1 00:00:06,660 --> 00:00:10,000 Cette autonomie du droit des contrats administratifs,  2 00:00:10,000 --> 00:00:16,120 autrement dit singularité sur certains points, sur certaines règles essentielles,  3 00:00:16,120 --> 00:00:21,180 nous la retrouvons également en matière de ce que je vais appeler cette fois-ci 4 00:00:21,180 --> 00:00:23,020 la fragilité des contrats administratifs. 5 00:00:24,240 --> 00:00:29,140 Parce que l'intérêt général, qui est derrière chaque contrat administratif,  6 00:00:29,640 --> 00:00:35,320 postule qu'un contrat administratif doit changer ou doit cesser 7 00:00:35,320 --> 00:00:39,480 s'il ne remplit plus sa fonction d'intérêt général pour laquelle il a été conclu. 8 00:00:40,700 --> 00:00:42,960 Tout d'abord, modification :  9 00:00:43,260 --> 00:00:46,620 ce que l'on appelle le principe de mutabilité des contrats administratifs. 10 00:00:48,620 --> 00:00:54,320 Cette mutabilité peut tenir soit à la nécessaire modification du contrat,  11 00:00:54,680 --> 00:00:56,460 soit à l'existence d'aléas. 12 00:00:58,120 --> 00:01:05,500 D'abord, le droit administratif reconnaît depuis toujours que la collectivité publique, 13 00:01:05,560 --> 00:01:13,620 partie contractante, dispose d'un pouvoir de modification unilatérale. 14 00:01:14,750 --> 00:01:21,260 Il s'agit là d'une nouvelle règle générale,  applicable à tous les contrats administratifs, 15 00:01:21,800 --> 00:01:25,340 c'est-à-dire applicables même sans texte, même dans le silence des contrats, 16 00:01:25,460 --> 00:01:28,660 et qui résulte d'un arrêt du 2 février 1983,  17 00:01:28,880 --> 00:01:32,820 un arrêt Union des transports publics urbains et régionaux. 18 00:01:34,550 --> 00:01:39,360 Ce pouvoir exorbitant est donc d'abord exorbitant parce qu'il est unilatéral. 19 00:01:40,870 --> 00:01:47,200 Il est exorbitant parce qu'il permet à la personne publique contractante, toute seule, 20 00:01:47,960 --> 00:01:52,560 de décider d'apporter des modifications 21 00:01:53,300 --> 00:01:57,420 aux obligations contractuelles initialement stipulées. 22 00:01:59,280 --> 00:02:04,000 Mais bien évidemment, dit comme cela, un tel pouvoir pourrait faire peur 23 00:02:04,290 --> 00:02:07,960 et pourrait dissuader quiconque de contracter avec l'administration. 24 00:02:08,900 --> 00:02:11,220 D'abord, première garantie :  25 00:02:12,140 --> 00:02:17,420 ce pouvoir de modification ne peut pas porter sur l'objet même du contrat,  26 00:02:18,000 --> 00:02:22,500 ou en venir à bouleverser son économie générale, comme le dit la jurisprudence.  27 00:02:23,420 --> 00:02:25,925 D'ailleurs, ce qui explique qu'en général, 28 00:02:26,050 --> 00:02:30,460 les clauses financières sont à l'abri du pouvoir de modification unilatérale des contrats. 29 00:02:31,670 --> 00:02:40,760 Ensuite et surtout, le cocontractant a le droit à une réparation, à une compensation financière,  30 00:02:40,760 --> 00:02:42,250 en réparation du préjudice 31 00:02:42,250 --> 00:02:48,160 que lui cause l'aggravation ainsi apportée aux charges du contrat. 32 00:02:48,420 --> 00:02:54,320 Nous voyons ici que l'indemnisation est la juste contrepartie contractuelle de l'exercice 33 00:02:54,340 --> 00:02:57,480 par la personne publique de cette prérogative exorbitante 34 00:02:57,920 --> 00:03:02,600 Cette indemnisation doit d'ailleurs être intégrale, nous dit la jurisprudence, 35 00:03:02,660 --> 00:03:07,160 c'est-à-dire qu'elle doit couvrir aussi bien la perte subie que le manque à gagner,  36 00:03:07,520 --> 00:03:09,420 que le cocontractant aurait pu espérer 37 00:03:09,420 --> 00:03:14,380 si le contrat n'avait pas été modifié unilatéralement par la personne publique. 38 00:03:15,260 --> 00:03:21,420 Enfin et surtout, cette prérogative n'est évidemment d'usage légal 39 00:03:21,520 --> 00:03:27,660 que si elle est justifiée par un motif d'intérêt général. 40 00:03:28,380 --> 00:03:34,340 Ce motif, ce peut être la nécessité de s'adapter à l'évolution technologique, 41 00:03:34,640 --> 00:03:37,240 comme quand on est passé du gaz à l'électricité. 42 00:03:37,240 --> 00:03:41,380 C'est la célèbre jurisprudence du Conseil d'État du 10 janvier 1902,  43 00:03:41,380 --> 00:03:43,900 Compagnie nouvelle du gaz de Deville-lès-Rouen. 44 00:03:44,430 --> 00:03:47,325 Cela peut être tout simplement la nécessité de s'adapter 45 00:03:47,825 --> 00:03:51,400 à l'exploitation même du service public. 46 00:03:51,400 --> 00:03:59,580 Imaginons, par exemple, une augmentation du trafic d'une activité de transport,  47 00:03:59,580 --> 00:04:03,500 donc il faut augmenter le nombre de tramways et le nombre de bus en circulation. 48 00:04:03,500 --> 00:04:06,720 L'administration contractante peut imposer cette mesure,  49 00:04:06,720 --> 00:04:10,780 qui correspond à un motif tiré de l'exploitation même du service public. 50 00:04:10,780 --> 00:04:15,720 C'est la célèbre jurisprudence du Conseil d'État du 11 mars 1910,  51 00:04:15,820 --> 00:04:18,380 Compagnie générale française de tramway. 52 00:04:18,860 --> 00:04:25,180 Mais vous le voyez, ce pouvoir de modification unilatérale n'est valable, 53 00:04:25,260 --> 00:04:31,160 n'est juridiquement régulier, que s'il est fondé sur un motif d'intérêt général. 54 00:04:33,050 --> 00:04:37,220 Par ailleurs, à côté de cette modification volontaire,  55 00:04:37,360 --> 00:04:45,680 il se peut que les parties doivent modifier le contrat parce qu'ils subissent un aléa. 56 00:04:45,710 --> 00:04:47,380 Mais là aussi, vous allez le voir,  57 00:04:47,460 --> 00:04:50,820 le droit administratif nous réserve  des règles assez originales. 58 00:04:51,260 --> 00:04:54,520 L'aléa, ce peut être d'abord un aléa technique. 59 00:04:54,930 --> 00:04:59,680 Je fais ici référence à la théorie des suggestions imprévues. 60 00:05:00,470 --> 00:05:02,700 En effet, dans les marchés de travaux publics, 61 00:05:03,260 --> 00:05:07,240 il est prévu que si, au cours de leur exécution,  62 00:05:07,960 --> 00:05:13,620 les entrepreneurs doivent effectuer des travaux supplémentaires,  63 00:05:14,220 --> 00:05:21,840 non prévus par les devis, ils doivent être ici indemnisés,  64 00:05:21,840 --> 00:05:30,320 et de manière intégrale, du surcoût que leur causent ces aléas techniques, 65 00:05:30,420 --> 00:05:32,800 ces suggestions imprévues. 66 00:05:34,080 --> 00:05:37,740 Voici, en effet, un entrepreneur qui tombe de manière inattendue 67 00:05:38,010 --> 00:05:43,100 sur une roche particulièrement dure à percer. 68 00:05:43,730 --> 00:05:47,480 Voici un entrepreneur en travaux publics qui tombe sur des canalisations de gaz 69 00:05:47,480 --> 00:05:51,200 qui ne lui avaient pas été mentionnées, signalées, déclarées. 70 00:05:51,680 --> 00:05:54,820 Voici un entrepreneur de travaux publics qui tombe sur une nappe phréatique 71 00:05:54,820 --> 00:05:56,340 qui n'avait pas été signalée. 72 00:05:56,340 --> 00:06:03,660 Il y a ici une sujétion imprévue,  autrement dit un événement imprévisible,  73 00:06:04,100 --> 00:06:07,060 non imputable aux parties,  74 00:06:07,580 --> 00:06:13,720 qui impliquent des travaux complémentaires non prévus par le devis. 75 00:06:14,460 --> 00:06:21,240 Notre entrepreneur, lui, ne peut s'abriter derrière ces événements pour ne plus rien faire, 76 00:06:21,240 --> 00:06:25,440 parce que l'intérêt général postule que l'exécution du contrat soit menée jusqu'au bout. 77 00:06:25,490 --> 00:06:29,460 Mais en revanche, il appartient à la collectivité publique contractante 78 00:06:29,600 --> 00:06:35,140 de verser une indemnisation intégrale pour le surcoût qu'occasionnent,  79 00:06:35,220 --> 00:06:40,620 à notre entrepreneur, ces travaux supplémentaires non prévus au devis. 80 00:06:42,200 --> 00:06:45,000 Deuxième catégorie d'aléas : l'aléa administratif. 81 00:06:45,930 --> 00:06:48,900 C'est ce qu'on appelle, en droit  administratif, la théorie du fait du prince. 82 00:06:48,900 --> 00:06:50,280 Elle est très intéressante. 83 00:06:50,580 --> 00:06:53,600 Imaginez qu'une collectivité publique contractante, une commune,  84 00:06:53,750 --> 00:06:54,900 a passé un contrat. 85 00:06:55,740 --> 00:06:58,220 Notre collectivité publique contractante, notre commune, 86 00:06:58,220 --> 00:07:00,200 elle demeure titulaire de ses pouvoirs. 87 00:07:00,450 --> 00:07:05,840 Imaginez, par exemple, que la commune doit prendre des mesures de police administrative. 88 00:07:06,920 --> 00:07:11,900 Et imaginez que cette mesure de police administrative ait un impact 89 00:07:12,210 --> 00:07:16,500 sur la bonne exécution d'un contrat que notre commune a conclu par ailleurs. 90 00:07:17,390 --> 00:07:26,800 Ici, ici aussi, le cocontractant a le droit à l'indemnisation intégrale du préjudice 91 00:07:27,260 --> 00:07:30,850 que lui cause le bouleversement imprévisible du contrat, 92 00:07:31,450 --> 00:07:36,025 issu de la nécessité, pour la personne publique contractante, 93 00:07:36,325 --> 00:07:39,025 d'avoir dû prendre des mesures, 94 00:07:39,660 --> 00:07:44,780 mais non pas en tant que contractant,  en tant que personne contractante,  95 00:07:44,940 --> 00:07:48,560 mais en tant qu'autorité administrative en charge 96 00:07:48,840 --> 00:07:51,720 et toujours en charge de ces différentes missions,  97 00:07:51,780 --> 00:07:54,620 comme par exemple une mission de police administrative. 98 00:07:54,990 --> 00:08:00,360 C'est ce qu'on appelle la théorie du fait du prince de l'aléa administratif. 99 00:08:00,360 --> 00:08:05,380 Ici, la personne publique contractante,  en tant que non-contractant,  100 00:08:05,480 --> 00:08:08,020 a dû prendre des mesures parfaitement régulières. 101 00:08:08,020 --> 00:08:12,520 Par exemple, parce qu'il y a des risques de danger : fermer la circulation d'une route. 102 00:08:12,520 --> 00:08:15,700 Or, il se trouve que cette route est empruntée par des camions d'un entrepreneur 103 00:08:15,840 --> 00:08:19,360 qui, par ailleurs, a un contrat de travaux publics avec notre commune. 104 00:08:19,360 --> 00:08:24,740 Ici, cet aléa administratif impliquera une indemnisation 105 00:08:24,740 --> 00:08:28,540 pour le cocontractant de la personne publique. 106 00:08:29,640 --> 00:08:34,560 Enfin, troisième grande forme d'aléa : l'aléa économique. 107 00:08:34,660 --> 00:08:39,720 Et je veux évidemment ici faire référence à la théorie de l'imprévision,  108 00:08:39,880 --> 00:08:44,860 et à l'une des plus célèbres affaires de la jurisprudence administrative. 109 00:08:47,530 --> 00:08:51,560 Cette affaire, c'est l'affaire Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux. 110 00:08:52,270 --> 00:08:54,700 Nous avons affaire à une concession de service public. 111 00:08:55,120 --> 00:09:00,640 La Ville de Bordeaux et la compagnie d'éclairage au gaz ont évidemment prévu différents aléas,  112 00:09:00,740 --> 00:09:02,500 comme l'augmentation des matières premières,  113 00:09:02,625 --> 00:09:04,875 l'augmentation du prix du charbon. 114 00:09:05,060 --> 00:09:09,400 C'est prévu par le contrat, parce que tout contrat prévoit évidemment 115 00:09:09,740 --> 00:09:12,240 que la vie des affaires emporte des risques. 116 00:09:12,430 --> 00:09:17,220 Mais voici que survient le premier conflit mondial, la Première Guerre mondiale. 117 00:09:17,920 --> 00:09:22,440 Et cette fois-ci, attention, accrochez-vous bien, 118 00:09:22,440 --> 00:09:29,820 la hausse des matières premières du charbon provoque une augmentation de 500 %. 119 00:09:31,920 --> 00:09:37,440 Évidemment, la question se posait de savoir s'il fallait, et à quelles conditions,  120 00:09:37,720 --> 00:09:44,680 accepter un nouveau cas juridique de modification des contrats administratifs,  121 00:09:44,840 --> 00:09:47,840 susceptible d'engendrer les conséquences juridiques. 122 00:09:48,200 --> 00:09:54,520 Le Conseil d'État va y répondre positivement en créant la théorie de l'imprévision, 123 00:09:54,520 --> 00:09:58,120 dans son arrêt du Conseil d'État du 30 mars 1916, 124 00:09:58,120 --> 00:10:01,980 Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux ;  125 00:10:02,200 --> 00:10:05,860 affaire d'autant plus emblématique qu'elle contrastait à la même époque 126 00:10:05,860 --> 00:10:11,000 avec le refus total du juge judiciaire d'admettre la théorie de l'imprévision. 127 00:10:11,220 --> 00:10:12,460 De quoi s'agit-il ? 128 00:10:14,700 --> 00:10:17,000 La théorie de l'imprévision,  pour le juge administratif,  129 00:10:17,900 --> 00:10:24,420 justifie du moins au nom de la continuité du service public,  130 00:10:27,060 --> 00:10:33,940 d'admettre exceptionnellement une modification substantielle 131 00:10:34,380 --> 00:10:36,320 d'un contrat administratif. 132 00:10:36,900 --> 00:10:38,200 L'idée est la suivante. 133 00:10:39,540 --> 00:10:42,900 L'administration n'est pas l'assureur de ses cocontractants. 134 00:10:43,830 --> 00:10:49,240 Elle n'est pas obligée d'indemniser n'importe quel déséquilibre contractuel. 135 00:10:50,490 --> 00:10:54,340 C'est dans la logique de la vie des affaires que de prévoir 136 00:10:54,340 --> 00:10:57,520 et d'anticiper des aléas économiques et financiers. 137 00:10:58,270 --> 00:11:03,120 Mais, imaginons des circonstances extérieures aux parties,  138 00:11:03,900 --> 00:11:10,400 qui comme dans l'affaire non seulement sont imprévisibles, déjouent tous les calculs,  139 00:11:10,980 --> 00:11:16,720 mais de surcroît entraînent un bouleversement de l'économie du contrat. 140 00:11:17,240 --> 00:11:23,520 Dans ce cas, le juge administratif nous dit que l'intérêt général 141 00:11:23,610 --> 00:11:27,620 postulant la poursuite du contrat quoiqu'il arrive à tout prix, 142 00:11:28,480 --> 00:11:31,075 il faut aboutir à la solution suivante :  143 00:11:31,925 --> 00:11:36,100 le cocontractant, en dépit de ces événements imprévisibles 144 00:11:36,100 --> 00:11:39,425 et de ce bouleversement de l'économie financière, 145 00:11:39,620 --> 00:11:42,160 de l'équilibre financier du contrat,  146 00:11:42,600 --> 00:11:46,250 notre contractant doit poursuivre l'exécution du contrat. 147 00:11:46,250 --> 00:11:50,020 Parce qu'en l'espèce, ici, il s'agit de la délégation d'un service public,  148 00:11:50,020 --> 00:11:53,540 et il faut que le service public soit fourni aux usagers. 149 00:11:54,480 --> 00:11:58,520 Donc il faut que notre cocontractant poursuive l'exécution du contrat. 150 00:11:58,750 --> 00:12:05,600 Mais en contrepartie, la personne publique contractante a l'obligation,  151 00:12:06,125 --> 00:12:10,980 le devoir, d'aider financièrement son cocontractant,  152 00:12:11,520 --> 00:12:15,000 en lui versant une indemnité extracontractuelle 153 00:12:15,480 --> 00:12:21,340 qui couvrira presque intégralement les charges exceptionnelles 154 00:12:21,520 --> 00:12:26,420 que les circonstances inattendues lui ont imposées momentanément. 155 00:12:27,430 --> 00:12:31,840 J'attire votre attention que l'imprévision n'est pas un cas de force majeure. 156 00:12:33,780 --> 00:12:39,120 Le contrat n'est pas rendu impossible dans son exécution. 157 00:12:39,900 --> 00:12:44,020 Il y a des événements imprévisibles extérieurs, mais non pas irrésistibles. 158 00:12:45,450 --> 00:12:48,780 Le contrat pourrait continuer à être exécuté, mais simplement, 159 00:12:49,020 --> 00:12:53,020 il y a eu un tel bouleversement de l'équilibre financier du contrat 160 00:12:53,280 --> 00:12:55,500 que le contrat ne pourrait être continué 161 00:12:55,640 --> 00:13:02,640 qu'à des conditions onéreuses complètement exorbitantes, voire délirantes. 162 00:13:03,220 --> 00:13:04,400 Et c'est pour cela 163 00:13:04,850 --> 00:13:09,850 que la personne publique contractante va aider financièrement son cocontractant, 164 00:13:10,050 --> 00:13:13,075 en lui versant une indemnité d'imprévision,  165 00:13:13,520 --> 00:13:19,160 qui servira à couvrir le coût des charges supplémentaires 166 00:13:19,160 --> 00:13:22,400 qui résultent de ces circonstances extérieures 167 00:13:22,400 --> 00:13:27,620 qui ont bouleversé l'économie générale du contrat. 168 00:13:29,400 --> 00:13:32,100 Vous le voyez, en droit administratif,  169 00:13:32,400 --> 00:13:38,700 lorsqu'il y a un problème de modification des conditions d'exécution du contrat, 170 00:13:39,080 --> 00:13:44,540 tout est fait pour assurer la poursuite de l'exécution du contrat. 171 00:13:44,600 --> 00:13:45,460 Mais pourquoi ? 172 00:13:45,560 --> 00:13:49,300 Parce que le contrat est conclu dans l'intérêt de tous. 173 00:13:49,460 --> 00:13:52,100 Le contrat est peut-être même conclu 174 00:13:52,480 --> 00:13:55,820 pour fournir des prestations de service public à des usagers,  175 00:13:56,180 --> 00:13:59,620 et il faut donc que le contrat soit exécuté. 176 00:14:01,780 --> 00:14:07,940 Le contrat doit changer si l'intérêt général le demande.  177 00:14:09,400 --> 00:14:14,820 Après la mutabilité, il reste une dernière hypothèse. 178 00:14:15,210 --> 00:14:17,980 C'est ce que j'appellerais la précarité du contrat administratif. 179 00:14:18,940 --> 00:14:28,000 C'est cette idée que tout contrat administratif doit cesser si l'intérêt général l'exige. 180 00:14:29,150 --> 00:14:34,720 Imaginez un marché de travaux publics qui consiste à construire un ouvrage inutile. 181 00:14:35,720 --> 00:14:42,680 Imaginez une délégation de service public pour un service public qui n'existe plus,  182 00:14:42,860 --> 00:14:45,880 parce qu'il n'y a plus de demande, il n'y a plus d'usagers, 183 00:14:45,880 --> 00:14:49,200 cette ligne de chemin de fer n'est plus utilisée. 184 00:14:50,820 --> 00:14:56,160 Faut-il continuer la poursuite de l'exécution d'un contrat administratif 185 00:14:56,800 --> 00:15:01,360 qui ne remplit plus son objet, sa fonction, la satisfaction d'intérêt général, 186 00:15:03,320 --> 00:15:04,620 la continuité du service public ? 187 00:15:04,620 --> 00:15:06,840 Ces raisons n'existent plus, 188 00:15:07,340 --> 00:15:11,300 faut-il maintenir un contrat administratif qui coûte de l'argent à l'administration,  189 00:15:11,300 --> 00:15:16,440 donc à la collectivité publique,  donc aux contribuables ? 190 00:15:17,040 --> 00:15:18,000 La réponse est non. 191 00:15:18,650 --> 00:15:21,980 Et c'est pourquoi, depuis bien longtemps,  192 00:15:22,260 --> 00:15:26,120 c'est-à-dire depuis un arrêt du Conseil d'État d'Assemblée du 2 mai 1958,  193 00:15:26,400 --> 00:15:29,000 un arrêt Distillerie de Magnac-Laval,  194 00:15:29,440 --> 00:15:34,100 il y a en droit administratif français une règle générale 195 00:15:34,100 --> 00:15:36,720 applicable à tous les contrats administratifs ;  196 00:15:37,020 --> 00:15:40,920 autrement dit, applicable même si les textes ou les contrats ne l'ont pas prévue, 197 00:15:41,240 --> 00:15:45,080 et qui peut se résumer de la manière suivante : 198 00:15:45,780 --> 00:15:50,560 il appartient à toute autorité administrative contractante,  199 00:15:51,780 --> 00:15:56,220 en vertu d'une règle générale applicable à tous les contrats administratifs,  200 00:15:56,720 --> 00:16:00,740 mais sous réserve des droits d'indemnisation du cocontractant, 201 00:16:01,460 --> 00:16:06,040 de mettre fin avant son terme à un contrat administratif 202 00:16:06,260 --> 00:16:10,250 dès lors qu'il existe des motifs d'intérêt général justifiant 203 00:16:10,600 --> 00:16:12,780 à la date à laquelle elle prend sa décision 204 00:16:14,160 --> 00:16:21,680 que la poursuite du contrat soit abandonnée ou établie sur de nouvelles bases. 205 00:16:23,730 --> 00:16:26,560 Comme pour le pouvoir de modification unilatérale, 206 00:16:27,020 --> 00:16:34,320 le pouvoir de résiliation unilatérale du contrat administratif n'est légal 207 00:16:34,980 --> 00:16:39,920 que s'il est justifié par un motif d'intérêt général. 208 00:16:40,830 --> 00:16:43,740 Et ensuite, son usage n'est légal 209 00:16:44,240 --> 00:16:51,400 que si son usage s'accompagne de la réparation intégrale du préjudice, 210 00:16:52,260 --> 00:16:55,360 au bénéfice du cocontractant,  211 00:16:55,820 --> 00:17:00,280 car le cocontractant doit être intégralement indemnisé, 212 00:17:00,520 --> 00:17:03,440 aussi bien des pertes subies que du manque à gagner. 213 00:17:03,910 --> 00:17:09,100 Le cocontractant doit être indemnisé intégralement du préjudice 214 00:17:09,280 --> 00:17:14,420 que lui cause la résiliation unilatérale anticipée du contrat.  215 00:17:16,360 --> 00:17:21,120 J'ajouterai enfin que ce pouvoir de résiliation unilatérale du contrat administratif 216 00:17:21,120 --> 00:17:25,900 pour motif d'intérêt général ne se confond pas avec la résiliation sanction 217 00:17:25,900 --> 00:17:29,000 que j'ai examinée dans la vidéo précédente,  218 00:17:29,260 --> 00:17:31,040 parce que la résiliation sanction, 219 00:17:31,080 --> 00:17:34,040 c'est la résiliation aux torts du cocontractant pour faute. 220 00:17:34,040 --> 00:17:36,220 Ici, le cocontractant n'a commis aucune faute. 221 00:17:36,220 --> 00:17:41,400 C'est simplement que le contrat n'a plus d'intérêt, 222 00:17:41,400 --> 00:17:43,900 le contrat n'a plus d'objet, le contrat n'a plus de finalité. 223 00:17:44,480 --> 00:17:48,580 L'administration doit mettre ici fin, ou peut mettre fin,  224 00:17:49,020 --> 00:17:52,340 à ce contrat parce que l'intérêt général l'exige. 225 00:17:53,080 --> 00:17:57,640 Et là bien évidemment, notre cocontractant doit être indemnisé du préjudice subi.