1 00:00:06,930 --> 00:00:11,250 Nous avons vu, dans la vidéo précédente, les hypothèses,  2 00:00:12,690 --> 00:00:15,900 les grandes catégories d'actes de l'administration, 3 00:00:16,350 --> 00:00:20,800 qui sont incontestablement des actes, et qui expriment une action, une volonté,  4 00:00:21,450 --> 00:00:24,950 mais qui ne sont pas pour autant considérés comme des décisions administratives,  5 00:00:26,500 --> 00:00:29,500 faute d'emporter des effets juridiques suffisants 6 00:00:30,230 --> 00:00:35,100 sur l'ordonnancement juridique ou sur la situation juridique de leurs destinataires. 7 00:00:36,430 --> 00:00:41,500 Et par conséquent, ces actes ne peuvent pas faire l'objet d'un recours direct, 8 00:00:42,200 --> 00:00:44,200 qui permettrait d'en contester leur légalité ; 9 00:00:44,850 --> 00:00:47,450 et en cas d'illégalité, d'en obtenir leur annulation. 10 00:00:49,460 --> 00:00:51,950 Voyons maintenant, parmi les actes de l'administration,  11 00:00:51,950 --> 00:00:54,200 ceux qui ont un caractère décisoire. 12 00:00:55,250 --> 00:00:58,250 Ici, il va falloir procéder de manière un peu différente. 13 00:00:59,490 --> 00:01:04,000 Bien évidemment, il y a des actes qui, par définition, font grief, 14 00:01:04,850 --> 00:01:08,000 sont des décisions qui font grief, sont des actes décisoires. 15 00:01:09,820 --> 00:01:12,800 Prenons l'hypothèse de la décision de refus. 16 00:01:13,800 --> 00:01:16,350 Dès que l'administration prononce une décision de refus : 17 00:01:16,550 --> 00:01:24,700 par définition, la décision de refus fait grief à celui auquel elle est appliquée. 18 00:01:24,870 --> 00:01:25,650 Par définition. 19 00:01:26,610 --> 00:01:29,790 Toutes les mesures négatives,  toutes les mesures défavorables, 20 00:01:29,990 --> 00:01:33,300 toutes les mesures par lesquelles  l'administration dit non sont évidemment 21 00:01:33,300 --> 00:01:34,450 des décisions administratives. 22 00:01:35,250 --> 00:01:38,050 Un refus de permis de construire,  un refus de permis de conduire,  23 00:01:38,150 --> 00:01:41,500 un refus de versement d'une somme d'argent : tout ceci constitue,  24 00:01:41,800 --> 00:01:44,700 sans aucune difficulté, des décisions,  25 00:01:46,700 --> 00:01:51,200 donc des actes attaquables devant le juge administratif. 26 00:01:54,350 --> 00:01:59,100 De la même manière, les décrets,  les arrêtés, les délibérations, 27 00:01:59,100 --> 00:02:03,500 bref tous les actes administratifs qui posent une règle, 28 00:02:03,700 --> 00:02:05,400 qui ajoutent une règle à  l'ordonnancement juridique,  29 00:02:05,400 --> 00:02:07,650 autrement dit tous les actes réglementaires,  30 00:02:07,650 --> 00:02:09,700 sont par définition des décisions administratives  31 00:02:09,700 --> 00:02:13,650 puisqu'ils ajoutent quelque chose de nouveau à l'ordonnancement juridique. 32 00:02:14,320 --> 00:02:16,900 Ou alors, ce sont des actes qui modifient une règle antérieure, 33 00:02:17,250 --> 00:02:20,950 l'acte réglementaire modificatif, évidemment,  il modifie l'ordonnancement juridique, 34 00:02:20,950 --> 00:02:23,950 donc quelque chose s'est passé dans l'ordonnancement juridique. 35 00:02:24,190 --> 00:02:25,600 Il y a un avant et un après. 36 00:02:25,930 --> 00:02:28,900 Une nouvelle règle a été ajoutée, ou une ancienne règle a été modifiée. 37 00:02:29,700 --> 00:02:37,800 Forcément, cet acte est une décision puisqu'elle modifie l'ordonnancement juridique lui-même. 38 00:02:39,400 --> 00:02:46,750 Mais en réalité, ce qui est plus intéressant ici, dans cette vidéo d'aujourd'hui, 39 00:02:47,350 --> 00:02:48,950 est l'étude de ces cas de figure,  40 00:02:49,700 --> 00:02:58,150 où un acte administratif passe de la catégorie de l'acte non décisoire à celle d'acte décisoire. 41 00:02:59,410 --> 00:03:01,850 Autrement dit : on croyait avoir affaire à une circulaire, 42 00:03:02,130 --> 00:03:04,350 on croyait avoir affaire à une mesure d'ordre intérieur, 43 00:03:04,470 --> 00:03:06,630 on croyait avoir affaire à une simple recommandation. 44 00:03:06,750 --> 00:03:11,600 Et en réalité, voici qu'il s'agit d'une véritable décision administrative attaquable. 45 00:03:12,700 --> 00:03:13,300 Pourquoi ? 46 00:03:14,300 --> 00:03:19,300 Parce que le juge administratif est un juge pragmatique et casuistique. 47 00:03:20,210 --> 00:03:25,550 Il statue, au cas par cas, et il statue en fonction de chacune des circonstances de l'espèce. 48 00:03:28,550 --> 00:03:37,500 Or, il peut arriver que, dans un cas précis, un acte administratif attaqué, 49 00:03:38,350 --> 00:03:43,350 qui paraît appartenir à une catégorie d'actes qui en général ne sont pas des décisions, 50 00:03:44,600 --> 00:03:49,450 va, lui, pourtant, en raison de son objet, en raison de son contenu, 51 00:03:49,700 --> 00:03:54,350 en raison de la portée juridique  que son auteur a voulu lui donner, 52 00:03:55,350 --> 00:04:00,850 cet acte va en réalité se révéler être une décision. 53 00:04:04,780 --> 00:04:08,550 Bien évidemment, en la matière, c'est du cas par cas. 54 00:04:10,870 --> 00:04:17,150 Mais c'est la preuve qu'il ne faut jamais considérer 55 00:04:17,650 --> 00:04:19,750 les catégories totalement immuables ; 56 00:04:20,250 --> 00:04:23,750 et de se dire que toutes les circulaires sont toujours des actes non décisoires, 57 00:04:23,750 --> 00:04:26,600 que toutes les mesures d'ordre intérieur  sont toujours des actes non décisoires, 58 00:04:27,150 --> 00:04:30,300 que tous les actes de soft law sont toujours des actes non décisoires. 59 00:04:30,580 --> 00:04:31,750 Parce que si ça se trouve,  60 00:04:32,300 --> 00:04:38,050 il peut arriver que certains de ces actes cachent en réalité une authentique, 61 00:04:38,400 --> 00:04:39,650 une véritable décision. 62 00:04:42,450 --> 00:04:50,250 Pour ce faire, le juge administratif mobilise différents critères pour aller chercher, 63 00:04:50,250 --> 00:04:57,550 aller déceler la décision au sein d'une catégorie d'actes qui, pourtant, 64 00:04:57,950 --> 00:05:02,750 sont normalement considérés comme des actes administratifs non décisoires. 65 00:05:05,330 --> 00:05:12,300 À la lecture de la jurisprudence, on s'aperçoit que le juge manie trois critères principaux. 66 00:05:14,010 --> 00:05:16,050 Premier critère : c'est ce que j'appelle le critère normatif. 67 00:05:17,970 --> 00:05:24,300 Le critère normatif, c'est le critère qui renvoie à l'énoncé d'une norme, d'une règle, 68 00:05:24,950 --> 00:05:30,150 c'est-à-dire à l'énoncé d'une règle générale,  abstraite, impersonnelle, hypothétique. 69 00:05:32,290 --> 00:05:36,550 L'acte administratif est une décision, nous le savons, lorsqu'il pose une norme. 70 00:05:37,350 --> 00:05:40,050 Et c'est là d'ailleurs le critère le plus simple, le plus traditionnel : 71 00:05:40,480 --> 00:05:43,200 celui qui est employé par le juge administratif depuis de longues années. 72 00:05:44,700 --> 00:05:49,750 C'est pourquoi, puisque peu importe la forme, et seul compte le contenu,  73 00:05:50,350 --> 00:05:54,350 il peut arriver qu'un acte administratif, qui, a priori,  74 00:05:54,350 --> 00:05:56,750 relevait de la catégorie d'actes non décisoires, 75 00:05:58,350 --> 00:06:02,000 soit en réalité une décision parce que cet acte pose une norme. 76 00:06:04,320 --> 00:06:11,950 Ce critère a été autrefois utilisé pour précisément déceler les circulaires 77 00:06:13,200 --> 00:06:17,300 qui pouvaient être considérées, malgré tout, comme des décisions administratives, 78 00:06:18,650 --> 00:06:21,750 pouvant donc faire l'objet d'un recours direct en annulation. 79 00:06:22,850 --> 00:06:27,800 La normativité d'une circulaire a ainsi été, pendant de très longues années, 80 00:06:28,500 --> 00:06:31,900 un critère de recevabilité du recours pour excès de pouvoir. 81 00:06:33,160 --> 00:06:40,100 En effet, le Conseil d'État a admis la distinction entre la vraie circulaire,  82 00:06:40,100 --> 00:06:43,100 c'est-à-dire la circulaire purement interprétative,  83 00:06:43,400 --> 00:06:47,550 celle qui décrit et interprète l'état d'une législation ou d'une réglementation ; 84 00:06:49,250 --> 00:06:52,100 et de l'autre côté, les fausses circulaires,  85 00:06:52,100 --> 00:06:54,300 les circulaires qui en réalité sont des décisions 86 00:06:54,300 --> 00:07:02,350 parce que l'auteur de la circulaire ne se contente pas d'interpréter l'état du droit,  87 00:07:03,100 --> 00:07:08,850 mais il crée, il ajoute à cette occasion une norme générale et impersonnelle. 88 00:07:09,500 --> 00:07:14,850 Et c'est comme cela que, à partir d'un arrêt du Conseil d'État d'Assemblée du 29 janvier 1954, 89 00:07:15,100 --> 00:07:18,900 Institution Notre-Dame du Kreisker, 90 00:07:19,700 --> 00:07:23,200 c'était à propos de la circulaire d'interprétation de la loi Falloux, 91 00:07:23,400 --> 00:07:26,800 par lequel le ministre avait fixé des conditions nouvelles 92 00:07:27,150 --> 00:07:29,550 à l'obtention de subventions par les écoles privées. 93 00:07:29,990 --> 00:07:34,750 C'est à l'occasion de cet arrêt que le Conseil d'État a fait la part des choses 94 00:07:35,100 --> 00:07:39,700 entre la pure circulaire, c'est-à-dire la circulaire interprétative,  95 00:07:40,500 --> 00:07:45,900 et la circulaire dite réglementaire, c'est-à-dire celle qui, sous couvert d'être une circulaire, 96 00:07:46,100 --> 00:07:50,650 pose en réalité une nouvelle règle de droit, une norme, 97 00:07:51,000 --> 00:07:53,700 et qu'on va appeler une circulaire réglementaire. 98 00:07:54,870 --> 00:07:56,500 En règle générale, cette jurisprudence, 99 00:07:56,500 --> 00:07:59,350 qui a été très importante dans l'histoire du droit administratif, 100 00:07:59,750 --> 00:08:04,950 conduisait la plupart du temps à sanctionner l'illégalité de ces circulaires réglementaires ; 101 00:08:05,700 --> 00:08:08,700 faute pour l'auteur de la circulaire,  c'est-à-dire en général le ministre, 102 00:08:09,050 --> 00:08:11,650 de détenir un pouvoir réglementaire. 103 00:08:13,450 --> 00:08:17,450 De sorte que les circulaires réglementaires étaient, dans l'immense majorité des cas, 104 00:08:17,750 --> 00:08:22,500 frappées d'illégalité, entachées d'illégalité pour incompétence. 105 00:08:22,500 --> 00:08:26,150 Puisque leur auteur n'était pas compétent pour fixer une nouvelle règle de droit. 106 00:08:27,670 --> 00:08:31,500 On lui demandait simplement de présenter une loi ou un décret,  107 00:08:31,630 --> 00:08:33,000 et pas d'ajouter une nouvelle condition.  108 00:08:35,200 --> 00:08:40,000 Ce critère, tiré de l'objet de l'acte,  de son contenu, il pose une norme, 109 00:08:41,200 --> 00:08:42,600 a fini par être abandonné. 110 00:08:43,350 --> 00:08:47,450 Parce que le juge administratif a été sensible à deux préjudices,  111 00:08:48,000 --> 00:08:50,200 que sa propre jurisprudence lui occasionnait. 112 00:08:51,360 --> 00:08:55,450 D'une part, sur le strict plan de la bonne administration de la justice, 113 00:08:56,100 --> 00:09:01,500 le critère retenu conduisait le juge à d'abord examiner le fond d'un acte 114 00:09:03,150 --> 00:09:06,750 pour pouvoir statuer sur sa recevabilité,  sur la recevabilité du recours, 115 00:09:07,800 --> 00:09:09,050 mais allant même plus loin. 116 00:09:09,900 --> 00:09:15,150 Si vous m'avez bien suivi, vous voyez que cette jurisprudence aboutissait, pour le juge, 117 00:09:15,150 --> 00:09:23,100 à déduire la recevabilité du recours de l'illégalité de l'acte, ou même mieux, 118 00:09:23,650 --> 00:09:29,600 à déduire l'irrecevabilité du recours de la légalité de la circulaire, 119 00:09:29,600 --> 00:09:33,250 qui ne serait qu'une simple circulaire interprétative. 120 00:09:33,410 --> 00:09:35,200 Ce n'était pas du tout rationnel,  121 00:09:35,550 --> 00:09:39,650 puisque la recevabilité est une  technique qui permet au juge 122 00:09:39,750 --> 00:09:42,000 de ne pas aller dans le fond du dossier,  123 00:09:42,050 --> 00:09:44,250 et de simplement s'en tenir aux conditions de recevabilité. 124 00:09:44,250 --> 00:09:46,000 Puis, si le recours est irrecevable, hop,  125 00:09:46,100 --> 00:09:49,450 on le rejette et on n'a pas besoin d'aller examiner au fond le dossier. 126 00:09:49,450 --> 00:09:52,300 Or, là, pour savoir si un recours était recevable ou irrecevable,  127 00:09:52,300 --> 00:09:54,350 il fallait aller lire la circulaire au fond, 128 00:09:54,350 --> 00:09:56,250 donc il fallait en fait traiter le recours au fond 129 00:09:56,500 --> 00:09:59,350 pour savoir si la circulaire était interprétative ou réglementaire. 130 00:09:59,580 --> 00:10:00,900 Tout ça n'était pas très rationnel. 131 00:10:02,670 --> 00:10:07,100 Mais surtout, le critère du caractère réglementaire 132 00:10:07,100 --> 00:10:10,950 ou non d'une circulaire ne permettait pas au juge administratif  133 00:10:11,700 --> 00:10:16,600 d'apprécier la légalité d'une circulaire, qui,  pourtant, serait purement interprétative, 134 00:10:17,150 --> 00:10:20,600 mais qui comporterait une interprétation erronée 135 00:10:21,300 --> 00:10:23,900 des règles législatives ou réglementaires présentées. 136 00:10:25,430 --> 00:10:27,250 Ou imaginez, par exemple, 137 00:10:27,700 --> 00:10:32,500 la circulaire qui va interpréter une nouvelle directive de l'Union européenne,  138 00:10:33,700 --> 00:10:39,100 mais qui méconnaît, donc qui interprète mal, cette directive. 139 00:10:39,100 --> 00:10:45,975 Pire : imaginez la circulaire qui demande aux administrations 140 00:10:46,100 --> 00:10:47,950 d'appliquer une nouvelle loi française,  141 00:10:47,950 --> 00:10:50,975 alors que cette loi a été adoptée en méconnaissance 142 00:10:51,275 --> 00:10:53,200 des objectifs d'une directive de l'Union européenne. 143 00:10:54,820 --> 00:10:58,950 Le critère de l'arrêt Notre-Dame du Kreisker ne permettait pas 144 00:11:00,375 --> 00:11:02,475 d'apprécier la légalité de telle circulaire. 145 00:11:04,930 --> 00:11:08,900 C'est pourquoi le juge va inventer un deuxième critère,  146 00:11:09,050 --> 00:11:14,000 qui est ce que je vais appeler le critère du ton employé par l'auteur de l'acte : 147 00:11:14,510 --> 00:11:16,550 c'est le critère de l'impérativité. 148 00:11:17,700 --> 00:11:20,275 Et c'est, en effet, à l'égard des circulaires 149 00:11:21,050 --> 00:11:24,150 que le juge administratif français a décidé d'inventer ce critère,  150 00:11:24,600 --> 00:11:30,400 en se plaçant cette fois-ci non pas du point de vue de l'auteur de l'acte, 151 00:11:34,950 --> 00:11:36,550 de la façon de l'objet de l'acte, mais du point de vue,  152 00:11:36,550 --> 00:11:42,010 de la façon dont l'auteur de l'acte a rédigé son acte. 153 00:11:42,800 --> 00:11:45,000 Et c'est le critère de l'impérativité. 154 00:11:47,900 --> 00:11:50,450 En matière de circulaire,  155 00:11:50,500 --> 00:11:54,450 ce critère permet de critiquer directement la légalité d'une circulaire, 156 00:11:55,850 --> 00:11:59,400 par lesquelles les autorités administratives ordonnent à leurs agents 157 00:12:00,000 --> 00:12:05,350 de suivre l'interprétation du droit en vigueur qu'ils sont censés simplement recommander. 158 00:12:07,780 --> 00:12:12,850 Ici, la circulaire ne va pas être simplement un acte non décisoire, 159 00:12:13,800 --> 00:12:20,300 parce qu'elle ne se borne plus à inviter l'administration à connaître le sens 160 00:12:20,700 --> 00:12:25,050 et à suivre le sens qu'il convient d'attribuer à une nouvelle loi, à un nouveau règlement. 161 00:12:25,550 --> 00:12:31,000 Mais cette fois-ci, la circulaire oblige l'administration 162 00:12:31,150 --> 00:12:38,300 à se conformer au contenu de la circulaire. 163 00:12:39,560 --> 00:12:44,250 Et c'est donc ce que décide le Conseil d'État depuis un arrêt de section du 18 décembre 2002, 164 00:12:44,250 --> 00:12:46,925 un arrêt de Mme Duvignères, je cite, 165 00:12:47,275 --> 00:12:52,050 "les dispositions impératives, à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction, 166 00:12:52,550 --> 00:12:56,750 doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger."  167 00:12:57,400 --> 00:13:00,100 Cette jurisprudence est très importante parce qu'elle offre 168 00:13:00,500 --> 00:13:05,950 la possibilité au juge administratif de permettre aux administrés de le saisir, 169 00:13:06,500 --> 00:13:09,400 et donc de lui demander de vérifier la légalité de circulaires ; 170 00:13:09,450 --> 00:13:13,700 qui, pourtant, sont des circulaires purement interprétatives. 171 00:13:13,700 --> 00:13:16,200 En ce sens, qu'elles se bornent uniquement 172 00:13:16,200 --> 00:13:18,900 à rappeler les dispositions des lois et des règlements. 173 00:13:19,080 --> 00:13:22,700 Mais elles le font sur un ton impératif. 174 00:13:24,020 --> 00:13:26,400 L'auteur a mobilisé un vocabulaire directif,  175 00:13:26,900 --> 00:13:31,000 des phrases qui sont rédigées sur le registre de l'ordre, du commandement, de l'injonction. 176 00:13:32,050 --> 00:13:36,450 "Je veux que vous appliquiez ce nouveau décret de telle manière". 177 00:13:37,400 --> 00:13:39,950 Ce n'est pas simplement "je vous recommande", on peut penser que non. 178 00:13:39,950 --> 00:13:41,800 C'est "je veux", "vous devez". 179 00:13:43,350 --> 00:13:44,600 Le ton est impératif. 180 00:13:46,750 --> 00:13:48,900 La jurisprudence est évidemment beaucoup trop volumineuse 181 00:13:48,900 --> 00:13:49,950 pour que je vous la résume ici,  182 00:13:49,950 --> 00:13:52,400 mais c'est par exemple ce qu'a jugé le Conseil d'État 183 00:13:52,400 --> 00:13:54,250 à propos de la circulaire du Garde des Sceaux,  184 00:13:54,750 --> 00:13:59,050 qui était relative à la prise en charge des mineurs étrangers isolés,  185 00:14:00,250 --> 00:14:01,700 pris en charge par les départements. 186 00:14:03,750 --> 00:14:09,250 Cette circulaire se contentait,  certes, de décrire le dispositif, 187 00:14:10,150 --> 00:14:14,650 mais le ministre le faisait sur un ton impératif. 188 00:14:15,150 --> 00:14:20,625 La circulaire, en fait, prescrivait aux départements de mettre en œuvre 189 00:14:20,925 --> 00:14:25,350 le mécanisme de prise en charge des mineurs étrangers isolés. 190 00:14:25,660 --> 00:14:29,750 Ainsi jugé, Conseil d'État, 30 janvier 2015,  un arrêt département des Hauts-de-Seine. 191 00:14:31,350 --> 00:14:34,100 Quel est l'intérêt d'avoir changé le curseur 192 00:14:35,075 --> 00:14:37,820 de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre les circulaires ? 193 00:14:38,150 --> 00:14:44,525 C'est que, à partir du moment où le juge administratif accepte de contrôler 194 00:14:44,525 --> 00:14:48,200 la légalité de toutes les circulaires rédigées sur un ton impératif, 195 00:14:49,100 --> 00:14:52,450 il va pouvoir passer à l'examen au fond de la circulaire. 196 00:14:54,340 --> 00:14:57,400 Et là, deux hypothèses.  197 00:15:00,050 --> 00:15:01,800 Première hypothèse : c'est celle évidemment, 198 00:15:02,250 --> 00:15:05,100 comme autrefois dans l'arrêt Notre-Dame du Kreisker, 199 00:15:05,440 --> 00:15:09,370 c'est l'hypothèse où la circulaire est d'abord illégale pour incompétence, 200 00:15:10,000 --> 00:15:14,800 parce que son auteur n'était pas compétent pour édicter une telle circulaire. 201 00:15:17,050 --> 00:15:21,400 C'est le cas, par exemple -je prends quelques exemples dans la jurisprudence- 202 00:15:21,400 --> 00:15:24,350 des ministres de l'Intérieur et de la Santé qui ne sont nullement compétents,  203 00:15:24,500 --> 00:15:26,650 dans le cadre de leur pouvoir d'organisation du service, 204 00:15:27,450 --> 00:15:29,500 pour fixer de nouvelles conditions relatives 205 00:15:29,500 --> 00:15:32,750 aux sorties d'essai des personnes hospitalisées pour raisons psychiatriques. 206 00:15:33,260 --> 00:15:38,950 Ainsi jugé Conseil d'État, 30 septembre 2011,  Comité d'action syndicale de la psychiatrie. 207 00:15:40,590 --> 00:15:46,150 Mais l'illégalité de la circulaire peut tenir pas simplement à l'incompétence de son auteur. 208 00:15:46,150 --> 00:15:50,300 Et c'est là où la jurisprudence Duvignères  est différente de l'ancienne jurisprudence 209 00:15:50,300 --> 00:15:51,450 Notre-Dame du Kreisker. 210 00:15:52,050 --> 00:15:55,850 Parce que cette fois-ci,  l'illégalité peut tenir au fond. 211 00:15:59,750 --> 00:16:05,300 Par exemple : violation, par la circulaire,  des règles de droit qui lui sont supérieures. 212 00:16:05,770 --> 00:16:10,750 Exemple de la circulaire impérative du ministre de l'Intérieur,  213 00:16:11,230 --> 00:16:16,050 qui avait prescrit l'évacuation des campements de Roms, au seul motif qu'ils étaient Roms ; 214 00:16:16,050 --> 00:16:20,150 c'est-à-dire au seul motif de leur appartenance ethnique. 215 00:16:20,560 --> 00:16:24,370 Ce qui était une violation du principe constitutionnel de prohibition 216 00:16:24,400 --> 00:16:27,750 des discriminations raciales  contenu dans l'article 1er 217 00:16:27,850 --> 00:16:30,450 de la Constitution du 4 octobre 1958. 218 00:16:30,730 --> 00:16:38,600 Ainsi jugé Conseil d'État, 7 avril 2011, un arrêt  Association SOS Racisme Touche pas à mon pote. 219 00:16:39,100 --> 00:16:43,900 Autre exemple : l'exemple de la circulaire du ministre de l'Éducation, 220 00:16:44,550 --> 00:16:49,800 qui avait autorisé les infirmières scolaires à délivrer la pilule abortive. 221 00:16:50,800 --> 00:16:57,550 Ici, la circulaire est annulée parce que la loi impose, pour ces types de pilules là, 222 00:16:57,550 --> 00:17:00,650 qui ne sont pas simplement des pilules contraceptives, mais des pilules abortives,  223 00:17:01,000 --> 00:17:06,450 impose la prescription d'un médecin et la délivrance en pharmacie. 224 00:17:06,750 --> 00:17:12,900 Mais ce qui est très intéressant dans la jurisprudence Mme Duvignères, 225 00:17:13,650 --> 00:17:18,500 c'est que cette fois-ci, le juge administratif peut aller encore plus loin. 226 00:17:18,910 --> 00:17:23,000 Car il peut sanctionner le fait, pour une circulaire,  227 00:17:23,000 --> 00:17:28,100 qui est pourtant purement interprétative,  qui se borne à interpréter un texte, 228 00:17:29,290 --> 00:17:34,350 cela va lui permettre de sanctionner la circulaire 229 00:17:35,250 --> 00:17:43,300 qui se borne à mal interpréter les dispositions d'une loi ou d'un décret. 230 00:17:44,950 --> 00:17:49,750 Ou encore, on va pouvoir vérifier la légalité des circulaires 231 00:17:49,750 --> 00:17:54,250 qui ordonnent d'appliquer des règles de droit illégales,  232 00:17:55,250 --> 00:18:00,350 par exemple parce qu'elles sont incompatibles avec les objectifs d'une directive européenne. 233 00:18:01,000 --> 00:18:08,700 On voit bien ici que, grâce au  critère de l'impérativité, le juge, 234 00:18:08,850 --> 00:18:11,800 par rapport aux critères anciens des circulaires réglementaires, 235 00:18:12,150 --> 00:18:18,450 peut apprécier au fond la légalité de bien d'autres circulaires, 236 00:18:19,400 --> 00:18:21,400 que ne le permettait l'ancien critère. 237 00:18:21,850 --> 00:18:24,900 Ici, la circulaire est-elle ou non impérative ? 238 00:18:25,020 --> 00:18:27,100 Dès lors qu'elle est rédigée sur un ton impératif,  239 00:18:27,300 --> 00:18:29,600 le recours pour excès de pouvoir est recevable. 240 00:18:29,700 --> 00:18:32,450 Le juge peut en apprécier la légalité,  241 00:18:32,550 --> 00:18:35,300 et peut donc aller apprécier la légalité de circulaires qui, 242 00:18:35,300 --> 00:18:38,400 bien que purement interprétatives, interprètent mal,  243 00:18:38,700 --> 00:18:44,750 ou proposent d'appliquer des règles qui sont elles-mêmes non conformes, 244 00:18:45,050 --> 00:18:47,450 contraires, à des règles supérieures. 245 00:18:47,850 --> 00:18:50,100 Vous voyez que derrière la jurisprudence Duvignères,  246 00:18:50,350 --> 00:18:53,200 il y a l'idée de la hiérarchie des normes juridiques.