 00:14:31,511 en tout cas qui avait vocation à l'être, de taxation des émissions de gaz à effet de serre. 237 00:14:32,670 --> 00:14:36,844 J'en parle très brièvement, au-delà simplement des aspects strictement juridiques,  238 00:14:36,844 --> 00:14:40,000 parce que c'est très important de comprendre ces éléments de contexte. 239 00:14:40,260 --> 00:14:43,866 Disons-le tout de suite, cette décision de 2009 n'est pas innovante, 240 00:14:44,266 --> 00:14:48,977 elle vient répéter une technique qui avait déjà été forgée par le passé,  241 00:14:48,977 --> 00:14:52,311 mais d'une manière peut-être plus frontale pour le pouvoir politique, 242 00:14:52,400 --> 00:14:55,377 ce qui a permis de la populariser,  243 00:14:55,466 --> 00:15:00,755 ou en tout cas vraiment d'affirmer sa portée et son importance pratique. 244 00:15:01,244 --> 00:15:06,622 En quelques mots, en 2009, Nicolas Sarkozy, président de la République, 245 00:15:06,620 --> 00:15:11,822 avait porté un projet politique ambitieux de taxation du carbone, 246 00:15:11,822 --> 00:15:14,088 là où à l'époque cela se faisait moins,  247 00:15:14,177 --> 00:15:19,440 moins d'États dans le monde qu'aujourd'hui avaient développé ce type de processus. 248 00:15:21,650 --> 00:15:23,733 Je passe vite sur les différents épisodes. 249 00:15:23,733 --> 00:15:26,240 Mais la société civile avait été associée à ce projet ; 250 00:15:26,510 --> 00:15:29,911 et aussi évidemment, à un moment donné, les industriels, 251 00:15:29,960 --> 00:15:34,730 puisque pour des raisons qui peuvent sembler légitimes au bout du compte, 252 00:15:34,800 --> 00:15:39,066 ou contestables peu importe, mais en tout cas c'est de cette manière que cela s'est passé, 253 00:15:39,280 --> 00:15:41,925 le Président et son gouvernement à l'époque 254 00:15:42,500 --> 00:15:45,575 sont partis au début avec des ambitions assez élevées de taxation 255 00:15:45,570 --> 00:15:47,175 des émissions de gaz à effet de serre. 256 00:15:47,260 --> 00:15:51,380 Et puis, ils ont dû se résoudre à limiter un peu leurs ambitions, 257 00:15:51,511 --> 00:15:53,555 tout simplement parce que toute une série d'industriels, 258 00:15:53,810 --> 00:15:56,330 je pense qu'on peut les comprendre, en tout cas c'est mon sentiment,  259 00:15:57,066 --> 00:16:01,250 ont expliqué gentiment au gouvernement que si cette loi entrait en vigueur 260 00:16:01,450 --> 00:16:04,933 et taxait à la hauteur qui était prévue leurs émissions de gaz à effet de serre,  261 00:16:05,280 --> 00:16:08,875 ce qu'il se passerait, c'est qu'ils ne pourraient plus affronter la concurrence internationale  262 00:16:09,500 --> 00:16:13,075 des différentes autres entreprises qui faisaient la même chose qu'elles,  263 00:16:13,070 --> 00:16:15,725 en matière industrielle principalement,  264 00:16:15,911 --> 00:16:19,422 de l'autre côté de la frontière, avec l'Allemagne, avec la Belgique par exemple. 265 00:16:19,540 --> 00:16:26,666 Et que dès lors, cette surcharge finalement fiscale les conduirait à la faillite ; 266 00:16:26,711 --> 00:16:28,133 et que pour prévenir la faillite, 267 00:16:28,660 --> 00:16:32,488 ces entreprises seraient plus que tentées tout simplement de déménager leurs productions, 268 00:16:32,480 --> 00:16:36,088 de sorte que finalement l'entrée en vigueur de la taxe serait contre-productive. 269 00:16:36,177 --> 00:16:41,180 Et donc, par souci de pragmatisme et de réalisme, à certains égards, 270 00:16:41,390 --> 00:16:45,733 le gouvernement avait finalement amoindri un peu la portée de son projet 271 00:16:45,770 --> 00:16:49,111 en accordant un certain nombre d'exonérations, au moins temporaires,  272 00:16:49,200 --> 00:16:53,066 à certaines catégories notamment d'entreprises, pourtant polluantes, 273 00:16:53,060 --> 00:16:56,177 mais pour ne pas prendre le risque de les voir déménager,  274 00:16:56,177 --> 00:16:59,420 et donc polluer ailleurs pour échapper à la taxe. 275 00:16:59,840 --> 00:17:04,622 Il se trouve que le Conseil constitutionnel a, je vous le dis au bout du compte,  276 00:17:04,660 --> 00:17:07,600 je l'ai déjà dit tout à l'heure,  annulé ce dispositif 277 00:17:07,910 --> 00:17:14,222 en ce que justement il accordait une proportion tout à fait considérable d'exonérations. 278 00:17:14,220 --> 00:17:15,955 Le Conseil constitutionnel a même eu 279 00:17:16,040 --> 00:17:18,755 cette petite cruauté de se lancer dans des calculs,  280 00:17:18,888 --> 00:17:20,990 grâce à des expertises qu'il a commandées. 281 00:17:21,190 --> 00:17:22,844 Et, c'est dans la décision elle-même, 282 00:17:22,888 --> 00:17:30,133 le Conseil constitutionnel note que 93 % des émissions de CO2 produites par l'industrie, 283 00:17:30,133 --> 00:17:32,044 notamment l'industrie la plus polluante,  284 00:17:32,170 --> 00:17:35,200 seraient au moins dans un premier temps exonérées ou soumises 285 00:17:35,250 --> 00:17:36,350 à un régime plus favorable ; 286 00:17:36,400 --> 00:17:40,711 et que donc pour l'essentiel, c'était les particuliers à travers le gasoil,  287 00:17:40,800 --> 00:17:43,911 à travers l'essence notamment,  qui seraient taxés 288 00:17:44,311 --> 00:17:48,000 alors même qu'ils n'émettaient pas tellement, en comparaison, de CO2, 289 00:17:48,350 --> 00:17:50,711 en tout cas par rapport aux industries polluantes. 290 00:17:50,890 --> 00:17:53,777 Et donc, c'est ça, le point tout à fait essentiel, 291 00:17:53,866 --> 00:17:57,200 le Conseil constitutionnel vient considérer qu'au bout du compte,  292 00:17:57,333 --> 00:17:59,288 en accordant ces multiples dérogations,  293 00:17:59,511 --> 00:18:04,133 le dispositif fiscal était contraire au principe d'égalité, 294 00:18:04,266 --> 00:18:07,511 alors attention le raisonnement est un peu subtil, dans la mesure 295 00:18:07,822 --> 00:18:12,400 où il venait contrarier les motifs politiques, 296 00:18:12,533 --> 00:18:16,844 motifs politiques avancés par le Parlement et le gouvernement qui étaient de réduire,  297 00:18:16,888 --> 00:18:21,600 et je crois que l'adverbe est important, "significativement" les émissions de CO2. 298 00:18:22,010 --> 00:18:25,955 Autrement dit, je reprends le déroulé du raisonnement dans l'autre sens, si je puis dire, 299 00:18:26,622 --> 00:18:30,844 à l'origine nous avons un pouvoir politique qui affirme un motif politique,  300 00:18:30,888 --> 00:18:32,000 un objectif politique,  301 00:18:32,266 --> 00:18:34,755 réduire significativement les émissions de CO2,  302 00:18:34,977 --> 00:18:37,333 qui adopte ensuite un dispositif technique 303 00:18:37,333 --> 00:18:39,333 qui vient accorder beaucoup d'exonérations. 304 00:18:39,820 --> 00:18:43,550 Et d'après le Conseil constitutionnel,  305 00:18:44,000 --> 00:18:46,977 il y a comme une sorte de hiatus, en tout cas même d'incohérence,  306 00:18:47,022 --> 00:18:49,422 entre ce motif politique et ce dispositif,  307 00:18:49,420 --> 00:18:54,977 dans la mesure où ce dispositif ne peut pas, n'est pas susceptible 308 00:18:55,333 --> 00:19:01,288 justement de produire les effets que le pouvoir politique a souhaité justement réaliser. 309 00:19:01,580 --> 00:19:05,510 Incohérence donc entre un motif et un dispositif. 310 00:19:05,800 --> 00:19:10,533 Et c'est cela qui implique une violation du principe d'égalité, une violation de l'article 13. 311 00:19:10,533 --> 00:19:12,800 Vous voyez, le raisonnement se fait en plusieurs étapes. 312 00:19:12,860 --> 00:19:14,330 Il est relativement sophistiqué. 313 00:19:14,540 --> 00:19:17,390 Ce qu'il y a d'extrêmement intéressant, c'est qu'à aucun moment 314 00:19:17,630 --> 00:19:20,800 le Conseil constitutionnel ne vient contester l'objectif politique,  315 00:19:20,888 --> 00:19:22,160 l'objectif d'intérêt général. 316 00:19:22,222 --> 00:19:26,977 Il constate que le Parlement a souhaité se livrer à cette bataille contre le CO2. 317 00:19:27,022 --> 00:19:29,660 OK, c'est votre motif d'intérêt général dit le Conseil constitutionnel. 318 00:19:29,950 --> 00:19:33,466 Mais il ajoute : "Attention, pour réaliser ce motif, cet objectif,  319 00:19:34,260 --> 00:19:38,088 vous ne pouvez pas passer par cette voie,  par ce dispositif tel que vous l'avez adopté,  320 00:19:38,133 --> 00:19:42,020 parce qu'il sera insusceptible de satisfaire cet objectif. 321 00:19:42,080 --> 00:19:44,666 Il y a donc une incohérence qui va, au bout du compte,  322 00:19:44,666 --> 00:19:46,088 conduire à une violation du principe d'égalité,  323 00:19:46,133 --> 00:19:50,755 donc j'annule, sur le fondement de l'article 13, ce dispositif."  324 00:19:52,800 --> 00:19:56,222 J'ajoute, et je terminerai sur ce point,  qu'au-delà de cette décision de 2009,  325 00:19:56,260 --> 00:19:59,155 de multiples décisions du Conseil constitutionnel, je ne peux pas toutes les citer, 326 00:19:59,244 --> 00:20:01,200 il en a des dizaines véritablement, 327 00:20:01,288 --> 00:20:03,688 ont conduit ce même genre de raisonnement,  328 00:20:03,866 --> 00:20:07,333 notamment pour annuler un certain nombre de dispositifs de niches fiscales, 329 00:20:07,466 --> 00:20:11,777 soit de cadeaux faits à certains, soit aussi de dispositifs au contraire dissuasifs. 330 00:20:11,850 --> 00:20:13,770 On a une série assez amusante, notamment de taxes,  331 00:20:13,970 --> 00:20:18,266 qui concerne la Red Bull, ou plus exactement les boissons énergisantes. 332 00:20:18,266 --> 00:20:20,044 Mais il s'agissait bien évidemment de viser, 333 00:20:20,444 --> 00:20:24,220 ça a été tout à fait transparent,  cette boisson spécifique Red Bull,  334 00:20:24,888 --> 00:20:29,490 mais sans justement très clairement expliquer pourquoi la Red Bull était visée. 335 00:20:29,511 --> 00:20:34,800 La plus amusante sans doute est une première décision du 13 décembre 2012,  336 00:20:34,880 --> 00:20:40,088 qui vient expliquer qu'il s'agit de lutter contre l'alcoolisme des jeunes qui ont tendance,  337 00:20:40,133 --> 00:20:42,622 dans les boîtes de nuit, à mélanger la Red Bull avec de l'alcool,  338 00:20:42,666 --> 00:20:45,688 ce qui provoque des effets terribles sur la santé publique ;  339 00:20:45,688 --> 00:20:47,600 et que pour cela, il faut taxer la Red Bull. 340 00:20:47,688 --> 00:20:48,711 Et donc le Conseil constitutionnel,  341 00:20:48,755 --> 00:20:50,888 de manière assez amusante dans la décision que je viens de citer,  342 00:20:50,970 --> 00:20:52,577 explique qu'il ne comprend pas très bien 343 00:20:52,711 --> 00:20:56,222 en quoi le motif de lutte contre l'alcoolisme peut raisonnablement, 344 00:20:56,220 --> 00:20:58,755 en toute cohérence, se traduire par un dispositif de lutte 345 00:20:58,844 --> 00:21:02,400 par surtaxation d'une boisson qui n'est pas alcoolisée. 346 00:21:03,550 --> 00:21:05,225 Le Conseil constitutionnel a peut-être 347 00:21:05,325 --> 00:21:08,000 fait semblant de ne pas tout à fait comprendre la logique du Parlement,  348 00:21:08,000 --> 00:21:08,666 peu importe,  349 00:21:08,800 --> 00:21:12,577 et je conclus sur ce point, derrière toutes ces décisions qui sont assez nombreuses, 350 00:21:12,800 --> 00:21:15,820 qui viennent imposer finalement une parfaite cohérence 351 00:21:15,866 --> 00:21:18,844 entre un dispositif et ses motifs politiques, je crois, 352 00:21:18,880 --> 00:21:20,044 c'est ma lecture des choses,  353 00:21:20,088 --> 00:21:22,933 que le Conseil constitutionnel  astreint le pouvoir politique 354 00:21:23,066 --> 00:21:25,155 à une forme d'obligation de sincérité. 355 00:21:25,200 --> 00:21:28,088 "Ce qui compte, c'est de dire ce que vous souhaitez vraiment faire",  356 00:21:28,177 --> 00:21:30,844 dit en quelque sorte le Conseil constitutionnel au Parlement, 357 00:21:30,888 --> 00:21:35,200 "et je vérifie vos dispositifs  en symbiose avec les motifs, 358 00:21:35,200 --> 00:21:40,044 et que vous n'affirmez pas des motifs politiquement sympathiques 359 00:21:40,044 --> 00:21:42,040 pour en réalité faire autre chose."  360 00:21:42,133 --> 00:21:44,222 C'est pour ça que je pense que c'est une jurisprudence,  361 00:21:44,222 --> 00:21:46,266 non seulement en pratique très utile,  362 00:21:46,266 --> 00:21:48,480 mais aussi tout à fait sympathique à certains égards. 363 00:21:48,933 --> 00:21:54,222 Démocratiquement, elle oblige à ce que le débat soit clair et tout à fait transparent.