1 00:00:07,030 --> 00:00:14,150 Dans la vidéo précédente, nous avons vu quels étaient les éléments en présence, 2 00:00:14,150 --> 00:00:20,500 les éléments à concilier, pour apprécier la régularité d'une mesure 3 00:00:20,500 --> 00:00:22,550 ou d'une opération de police administrative. 4 00:00:23,810 --> 00:00:28,750 Maintenant, il nous faut voir comment opérer cette conciliation. 5 00:00:31,480 --> 00:00:35,800 Ici, la méthode nous a été livrée depuis longtemps,  6 00:00:36,400 --> 00:00:44,700 et elle fait l'objet d'une méthodologie clairement identifiable et identifiée. 7 00:00:46,050 --> 00:00:51,750 Je pense, par exemple, aux conclusions d'un commissaire du gouvernement,  8 00:00:51,770 --> 00:00:57,500 Louis Corneille, sous un arrêt du Conseil d'État du 10 août 1917,  9 00:00:57,500 --> 00:01:00,700 un arrêt Baldy, dans lequel il nous disait : 10 00:01:00,700 --> 00:01:03,950 "La liberté est la règle, la restriction de police est l'exception."  11 00:01:04,950 --> 00:01:13,550 Je pense bien évidemment à un arrêt du Conseil d'État du 19 mai 1933, 12 00:01:13,550 --> 00:01:16,425 l'arrêt Benjamin, sur lequel je vais revenir ;  13 00:01:17,000 --> 00:01:20,350 ou encore, maintenant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, 14 00:01:20,350 --> 00:01:26,650 qui le premier a offert ici des formules classiques. 15 00:01:26,800 --> 00:01:32,700 Je pense, par exemple, depuis une décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2008, 16 00:01:33,200 --> 00:01:38,900 la décision rétention de sûreté, c'est la décision numéro 2008-562 DC, 17 00:01:38,900 --> 00:01:42,800 décision dans laquelle le Conseil constitutionnel a désormais 18 00:01:42,800 --> 00:01:45,650 sa formulation bien établie,   19 00:01:46,200 --> 00:01:49,750 "qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, 20 00:01:49,750 --> 00:01:51,350 la prévention des atteintes à l'ordre public, 21 00:01:51,350 --> 00:01:55,150 nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeurs constitutionnelles, 22 00:01:55,150 --> 00:01:59,650 et d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties. 23 00:02:00,210 --> 00:02:05,950 Que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, 24 00:02:06,300 --> 00:02:11,850 nécessaires, et proportionnées à l'objectif de prévention poursuivi."  25 00:02:12,650 --> 00:02:18,850 Cette trilogie, adaptée, nécessaire,  et proportionnée à l'objectif poursuivi : 26 00:02:19,800 --> 00:02:23,250 cette trilogie, on la retrouve désormais explicitement utilisée 27 00:02:23,250 --> 00:02:28,050 depuis les années 2010 par le Conseil d'État lui-même dans ses arrêts. 28 00:02:31,400 --> 00:02:32,550 De quoi s'agit-il ? 29 00:02:32,650 --> 00:02:38,750 Pourquoi cette idée que la mesure de police administrative ne sera légale, 30 00:02:39,200 --> 00:02:41,400 pas simplement parce qu'elle respecte les formes et le fond,  31 00:02:41,850 --> 00:02:46,000 mais si elle est adaptée,  nécessaire et proportionnée ? 32 00:02:46,900 --> 00:02:48,150 Pourquoi cette trilogie ? 33 00:02:50,380 --> 00:02:57,050 Vous le savez, l'exercice du pouvoir de police administrative a un objet propre,  34 00:02:57,650 --> 00:03:02,700 c'est restreindre le libre exercice par les particuliers de leurs droits et libertés. 35 00:03:03,220 --> 00:03:07,570 Mais, vous vous doutez bien que dans une démocratie libérale,  36 00:03:07,650 --> 00:03:11,650 dans un État de droit, cet objet n'est pas une fin en soi. 37 00:03:12,130 --> 00:03:16,250 On ne porte pas atteinte aux libertés pour le seul plaisir vicieux de porter atteinte. 38 00:03:16,250 --> 00:03:19,100 C'est la marque de fabrique des dictatures. 39 00:03:21,100 --> 00:03:26,550 Donc l'exercice du pouvoir de police administrative dans une démocratie libérale,  40 00:03:26,550 --> 00:03:31,600 dans un État de droit, est subordonné à un but ; 41 00:03:32,830 --> 00:03:38,400 au double sens d'objectifs à atteindre et de limites à ne pas dépasser. 42 00:03:39,810 --> 00:03:50,100 Ce but, c'est de permettre un libre exercice par les particuliers de leurs droits et libertés, 43 00:03:51,000 --> 00:03:54,200 une restriction autrement dit de ce débat exercice, 44 00:03:54,400 --> 00:03:58,700 mais pour permettre à chacun, mais avec un minimum de discipline collective,  45 00:03:58,850 --> 00:04:01,400 de pouvoir exercer librement ses droits et libertés. 46 00:04:03,700 --> 00:04:06,000 Si on part de ce postulat-là,  47 00:04:06,450 --> 00:04:11,050 vous m'accorderez qu'il en découle nécessairement 48 00:04:11,650 --> 00:04:14,500 que l'exercice du pouvoir de police administrative 49 00:04:15,460 --> 00:04:20,400 n'est juridiquement régulier que si, et dans la mesure où,  50 00:04:21,440 --> 00:04:27,100 les restrictions aux droits et libertés sont étroitement justifiées 51 00:04:28,050 --> 00:04:33,500 par ce qui est seulement nécessaire à la réalisation du but poursuivi,  52 00:04:33,830 --> 00:04:38,050 à savoir la sauvegarde d'un minimum d'ordre collectif,  53 00:04:38,720 --> 00:04:42,550 d'ordre public, entre les membres de la collectivité,  54 00:04:42,800 --> 00:04:48,500 pour que chacun puisse exercer ses droits et libertés dans le respect des autres. 55 00:04:50,750 --> 00:04:52,550 On voit bien que toute autorité administrative 56 00:04:52,550 --> 00:05:00,000 qui agit en matière de police administrative doit trouver ce juste équilibre, 57 00:05:00,000 --> 00:05:02,400 d'où cette idée de proportionnalité, 58 00:05:02,600 --> 00:05:09,900 ce juste équilibre entre la gravité des atteintes portées aux droits et libertés 59 00:05:10,600 --> 00:05:17,650 et l'intensité des périls, des désordres, des dangers qui menacent la vie en collectivité. 60 00:05:18,200 --> 00:05:25,150 Il faut un équilibre entre cette gravité de l'atteinte à la liberté et l'intensité du trouble. 61 00:05:25,880 --> 00:05:29,600 Ce n'est que comme cela que l'on va parvenir à une mesure adaptée, nécessaire, 62 00:05:30,350 --> 00:05:34,800 justifiée, proportionnée, c'est-à-dire équilibre.  63 00:05:39,000 --> 00:05:41,850 Cette idée, il faut même lui en ajouter une autre,  64 00:05:42,950 --> 00:05:46,950 qu'exprimait très bien un commissaire du gouvernement du Conseil d'État, Louis Corneille,  65 00:05:46,950 --> 00:05:49,550 que je vous citais à l'instant même, en 1917. 66 00:05:49,970 --> 00:05:51,100 C'est qu'il faut aller plus loin. 67 00:05:51,800 --> 00:05:56,150 C'est qu'en période de fonctionnement ordinaire, puisque le constituant, 68 00:05:56,550 --> 00:06:00,000 depuis la Révolution française, et également la Troisième République, 69 00:06:00,300 --> 00:06:05,300 puisque nos constituants ont mis pour principe que dans un État de droit, 70 00:06:05,300 --> 00:06:08,250 dans une démocratie libérale, le plus important, 71 00:06:08,250 --> 00:06:11,750 ce qui compte avant tout,  c'est le respect des libertés : 72 00:06:12,500 --> 00:06:18,200 on va en déduire que les deux éléments à concilier ne sont pas à égalité dans la balance. 73 00:06:18,730 --> 00:06:21,900 Il n'y a pas à égalité le respect des libertés et le maintien de l'ordre. 74 00:06:22,480 --> 00:06:24,800 En réalité, la balance est déséquilibrée. 75 00:06:24,940 --> 00:06:30,450 Ce qui est le plus important, la priorité,  c'est le respect des libertés. 76 00:06:32,100 --> 00:06:36,300 Le respect des libertés, c'est la normalité. 77 00:06:37,350 --> 00:06:42,650 Et par conséquent, la poursuite,  l'objectif de poursuite, 78 00:06:42,900 --> 00:06:45,200 de maintien de l'ordre, c'est l'exception. 79 00:06:46,220 --> 00:06:49,900 Il n'y a pas égalité entre les deux objectifs à concilier, il y a un déséquilibre. 80 00:06:49,950 --> 00:06:54,700 Le plus important, ce que doit prioritairement faire une mesure de police, 81 00:06:55,450 --> 00:07:00,250 c'est de ne pas porter atteinte à la liberté,  ou de porter atteinte le moins possible. 82 00:07:00,690 --> 00:07:03,900 La priorité, c'est de préserver le mieux possible,  83 00:07:03,900 --> 00:07:06,200 et le plus longtemps possible, la liberté. 84 00:07:06,420 --> 00:07:10,300 Et ce n'est vraiment que par exception, si on ne peut pas faire autrement, 85 00:07:10,450 --> 00:07:13,320 qu'il va falloir privilégier le maintien de l'ordre public. 86 00:07:13,350 --> 00:07:20,250 On voit bien que dans notre ordre juridique libéral et démocratique, 87 00:07:20,800 --> 00:07:22,300 la liberté c'est le principe ;  88 00:07:22,450 --> 00:07:26,350 et donc la restriction de police, elle ne vient qu'à titre d'exception. 89 00:07:26,450 --> 00:07:31,400 Donc, les deux éléments dans la balance ne sont évidemment pas à égalité. 90 00:07:32,810 --> 00:07:40,050 Et cette idée conduit directement à cette très importante décision du Conseil d'État. 91 00:07:40,050 --> 00:07:43,150 Elle est importante parce que, d'abord,  elle date de 1933, donc elle est ancienne,  92 00:07:43,150 --> 00:07:47,050 et elle montre que cela fait très longtemps que le Conseil d'État est soucieux,  93 00:07:47,300 --> 00:07:49,550 non seulement de ce juste équilibre,  94 00:07:49,900 --> 00:07:52,300 mais surtout de bien s'assurer 95 00:07:52,300 --> 00:07:55,450 que la mesure était parfaitement proportionnée au but poursuivi. 96 00:07:56,400 --> 00:07:58,225 C'est le fameux arrêt dont je vous parlais :  97 00:07:58,300 --> 00:08:02,600 l'arrêt Benjamin, du Conseil d'État du 19 mai 1933. 98 00:08:04,200 --> 00:08:09,400 Dans cette affaire, le Conseil d'État a annulé l'arrêté municipal,  99 00:08:09,400 --> 00:08:15,300 par lequel le maire de Nevers avait interdit à un écrivain de l'entre-deux-guerres, 100 00:08:15,300 --> 00:08:17,650 connu pour ses positions d'extrême droite, 101 00:08:18,100 --> 00:08:25,600 Monsieur René Benjamin, de tenir une conférence à Nevers. 102 00:08:26,870 --> 00:08:29,600 Le Conseil d'État va annuler cette interdiction de la conférence 103 00:08:29,750 --> 00:08:36,400 au motif que l'autorité administrative aurait pu prendre une mesure moins sévère, 104 00:08:37,300 --> 00:08:39,630 en déployant davantage de forces de police, 105 00:08:39,700 --> 00:08:44,000 davantage de forces de gendarmerie à l'entrée de la salle de conférence,  106 00:08:44,150 --> 00:08:48,850 ce qui aurait à la fois permis de contenir  les manifestants, donc de maintenir l'ordre, 107 00:08:49,100 --> 00:08:52,350 mais aurait permis à Monsieur  Benjamin de pouvoir s'exprimer. 108 00:08:52,350 --> 00:08:56,100 Car même si ses propos étaient contestables, voire détestables, 109 00:08:56,450 --> 00:08:58,825 peu importe, il avait pu au moins s'exprimer 110 00:08:58,925 --> 00:09:01,950 parce qu'on doit tout faire pour que, dans la balance,  111 00:09:02,525 --> 00:09:05,900 la liberté en cause, en l'espèce dans cette affaire la liberté d'expression,  112 00:09:06,075 --> 00:09:08,025 puisse s'accomplir normalement, 113 00:09:08,050 --> 00:09:10,450 et la mesure de police ne vient qu'à titre d'exception.  114 00:09:11,450 --> 00:09:14,700 Dans cette annulation, ce qui est donc intéressant,  115 00:09:16,050 --> 00:09:25,000 c'est que le Conseil d'État en vient à nous dire que cet objectif de conciliation, 116 00:09:25,000 --> 00:09:28,900 mais d'une conciliation équilibrée,  proportionnée, nécessaire,  117 00:09:29,800 --> 00:09:34,075 impose à l'autorité administrative de ne jamais aller au-delà 118 00:09:34,075 --> 00:09:37,450 de ce qui est strictement nécessaire pour atteindre l'objectif,  119 00:09:37,450 --> 00:09:41,520 c'est-à-dire lutter contre un désordre public. 120 00:09:43,320 --> 00:09:48,090 Il en résulte donc que l'administration doit choisir la mesure de police 121 00:09:48,630 --> 00:09:54,750 qui préserve le mieux l'exercice par un particulier de ses droits et libertés. 122 00:09:55,900 --> 00:10:05,400 S'il apparaît que l'administration pouvait faire face à un péril, 123 00:10:05,400 --> 00:10:11,500 à un désordre, par une mesure moins attentatoire à la liberté, 124 00:10:12,090 --> 00:10:15,560 autrement dit s'il apparaît qu'une mesure de police moins contraignante 125 00:10:15,650 --> 00:10:17,850 pour les libertés aurait pu être édictée, 126 00:10:18,450 --> 00:10:21,900 tout en atteignant le même résultat de maintien de l'ordre,  127 00:10:22,250 --> 00:10:26,000 alors la mesure prise va être annulée. 128 00:10:27,100 --> 00:10:32,650 Vous voyez que le contrôle du juge administratif va beaucoup plus loin 129 00:10:32,750 --> 00:10:38,700 que de simplement s'assurer qu'il y a bien eu un trouble de l'ordre public qui justifie la mesure : 130 00:10:38,850 --> 00:10:43,125 il va se demander si l'autorité administrative n'aurait pas pu prendre 131 00:10:43,125 --> 00:10:46,400 une mesure atteignant le même objectif,  132 00:10:47,250 --> 00:10:53,050 le maintien de l'ordre, mais avec un contenu moins attentatoire, 133 00:10:53,300 --> 00:10:59,700 moins restrictif à l'égard de la liberté en cause.  134 00:11:00,500 --> 00:11:04,850 C'est ce qui vous explique que,  en droit administratif français, 135 00:11:05,500 --> 00:11:13,100 le juge administratif peut annuler des arrêtés municipaux qui, vus de l'extérieur, 136 00:11:13,300 --> 00:11:20,450 peuvent paraître justifiés : un arrêté couvre-feu pour des mineurs, 137 00:11:20,450 --> 00:11:24,840 un arrêté qui interdit une manifestation… 138 00:11:24,850 --> 00:11:27,800 Il ne faut pas y voir là le fait que le juge administratif est extrêmement laxiste ; 139 00:11:27,800 --> 00:11:34,400 et c'est, hélas, souvent l'impression que l'on peut avoir en écoutant les médias, 140 00:11:34,950 --> 00:11:36,250 et en relayant ce que disent les médias. 141 00:11:36,250 --> 00:11:39,725 En réalité, pour un juge administratif,  pour un magistrat administratif,  142 00:11:39,720 --> 00:11:42,200 pour un tribunal administratif,  ou pour le Conseil d'État, 143 00:11:42,425 --> 00:11:45,075 tout est affaire de circonstances. 144 00:11:47,120 --> 00:11:50,550 Et donc, parfois, un arrêté anti-couvre-feu,  145 00:11:52,050 --> 00:11:57,800 un arrêté municipal pris dans telle ville pour lutter contre des désordres dans la rue,  146 00:11:58,400 --> 00:12:00,800 vont être annulés non pas parce que le Conseil d'État 147 00:12:00,800 --> 00:12:05,500 ou le tribunal administratif a envie d'être laxiste et s'en prendre aux arrêtés des maires, 148 00:12:05,575 --> 00:12:09,025 c'est parce qu'après l'examen de la requête du dossier,  149 00:12:09,125 --> 00:12:13,700 il apparaît qu'une mesure moins attentatoire aurait pu être prise,  150 00:12:13,700 --> 00:12:15,200 tout en atteignant le même objectif. 151 00:12:16,430 --> 00:12:20,475 C'est pour ça que le juge va en prononcer l'annulation. 152 00:12:21,840 --> 00:12:23,550 Et parce qu'elle est illégale. 153 00:12:25,970 --> 00:12:33,600 On voit bien que nous avons ici affaire à une méthode essentielle 154 00:12:34,075 --> 00:12:36,250 pour tout magistrat administratif  sur le territoire français,  155 00:12:36,475 --> 00:12:38,950 qui est saisi de la légalité d'une mesure de police administrative. 156 00:12:39,060 --> 00:12:45,375 Il va toujours vérifier si la mesure était bien adaptée, nécessaire,  157 00:12:46,225 --> 00:12:48,700 et proportionnée à l'objectif poursuivi. 158 00:12:48,790 --> 00:12:52,400 Et si jamais ce n'est pas le cas, si jamais on aurait pu faire autrement,  159 00:12:52,820 --> 00:12:56,250 ce n'était pas la bonne mesure nécessaire,  elle n'était pas adaptée à l'objectif poursuivi, 160 00:12:56,425 --> 00:13:00,375 elle n'était pas bien équilibrée, le juge va l'annuler. 161 00:13:00,500 --> 00:13:01,075 Pourquoi ? 162 00:13:01,150 --> 00:13:03,875 Parce qu'en période de fonctionnement normal des institutions,  163 00:13:03,950 --> 00:13:06,575 dans un État de droit, dans une démocratie libérale,  164 00:13:06,725 --> 00:13:09,950 le principe est tout de même l'exercice de la liberté. 165 00:13:10,400 --> 00:13:13,950 Et donc, la restriction de police ne peut venir qu'à titre d'exception. 166 00:13:14,020 --> 00:13:17,300 Lorsque l'on contrôle une exception,  on est sévère à son égard.  167 00:13:18,700 --> 00:13:24,350 Je ne vais pas évidemment ici vous décrire la multitude, depuis un siècle,  168 00:13:25,160 --> 00:13:28,900 des décisions administratives de police qui sont annulées pour cela. 169 00:13:29,030 --> 00:13:33,100 J'attire juste votre attention que cette méthode de conciliation 170 00:13:33,410 --> 00:13:37,575 aboutit à faire peser une présomption d'illégalité 171 00:13:38,100 --> 00:13:40,250 sur les mesures de police qui sont trop générales,  172 00:13:40,600 --> 00:13:42,925 qui sont trop absolues, qui sont trop étendues ;  173 00:13:42,920 --> 00:13:48,400 parce que, précisément, la mesure est suspecte, elle est présumée illégale,  174 00:13:48,525 --> 00:13:54,475 parce que la mesure doit être adaptée aux circonstances, elle doit être proportionnée. 175 00:13:54,780 --> 00:13:57,925 Si un maire prend une mesure d'interdiction générale 176 00:13:57,920 --> 00:14:00,825 sur tout le territoire d'une ville parce qu'il y a une manifestation uniquement 177 00:14:00,825 --> 00:14:01,875 dans certaines de ses rues :  178 00:14:01,950 --> 00:14:06,000 vous voyez que cette mesure apparaît trop générale, elle apparaît trop absolue,  179 00:14:06,000 --> 00:14:07,125 elle est trop étendue. 180 00:14:07,200 --> 00:14:09,630 Donc, elle est suspecte,  elle est présumée illégale. 181 00:14:09,630 --> 00:14:14,475 Et cela arrive très souvent que le juge administratif annule des mesures 182 00:14:14,470 --> 00:14:18,200 parce qu'elles sont trop générales et trop absolues. 183 00:14:18,290 --> 00:14:19,150 Or, ce n'est pas possible,  184 00:14:19,150 --> 00:14:21,375 puisque chaque mesure de police administrative  185 00:14:21,370 --> 00:14:23,575 doit être adaptée aux circonstances. 186 00:14:23,940 --> 00:14:27,750 Par définition, une mesure qui est trop abrupte et trop générale,  187 00:14:27,850 --> 00:14:28,625 elle est suspecte. 188 00:14:28,675 --> 00:14:31,200 Mais attention, je dis bien qu'elle est simplement présumée. 189 00:14:31,380 --> 00:14:36,350 Parfois, il peut arriver que l'autorité administrative n'avait pas d'autre solution,  190 00:14:36,750 --> 00:14:38,025 n'avait pas d'autres moyens. 191 00:14:38,130 --> 00:14:39,550 Le Conseil d'État a, par exemple, jugé 192 00:14:39,550 --> 00:14:43,350 que l'interdiction de circulation sur l'île de la Guadeloupe 193 00:14:43,350 --> 00:14:45,300 ou l'île de La Réunion était légale, 194 00:14:45,300 --> 00:14:51,390 parce que le volcan allait se réveiller et qu'il y allait avoir une éruption volcanique. 195 00:14:51,390 --> 00:14:52,300 À ce moment-là,  196 00:14:52,425 --> 00:14:55,400 il est bien évident qu'une interdiction totale générale de circuler 197 00:14:55,400 --> 00:14:58,525 sur toute l'île de La Réunion ou sur toute la Guadeloupe,  198 00:14:58,575 --> 00:15:01,550 elle est justifiée, parce qu'il n'y a pas d'autre moyen de prévenir le danger. 199 00:15:01,550 --> 00:15:03,950 Si jamais l'éruption volcanique se produit, il n'y a pas d'autres moyens. 200 00:15:04,075 --> 00:15:08,450 Vous le voyez, il peut arriver que des interdictions générales soient légales. 201 00:15:08,450 --> 00:15:09,775 Ce n'est pas ce que je suis en train de vous dire. 202 00:15:10,080 --> 00:15:11,075 Ce que je suis en train de vous dire,  203 00:15:11,070 --> 00:15:13,750 c'est que les interdictions trop générales et trop absolues 204 00:15:13,950 --> 00:15:16,625 sont quand même présumées rapidement illégales,  205 00:15:17,050 --> 00:15:20,225 parce qu'elles sont suspectes de ne pas être suffisamment adaptées 206 00:15:20,400 --> 00:15:22,350 aux circonstances de temps et de lieu ;  207 00:15:22,425 --> 00:15:26,300 parce qu'une mesure de police, c'est dans sa légalité même. 208 00:15:26,460 --> 00:15:32,825 Une mesure de police n'est légale que si elle est suffisamment adaptée, nécessaire, 209 00:15:32,820 --> 00:15:37,900 c'est-à-dire justifiée, et proportionnée à l'objectif poursuivi 210 00:15:38,050 --> 00:15:42,025 de prévention d'un trouble à l'ordre public. 211 00:15:42,550 --> 00:15:44,250 Voilà comment le Conseil d'État,  212 00:15:44,350 --> 00:15:48,625 depuis plus d'un siècle en droit français, apporte,  213 00:15:48,620 --> 00:15:50,550 pour les mesures de police administratives,  214 00:15:50,650 --> 00:15:54,175 un contrôle de légalité qui est vraiment très approfondi, qui va très loin,  215 00:15:54,300 --> 00:15:59,650 puisqu’il s'agit d'un contrôle de la proportionnalité même de la mesure adoptée. 216 00:16:00,150 --> 00:16:04,075 Et il est évident que ce n'est pas toujours le cas, loin de là,  217 00:16:04,175 --> 00:16:06,790 pour les autres types de mesures administrative. 218 00:16:07,030 --> 00:16:11,500 Elles ne bénéficient pas toutes de ce contrôle, de ce type de contrôle,  219 00:16:11,675 --> 00:16:15,800 triple contrôle de nécessité,  d'adaptation et de proportionnalité. 220 00:16:15,975 --> 00:16:20,975 Vous avez donc ici, c'est à la gloire, c'est à l'honneur du Conseil d'État français,  221 00:16:21,250 --> 00:16:23,850 une véritable spécificité du régime applicable 222 00:16:24,040 --> 00:16:26,000 aux mesures de police administrative.