1 00:00:06,950 --> 00:00:12,000 C'est l'une des évolutions les plus marquantes du droit administratif 2 00:00:12,300 --> 00:00:13,800 dans ces récentes années. 3 00:00:14,790 --> 00:00:18,600 Le pouvoir réglementaire n'est pas simplement un pouvoir. 4 00:00:19,200 --> 00:00:21,700 C'est aussi parfois un devoir. 5 00:00:22,650 --> 00:00:26,050 Autrement dit, le pouvoir réglementaire n'est pas simplement une faculté,  6 00:00:26,550 --> 00:00:27,900 c'est parfois une obligation. 7 00:00:28,730 --> 00:00:33,800 Et la chose est si remarquable que je voudrais consacrer cette vidéo 8 00:00:33,950 --> 00:00:40,150 à la question de ces obligations qui pèsent dorénavant sur le pouvoir réglementaire. 9 00:00:40,250 --> 00:00:44,975 Alors, obligations que l'on peut - pour mettre un peu d'ordre -  10 00:00:45,025 --> 00:00:47,725 classer en deux grandes catégories. 11 00:00:48,740 --> 00:00:53,800 Il y a d'abord des obligations qui pèsent sur le pouvoir réglementaire 12 00:00:54,530 --> 00:00:58,400 et qui sont liées au respect de la sécurité juridique. 13 00:00:59,270 --> 00:01:05,450 Vous savez, notamment, depuis l'arrêt du Conseil d'État de 2006, la fameuse affaire KPMG, 14 00:01:05,800 --> 00:01:08,650 comment la sécurité juridique est devenue 15 00:01:08,800 --> 00:01:12,080 un nouveau principe général du droit administratif. 16 00:01:12,280 --> 00:01:18,300 Les autorités administratives ne doivent pas laisser les administrés 17 00:01:18,350 --> 00:01:22,550 dans un état d'insécurité juridique 18 00:01:22,550 --> 00:01:27,720 qui est source d'instabilité des situations juridiques. 19 00:01:28,150 --> 00:01:32,200 Eh bien, cette sécurité juridique aujourd'hui,  20 00:01:32,200 --> 00:01:37,550 explique toute une série d'obligations faites au pouvoir réglementaire. 21 00:01:38,600 --> 00:01:41,750 Exemple, première obligation, 22 00:01:42,450 --> 00:01:48,350 c'est tout simplement l'obligation qui est faite au pouvoir réglementaire 23 00:01:49,550 --> 00:01:53,750 d'édicter les règlements d'application des lois 24 00:01:54,400 --> 00:01:59,050 lorsque ces règlements sont nécessaires à l'application des lois. 25 00:02:00,370 --> 00:02:03,850 Voici une jurisprudence ancienne. 26 00:02:04,060 --> 00:02:10,450 Elle remonte déjà à un arrêt du Conseil d'État du 13 juillet 1962, 27 00:02:10,840 --> 00:02:12,550 un Arrêt Kevers-Pascalis. 28 00:02:12,550 --> 00:02:22,950 Mais, cet arrêt a été réactivé  récemment au début des années 2000, 29 00:02:22,950 --> 00:02:26,350 et je pense notamment à un arrêt du Conseil d'État du 28 juillet 2000,  30 00:02:26,450 --> 00:02:30,175 un arrêt Association France Nature Environnement,  31 00:02:30,400 --> 00:02:31,775 qui repose sur l'idée suivante. 32 00:02:32,200 --> 00:02:36,100 Comme vous le savez, il y a des lois qui sont d'application immédiate. 33 00:02:36,610 --> 00:02:39,150 Elles n'ont pas besoin de mesures complémentaires 34 00:02:39,700 --> 00:02:41,550 d'application pour entrer en vigueur. 35 00:02:42,250 --> 00:02:44,300 Mais, il y a - c'est le cas le plus fréquent -  36 00:02:44,300 --> 00:02:47,900 des lois dont l'entrée en vigueur est subordonnée 37 00:02:48,500 --> 00:02:51,050 à l'adoption de mesures d'application 38 00:02:51,050 --> 00:02:54,700 parce que ces mesures d'application sont nécessaires 39 00:02:54,925 --> 00:02:57,225 à la bonne application de la loi elle-même. 40 00:02:59,000 --> 00:03:04,400 Or, vous le devinez bien, tant que ces mesures d'application, 41 00:03:04,800 --> 00:03:06,900 ces règlements d'application ne sont pas pris,  42 00:03:07,275 --> 00:03:09,125 la loi ne peut donc pas entrer en vigueur. 43 00:03:09,820 --> 00:03:12,190 C'est donc une source d'insécurité juridique. 44 00:03:12,580 --> 00:03:15,100 C'est même la première source d'insécurité juridique. 45 00:03:15,400 --> 00:03:17,830 Des lois ont été adoptées,  mais elles ne s'appliquent pas. 46 00:03:18,200 --> 00:03:20,620 Elles ne s'appliquent pas,  faute des décrets d'application, 47 00:03:20,820 --> 00:03:24,340 parce que cette loi nécessite des mesures d'application. 48 00:03:25,000 --> 00:03:27,600 Eh bien, dans les arrêts que je viens de vous citer,  49 00:03:27,800 --> 00:03:35,950 le Conseil d'État estime désormais que le gouvernement est tenu 50 00:03:36,050 --> 00:03:41,150 - ce n'est pas une simple faculté -  il est tenu dans un délai raisonnable. 51 00:03:41,910 --> 00:03:45,300 Le juge laisse évidemment une marge de manœuvre au gouvernement. 52 00:03:45,540 --> 00:03:47,500 Mais, l'important est là, est dit. 53 00:03:47,610 --> 00:03:50,150 Le gouvernement est tenu 54 00:03:50,500 --> 00:03:54,450 de prendre les règlements d'application nécessaires à l'exécution des lois. 55 00:03:57,050 --> 00:03:59,150 Deuxième obligation, 56 00:04:00,000 --> 00:04:05,050 je la tire d'un arrêt du Conseil d'État d'Assemblée du 28 juin 2002,  57 00:04:05,225 --> 00:04:06,250 un arrêt Villemain. 58 00:04:08,770 --> 00:04:09,850 Dans cette affaire, 59 00:04:11,300 --> 00:04:13,075 le Conseil d'État a considéré 60 00:04:13,075 --> 00:04:18,700 que l'entrée en vigueur de la loi du 15 novembre 1999 instituant le PACS,  61 00:04:18,950 --> 00:04:23,950 le Pacte civil de Solidarité, a ouvert des droits et créé des avantages,  62 00:04:25,550 --> 00:04:28,425 certes propres à cette nouvelle forme d'union légale,  63 00:04:28,975 --> 00:04:34,100 mais, au même titre que les personnes mariées ou vivant en concubinage,  64 00:04:34,600 --> 00:04:39,400 de sorte que l'administration violerait le principe d'égalité 65 00:04:40,150 --> 00:04:44,000 en ne modifiant pas tous les textes réglementaires 66 00:04:45,150 --> 00:04:49,700 où sont régies les différentes formes d'unions légales. 67 00:04:50,660 --> 00:04:51,900 C'est pourquoi dans cet arrêt Villemain,  68 00:04:51,900 --> 00:04:56,050 le Conseil d'État nous dit qu'il pèse sur le gouvernement une sorte d'obligation,  69 00:04:56,100 --> 00:04:58,250 je dirais, de mise à jour des règlements,  70 00:04:59,500 --> 00:05:03,550 d'entretien des règlements lorsque - je cite l'arrêt - 71 00:05:03,900 --> 00:05:06,500 "sans pour autant rendre par elle-même inapplicables 72 00:05:06,500 --> 00:05:08,750 des dispositions réglementaires incompatibles avec elle, 73 00:05:09,500 --> 00:05:12,700 une loi crée une situation juridique nouvelle. 74 00:05:13,640 --> 00:05:17,000 Dans ce cas-là, il appartient au pouvoir réglementaire, 75 00:05:17,300 --> 00:05:19,700 afin d'assurer la pleine application de la loi,  76 00:05:20,000 --> 00:05:23,450 de tirer toutes les conséquences de cette situation nouvelle 77 00:05:23,750 --> 00:05:28,000 en apportant dans un délai raisonnable les modifications à la réglementation 78 00:05:28,200 --> 00:05:30,250 applicable qui sont rendues nécessaires". 79 00:05:32,500 --> 00:05:33,550 Troisième exemple,  80 00:05:34,275 --> 00:05:40,225 l'article L 221-2 du Code des relations entre le public et l'administration 81 00:05:40,450 --> 00:05:43,300 et le Conseil d'État au travers d'un principe général du droit, 82 00:05:43,500 --> 00:05:46,700 dégagé notamment dans un arrêt du 12 décembre 2003, 83 00:05:46,950 --> 00:05:49,950 Syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale, 84 00:05:50,300 --> 00:05:55,760 estime que la publication des règlements est une obligation. 85 00:05:56,570 --> 00:06:03,700 Les actes réglementaires, les règlements doivent être publiés dans un délai raisonnable. 86 00:06:05,150 --> 00:06:08,100 Quatrième exemple et c'est évidemment l'exemple 87 00:06:08,500 --> 00:06:12,350 - comment ne pas le citer -  puisque c'est avec cet exemple-là 88 00:06:12,650 --> 00:06:17,000 que la sécurité juridique est devenue une règle de droit positif en droit français.  89 00:06:17,850 --> 00:06:24,500 Je pense évidemment à l'arrêt du Conseil d'État d'Assemblée du 24 mars 2006, société KPMG. 90 00:06:24,740 --> 00:06:28,150 Nous avons une autre illustration d'une obligation,  91 00:06:28,350 --> 00:06:32,690 l'obligation pour le pouvoir réglementaire de prendre des mesures transitoires. 92 00:06:33,650 --> 00:06:37,650 En effet, désormais, le pouvoir réglementaire, 93 00:06:40,475 --> 00:06:50,050 s'il se rend compte que l'application immédiate d'un nouveau règlement est impossible 94 00:06:50,210 --> 00:06:54,350 ou entraîne au regard de l'objet et des effets de ces dispositions 95 00:06:54,870 --> 00:06:58,750 une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause, 96 00:06:59,520 --> 00:07:01,300 alors, le pouvoir réglementaire,  97 00:07:01,300 --> 00:07:03,550 les autorités titulaires du pouvoir réglementaire 98 00:07:03,950 --> 00:07:09,590 sont tenues de prendre un dispositif transitoire. 99 00:07:10,670 --> 00:07:18,350 Autrement dit, les titulaires du pouvoir réglementaire sont tenus d'accompagner 100 00:07:18,900 --> 00:07:20,450 l'adoption d'un nouveau règlement 101 00:07:21,100 --> 00:07:26,550 de l'insertion d'un dispositif transitoire pouvant consister, 102 00:07:26,650 --> 00:07:31,700 soit, à reporter à une date ultérieure,  l'entrée en vigueur du nouveau règlement. 103 00:07:32,270 --> 00:07:35,650 Soit, à maintenir provisoirement en vigueur l'ancien règlement 104 00:07:37,000 --> 00:07:39,600 jusqu'à l'extinction des situations juridiques qu'il régit. 105 00:07:40,300 --> 00:07:45,900 Soit, enfin, à prévoir des dispositions particulières 106 00:07:46,075 --> 00:07:50,375 pour régir la phase de transition entre l'ancien règlement 107 00:07:50,625 --> 00:07:52,370 et l'adoption du nouveau règlement. 108 00:07:53,000 --> 00:08:01,330 Et c'est précisément ce qui était au cœur de l'arrêt Société KPMG 109 00:08:02,400 --> 00:08:04,625 où le Conseil d'État avait censuré 110 00:08:04,700 --> 00:08:07,325 le décret par lequel le gouvernement avait adopté 111 00:08:07,425 --> 00:08:10,600 le Code de déontologie de la profession des commissaires aux comptes 112 00:08:10,850 --> 00:08:17,600 parce que ce règlement, ce décret ne comportait pas un dispositif transitoire 113 00:08:17,850 --> 00:08:21,500 parce que l'on était dans l'une des situations que je viens de viser. 114 00:08:24,500 --> 00:08:28,475 D'autres obligations imposées au pouvoir réglementaire sont liées 115 00:08:28,470 --> 00:08:30,050 au respect de la hiérarchie des normes. 116 00:08:30,900 --> 00:08:35,550 Là aussi, vous savez combien en droit français,  117 00:08:35,550 --> 00:08:37,325 depuis la fin du 20e siècle,  118 00:08:37,875 --> 00:08:40,200 sont importantes, comme le dit le Conseil d'État,  119 00:08:40,200 --> 00:08:42,900 les exigences inhérentes à la hiérarchie des normes. 120 00:08:43,100 --> 00:08:47,725 Eh bien, l'avènement de la hiérarchie des normes a imposé  121 00:08:47,900 --> 00:08:51,075 au pouvoir réglementaire des obligations. 122 00:08:52,550 --> 00:08:58,300 Une obligation très intéressante, elle est d'ailleurs assez ancienne, 123 00:08:58,400 --> 00:09:03,750  nous vient d'un arrêt du Conseil d'État de section du 14 novembre 1958, 124 00:09:04,050 --> 00:09:11,350 un arrêt Ponard en vertu duquel les titulaires du pouvoir réglementaire 125 00:09:11,800 --> 00:09:14,900 et l'ensemble des autorités administratives 126 00:09:15,400 --> 00:09:20,890 sont tenus de ne pas faire application d'un règlement illégal. 127 00:09:23,240 --> 00:09:26,450 L'administration, la raison d'être de l'administration,  128 00:09:26,800 --> 00:09:29,250 c'est d'agir, d'appliquer les lois. 129 00:09:29,250 --> 00:09:31,550 Ici, on demande à l'administration 130 00:09:31,550 --> 00:09:34,900 de ne pas appliquer un règlement au motif qu'il est illégal. 131 00:09:35,510 --> 00:09:38,300 Cette jurisprudence qui est ancienne, vous vous en doutez,  132 00:09:39,100 --> 00:09:44,350 elle est évidemment aujourd'hui de très grande actualité parce qu'elle s'applique notamment, 133 00:09:44,650 --> 00:09:53,050 lorsqu'un règlement existant méconnaît une règle supranationale. 134 00:09:53,100 --> 00:09:57,400 Je pense notamment à un règlement européen ou aux objectifs d'une directive européenne. 135 00:09:57,600 --> 00:10:02,300 Eh bien, dans ce cas-là, l'administration,  face à un règlement illégal,  136 00:10:02,450 --> 00:10:04,070 est tenue de ne pas en faire application. 137 00:10:05,280 --> 00:10:09,120 Allons même plus loin et parlons même d'abrogation. 138 00:10:10,150 --> 00:10:13,700 Je l'avoue, j'aborde ici - on en reparlera un peu plus tard -  139 00:10:13,850 --> 00:10:21,050 une règle bien célèbre qui a d'abord été édictée par le Conseil d'État 140 00:10:21,230 --> 00:10:24,850 dans un arrêt d'Assemblée du 10 janvier 1930, un arrêt Despujol,  141 00:10:25,200 --> 00:10:31,650 qui a ensuite été étendu par un arrêt du Conseil d'État d'Assemblée du 3 février 1989, 142 00:10:31,950 --> 00:10:38,950 un arrêt Compagnie Alitalia et qui a ensuite été repris par le législateur 143 00:10:39,200 --> 00:10:45,700 pour être aujourd'hui codifié à l'article L 243-2 du CRPA, 144 00:10:45,900 --> 00:10:48,800 du Code des Relations entre le Public et l'Administration. 145 00:10:51,250 --> 00:10:57,250 Je cite cet arrêt, car il est explicite à lui seul. 146 00:10:57,850 --> 00:11:03,100 "L'autorité administrative est tenue d'abroger expressément 147 00:11:03,700 --> 00:11:07,450 un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet,  148 00:11:08,400 --> 00:11:11,100 que cette situation existe depuis son édiction 149 00:11:11,300 --> 00:11:15,550 ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, 150 00:11:15,750 --> 00:11:19,000 sauf à ce que cette illégalité ait cessé". 151 00:11:19,930 --> 00:11:24,250 Autrement dit, de sa propre initiative, aujourd'hui,  152 00:11:24,250 --> 00:11:29,100 les titulaires du pouvoir réglementaire ne peuvent pas laisser subsister 153 00:11:29,100 --> 00:11:33,200 au sein de l'ordre juridique des règlements illégaux,  154 00:11:33,350 --> 00:11:37,300 parce que contraires à des normes juridiques supérieures, 155 00:11:38,400 --> 00:11:40,650 contraires à un PGD, contraires à une loi,  156 00:11:40,650 --> 00:11:43,050 contraires à une convention internationale,  contraires à la Constitution. 157 00:11:43,540 --> 00:11:49,300 Eh bien, aujourd'hui, il ne s'agit pas simplement - vous le voyez - de mettre à jour les règlements. 158 00:11:49,360 --> 00:11:52,150 Il ne s'agit pas simplement de ne pas les appliquer quand ils sont illégaux. 159 00:11:52,200 --> 00:11:53,750 Il faut les faire disparaître. 160 00:11:54,310 --> 00:11:59,090 Autrement dit, il faut les abroger,  les supprimer de l'ordre juridique. 161 00:11:59,700 --> 00:12:03,100 Et ce n'est pas une faculté, c'est une obligation. 162 00:12:04,090 --> 00:12:09,950 Et on voit bien ici que la hiérarchie des normes juridiques ne tolère pas 163 00:12:10,000 --> 00:12:12,600 qu'il y ait des règlements dans l'ordre juridique qui soient illégaux. 164 00:12:12,750 --> 00:12:15,100 Donc, l'administration est tenue de les abroger. 165 00:12:15,600 --> 00:12:18,550 Cette abrogation, elle peut être faite spontanément par l'autorité administrative 166 00:12:18,550 --> 00:12:20,200 qui se rend compte qu'un règlement est illégal,  167 00:12:20,400 --> 00:12:24,250 et donc, le titulaire du pouvoir réglementaire, qui a été compétent pour le prendre, 168 00:12:24,250 --> 00:12:27,400 va être compétent pour l'abroger et le supprimer de l'ordre juridique. 169 00:12:27,650 --> 00:12:31,050 Mais, ce sont aussi les administrés qui peuvent se rendre compte qu'un règlement est illégal. 170 00:12:31,200 --> 00:12:35,100 Donc, à ce moment-là, ils vont saisir les titulaires du pouvoir réglementaire 171 00:12:35,100 --> 00:12:37,650 pour leur demander l'abrogation de leur règlement. 172 00:12:38,690 --> 00:12:40,400 Et là, d'ailleurs, des deux choses l'une. 173 00:12:40,500 --> 00:12:47,800 Soit, l'autorité administrative accepte la demande et abroge le règlement. 174 00:12:47,950 --> 00:12:51,850 Soit, elle refuse d'abroger parce qu'elle estime que le règlement n'est pas illégal 175 00:12:51,950 --> 00:12:53,250 ou elle ne répond pas. 176 00:12:53,600 --> 00:12:56,900 Eh bien, dans ce cas-là, il suffira de saisir le juge administratif 177 00:12:57,100 --> 00:12:59,350 de ce silence ou de ce refus d'abrogation 178 00:13:00,200 --> 00:13:04,750 et si le juge administratif constate que le règlement en effet est illégal, 179 00:13:04,950 --> 00:13:08,750 eh bien, il prononcera l'annulation du refus d'abroger 180 00:13:08,850 --> 00:13:12,850 et il ordonnera à l'administration d'abroger le règlement illégal,  181 00:13:13,050 --> 00:13:15,750 ce qu'il peut faire grâce au fameux pouvoir d'injonction 182 00:13:15,750 --> 00:13:19,300 que le juge administratif  français détient depuis 1995. 183 00:13:19,300 --> 00:13:22,450 Donc, vous le voyez, une obligation effective. 184 00:13:22,720 --> 00:13:27,750 On peut en assurer l'effectivité, même en cas d'inertie ou de refus d'abrogation. 185 00:13:28,790 --> 00:13:32,290 Les titulaires du pouvoir réglementaire ne peuvent pas laisser subsister 186 00:13:32,300 --> 00:13:34,300 dans l'ordre juridique des actes réglementaires. 187 00:13:34,420 --> 00:13:39,000 Il y a donc aujourd'hui, en vertu de l'article L243-2 du CRPA,  188 00:13:39,400 --> 00:13:42,950 qui est la reprise de la célèbre jurisprudence Compagnie Alitalia,  189 00:13:43,500 --> 00:13:47,450 une obligation d'abrogation des règlements illégaux, de tous les règlements illégaux, 190 00:13:47,650 --> 00:13:52,000 qu'ils soient illégaux depuis leur origine ou qu'ils soient devenus illégaux avec le temps 191 00:13:53,050 --> 00:13:59,300 à raison d'un changement de circonstances de droit ou de fait. 192 00:14:01,300 --> 00:14:05,530 Donc, nous voyons ici très clairement 193 00:14:05,600 --> 00:14:11,400 comment la hiérarchie des normes peut imposer une obligation. 194 00:14:11,450 --> 00:14:18,750 Et pour terminer sur cette question, je terminerai par deux exemples intéressants. 195 00:14:19,780 --> 00:14:39,250 Le premier, je l'emprunte à un arrêt du Conseil d'État d'Assemblée du 3 décembre 1999. 196 00:14:39,900 --> 00:14:47,250 Il s'agit d'un arrêt Association France Nature Environnement. 197 00:14:48,500 --> 00:14:54,800 Cet arrêt est intéressant parce qu'il nous montre comment 198 00:14:58,700 --> 00:15:07,450 le droit de l'Union européenne peut aboutir à tenir en échec une obligation interne. 199 00:15:08,460 --> 00:15:14,300 Nous le savons, l'administration - l'Arrêt Ponard - est tenue 200 00:15:14,650 --> 00:15:16,350 de ne pas appliquer des règlements illégaux. 201 00:15:18,460 --> 00:15:25,650 Mais, elle est surtout tenue, en vertu de cet arrêt,  202 00:15:25,850 --> 00:15:28,500 de ne pas prendre de nouveaux règlements 203 00:15:30,350 --> 00:15:36,150 qui seraient contraires au droit de l'Union européenne ou une obligation internationale,  204 00:15:36,150 --> 00:15:37,150 de manière plus générale. 205 00:15:37,590 --> 00:15:44,050 Autrement dit, ici, on demande au  titulaire du pouvoir réglementaire 206 00:15:44,630 --> 00:15:49,650 de ne pas exercer son pouvoir réglementaire 207 00:15:52,450 --> 00:15:59,190 pour ne pas commettre une méconnaissance d'une règle de valeur supérieure. 208 00:16:00,000 --> 00:16:06,000 Mais, encore plus intéressant est l'arrêt du même jour du Conseil d'État du 3 décembre 1999, 209 00:16:06,000 --> 00:16:09,000 l'arrêt Association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire 210 00:16:09,000 --> 00:16:11,800 et rassemblement des opposants à la chasse. 211 00:16:12,640 --> 00:16:15,400 Parce que dans cette affaire,  212 00:16:15,850 --> 00:16:23,050 nous étions en présence d'un législateur qui était agacé 213 00:16:24,400 --> 00:16:29,050 que l'Union européenne lui impose des dates d'ouverture 214 00:16:29,050 --> 00:16:32,850 et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs et donc, 215 00:16:33,650 --> 00:16:39,050 voici que le Parlement vote une loi fixant lui-même 216 00:16:40,000 --> 00:16:41,640 les dates d'ouverture et de clôture de la chasse. 217 00:16:42,370 --> 00:16:45,950 Évidemment, c'est une matière qui n'est pas réservée au domaine de la loi. 218 00:16:46,800 --> 00:16:50,100 Donc, c'est plutôt une matière au domaine du règlement  219 00:16:50,100 --> 00:16:54,800 et c'est par arrêté ministériel ou par décret que l'on va fixer les dates d'ouverture 220 00:16:54,800 --> 00:16:55,850 et de clôture de la chasse.  221 00:16:57,300 --> 00:17:00,700 Mais, imaginons que le législateur  ait adopté une telle loi. 222 00:17:03,360 --> 00:17:09,000 Supposons que les pouvoirs publics soient saisis de demandes d'abrogation 223 00:17:09,480 --> 00:17:11,850 de ces dates parce que contraires au droit de l'Union européenne. 224 00:17:12,450 --> 00:17:13,500 Que répond le gouvernement ? 225 00:17:13,850 --> 00:17:14,700 Le gouvernement va dire : 226 00:17:15,050 --> 00:17:21,800 l'abrogation ne dépend pas de moi puisque ces dates ont été fixées dans une loi. 227 00:17:22,370 --> 00:17:25,300 Or, moi, gouvernement, je ne peux  évidemment pas abroger une loi. 228 00:17:26,450 --> 00:17:28,300 Sauf que dans cette affaire, 229 00:17:28,400 --> 00:17:35,200 les requérants ont indiqué au gouvernement qu'il disposait d'une fameuse procédure, 230 00:17:35,600 --> 00:17:40,300 l'article 37 alinéa 2 de la Constitution dont je vous ai parlé dans une vidéo précédente, 231 00:17:40,500 --> 00:17:44,200 la fameuse procédure de délégalisation d'une loi, de déclassement. 232 00:17:44,200 --> 00:17:47,200 Vous savez, quand la loi a empiété sur le domaine du règlement, 233 00:17:47,320 --> 00:17:49,900 eh bien, l'article 37 alinéa 2  de la Constitution nous dit 234 00:17:49,900 --> 00:17:54,200 que le gouvernement peut saisir le Conseil constitutionnel pour lui demander de dire 235 00:17:54,300 --> 00:17:56,250 que la matière est réglementaire et si c'est le cas,  236 00:17:56,410 --> 00:17:59,000 eh bien, le gouvernement pourra par décret modifier une loi. 237 00:18:00,900 --> 00:18:06,100 Donc, les requérants ont opposé l'article 37 alinéa 2 au gouvernement. 238 00:18:06,560 --> 00:18:12,750 Ce à quoi le gouvernement a répondu qu'à la lecture de l'article 37 alinéa 2, 239 00:18:13,600 --> 00:18:18,050 ce pouvoir de déclassement, de délégalisation n'était pas une obligation. 240 00:18:18,360 --> 00:18:21,350 Le constituant a lui-même utilisé le verbe pouvoir. 241 00:18:21,500 --> 00:18:22,950 Le gouvernement peut. 242 00:18:23,500 --> 00:18:24,700 Ce n'est pas doit, c'est peut. 243 00:18:25,610 --> 00:18:28,700 Eh bien, dans cet arrêt, le Conseil d'État,  244 00:18:28,950 --> 00:18:31,800 au nom des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes,  245 00:18:32,100 --> 00:18:36,550 va transformer ce qui n'était qu'une faculté en obligation, 246 00:18:37,150 --> 00:18:42,750 parce qu'il va dire qu'au nom des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes, 247 00:18:43,200 --> 00:18:47,900 quand la loi qui a empiété sur le pouvoir réglementaire, sur le domaine réglementaire,  248 00:18:48,400 --> 00:18:54,650 est contraire à une norme supérieure et en l'espèce, 249 00:18:54,650 --> 00:18:58,300 est incompatible avec une règle du droit de l'Union européenne, 250 00:18:58,550 --> 00:19:05,450 alors, le Premier ministre est tenu de mettre en œuvre l'article 37 alinéa 2 de la Constitution. 251 00:19:05,670 --> 00:19:11,350 Il est tenu de mettre en œuvre le pouvoir de déclassement,  252 00:19:11,350 --> 00:19:18,000 de délégalisation d'une loi que lui attribue l'article 37 alinéa 2 de la Constitution, 253 00:19:18,000 --> 00:19:21,500 alors même que cet article utilise bien le verbe pouvoir et non pas le verbe devoir. 254 00:19:21,850 --> 00:19:25,750 Voilà comment - vous le voyez - les exigences de la hiérarchie des normes 255 00:19:25,900 --> 00:19:32,000 arrivent à transformer ce qui n'était qu'une faculté en droit interne en une obligation, 256 00:19:33,100 --> 00:19:39,650 en l'espèce, une obligation d'exercer le pouvoir de delégalisation des lois 257 00:19:39,750 --> 00:19:42,350 qui empiètent sur le domaine du règlement.