1 00:00:05,040 --> 00:00:10,650 Nous avons vu les principes qui s'appliquent aux traités internationaux 2 00:00:11,250 --> 00:00:13,780 en droit français, on peut dire maintenant quelques mots, 3 00:00:13,980 --> 00:00:18,210 C, des autres éléments du droit international. 4 00:00:18,860 --> 00:00:22,470 On l'a vu, le droit international n'a pas que des traités. 5 00:00:22,920 --> 00:00:26,010 Il y a des actes unilatéraux, il y a des coutumes, 6 00:00:26,210 --> 00:00:26,970 des principes. 7 00:00:27,300 --> 00:00:32,340 Quel est le statut de ces autres éléments du droit international ? 8 00:00:32,540 --> 00:00:35,070 Eh bien c'est très difficile de répondre à cette question parce 9 00:00:35,270 --> 00:00:40,290 que la jurisprudence française est assez obscure sur ces questions, 10 00:00:40,490 --> 00:00:41,700 elle n'est pas explicite. 11 00:00:41,970 --> 00:00:45,300 On voit une pratique d'application du droit international, 12 00:00:45,570 --> 00:00:48,510 mais on voit une pratique d'application du droit international qui n'est 13 00:00:48,710 --> 00:00:50,370 pas toujours cohérente, qui ne va pas toujours dans le 14 00:00:50,570 --> 00:00:54,880 même sens, et qui se trouve surtout très largement inexpliquée. 15 00:00:55,470 --> 00:01:00,570 Ce qu'on sait, ce qui est simple à établir, c'est que très tôt, 16 00:01:02,040 --> 00:01:08,100 les actes unilatéraux établis sur le fondement du droit de l'Union 17 00:01:08,300 --> 00:01:13,560 européenne, puis les principes généraux du droit européen au sein 18 00:01:13,760 --> 00:01:20,340 de l'Union européenne ont été assimilés dans leur traitement juridique 19 00:01:20,540 --> 00:01:23,490 effectif, ont été assimilés à des traités internationaux, 20 00:01:23,690 --> 00:01:25,830 ont été traités comme des traités internationaux. 21 00:01:26,030 --> 00:01:30,930 Aujourd'hui, le juge constitutionnel et le Conseil d'État utilisent 22 00:01:31,130 --> 00:01:35,760 le concept d'ordre juridique intégré pour parler du droit de l'Union 23 00:01:35,960 --> 00:01:36,720 européenne. 24 00:01:36,920 --> 00:01:39,750 Mais en pratique, sur le plan historique et juridique, 25 00:01:40,020 --> 00:01:45,720 en pratique, c'est comme les traités internationaux qu'ont été traités 26 00:01:45,990 --> 00:01:47,010 les actes unilatéraux. 27 00:01:47,210 --> 00:01:52,200 D'abord, les règlements dont on a accepté, auxquels on a étendu 28 00:01:52,440 --> 00:01:56,220 la supériorité par rapport aux lois, donc on a traités comme des traités, 29 00:01:57,060 --> 00:02:02,460 dans l'affaire Boisdet en 1990 et puis pour les directives aussi, 30 00:02:02,660 --> 00:02:08,370 on a dit la primauté de la directive sur la loi postérieure, 31 00:02:08,570 --> 00:02:15,960 dont l'arrêt Rothmans et Philip Morris de 1992 du 28 février 1992 32 00:02:16,210 --> 00:02:20,550 et on a prévu une solution analogue ultérieurement pour les principes 33 00:02:20,750 --> 00:02:23,990 généraux en 2001, dans l'affaire SNIP. 34 00:02:27,510 --> 00:02:32,040 Là où il y a eu une difficulté historique dans l'appréciation 35 00:02:32,240 --> 00:02:35,940 du droit européen, c'est sur le terrain des directives, 36 00:02:36,810 --> 00:02:41,850 parce que le Conseil d'État avait élaboré une conception de l'effet 37 00:02:42,050 --> 00:02:45,480 direct des directives qui n'avait rien à voir avec la conception 38 00:02:45,780 --> 00:02:49,530 du juge européen qui distingue, lui, vous le savez, effet direct 39 00:02:49,730 --> 00:02:52,080 vertical et effet direct horizontal. 40 00:02:52,300 --> 00:02:54,600 Et il impose l'effet direct vertical. 41 00:02:55,020 --> 00:02:58,980 Le Conseil d'État, lui, considérait, c'était la jurisprudence 42 00:03:00,150 --> 00:03:05,130 Cohn-Bendit de 1978, considérait que le défaut d'effet 43 00:03:05,330 --> 00:03:10,770 direct des directives l'empêchait d'utiliser la directive à l'encontre 44 00:03:10,980 --> 00:03:15,360 des décisions administratives individuelles, mais pas à l'encontre 45 00:03:15,560 --> 00:03:19,770 des actes réglementaires ou des lois, pas à l'encontre des mesures générales 46 00:03:19,970 --> 00:03:22,770 comme le montrait l'arrêt Alitalia de 1989. 47 00:03:25,680 --> 00:03:29,940 C'était une position difficilement tenable que d'ailleurs le Conseil 48 00:03:30,140 --> 00:03:34,350 d'État ne tenait pas vraiment lui-même dans toutes les circonstances et 49 00:03:34,550 --> 00:03:40,020 il a fini par l'abandonner en acceptant dans ce qui était une relation 50 00:03:40,220 --> 00:03:45,120 verticale, l'application directe de la directive, même à l'encontre 51 00:03:45,330 --> 00:03:50,760 d'un acte administratif individuel, c'est l'arrêt bien connu Dame Perreux 52 00:03:51,390 --> 00:03:53,280 du 30 octobre 2009. 53 00:03:55,610 --> 00:04:02,960 Mais cette relative simplicité dans l'appréciation du droit européen, 54 00:04:03,290 --> 00:04:07,040 on ne la trouve pas du tout pour les autres actes unilatéraux. 55 00:04:07,880 --> 00:04:10,580 Pour les autres actes unilatéraux, il y a des solutions qui paraissent 56 00:04:12,200 --> 00:04:16,550 vraiment suivant une casuistique incertaine et paraissent parfois 57 00:04:16,750 --> 00:04:18,020 même assez paradoxales. 58 00:04:18,950 --> 00:04:24,920 On se rend compte, on constate par exemple que le Conseil d'État, 59 00:04:25,120 --> 00:04:29,450 sans aucune explication, sans aucun fondement juridique clair, 60 00:04:29,720 --> 00:04:34,760 donne effet aux promesses des États 61 00:04:34,960 --> 00:04:35,720 étrangers. 62 00:04:36,080 --> 00:04:42,500 Donc il accepte l'acte unilatéral par lequel l'État étranger s'engage, 63 00:04:42,700 --> 00:04:50,380 des actes, notamment qui s'engage, par exemple, le cas le plus visible, 64 00:04:50,580 --> 00:04:54,730 c'est dans le contexte de l'extradition, le Conseil d'État 65 00:04:55,030 --> 00:05:00,070 accepte l'extradition s'il obtient une promesse de l'État étranger 66 00:05:00,490 --> 00:05:06,340 que la peine de mort ne serait pas requise ou qu'une procédure 67 00:05:06,540 --> 00:05:07,990 sera rouverte. 68 00:05:08,380 --> 00:05:12,400 En somme, en obtenant la promesse, la garantie par acte unilatéral 69 00:05:12,600 --> 00:05:17,620 de l'État étranger que l'extradition ne heurtera pas les règles de la 70 00:05:17,820 --> 00:05:20,890 Convention européenne des droits de l'homme, en échange de cette 71 00:05:21,090 --> 00:05:23,590 promesse, le Conseil d'État accorde l'extradition. 72 00:05:23,790 --> 00:05:28,960 Il accepte ainsi de donner effet à la promesse de l'État étranger, 73 00:05:29,160 --> 00:05:31,720 qui est un acte unilatéral par lequel l'État étranger s'engage 74 00:05:31,930 --> 00:05:36,520 à ne pas faire quelque chose qu'il avait le droit de faire parce qu'on 75 00:05:36,720 --> 00:05:39,350 suppose un État étranger ici, dans le raisonnement, 76 00:05:39,550 --> 00:05:41,800 un État étranger non lié par la Convention européenne des droits 77 00:05:42,000 --> 00:05:47,980 de l'homme donc libre d'adopter le comportement qu'il s'engage 78 00:05:48,180 --> 00:05:49,960 pourtant à ne pas adopter. 79 00:05:50,230 --> 00:05:53,890 C'est l'affaire emblématique de la peine de mort avec les États-Unis, 80 00:05:54,090 --> 00:06:00,190 l'arrêt Davis Aylor de 1993, par lequel le Conseil d'État accepte 81 00:06:00,390 --> 00:06:06,520 d'extrader Madame Aylor vers les États-Unis sur la base de la promesse 82 00:06:07,180 --> 00:06:09,850 des États-Unis d'Amérique non liés par la Convention européenne des 83 00:06:10,050 --> 00:06:15,160 droits de l'homme, qu'elle ne serait pas soumise à la peine de mort. 84 00:06:15,360 --> 00:06:20,230 Comme quoi on voit cet effet des actes unilatéraux sans fondement 85 00:06:20,430 --> 00:06:26,260 juridique clair, on trouve le même effet reconnu aux actes unilatéraux 86 00:06:26,710 --> 00:06:32,110 conjoints ou plus exactement aux actes qui sont adoptés par les 87 00:06:32,310 --> 00:06:35,920 organes communs que constituent parfois les États ensemble, 88 00:06:36,190 --> 00:06:39,970 les États constituent parfois des commissions mixtes, composées d'un 89 00:06:40,170 --> 00:06:43,360 représentant, mettons de la France, d'un représentant de l'Italie, 90 00:06:43,650 --> 00:06:47,200 et cette commission mixte adopte une décision, et on voit qu'il 91 00:06:47,400 --> 00:06:49,350 y a une décision internationale basée sur un traité, 92 00:06:49,720 --> 00:06:52,790 et on voit dans la jurisprudence, avec des hésitations mais on voit 93 00:06:52,990 --> 00:06:56,560 dans la jurisprudence donner effet à ces décisions internationales 94 00:06:56,950 --> 00:07:01,310 unilatérales conjointes, sans statut particulier, 95 00:07:01,510 --> 00:07:02,890 sans justification particulière. 96 00:07:03,090 --> 00:07:07,030 Voyez l'affaire de la réouverture des travaux relatifs au tunnel 97 00:07:08,290 --> 00:07:14,440 sous le Mont-Blanc, 28 avril 2004, Association pour le respect du 98 00:07:14,640 --> 00:07:15,400 site du Mont-Blanc. 99 00:07:18,380 --> 00:07:23,390 Alors presque paradoxalement, cette jurisprudence assez libérale 100 00:07:23,660 --> 00:07:26,360 vers ces actes un peu incertains du droit international, 101 00:07:26,560 --> 00:07:28,670 utile dans la pratique, importante dans la pratique, 102 00:07:28,940 --> 00:07:32,780 mais mal identifiée par le Conseil d'État, eh bien paradoxalement, 103 00:07:32,980 --> 00:07:38,060 le Conseil d'État est plus restrictif dans sa pratique, plus méfiants 104 00:07:38,260 --> 00:07:42,260 dans sa pratique vis-à-vis des résolutions des organisations 105 00:07:42,460 --> 00:07:43,220 internationales. 106 00:07:43,490 --> 00:07:46,190 Et sur ce point, il y a vraiment une jurisprudence complexe. 107 00:07:46,390 --> 00:07:48,050 Il est très difficile d'entrer dans le détail. 108 00:07:48,250 --> 00:07:53,330 Fondamentalement, le statut des 109 00:07:53,530 --> 00:07:59,120 actes des organisations internationales dépend des instruments constitutifs 110 00:08:00,140 --> 00:08:01,910 et c'est complexe. 111 00:08:02,690 --> 00:08:03,740 C'est une question difficile. 112 00:08:04,160 --> 00:08:08,090 Ça dépend des instruments constitutifs, ça dépend de l'interprétation de 113 00:08:08,290 --> 00:08:09,260 ces instruments constitutifs. 114 00:08:09,990 --> 00:08:17,060 C'est parfois difficile d'apporter des réponses sur le statut exact 115 00:08:17,480 --> 00:08:20,210 des actes des organisations internationales. 116 00:08:20,480 --> 00:08:24,110 On voit alors des solutions vraiment un peu pointillistes. 117 00:08:24,350 --> 00:08:28,160 On voit parfois donner effet à des décisions des organisations 118 00:08:28,360 --> 00:08:30,350 internationales, notamment dans le domaine technique, 119 00:08:30,620 --> 00:08:33,890 parfois sur la base du droit interne qui le permet, par exemple dans 120 00:08:34,090 --> 00:08:35,870 le domaine de la santé, on donne effet. 121 00:08:36,410 --> 00:08:41,690 Pour des raisons d'expertise aussi, on donne effet à des décisions 122 00:08:42,170 --> 00:08:43,850 de l'Organisation mondiale de la santé. 123 00:08:45,230 --> 00:08:51,470 On voit en revanche refuser d'appliquer 124 00:08:52,070 --> 00:08:56,750 des décisions de l'Organisation de l'aviation civile internationale 125 00:08:57,320 --> 00:09:03,980 mais dans d'autres hypothèses, lorsque la "recommandation" entre 126 00:09:04,180 --> 00:09:06,110 guillemets, c'est un système, on l'a vu, d'opting out, 127 00:09:06,560 --> 00:09:08,750 dans lequel on peut refuser, si on ne refuse pas, 128 00:09:08,950 --> 00:09:12,260 si la France ne refuse pas la décision de l'Organisation de l'aviation 129 00:09:12,460 --> 00:09:16,340 civile internationale et si elle la transpose, alors on doit contrôler 130 00:09:16,910 --> 00:09:18,350 qu'elle est correctement transposée. 131 00:09:18,550 --> 00:09:25,310 Il y a une jurisprudence un peu incertaine vis-à-vis du Conseil 132 00:09:25,510 --> 00:09:26,570 de sécurité des Nations unies. 133 00:09:26,920 --> 00:09:30,650 On a une position qui consiste à dire que les décisions du Conseil 134 00:09:30,850 --> 00:09:33,260 de sécurité doivent être transposées par l'État, donc elles ne sont 135 00:09:33,460 --> 00:09:36,950 pas d'effet direct, elles sont obligatoires, mais pas d'effet direct. 136 00:09:37,520 --> 00:09:42,020 Et en même temps, lorsque le Conseil de sécurité crée des organes, 137 00:09:42,220 --> 00:09:45,530 que ces organes ont une activité, le Conseil d'État en tire toutes 138 00:09:45,730 --> 00:09:49,970 les conséquences, comme s'ils avaient été d'effet direct. 139 00:09:50,380 --> 00:09:53,540 Donc (inaudible), il y a eu une jurisprudence complexe, 140 00:09:53,740 --> 00:10:00,500 avec une casuistique incertaine à laquelle on ne peut se référer 141 00:10:00,700 --> 00:10:05,180 qu'en termes généraux, parce qu'il faudrait des heures 142 00:10:05,380 --> 00:10:10,730 pour décrire situation par situation avec des précédents qui ne lient 143 00:10:10,930 --> 00:10:11,960 peut-être pas le Conseil d'État. 144 00:10:12,160 --> 00:10:18,620 On n'est même pas sûrs qu'à l'avenir, le Conseil d'État adopterait les 145 00:10:18,820 --> 00:10:19,820 mêmes solutions. 146 00:10:23,660 --> 00:10:28,670 La coutume internationale, pour finir, est au centre de quelques 147 00:10:28,870 --> 00:10:34,040 malentendus, alimentés par une décision un peu théorique du Conseil 148 00:10:34,240 --> 00:10:38,300 d'État, un peu de principe, mais qui n'est pas appliquée, 149 00:10:38,500 --> 00:10:41,350 alors cela crée un peu des situations d'incertitude. 150 00:10:43,640 --> 00:10:47,750 Notons d'abord que la coutume internationale est appliquée 151 00:10:47,950 --> 00:10:55,820 communément par les juridictions françaises, notamment la coutume 152 00:10:56,020 --> 00:10:59,700 qui relève du droit des traités, la règle pacta sunt servanda, 153 00:11:00,140 --> 00:11:04,010 les règles relatives aux réserves, aux traités internationaux, 154 00:11:04,210 --> 00:11:15,590 eh bien on les voit appliqués communément par le juge français. 155 00:11:16,400 --> 00:11:22,370 Sur ce point, on peut d'ailleurs constater que les réserves qui 156 00:11:22,570 --> 00:11:26,630 sont aussi des actes unilatéraux, des actes unilatéraux à lier au 157 00:11:26,830 --> 00:11:31,490 traité sont appliqués en tant qu'actes unilatéraux, communément dans la 158 00:11:31,690 --> 00:11:34,460 pratique du Conseil d'État et de la Cour de cassation. 159 00:11:34,700 --> 00:11:37,880 La Cour de cassation se réfère d'ailleurs ouvertement à la coutume 160 00:11:38,080 --> 00:11:43,160 internationale, les rapporteurs publics au Conseil d'État aussi, 161 00:11:43,370 --> 00:11:47,180 mais le Conseil d'État lui-même est silencieux sur ce point. 162 00:11:48,950 --> 00:11:54,140 On sait que le Conseil d'État a refusé de contrôler la validité 163 00:11:54,650 --> 00:11:57,350 d'une réserve à la Convention européenne des droits de l'homme, 164 00:11:57,680 --> 00:12:03,530 c'est l'arrêt Société à responsabilité limitée Super coiffeur du 12 octobre 165 00:12:03,730 --> 00:12:10,310 2018, ce qui, d'un côté, montre le respect de l'acte unilatéral 166 00:12:10,610 --> 00:12:13,220 qui est appliqué en tant que tel sans en contrôler la validité, 167 00:12:13,520 --> 00:12:20,540 mais de l'autre, on peut se demander si le cas des réserves à la Convention 168 00:12:20,740 --> 00:12:24,140 européenne des droits de l'homme était le meilleur, car pour poser 169 00:12:24,340 --> 00:12:26,960 ce principe, parce que précisément, pour la Convention européenne des 170 00:12:27,160 --> 00:12:29,930 droits de l'homme, il y a un contrôle de légalité qui, de toutes les façons, 171 00:12:30,230 --> 00:12:32,690 est effectué par le juge européen. 172 00:12:33,850 --> 00:12:37,970 Bien donc pour la coutume relative aux traités, il n'y a pas de 173 00:12:38,170 --> 00:12:38,930 difficultés. 174 00:12:39,130 --> 00:12:44,540 Les difficultés arrivent pour les coutumes qui ne se rapportent pas 175 00:12:44,740 --> 00:12:45,500 aux traités. 176 00:12:45,830 --> 00:12:54,290 Il est arrivé que le juge judiciaire 177 00:12:54,530 --> 00:12:57,980 soit confronté à l'application d'une coutume internationale. 178 00:12:58,190 --> 00:13:02,450 Il a pu, donc dans une affaire d'enlèvement à l'étranger, 179 00:13:02,720 --> 00:13:07,100 considérer que telle ou telle règle coutumière n'était pas d'effet direct, 180 00:13:07,400 --> 00:13:13,940 c'est l'affaire Argoud de 1964, considérer que la règle coutumière 181 00:13:14,140 --> 00:13:18,500 en cause protégeait le territoire de l'Allemagne, c'était à l'Allemagne 182 00:13:18,700 --> 00:13:22,250 éventuellement de l'invoquer et non pas à la personne poursuivie. 183 00:13:22,940 --> 00:13:27,890 Mais au-delà de ce cas particulier, la position de la Cour de cassation 184 00:13:28,130 --> 00:13:32,240 est celle qui résulte, par exemple, de l'arrêt Kadhafi 185 00:13:32,480 --> 00:13:39,950 du 13 mars 2001 de la Chambre criminelle, qui considère que la 186 00:13:40,150 --> 00:13:44,540 coutume internationale confère l'immunité aux chefs d'État en 187 00:13:44,740 --> 00:13:48,260 exercice et que donc aucune poursuite n'est possible. 188 00:13:48,950 --> 00:13:51,740 Et là, la Cour de cassation ne distingue pas décrets, 189 00:13:52,190 --> 00:13:54,500 lois, dans le Code de procédure pénale. 190 00:13:55,760 --> 00:14:01,640 Il y a une immunité coutumière, il faut lui donner effet et donc 191 00:14:01,840 --> 00:14:06,230 on voit en réalité, même si ce n'est pas dans la motivation écrite, 192 00:14:06,440 --> 00:14:11,390 on voit que la coutume écarte des dispositions de nature législative 193 00:14:11,630 --> 00:14:15,680 et empêche une procédure pénale qui eût été possible en l'absence 194 00:14:15,880 --> 00:14:17,120 précisément d'immunité. 195 00:14:18,470 --> 00:14:22,010 En sens inverse, le Conseil d'État, et de là vient le trouble, 196 00:14:22,210 --> 00:14:27,290 l'incertitude, le Conseil d'État refuse de considérer que la coutume 197 00:14:27,490 --> 00:14:32,690 internationale peut être opposée à la loi, considère que la coutume 198 00:14:32,890 --> 00:14:34,790 internationale ne prime pas sur la loi. 199 00:14:35,600 --> 00:14:40,370 Il le fait par une déclaration générale dans l'arrêt Aquarone 200 00:14:42,050 --> 00:14:44,750 du 6 juin 1997. 201 00:14:45,440 --> 00:14:49,120 Il le fait dans une affaire, l'affaire Aquarone, où, 202 00:14:50,330 --> 00:14:54,710 en réalité, la règle coutumière invoquée par Aquarone, 203 00:14:54,980 --> 00:14:56,540 était contestée par la France. 204 00:14:56,740 --> 00:15:00,410 C'est la question de l'exemption fiscale des fonctionnaires 205 00:15:00,610 --> 00:15:01,760 internationaux à la retraite. 206 00:15:02,780 --> 00:15:07,010 Et en réalité, ce que fait la Cour de cassation, c'est simplement 207 00:15:07,210 --> 00:15:11,540 s'aligner sur la position du ministère des Affaires étrangères qui contestait 208 00:15:11,740 --> 00:15:12,950 l'existence de la règle coutumière. 209 00:15:14,180 --> 00:15:17,990 Mais du reste, la France obtiendrait gain de cause pour les fonctionnaires 210 00:15:18,190 --> 00:15:22,070 de l'Unesco dans un arbitrage rendu entre la France et l'Unesco en 2003. 211 00:15:22,610 --> 00:15:26,720 Donc ce qu'on voit, c'est que dans Kadhafi on reconnaît l'immunité 212 00:15:26,920 --> 00:15:29,330 mais parce que l'immunité ne faisait pas de doute, dans Aquarone, 213 00:15:29,990 --> 00:15:33,950 le Conseil d'État refuse l'immunité, mais parce que l'immunité était 214 00:15:34,150 --> 00:15:37,400 contestée et donc, en réalité, derrière ces apparences de principe, 215 00:15:37,670 --> 00:15:40,700 quand on voit de plus près la jurisprudence du Conseil d'État 216 00:15:40,900 --> 00:15:45,590 lui-même, on s'aperçoit qu'à chaque fois qu'il a été confronté à une 217 00:15:45,790 --> 00:15:48,920 règle dont il ne contestait pas l'existence, une règle coutumière 218 00:15:49,190 --> 00:15:52,820 dont il ne contestait pas l'existence, notamment en matière d'immunité, 219 00:15:53,060 --> 00:15:58,130 il a donné effet, lui aussi, aux immunités coutumières comme 220 00:15:58,330 --> 00:16:00,470 la Cour de cassation, c'est-à-dire sans justification, 221 00:16:00,740 --> 00:16:04,070 sans raisonner en termes d'autorité supérieure ou inférieure à la loi. 222 00:16:05,660 --> 00:16:10,670 Il a constaté l'immunité et en a tiré les conséquences comme dans 223 00:16:10,870 --> 00:16:13,880 l'affaire Kadhafi, et donc ce qui apparaît dans l'affaire Aquarone, 224 00:16:14,270 --> 00:16:21,650 c'est davantage la volonté d'utiliser un argument juridique sur le statut 225 00:16:21,850 --> 00:16:27,200 de la coutume dans une hypothèse où la politique juridique de l'État 226 00:16:27,400 --> 00:16:29,750 lui-même donc de la France, n'était pas favorable à la 227 00:16:29,950 --> 00:16:32,030 reconnaissance de la règle coutumière.