1 00:00:06,780 --> 00:00:11,980 Il ne suffit pas de connaître les éléments d'un acte administratif,  2 00:00:12,860 --> 00:00:17,225 que le juge de l'excès de pouvoir décompose et contrôle 3 00:00:17,475 --> 00:00:19,410 au titre du recours pour excès de pouvoir. 4 00:00:20,490 --> 00:00:24,580 Encore faut-il savoir comment il les contrôle,  5 00:00:25,120 --> 00:00:29,720 avec quel degré d'intensité, avec quel degré d'exigence. 6 00:00:29,940 --> 00:00:36,120 Parce qu'en réalité, un recours pour excès de pouvoir sera jugé une bonne voie de recours 7 00:00:36,120 --> 00:00:37,180 ou une mauvaise voie de recours, 8 00:00:37,530 --> 00:00:45,520 selon l'intensité et les éléments que le juge accepte et veut bien contrôler. 9 00:00:47,340 --> 00:00:49,475 La manière dont le juge contrôle tous les éléments 10 00:00:49,470 --> 00:00:52,950 que nous avons vus est absolument essentielle. 11 00:00:53,220 --> 00:00:55,925 En la matière ici, vous devez savoir 12 00:00:55,920 --> 00:01:04,050 que la nature du contrôle du juge de l'excès de pouvoir en droit français dépend 13 00:01:04,225 --> 00:01:05,900 d'une seule donnée :  14 00:01:06,400 --> 00:01:12,100 l'existence ou non d'une situation de pouvoir discrétionnaire, 15 00:01:12,720 --> 00:01:14,760 c'est-à-dire, je vous le rappelle,  16 00:01:15,880 --> 00:01:21,440 l'hypothèse où les règles de droit applicable 17 00:01:21,680 --> 00:01:28,200 à l'action administrative ne dicte pas à l'avance le choix de la décision à prendre. 18 00:01:28,900 --> 00:01:34,040 De sorte que l'auteur d'une décision de l'administration,  19 00:01:34,200 --> 00:01:42,440 l'auteur d'une décision administrative, va bénéficier d'une certaine marge de liberté,  20 00:01:42,600 --> 00:01:49,960 d'une certaine marge d'appréciation,  pour décider si, quand, et comment agir. 21 00:01:51,520 --> 00:01:52,720 Le pouvoir décisionnaire,  22 00:01:53,080 --> 00:01:56,960 c'est la possibilité pour une autorité administrative de choisir 23 00:01:57,240 --> 00:02:00,200 entre plusieurs décisions, également légales. 24 00:02:00,400 --> 00:02:03,360 Évidemment, ce n'est pas le choix entre la légalité et l'illégalité,  25 00:02:03,520 --> 00:02:09,960 mais c'est le choix entre plusieurs décisions également légales. 26 00:02:10,540 --> 00:02:14,680 Une fois qu'on a dit cela, attention immédiatement à bien comprendre une chose. 27 00:02:16,700 --> 00:02:19,240 Ce n'est pas parce que la loi est restée vague,  28 00:02:19,400 --> 00:02:26,520 et a donc laissé à l'auteur d'un acte administratif une marge de liberté 29 00:02:27,120 --> 00:02:32,840 que, pour autant, cette autorité administrative a le droit de statuer n'importe comment. 30 00:02:33,520 --> 00:02:34,360 Attention. 31 00:02:35,210 --> 00:02:40,850 Ce n'est pas parce qu'il existe une hypothèse, une configuration,  32 00:02:41,100 --> 00:02:44,525 de pouvoir discrétionnaire que, pour autant,  33 00:02:44,775 --> 00:02:49,320 une autorité administrative peut aller empiéter sur les attributions de son voisin,  34 00:02:50,080 --> 00:02:55,560 ou peut s'abstenir de respecter des règles de forme ou de procédure,  35 00:02:57,360 --> 00:03:03,720 ou même de commettre des erreurs dans les motifs. 36 00:03:04,260 --> 00:03:09,760 Et je dirais même, d'aller jusqu'à l'exactitude matérielle des faits. 37 00:03:11,400 --> 00:03:12,320 Ça n'a rien à voir. 38 00:03:12,400 --> 00:03:15,600 Ce n'est pas parce qu'une autorité  administrative a une marge de manœuvre 39 00:03:16,200 --> 00:03:22,480 qu'elle a le droit de dire qu'un administré a 22 ans si cet administré a 25 ans. 40 00:03:23,320 --> 00:03:24,600 Ça n'a absolument aucun rapport. 41 00:03:25,040 --> 00:03:27,440 Donc conclusion :  42 00:03:28,480 --> 00:03:35,800 ce que je viens de vous expliquer n'a en réalité aucune incidence sur le vice d'incompétence,  43 00:03:36,040 --> 00:03:41,800 sur le vice de forme, sur le vice de procédure,  sur la violation directe de la règle de droit,  44 00:03:42,280 --> 00:03:50,360 sur le détournement de pouvoir, et sur l'erreur dans l'exactitude matérielle des faits. 45 00:03:53,060 --> 00:04:00,360 En d'autres termes, pouvoir  discrétionnaire ou non, peu importe. 46 00:04:01,010 --> 00:04:08,480 Le juge de l'excès de pouvoir est toujours en droit, face à un acte administratif contesté, 47 00:04:09,160 --> 00:04:17,200 de vérifier la compétence, la forme, la procédure, le respect du droit, 48 00:04:17,520 --> 00:04:22,360 l'absence de détournement de pouvoir,  l'absence d'erreur dans les motifs de droit, 49 00:04:22,760 --> 00:04:26,160 et l'absence d'erreur dans l'exactitude matérielle des faits. 50 00:04:27,280 --> 00:04:30,640 En réalité, la question de savoir 51 00:04:30,880 --> 00:04:37,425 si l'autorité administrative dispose d'un pouvoir discrétionnaire n'a d'influence 52 00:04:38,025 --> 00:04:42,720 que sur l'appréciation du dernier élément à contrôler,  53 00:04:42,720 --> 00:04:49,040 que nous avons vu dans la vidéo précédente, à savoir la qualification juridique des faits. 54 00:04:49,480 --> 00:04:54,920 C'est uniquement là que la question de la marge de manœuvre,  55 00:04:55,120 --> 00:04:57,160 de la marge d'appréciation de l'administration, 56 00:04:57,400 --> 00:05:01,560 bref, de ce qu'on appelle en droit administratif le pouvoir discrétionnaire,  57 00:05:01,680 --> 00:05:03,160 c'est uniquement là que cela joue. 58 00:05:04,670 --> 00:05:08,120 Mais pour le reste, tous les autres éléments sont contrôlés.  59 00:05:13,280 --> 00:05:21,120 Ensuite, à partir de là, nous allons pouvoir classer les différents types de contrôle 60 00:05:21,360 --> 00:05:26,920 qu'exerce le juge de l'excès de pouvoir,  sur la qualification juridique des faits. 61 00:05:28,150 --> 00:05:33,700 Imaginons que les textes laissent une marge de manœuvre très réduite 62 00:05:34,850 --> 00:05:36,000 à l'autorité administrative. 63 00:05:37,230 --> 00:05:43,033 Ou imaginons que le juge soit en mesure de lui-même préciser les conditions 64 00:05:43,933 --> 00:05:47,233 au vu desquelles une décision administrative est délivrée. 65 00:05:48,720 --> 00:05:54,466 Dans ce cas, le juge administratif de l'excès de pouvoir exercera un contrôle 66 00:05:54,700 --> 00:05:57,633 que l'on va appeler un contrôle normal. 67 00:05:58,560 --> 00:06:04,433 Contrôle normal, c'est-à-dire que le juge vérifie la qualification juridique des faits, 68 00:06:04,733 --> 00:06:08,100 de la même manière que tous les autres vices d'illégalité. 69 00:06:10,866 --> 00:06:13,866 L'acte administratif est normalement contrôlé. 70 00:06:15,140 --> 00:06:28,166 Le juge va vérifier si tous les éléments, la procédure, la compétence, 71 00:06:28,430 --> 00:06:34,700 les circonstances de fait, étaient bien de nature à justifier la décision adoptée. 72 00:06:35,630 --> 00:06:42,233 Dans ce cas-là, le juge va adopter un contrôle qu'on va appeler un contrôle normal. 73 00:06:43,633 --> 00:06:52,633 À partir de là, ce contrôle normal peut connaître des variations en moins ou en plus. 74 00:06:55,666 --> 00:06:58,300 D'abord, variations en moins. 75 00:07:00,070 --> 00:07:04,566 Première hypothèse, elle est rare,  mais elle continue d'exister : 76 00:07:05,010 --> 00:07:12,000 c'est l'absence totale de contrôle de la qualification juridique des faits. 77 00:07:13,420 --> 00:07:17,700 C'est rare, mais cela peut arriver. 78 00:07:18,130 --> 00:07:19,100 Deux exemples. 79 00:07:20,470 --> 00:07:25,800 En droit positif français, à l'heure actuelle, 80 00:07:26,160 --> 00:07:32,800 le juge administratif se refuse à apprécier lui-même 81 00:07:32,966 --> 00:07:38,633 les appréciations portées par le jury de concours et d'examen. 82 00:07:39,330 --> 00:07:47,066 Autrement dit, le juge ne contrôle jamais ni la qualification de la valeur d'une copie d'examen 83 00:07:47,960 --> 00:07:54,066 ni l'adéquation entre la note attribuée et les appréciations portées par le correcteur. 84 00:07:55,000 --> 00:08:00,400 Autre exemple : les appréciations portées par les arbitres de compétitions sportives 85 00:08:00,600 --> 00:08:04,100 sur les performances des participants. 86 00:08:05,860 --> 00:08:13,966 Autre exemple, également : l'acte qui attribue ou non la Légion d'honneur. 87 00:08:14,380 --> 00:08:16,300 Le juge administratif, ici,  88 00:08:16,533 --> 00:08:23,400 ne contrôlera nullement l'appréciation portée par l'administration. 89 00:08:23,470 --> 00:08:23,900 Pourquoi ? 90 00:08:23,900 --> 00:08:25,900 Parce qu'il estime qu'ici,  91 00:08:26,830 --> 00:08:31,766 l'autorité administrative dispose d'une très vaste marge d'appréciation, 92 00:08:31,760 --> 00:08:34,166 d'un pouvoir discrétionnaire très étendu. 93 00:08:34,160 --> 00:08:36,966 Par exemple, la valeur d'une copie d'examen, 94 00:08:38,433 --> 00:08:42,000 l'attribution de la Légion d'honneur par rapport au mérite d'un postulant. 95 00:08:42,233 --> 00:08:46,500 Et le juge n'a absolument pas envie, ici, il n'a pas de moyens,  96 00:08:46,933 --> 00:08:51,133 il n'a pas de critères pour contrôler juridiquement ces éléments. 97 00:08:52,700 --> 00:08:56,300 Donc absence totale de contrôle de la qualification juridique des faits. 98 00:08:56,466 --> 00:08:59,700 C'est rare, mais ça existe encore dans certaines hypothèses. 99 00:09:00,440 --> 00:09:03,966 En revanche, ce qu'on va rencontrer beaucoup plus fréquemment,  100 00:09:04,533 --> 00:09:08,300 c'est ce qu'on appelle la technique de l'erreur manifeste d'appréciation. 101 00:09:08,930 --> 00:09:09,733 Autrement dit,  102 00:09:10,266 --> 00:09:13,960 quand l'administration est autorisée à statuer  103 00:09:13,960 --> 00:09:18,166 dans une configuration de pouvoir discrétionnaire, 104 00:09:18,830 --> 00:09:21,400 le juge va dire qu'il est mal placé 105 00:09:22,166 --> 00:09:26,400 pour contrôler normalement cette qualification juridique des faits,  106 00:09:26,400 --> 00:09:28,433 pour savoir si elle a été correctement appréciée. 107 00:09:29,420 --> 00:09:35,870 Parce que la loi fixe peu de circonstances et de conditions 108 00:09:35,870 --> 00:09:37,400 au vu desquelles l'acte devait être pris. 109 00:09:37,866 --> 00:09:41,100 C'est très difficile pour le juge d'avoir des éléments d'appréciation. 110 00:09:42,660 --> 00:09:47,900 Mais tout de même, grâce à la technique de l'erreur manifeste d'appréciation, 111 00:09:48,260 --> 00:09:52,266 qui donne lieu à ce que le juge appelle lui-même un contrôle restreint, 112 00:09:54,130 --> 00:09:55,200 dans cette hypothèse, 113 00:09:55,733 --> 00:10:03,333 le juge va dire qu'il ne contrôle pas la qualification juridique des faits, 114 00:10:03,566 --> 00:10:09,433 sauf s'il existe une erreur manifeste d'appréciation. 115 00:10:10,060 --> 00:10:12,833 Et l'erreur manifeste d'appréciation, c'est l'erreur grossière. 116 00:10:13,050 --> 00:10:14,533 C'est l'erreur qui saute aux yeux. 117 00:10:14,760 --> 00:10:18,466 C'est l'erreur que même un non-spécialiste ne ferait pas. 118 00:10:19,200 --> 00:10:20,566 Le juge n'est pas chimiste,  119 00:10:21,033 --> 00:10:26,466 il n'est pas compétent pour apprécier les composantes chimiques d'un médicament. 120 00:10:26,610 --> 00:10:28,433 Le juge n'est pas un technicien. 121 00:10:28,560 --> 00:10:29,066 D'accord. 122 00:10:29,166 --> 00:10:35,533 Mais si jamais un acte administratif est entaché d'une erreur grossière,  123 00:10:35,700 --> 00:10:38,866 d'une erreur manifeste, d'une erreur évidente :  124 00:10:39,400 --> 00:10:42,600 dans ce cas, le juge appliquera son contrôle restreint. 125 00:10:42,810 --> 00:10:49,166 Il se permettra tout de même de sanctionner les erreurs manifestes d'appréciation. 126 00:10:49,400 --> 00:10:53,500 Et donc l'acte sera entaché  d'illégalité et annulé,  127 00:10:53,900 --> 00:10:57,325 alors même pourtant que l'autorité administrative disposait 128 00:10:57,450 --> 00:10:59,575 d'un pouvoir discrétionnaire. 129 00:11:00,630 --> 00:11:02,366 J'ajouterais, pour votre information,  130 00:11:02,800 --> 00:11:06,400 que la technique de l'erreur manifeste d'appréciation est un bon moyen 131 00:11:07,400 --> 00:11:09,460 pour faire évoluer une jurisprudence. 132 00:11:10,333 --> 00:11:12,000 C'est une bonne étape transitoire. 133 00:11:15,610 --> 00:11:19,066 Notamment, dans l'histoire de la jurisprudence administrative, 134 00:11:20,633 --> 00:11:24,933 très souvent le juge a appliqué cette technique 135 00:11:24,933 --> 00:11:29,520 pour faire effectivement évoluer sa jurisprudence. 136 00:11:29,520 --> 00:11:36,000 Par exemple : pour apprécier les décisions de police en matière de publications étrangères. 137 00:11:36,960 --> 00:11:45,900 Initialement, lorsque le ministre de l'Intérieur refusait que telle ou telle publication, 138 00:11:46,200 --> 00:11:49,300 tel ou tel journal, telle ou telle revue soit publiée 139 00:11:49,300 --> 00:11:53,600 parce que cela portait atteinte aux intérêts de la France. 140 00:11:54,470 --> 00:12:00,566 Initialement, le juge ne contrôlait pas l'appréciation portée par le ministre. 141 00:12:01,000 --> 00:12:04,100 Ça lui paraissait un cas typique d'absence de contrôle. 142 00:12:04,850 --> 00:12:10,666 Et ensuite, il a accepté d’au moins sanctionner les erreurs manifestes d'appréciation. 143 00:12:11,550 --> 00:12:15,266 Et puis enfin, un jour, il en est arrivé au contrôle normal. 144 00:12:15,620 --> 00:12:19,600 Vous le voyez, l'erreur manifeste d'appréciation, c'est aussi un bon moyen, 145 00:12:20,700 --> 00:12:25,133 un bon compromis, entre pas de contrôle du tout et le contrôle normal. 146 00:12:28,300 --> 00:12:33,480 Des hypothèses où le contrôle normal va connaître des variations,  147 00:12:33,480 --> 00:12:37,500 mais des variations en moins : la compétence, le vice de forme, la procédure. 148 00:12:37,620 --> 00:12:40,366 Même l'exactitude matérielle des faits, tout est contrôlé. 149 00:12:40,840 --> 00:12:48,066 Mais pour la qualification juridique des faits, le contrôle est dit restreint. 150 00:12:48,910 --> 00:12:51,233 Il se limite aux erreurs grossières.  151 00:12:52,966 --> 00:12:58,200 Inversement, le contrôle normal peut connaître des variations en plus. 152 00:12:58,870 --> 00:13:02,033 Le contrôle normal peut être approfondi. 153 00:13:02,660 --> 00:13:07,400 Et c'est ici évidemment une hypothèse très intéressante. 154 00:13:07,530 --> 00:13:09,866 C'est que dans cette hypothèse,  155 00:13:10,133 --> 00:13:14,400 le juge administratif va apprécier la qualification juridique des faits 156 00:13:14,633 --> 00:13:18,500 de manière même plus approfondie que dans un contrôle normal. 157 00:13:18,880 --> 00:13:26,766 À ce jour, ce qu'on appelle parfois un contrôle maximum est appliqué dans trois hypothèses. 158 00:13:27,670 --> 00:13:36,700 Première hypothèse : c'est dans le contrôle de l'utilité publique d'un projet d'expropriation. 159 00:13:37,600 --> 00:13:41,566 Dans ce cas, selon une jurisprudence classique,  160 00:13:42,000 --> 00:13:46,700 qui est une jurisprudence du Conseil d'État d'Assemblée du 28 mai 1971,  161 00:13:46,900 --> 00:13:48,700 un arrêt Ville nouvelle Est,  162 00:13:48,700 --> 00:13:52,200 à propos de la construction de la ville nouvelle Villeneuve d'Ascq, 163 00:13:52,560 --> 00:13:57,875 le Conseil d'Etat va juger 164 00:13:59,600 --> 00:14:09,175 que la légalité d'une déclaration d'utilité publique ne résultera 165 00:14:09,170 --> 00:14:14,800 que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et le coût social,  166 00:14:14,900 --> 00:14:18,630 ne l'emportent pas sur l'intérêt de l'opération d'aménagement projeté. 167 00:14:19,010 --> 00:14:22,766 Autrement dit, ici, on dit que le juge va opérer un bilan coûts-avantages,  168 00:14:22,933 --> 00:14:25,900 c'est-à-dire que la décision ne sera pas légale 169 00:14:26,160 --> 00:14:30,800 si l'administration n'a pas commis d'erreur dans la qualification juridique des faits,  170 00:14:30,966 --> 00:14:34,466 en disant "oui, tel projet est bien un projet d'utilité publique". 171 00:14:34,820 --> 00:14:36,266 Le juge va dire : 172 00:14:36,566 --> 00:14:44,033 "Le projet est bien d'utilité publique si les avantages sont supérieurs aux inconvénients."  173 00:14:44,830 --> 00:14:48,725 Le juge va encore plus loin qu'une simple confrontation d'un fait 174 00:14:48,720 --> 00:14:51,325 à une catégorie abstraite. 175 00:14:51,666 --> 00:14:56,066 Utilité publique et un projet concret  de construction, d'aménagement. 176 00:14:56,100 --> 00:15:02,625 Ici, le juge va en plus dire que la légalité de la déclaration d'utilité publique va dépendre 177 00:15:03,125 --> 00:15:07,930 du bilan coûts-avantages que le juge va se permettre de faire. 178 00:15:09,500 --> 00:15:11,833 Autre exemple, vous le connaissez bien :  179 00:15:12,566 --> 00:15:17,830 c'est en matière de police administrative. 180 00:15:18,550 --> 00:15:24,633 En effet, à compter de l'arrêt du  19 mai 1933, Conseil d'Etat Benjamin, 181 00:15:24,766 --> 00:15:28,500 à partir de cet arrêt, comme vous le savez, 182 00:15:29,630 --> 00:15:36,000 le juge administratif ne va pas se borner à vérifier la qualification juridique des faits, 183 00:15:36,360 --> 00:15:43,300 c'est-à-dire à vérifier que les faits sont bien constitutifs d'une atteinte à l'ordre public. 184 00:15:44,230 --> 00:15:53,733 Le juge va vérifier l'adéquation exacte entre la gravité du trouble à l'ordre public 185 00:15:54,100 --> 00:15:57,066 et l'intensité de l'atteinte aux droits et libertés,  186 00:15:57,400 --> 00:16:04,500 afin de vérifier que la décision adoptée, entre toutes celles qui étaient possibles,  187 00:16:04,930 --> 00:16:11,633 était bien celle qui était la mieux adaptée, la plus nécessaire, la plus proportionnée. 188 00:16:14,440 --> 00:16:18,533 C'est un contrôle approfondi de la qualification juridique des faits, 189 00:16:18,830 --> 00:16:22,866 qui ne se contente pas de dire si les faits sont bien constitutifs d'une atteinte à l'ordre public. 190 00:16:23,170 --> 00:16:26,633 On va vérifier que la décision prise était bien la meilleure,  191 00:16:26,960 --> 00:16:29,533 pour à la fois maintenir l'ordre 192 00:16:30,066 --> 00:16:35,566 et ne pas porter une atteinte excessive aux droits et libertés des individus. 193 00:16:36,070 --> 00:16:38,266 Contrôle de proportionnalité. 194 00:16:38,440 --> 00:16:41,925 Le contrôle normal ici fait l'objet d'un approfondissement 195 00:16:41,925 --> 00:16:45,600 pour aller vers un contrôle dit d'adéquation ou de proportionnalité. 196 00:16:46,270 --> 00:16:50,266 Le dernier exemple, il est assez récent :  c'est celui des sanctions administratives. 197 00:16:50,966 --> 00:16:54,600 Nous voyons en effet le juge administratif décider 198 00:16:55,233 --> 00:17:00,666 que, dans le contrôle des sanctions administratives,  199 00:17:00,900 --> 00:17:06,066 il convient pour le juge de vérifier l'adéquation 200 00:17:06,500 --> 00:17:16,166 entre la gravité des faits reprochés et le choix de la sanction infligée par l'administration. 201 00:17:16,820 --> 00:17:23,766 Et ce contrôle de la proportionnalité entre la gravité des faits 202 00:17:24,000 --> 00:17:27,766 et le choix de la bonne sanction adéquate, 203 00:17:28,466 --> 00:17:32,433 aujourd'hui ne cesse de se développer en matière administrative,  204 00:17:32,666 --> 00:17:36,266 pour le contrôle par exemple des sanctions scolaires,  205 00:17:36,533 --> 00:17:39,900 des sanctions à l'égard des professions réglementées,  206 00:17:40,133 --> 00:17:43,366 des sanctions infligées à l'égard des magistrats, des maires, des sportifs,  207 00:17:43,360 --> 00:17:45,100 par exemple pour cause de dopage,  208 00:17:45,666 --> 00:17:50,966 et surtout pour les sanctions disciplinaires à l'égard des agents. 209 00:17:51,360 --> 00:17:54,633 C'est évidemment le très important arrêt du Conseil d'État d'Assemblée 210 00:17:54,960 --> 00:17:58,333 du 13 novembre 2013, un arrêt Dahan,  211 00:17:58,660 --> 00:18:08,500 qui est venu ici appliquer ce contrôle approfondi pour la proportionnalité 212 00:18:08,760 --> 00:18:14,633 entre l'intensité de la faute disciplinaire et le choix de la sanction,  213 00:18:14,733 --> 00:18:19,200 pour qu'une sanction disproportionnée ne soit pas adoptée par le juge. 214 00:18:19,300 --> 00:18:25,000 Alors qu'auparavant, en matière de sanction disciplinaire pour les agents publics,  215 00:18:25,166 --> 00:18:31,866 le juge administratif se contentait d'un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation. 216 00:18:32,280 --> 00:18:34,066 Vous le voyez, quelques hypothèses. 217 00:18:34,220 --> 00:18:35,725 Elles ne sont pas non plus les plus nombreuses, 218 00:18:35,966 --> 00:18:39,866 mais quelques hypothèses où le juge va plus loin que le contrôle normal. 219 00:18:40,366 --> 00:18:42,900 Nous avons pas de contrôle du tout, contrôle restreint,  220 00:18:43,166 --> 00:18:46,650 contrôle normal, contrôle de proportionnalité. 221 00:18:46,850 --> 00:18:48,766 Parfois, certains l'appellent contrôle maximum. 222 00:18:49,050 --> 00:18:50,633 Mais nous sommes bien d'accord : 223 00:18:50,960 --> 00:18:58,200 cette variation dans l'intensité du contrôle du juge de l'excès de pouvoir ne concerne 224 00:18:58,570 --> 00:19:04,625 que la question de la marge de liberté dont disposait l'administration 225 00:19:04,700 --> 00:19:08,900 dans la qualification juridique des faits, à l'origine de la décision. 226 00:19:09,340 --> 00:19:13,766 Mais pour tout le reste, bien sûr, pour tous les autres éléments de légalité, 227 00:19:14,100 --> 00:19:18,733 le juge de l'excès de pouvoir contrôle tous les éléments. 228 00:19:18,930 --> 00:19:24,500 La variation ne concerne que le contrôle de la qualification juridique des faits.