1 00:00:06,870 --> 00:00:10,955 Dans les vidéos précédentes,  nous avons vu les garanties 2 00:00:11,000 --> 00:00:16,560 dont les administrés bénéficient dans le processus décisionnel,  3 00:00:17,066 --> 00:00:22,820 autrement dit dans la procédure de fabrication de la décision administrative. 4 00:00:24,920 --> 00:00:31,977 Je voudrais maintenant évoquer les garanties dont bénéficient les administrés 5 00:00:32,600 --> 00:00:38,044 face à la mise en œuvre juridique des décisions administratives, 6 00:00:39,177 --> 00:00:44,377 face si vous voulez, à l'existence juridique des décisions administratives. 7 00:00:45,800 --> 00:00:50,733 Cette existence juridique, elle se résume  classiquement à deux moments :  8 00:00:51,466 --> 00:00:53,044 le début et la fin,  9 00:00:54,266 --> 00:01:00,622 la naissance et la disparition de l'acte administratif unilatéral. 10 00:01:01,880 --> 00:01:06,111 Commençons par les garanties dont les administrés bénéficient 11 00:01:06,688 --> 00:01:11,377 au moment de l'entrée en vigueur d'une décision administrative. 12 00:01:13,580 --> 00:01:18,444 Je vous rappelle que juridiquement,  l'entrée en vigueur est une expression 13 00:01:18,510 --> 00:01:23,111 qui désigne le moment à compter duquel 14 00:01:24,288 --> 00:01:31,666 la décision administrative va être dotée de toute l'aptitude nécessaire 15 00:01:31,933 --> 00:01:36,955 pour produire les effets de droit voulus par son auteur. 16 00:01:37,600 --> 00:01:39,200 C'est le moment à partir duquel 17 00:01:39,444 --> 00:01:45,311 la décision va être obligatoire,  contraignante, sanctionnable. 18 00:01:48,333 --> 00:01:53,155 Et c'est bien pourquoi le code des relations entre le public et l'administration 19 00:01:53,555 --> 00:01:56,511 accorde toute son importance à ce moment, 20 00:01:57,250 --> 00:02:01,600 où véritablement, au sens juridique du terme,  21 00:02:01,860 --> 00:02:07,177 la décision administrative devient applicable, elle entre en vigueur. 22 00:02:08,140 --> 00:02:13,311 Ce sont d'ailleurs les articles L221-1 et suivants du code 23 00:02:13,622 --> 00:02:17,860 qui organisent cette entrée en vigueur de l'acte. 24 00:02:20,920 --> 00:02:24,370 Quelques mots sur les conditions de cette entrée en vigueur,  25 00:02:24,822 --> 00:02:26,377 et sur les conséquences qui en découlent.  26 00:02:28,022 --> 00:02:29,560 Quelques mots d'abord sur les conditions. 27 00:02:29,920 --> 00:02:38,911 Pour entrer en vigueur, un acte unilatéral de l'administration doit d'abord exister. 28 00:02:40,490 --> 00:02:42,977 C'est tout bête à dire, mais c'est essentiel à rappeler. 29 00:02:43,890 --> 00:02:47,490 Il faut que l'acte ait une existence juridique. 30 00:02:48,630 --> 00:02:56,311 L'existence juridique est attestée par la signature de son ou de ses auteurs ;  31 00:02:58,733 --> 00:03:03,955 signature qui, d'ailleurs, peut revêtir une forme manuscrite ou électronique, peu importe. 32 00:03:04,444 --> 00:03:11,266 Évidemment, la signature de l'acte, donc l'existence de la décision,  33 00:03:11,800 --> 00:03:17,377 n'est pas suffisante pour entrer en vigueur, mais c'est une condition nécessaire. 34 00:03:19,880 --> 00:03:27,555 Pas d'acte applicable s'il n'y a pas d'acte à appliquer. 35 00:03:29,930 --> 00:03:35,155 C'est pourquoi, d'ailleurs, le juge administratif attache des conséquences à l'existence. 36 00:03:37,580 --> 00:03:42,933 D'une part, l'existence d'une décision de l'administration a une valeur juridique en soi ;  37 00:03:44,422 --> 00:03:50,377 autrement dit, elle ne sera jamais subordonnée aux conditions de publicité. 38 00:03:53,150 --> 00:03:56,933 Surtout au contentieux, dans le contentieux de l'excès de pouvoir, 39 00:03:57,290 --> 00:04:04,666 c'est toujours à la date de la signature,  donc de l'existence de l'acte, 40 00:04:05,155 --> 00:04:10,533 que le juge se place pour apprécier la légalité de la décision. 41 00:04:11,333 --> 00:04:16,111 Et le juge ne se place jamais au moment de la publicité de l'acte, par exemple. 42 00:04:16,630 --> 00:04:19,488 Il se place toujours au moment où l'acte a été adopté,  43 00:04:19,600 --> 00:04:21,850 c'est-à-dire le jour de sa signature. 44 00:04:24,900 --> 00:04:26,266 Pour entrer en vigueur,  45 00:04:27,022 --> 00:04:30,755 une décision de l'administration doit ensuite avoir fait l'objet 46 00:04:31,111 --> 00:04:34,133 des formalités de publicité adéquate. 47 00:04:35,080 --> 00:04:36,066 Je vous le rappelle : 48 00:04:36,355 --> 00:04:40,577 publication ou affichage pour les actes réglementaires 49 00:04:41,000 --> 00:04:43,266 et les actes ni réglementaires ni individuels,  50 00:04:44,688 --> 00:04:48,088 notification pour les actes individuels. 51 00:04:49,250 --> 00:04:55,377 Il est, de jurisprudence constante, que faute de cette mesure de publicité,  52 00:04:56,066 --> 00:05:00,020 la décision de l'administration ne sera pas opposable. 53 00:05:01,130 --> 00:05:02,866 Je ne dis pas "ne sera pas existante" : 54 00:05:02,977 --> 00:05:05,930 elle existe indépendamment de ces mesures de publicité. 55 00:05:06,290 --> 00:05:10,155 Mais en revanche, puisque la décision n'aura pas été portée 56 00:05:10,155 --> 00:05:15,866 à la connaissance de ses destinataires,  on ne pourra pas leur opposer cette décision. 57 00:05:18,450 --> 00:05:30,044 Enfin, troisième moment, qui est le moment où la décision va véritablement entrer en vigueur, 58 00:05:31,155 --> 00:05:36,355 c'est-à-dire le moment où elle va être pourvue de toute la capacité,  59 00:05:36,377 --> 00:05:39,866 de toute l'aptitude juridique à produire les effets de droit  60 00:05:40,444 --> 00:05:41,733 qui sont contenus dans la décision. 61 00:05:44,355 --> 00:05:55,111 Ici, cette troisième et dernière étape varie selon la nature des actes. 62 00:05:56,644 --> 00:06:00,622 Pour les actes réglementaires et les actes ni réglementaires ni individuels : 63 00:06:01,800 --> 00:06:08,600 le principe fixé par le CRPA  est que ces actes réglementaires 64 00:06:08,750 --> 00:06:12,022 ou les actes ni réglementaires ni individuels entrent en vigueur 65 00:06:13,200 --> 00:06:21,022 non pas le jour de leur signature ou le jour de leurs formalités de publicité, 66 00:06:21,950 --> 00:06:27,200 mais le lendemain de l'accomplissement des formalités de publicité :  67 00:06:27,688 --> 00:06:29,530 publication ou affichage. 68 00:06:30,377 --> 00:06:33,644 Bien évidemment, une loi, un règlement,  69 00:06:34,222 --> 00:06:37,822 ou l'acte réglementaire lui-même  peut prévoir d'autres modalités. 70 00:06:38,540 --> 00:06:40,755 Il peut être bien sûr à titre exceptionnel,  71 00:06:40,822 --> 00:06:45,666 prévu une entrée en vigueur le jour même de la publicité ;  72 00:06:46,400 --> 00:06:50,733 ou au contraire, il peut être prévu une entrée en vigueur différée,  73 00:06:51,422 --> 00:06:56,200 et différée à une date ultérieure, pour permettre, par exemple à des administrés, 74 00:06:56,222 --> 00:06:59,822 de se préparer à l'application d'une nouvelle réglementation. 75 00:07:01,150 --> 00:07:04,800 Et puis, bien évidemment, l'entrée en vigueur d'un acte réglementaire, 76 00:07:05,711 --> 00:07:09,000 dont l'application nécessite des mesures complémentaires,  77 00:07:09,400 --> 00:07:14,000 est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures complémentaires,  78 00:07:14,644 --> 00:07:18,511 à moins qu'il n'apparaisse  que l'applicabilité de l'acte initial, 79 00:07:18,844 --> 00:07:25,488 en raison de sa précision suffisante,  soit en réalité possible immédiatement. 80 00:07:26,770 --> 00:07:28,377 Pour les actes individuels, 81 00:07:28,880 --> 00:07:33,555 le principe est que les actes explicites entrent en vigueur 82 00:07:33,866 --> 00:07:40,840 le jour même de leur publicité,  notification ou affichage. 83 00:07:41,580 --> 00:07:45,110 Et puis, bien évidemment, les décisions individuelles implicites,  84 00:07:45,310 --> 00:07:50,133 celles nées du silence gardé par l'administration, 85 00:07:50,400 --> 00:07:54,333 seront applicables à compter de la date où elles naissent,  86 00:07:54,355 --> 00:07:57,066 c'est-à-dire à la fin du délai de deux mois,  87 00:07:57,800 --> 00:08:01,155 pendant lesquels l'administration a gardé le silence.  88 00:08:01,730 --> 00:08:02,777 Mais là aussi,  89 00:08:03,066 --> 00:08:11,000 il faut réserver des hypothèses d'entrée en vigueur simultanée à la mesure de publicité, 90 00:08:12,711 --> 00:08:17,844 ou éventuellement des hypothèses d'entrée en vigueur différée dans le temps,  91 00:08:18,044 --> 00:08:22,600 retardée à une date ultérieure. 92 00:08:23,280 --> 00:08:29,288 Mais ici, il faut mentionner une jurisprudence du Conseil d'État tout à fait originale, 93 00:08:29,288 --> 00:08:32,688 et qui vous montre l'importance de la notion d'existence : 94 00:08:32,860 --> 00:08:39,555 je songe à l'arrêt du Conseil d'État de section du 19 décembre 1952, un arrêt Mattéi,  95 00:08:39,820 --> 00:08:45,422 arrêt en vertu duquel le juge administratif estime 96 00:08:45,444 --> 00:08:48,533 que, par dérogation aux principes que je viens d'énoncer, 97 00:08:48,866 --> 00:08:52,022 les décisions individuelles créatrices de droit 98 00:08:52,620 --> 00:08:57,800 au profit de leurs destinataires entrent en vigueur à compter du jour de leur signature,  99 00:08:58,266 --> 00:09:02,066 et elles sont donc invocables par les administrés dès cette date, 100 00:09:03,000 --> 00:09:06,844 indépendamment des mesures de publicité 101 00:09:06,866 --> 00:09:09,933 dont elles peuvent ou non faire l'objet par la suite.  102 00:09:12,177 --> 00:09:15,400 Quelles sont les conséquences de cette entrée en vigueur ? 103 00:09:15,630 --> 00:09:20,777 Ici, évidemment, deux principes juridiques majeurs doivent être mentionnés. 104 00:09:23,022 --> 00:09:26,600 Le premier principe est celui de l'application immédiate. 105 00:09:27,590 --> 00:09:31,755 Exactement comme les lois,  exactement comme les textes juridiques,  106 00:09:32,466 --> 00:09:36,377 les actes administratifs, qu'ils soient réglementaires ou non réglementaires, 107 00:09:38,311 --> 00:09:41,570 ont une applicabilité immédiate. 108 00:09:42,260 --> 00:09:47,088 Autrement dit, à compter de leur entrée en vigueur,  109 00:09:47,990 --> 00:09:52,644 ils s'appliquent, ils sont obligatoires, ils sont contraignants,  110 00:09:52,644 --> 00:09:57,266 ils sont sanctionnables, ils saisissent les situations juridiques applicables. 111 00:10:00,730 --> 00:10:05,711 Autrement dit, cette application est immédiate à l'entrée en vigueur ; 112 00:10:06,860 --> 00:10:11,000 pour un acte réglementaire,  le lendemain de sa publicité,  113 00:10:11,400 --> 00:10:13,777 pour un acte individuel le jour même de sa mesure de publicité. 114 00:10:14,660 --> 00:10:18,930 À partir de cette date-là, l'acte est pleinement d'application immédiate. 115 00:10:19,340 --> 00:10:23,288 L'administration peut le faire respecter,  les administrés doivent le respecter. 116 00:10:24,800 --> 00:10:28,533 Cette application immédiate ne vaut toutefois naturellement 117 00:10:28,955 --> 00:10:31,111 que pour les situations juridiques en cours,  118 00:10:32,266 --> 00:10:36,933 celles qui ont pu naître dans le passé ou dans un passé plus ou moins lointain,  119 00:10:37,222 --> 00:10:39,977 mais qui continuent de produire des effets 120 00:10:40,622 --> 00:10:42,844 au jour de l'entrée en vigueur de l'acte administratif,  121 00:10:43,955 --> 00:10:45,822 qui s'applique désormais pour elle à l'avenir. 122 00:10:46,570 --> 00:10:51,111 Je songe par exemple à un nouveau règlement des études 123 00:10:51,377 --> 00:10:55,022 pour un cursus universitaire,  qui est d'application immédiate. 124 00:10:56,560 --> 00:10:59,066 Pour les actes réglementaires, comme vous le savez,  125 00:10:59,680 --> 00:11:04,333 si jamais cette application  immédiate entraînait 126 00:11:04,688 --> 00:11:12,600 des difficultés plus importantes que les avantages,  127 00:11:12,910 --> 00:11:17,044 on appliquerait alors le principe d'un dispositif transitoire 128 00:11:17,066 --> 00:11:18,740 au nom du principe de sécurité juridique : 129 00:11:19,060 --> 00:11:26,044 c'est le fameux arrêt KPMG dont nous avons parlé déjà suffisamment dans des vidéos précédentes. 130 00:11:27,466 --> 00:11:32,866 À ce principe, il faut toutefois mentionner deux exceptions 131 00:11:32,888 --> 00:11:37,488 qui sont visées par l'article L221-4 du CRPA. 132 00:11:38,470 --> 00:11:42,422 La première exception concerne logiquement, et a contrario,  133 00:11:42,755 --> 00:11:45,488 les situations juridiques définitivement constituées. 134 00:11:46,240 --> 00:11:49,422 Autrement dit, il est évident que le principe d'application immédiate 135 00:11:49,560 --> 00:11:53,755 de l'acte administratif ne s'applique pas à la situation juridique 136 00:11:53,777 --> 00:12:01,022 qui ne produit plus d'effet de droit au moment où l'acte juridique intervient. 137 00:12:01,990 --> 00:12:05,355 La seconde exception est liée aux situations contractuelles. 138 00:12:07,000 --> 00:12:10,488 En effet, eu égard à l'autonomie de la volonté, 139 00:12:10,480 --> 00:12:13,155 volonté exprimée au moment de l'échange des consentements,  140 00:12:13,511 --> 00:12:20,755 il est de règle qu'un contrat demeure régi toute sa vie par les règles de droit 141 00:12:20,920 --> 00:12:23,711 qui étaient applicables au moment de sa conclusion. 142 00:12:26,290 --> 00:12:31,088 Un nouvel acte réglementaire de l'administration ne peut jamais, en principe,  143 00:12:31,200 --> 00:12:37,422 être d'application immédiate à l'égard de contrats qui sont en cours d'exécution, 144 00:12:37,800 --> 00:12:40,270 sauf motif d'intérêt général. 145 00:12:41,260 --> 00:12:43,422 Premier principe : l'application immédiate, 146 00:12:44,288 --> 00:12:46,600 sauf les exceptions que nous venons de mentionner. 147 00:12:47,470 --> 00:12:52,288 Deuxième grand principe de temporalité de l'acte administratif :  148 00:12:52,911 --> 00:12:55,210 la prohibition de la rétroactivité. 149 00:12:56,200 --> 00:12:59,755 On connaît, et vous connaissez cette règle élémentaire de sécurité juridique, 150 00:13:00,044 --> 00:13:03,220 qui notamment est prévue par l'article 2 du Code civil, 151 00:13:03,266 --> 00:13:06,480 et qui prévoit que les lois ne peuvent jamais être rétroactives. 152 00:13:06,850 --> 00:13:11,533 La règle existe également pour les actes administratifs, 153 00:13:11,888 --> 00:13:16,488 et cette règle a été d'ailleurs érigée comme principe général de droit,  154 00:13:16,488 --> 00:13:17,911 applicable même sans texte, 155 00:13:18,288 --> 00:13:22,711 par l'arrêt du Conseil d'État d'Assemblée du 25 juin 1948, 156 00:13:22,933 --> 00:13:25,960 un arrêt Société du journal L'Aurore. 157 00:13:27,920 --> 00:13:30,400 En cas de méconnaissance de ce principe,  158 00:13:30,488 --> 00:13:35,810 la décision administrative sera entachée d'illégalité. 159 00:13:36,777 --> 00:13:39,888 En matière administrative, il y a rétroactivité 160 00:13:40,260 --> 00:13:44,800 lorsque l'administration prévoit ou procède à l'application de l'un de ses actes 161 00:13:45,222 --> 00:13:46,644 avant son entrée en vigueur. 162 00:13:47,120 --> 00:13:49,977 Je dis bien "son entrée en vigueur",  c'est-à-dire chacune des étapes. 163 00:13:50,310 --> 00:13:54,644 Autrement dit, il y a rétroactivité si l'administration applique un acte 164 00:13:54,640 --> 00:13:58,266 à des situations antérieures à son existence, sa signature. 165 00:13:58,850 --> 00:14:04,666 Mais vous avez aussi rétroactivité si jamais l'administration applique un acte 166 00:14:05,466 --> 00:14:09,977 à une date antérieure aux mesures de publicité. 167 00:14:10,580 --> 00:14:16,600 C'est bien l'entrée en vigueur ici qui détermine le moment où l'acte s'applique, 168 00:14:16,620 --> 00:14:21,377 et donc il ne peut pas s'appliquer à des situations antérieures à l'entrée en vigueur. 169 00:14:24,920 --> 00:14:28,180 Une fois encore, comme le  principe d'application immédiate, 170 00:14:28,380 --> 00:14:36,000 le principe de non-rétroactivité des actes administratifs doit tenir compte 171 00:14:36,777 --> 00:14:39,040 du régime général de la non-rétroactivité. 172 00:14:40,150 --> 00:14:45,711 Or, je vous rappelle que,  fixée par l'article 2 du Code civil,  173 00:14:46,266 --> 00:14:51,422 la non-rétroactivité des lois connaît un régime constitutionnel plus restrictif. 174 00:14:51,911 --> 00:14:56,422 Puisqu'en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789,  175 00:14:56,955 --> 00:15:03,911 la prohibition de la rétroactivité des lois s'applique uniquement aux lois répressives,  176 00:15:04,260 --> 00:15:06,711 plus sévères, aux lois pénales plus sévères. 177 00:15:08,177 --> 00:15:11,133 Cela veut dire que, du point de vue constitutionnel, 178 00:15:11,444 --> 00:15:16,288 il n'est pas interdit à un législateur de prendre des lois rétroactives,  179 00:15:16,333 --> 00:15:19,755 dès lors que l'on n'est pas dans le champ du droit pénal, du droit répressif. 180 00:15:20,860 --> 00:15:24,422 Ce qui veut donc dire qu'il peut exister des lois rétroactives. 181 00:15:25,570 --> 00:15:28,688 Or, cela arrive en matière administrative,  182 00:15:29,000 --> 00:15:32,822 et notamment cela arrive hélas en matière fiscale,  183 00:15:32,822 --> 00:15:37,570 où pour diverses raisons on va apercevoir des lois rétroactives. 184 00:15:37,600 --> 00:15:41,533 Et ces lois rétroactives, dès lors qu'elles ne sont pas des lois pénales plus sévères, 185 00:15:41,750 --> 00:15:45,088 ne méconnaissent pas l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme 186 00:15:45,111 --> 00:15:46,577 et du Citoyen de 1789. 187 00:15:48,310 --> 00:15:52,666 La deuxième exception est, cette fois-ci, d'origine prétorienne,  188 00:15:54,370 --> 00:16:00,377 et elle tient compte de ce que depuis longtemps le Conseil d'État,  189 00:16:00,377 --> 00:16:09,333 le juge administratif, décide que  l'administration peut faire rétroagir,  190 00:16:10,444 --> 00:16:14,580 à une date antérieure à leur existence ou à leur publicité, 191 00:16:15,460 --> 00:16:20,222 ceux de ses actes pour lesquels la rétroactivité est nécessaire. 192 00:16:20,933 --> 00:16:25,600 Et il y a en effet des hypothèses où la rétroactivité est nécessaire. 193 00:16:25,870 --> 00:16:27,311 L'exemple le plus célèbre,  194 00:16:28,244 --> 00:16:33,666 c'est celui qui résulte d'un arrêt du Conseil d'État du 26 décembre 1925, l'arrêt Rodière, 195 00:16:34,733 --> 00:16:42,466 qui concerne l'annulation par le juge de l'éviction d'un fonctionnaire. 196 00:16:44,311 --> 00:16:50,310 Et nous sommes ici dans l'hypothèse où une décision de justice,  197 00:16:50,355 --> 00:16:53,490 une décision juridictionnelle,  annule un acte administratif. 198 00:16:54,220 --> 00:16:57,810 Or, vous le savez, l'annulation juridictionnelle est rétroactive. 199 00:16:58,500 --> 00:17:01,600 L'acte annulé est censé n'avoir jamais existé. 200 00:17:02,560 --> 00:17:06,666 Mais on ne peut pas se contenter, à ce moment- là, d'un vide juridique. 201 00:17:07,466 --> 00:17:13,911 Donc l'annulation de l'éviction d'un fonctionnaire,  202 00:17:15,533 --> 00:17:17,022 parce que cette éviction était illégale,  203 00:17:17,866 --> 00:17:23,222 fait comme si le fonctionnaire n'avait jamais été évincé de son service. 204 00:17:24,422 --> 00:17:27,577 Donc, il va falloir reconstituer toute sa carrière. 205 00:17:29,120 --> 00:17:32,311 Dire qu'il y a dix ans, puisqu'il n'a jamais été évincé,  206 00:17:33,644 --> 00:17:34,822 il a obtenu tel poste. 207 00:17:35,430 --> 00:17:37,780 Il va falloir donc imaginer de reconstituer sa carrière, 208 00:17:37,844 --> 00:17:40,140 imaginer de reconstituer par exemple les droits à la retraite  209 00:17:40,711 --> 00:17:43,777 qu'il est en droit de toucher, puisque son éviction avait été irrégulière. 210 00:17:44,200 --> 00:17:47,866 Ici, vous le voyez, la décision du juge administratif 211 00:17:47,911 --> 00:17:53,800 qui annule l'éviction d'un fonctionnaire impose, à l'administration,  212 00:17:54,133 --> 00:17:58,444 de prendre des actes rétroactifs pour reconstituer la carrière de ce fonctionnaire 213 00:17:58,622 --> 00:18:02,622 comme s'il n'avait jamais été licencié,  comme s'il n'avait jamais été évincé. 214 00:18:04,066 --> 00:18:11,400 Vous le voyez, le Conseil d'État estime que parfois l'administration est obligée, 215 00:18:11,444 --> 00:18:15,311 dans certaines circonstances,  de prendre des actes rétroactifs,  216 00:18:15,600 --> 00:18:19,711 par exemple suite à une annulation juridictionnelle. 217 00:18:20,220 --> 00:18:26,133 Il faut bien ici combler le vide, car il ne peut pas y avoir de vide juridique. 218 00:18:26,444 --> 00:18:29,911 Vous le voyez, comme en matière d'application immédiate, 219 00:18:30,510 --> 00:18:34,222 les questions de temporalité des actes administratifs sont régies par des principes,  220 00:18:34,600 --> 00:18:39,755 mais ces principes sont souvent accompagnés de certaines exceptions 221 00:18:39,844 --> 00:18:45,377 parce qu'on doit tenir compte de l'effet dans le temps des actes de l'administration.