1 00:00:07,110 --> 00:00:12,720 Examinons dorénavant la question de l'applicabilité des sources externes. 2 00:00:13,950 --> 00:00:18,920 Cette question est encore plus importante que la précédente parce que par définition, 3 00:00:19,340 --> 00:00:25,880 une règle de droit externe à l'ordre juridique français a vraiment besoin de remplir,  4 00:00:26,100 --> 00:00:31,620 de satisfaire des conditions pour pouvoir être bien applicable  5 00:00:31,820 --> 00:00:33,580 dans l'ordre juridique français. 6 00:00:34,440 --> 00:00:39,160 Et donc à l'occasion d'un différend, d'un litige entre les administrés et l'administration, 7 00:00:39,340 --> 00:00:43,320 l'administré invoquant une règle à son bénéfice, 8 00:00:43,320 --> 00:00:46,860 l'administration disant non, cette règle n'est pas n'est pas applicable à des litiges, 9 00:00:47,080 --> 00:00:50,380 ce débat-là est extrêmement important 10 00:00:50,450 --> 00:00:52,700 dès lors qu'il s'agit d'une règle de droit externe,  11 00:00:52,880 --> 00:00:57,080 c'est-à-dire qui ne provient pas de l'ordre juridique national lui-même. 12 00:00:57,230 --> 00:01:02,950 Il faut particulièrement veiller à la question de savoir si cette norme venue de l'extérieur 13 00:01:03,050 --> 00:01:08,900 est bien applicable dans, à l'intérieur de l'ordre juridique français. 14 00:01:09,620 --> 00:01:14,075 Là aussi, reprenons la classification des différentes sources externes 15 00:01:14,070 --> 00:01:15,825 que nous avons examinées ensemble. 16 00:01:15,820 --> 00:01:21,200 Et commençons donc par la question de l'applicabilité des sources extra nationales,  17 00:01:22,000 --> 00:01:24,400 autrement dit du droit international public, 18 00:01:26,220 --> 00:01:29,275 et opérons immédiatement une première distinction 19 00:01:29,320 --> 00:01:37,380 entre les engagements internationaux et les autres sources du droit international. 20 00:01:38,990 --> 00:01:42,680 S'agissant de l'applicabilité des engagements internationaux,  21 00:01:43,975 --> 00:01:47,725 nous avons ici, dans la Constitution, un article, 22 00:01:47,850 --> 00:01:54,150 l'article 55 qui nous offre la solution à la question que nous sommes en train de nous poser. 23 00:01:54,500 --> 00:01:56,075 Je vous lis cet article. 24 00:01:57,560 --> 00:02:01,425 Article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 : 25 00:02:01,850 --> 00:02:07,075 "Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés 26 00:02:07,350 --> 00:02:11,050 ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois 27 00:02:11,050 --> 00:02:16,125 sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par l'autre partie. 28 00:02:18,250 --> 00:02:19,775 " Commentons ce texte. 29 00:02:20,800 --> 00:02:23,850 De ce texte, on peut déduire trois conditions. 30 00:02:25,370 --> 00:02:31,100 La première est évidemment liée à l'existence même d'un instrument international, 31 00:02:31,100 --> 00:02:32,900 d'un engagement international. 32 00:02:33,500 --> 00:02:37,875 Vous observez, ce n'est pas partout,  ce n'est pas le cas dans tous les pays, 33 00:02:38,020 --> 00:02:43,025 vous observez que le droit français opère une distinction entre deux types d'instruments : 34 00:02:43,225 --> 00:02:44,875 le traité et l'accord. 35 00:02:45,025 --> 00:02:48,700 Alors sans ici empiéter sur un cours de droit international, 36 00:02:48,790 --> 00:02:52,200 je vous signale simplement que le traité 37 00:02:53,750 --> 00:02:56,950 est le nom que l'on donne à une convention internationale 38 00:02:57,100 --> 00:03:04,700 lorsque celle-ci a été négociée et signée par le Président de la République. 39 00:03:05,570 --> 00:03:09,375 Dans ce cas-là, on dit que le traité est ratifié. 40 00:03:09,580 --> 00:03:14,450 Et donc la ratification se fait donc par décret du Président de la République. 41 00:03:16,300 --> 00:03:20,725 Pour les autres accords, enfin pour les autres conventions internationales,  42 00:03:20,825 --> 00:03:26,700 qui sont simplement négociées et signées par le ministre des Affaires étrangères,  43 00:03:26,775 --> 00:03:28,475 on va parler d'un accord. 44 00:03:28,930 --> 00:03:33,525 Et comme vous le voyez, l'article 55 nous dit que l'accord n'est pas ratifié. 45 00:03:33,520 --> 00:03:35,475 Il est simplement approuvé. 46 00:03:35,825 --> 00:03:39,175 Donc soit le traité fait l'objet d'une décision de ratification, 47 00:03:39,225 --> 00:03:43,500 soit l'accord fait l'objet d'une décision d'approbation. 48 00:03:43,675 --> 00:03:48,325 Peu importe, dans les deux cas,  comme nous dit l'article 55, 49 00:03:48,450 --> 00:03:56,025 il faut bien une décision régulière de l'exécutif français, 50 00:03:56,150 --> 00:03:59,050 que ce soit le Président de la République ou le ministre des Affaires étrangères,  51 00:03:59,200 --> 00:04:04,375 qui va ainsi attester de l'existence de cet engagement international. 52 00:04:06,740 --> 00:04:14,300 Notez par ailleurs que l'article 53 de la Constitution de la Cinquième République 53 00:04:14,700 --> 00:04:20,600 impose dans certains cas le vote préalable d'une loi 54 00:04:21,700 --> 00:04:28,400 par laquelle le législateur va autoriser soit la ratification d'un traité 55 00:04:28,400 --> 00:04:29,550 par le Président de la République,  56 00:04:29,650 --> 00:04:34,125 soit l'approbation d'un accord par le ministre des Affaires étrangères. 57 00:04:35,640 --> 00:04:36,990 Je vous renvoie à l'article 53. 58 00:04:37,190 --> 00:04:40,920 Il vous donne la liste des accords, des conventions internationales plutôt,  59 00:04:42,120 --> 00:04:46,275 des conventions internationales pour lesquelles il faut indépendamment 60 00:04:46,270 --> 00:04:52,575 de cette attestation par l'exécutif d'une autorisation préalable du pouvoir législatif. 61 00:04:52,800 --> 00:04:56,725 Il s'agit par exemple des traités de paix, des traités de commerce,  62 00:04:56,825 --> 00:04:59,100 des traités qui engagent les finances de l'État, 63 00:04:59,100 --> 00:05:02,825 de ceux qui modifient les dispositions de nature législative, etc. 64 00:05:04,530 --> 00:05:08,750 Deuxième condition que l'on peut déduire de la lecture de l'article 55, 65 00:05:09,000 --> 00:05:17,225 il faut ensuite que ce traité ou cet accord, bref,  cet engagement international, ait été publié. 66 00:05:17,630 --> 00:05:20,775 Donc là aussi, il faut une mesure de publicité 67 00:05:20,975 --> 00:05:26,875 qui sera tout simplement une publication au Journal Officiel de la République française. 68 00:05:27,660 --> 00:05:32,500 Je signale que ces deux premières conditions sont évidemment cumulatives. 69 00:05:33,630 --> 00:05:36,275 Et un exemple fameux est souvent cité,  70 00:05:36,600 --> 00:05:40,400 c'est celui de la Déclaration universelle des droits de l'homme 71 00:05:40,675 --> 00:05:45,650 adoptée le 10 décembre 1948 par l'Assemblée générale des Nations unies. 72 00:05:49,450 --> 00:05:53,175 Ce texte international n'a pas de portée juridique en droit français. 73 00:05:53,170 --> 00:05:55,300 Il n'est pas applicable en droit français. 74 00:05:55,710 --> 00:05:58,825 Vous, moi, les autorités administratives 75 00:05:58,875 --> 00:06:02,725 ne peuvent pas se prévaloir de ce texte en droit français contrairement à ce que l'on croit. 76 00:06:02,720 --> 00:06:03,575 Pourquoi ? 77 00:06:03,570 --> 00:06:06,900 Parce que ce texte n'a jamais été ratifié. 78 00:06:07,500 --> 00:06:10,300 Il a bien été publié au Journal Officiel de la République française, 79 00:06:10,300 --> 00:06:13,500 mais il n'a jamais été ratifié et donc faute de ratification,  80 00:06:13,775 --> 00:06:15,950 il n'est pas applicable dans l'ordre juridique français, 81 00:06:15,950 --> 00:06:18,550 comme le dit l'article 55 de la Constitution. 82 00:06:19,425 --> 00:06:24,000 D'ailleurs, cela me permet de répondre à la question de savoir 83 00:06:24,000 --> 00:06:28,175 quels sont les pouvoirs du juge administratif lorsqu'il est saisi d'un litige. 84 00:06:28,170 --> 00:06:33,500 Imaginez un litige qui oppose une administration et l'administré dit : 85 00:06:33,500 --> 00:06:39,750 "Mais moi j'ai le droit à ceci parce que je revendique à mon cas l'application 86 00:06:39,750 --> 00:06:41,100 de tel texte international". 87 00:06:41,100 --> 00:06:43,925 Et puis l'administration dit en face : "Oui, mais pas du tout. 88 00:06:43,925 --> 00:06:48,175 Ce texte n'est pas applicable aux litiges parce que ce texte international n'est pas applicable 89 00:06:48,225 --> 00:06:50,700 dans l'ordre juridique français". 90 00:06:50,730 --> 00:06:52,175 Quels sont les pouvoirs du juge ? 91 00:06:53,020 --> 00:06:59,675 Sachez que le juge administratif a toujours eu traditionnellement une certaine réticence 92 00:07:00,100 --> 00:07:02,925 à s'immiscer dans les relations internationales 93 00:07:03,320 --> 00:07:07,725 et dans les relations diplomatiques menées par le pouvoir exécutif français,  94 00:07:07,720 --> 00:07:10,700 soit le gouvernement ou même le Président de la République. 95 00:07:11,525 --> 00:07:19,350 Et c'est pourquoi il en déduit que si une question d'applicabilité se pose dans un litige, 96 00:07:19,720 --> 00:07:21,450 il est parfaitement en droit, 97 00:07:21,575 --> 00:07:28,925 il se reconnaît le pouvoir de vérifier l'existence et même d'apprécier la régularité 98 00:07:29,310 --> 00:07:33,125 du décret de publication au Journal Officiel, parce que ça, cela concerne 99 00:07:33,275 --> 00:07:36,675 un décret de publication au Journal Officiel de la République française. 100 00:07:37,940 --> 00:07:40,950 Donc cet acte peut être considéré comme détachable 101 00:07:40,950 --> 00:07:42,975 des relations diplomatiques de la France. 102 00:07:43,620 --> 00:07:45,725 En revanche, si devant lui,  103 00:07:46,200 --> 00:07:52,450 on conteste l'existence ou la régularité de la décision de ratification 104 00:07:53,000 --> 00:07:54,040 ou de l'acte d'approbation,  105 00:07:54,040 --> 00:07:57,240 à partir de ce moment-là le juge administratif estime 106 00:07:58,025 --> 00:08:03,120 qu'il lui revient de vérifier l'existence d'un décret de ratification. 107 00:08:03,300 --> 00:08:05,240 Il faut quand même qu'il voie  si le décret a bien été pris,  108 00:08:05,380 --> 00:08:10,720 sinon cette norme internationale n'est pas applicable en droit français,  109 00:08:11,200 --> 00:08:17,300 mais en revanche, il se refuse à apprécier la régularité d'un décret 110 00:08:17,575 --> 00:08:23,475 de ratification d'un traité ou d'une décision d'approbation d'un accord international. 111 00:08:26,050 --> 00:08:33,225 Et puis enfin, sachez que le juge administratif  accepte depuis une quinzaine d'années, 112 00:08:33,770 --> 00:08:39,950 si le justiciable lui en fait la demande, de contrôler si les conventions internationales 113 00:08:40,250 --> 00:08:45,200 entrant dans le champ d'application de l'article 53 de la Constitution, 114 00:08:45,970 --> 00:08:49,000 ont effectivement bien fait l'objet 115 00:08:49,175 --> 00:08:56,250 d'une autorisation préalable de la part du législateur, de la part du Parlement. 116 00:08:56,550 --> 00:09:03,100 Donc depuis un arrêt du Conseil d'État d'Assemblée du 18 décembre 1998, 117 00:09:03,625 --> 00:09:06,875 SARL du parc d'activités de Blotzheim,  118 00:09:07,175 --> 00:09:14,875 le juge administratif français accepte de vérifier si cette intervention, 119 00:09:14,870 --> 00:09:19,725 cette autorisation préalable du législateur est bien intervenue 120 00:09:19,720 --> 00:09:24,375 là où elle est rendue obligatoire par l'article 53 de la Constitution. 121 00:09:26,200 --> 00:09:27,800 Donc première condition, 122 00:09:28,100 --> 00:09:32,500 une existence attestée par une ratification ou une approbation. 123 00:09:32,620 --> 00:09:34,950 Deuxième condition, une publication. 124 00:09:35,410 --> 00:09:40,600 Troisième condition que l'on peut déduire de la lecture de l'article 55 de la Constitution, 125 00:09:40,825 --> 00:09:43,700 c'est ce qu'on appelle la clause de réciprocité. 126 00:09:44,740 --> 00:09:49,375 En effet, au nom du principe pacta sunt servanda,  127 00:09:49,650 --> 00:09:55,470 le droit international autorise un État à refuser d'exécuter ses engagements 128 00:09:56,125 --> 00:10:01,650 si l'autre partie contractante elle-même n'exécute pas ses propres obligations. 129 00:10:02,620 --> 00:10:04,250 Alors là aussi, le juge administratif   130 00:10:04,250 --> 00:10:07,275 a pendant très longtemps manifesté une très grande prudence 131 00:10:07,270 --> 00:10:13,225 et une très grande réserve et il considérait qu'il ne lui revenait pas de vérifier, 132 00:10:13,220 --> 00:10:16,975 d'apprécier les conditions pratiques 133 00:10:16,970 --> 00:10:20,325 d'exécution d'une convention internationale signée par la France, 134 00:10:20,320 --> 00:10:21,675 mais avec un État étranger. 135 00:10:21,940 --> 00:10:27,200 Vérifier si l'autre Etat, partie contractante, exécute bien chez lui ses obligations, 136 00:10:27,200 --> 00:10:28,700 le juge administratif français estimait 137 00:10:28,700 --> 00:10:33,375 que cela revenait à s'immiscer dans la politique intérieure d'un état étranger. 138 00:10:34,510 --> 00:10:39,775 Depuis un arrêt du Conseil d'État d'Assemblée du 9 juillet 2010, un arrêt Cheriet-Benseghir,  139 00:10:39,900 --> 00:10:43,875 le Conseil d'État a abandonné cette prudence traditionnelle 140 00:10:43,870 --> 00:10:50,350 et il estime que si le justiciable lui demande, il est en mesure de vérifier lui-même 141 00:10:50,350 --> 00:10:57,500 si la condition de réciprocité est bien ou mal ou non remplie. 142 00:10:59,400 --> 00:11:03,350 Mais sachez que pour les engagements internationaux,  143 00:11:04,450 --> 00:11:07,675 leur l'applicabilité dans l'ordre juridique français ne s'arrête pas là. 144 00:11:08,260 --> 00:11:11,975 En effet, le juge administratif français,  comme d'ailleurs le judiciaire,  145 00:11:12,350 --> 00:11:16,825 s'est autorisé à ajouter une condition supplémentaire à ces trois conditions 146 00:11:16,820 --> 00:11:19,825 prévues par l'article 55 de la Constitution. 147 00:11:20,380 --> 00:11:23,025 Il s'agit de la condition de l'effet direct. 148 00:11:24,650 --> 00:11:28,675 Cette condition est issue du droit américain et du droit international public 149 00:11:29,250 --> 00:11:33,770 et elle a en fait pour objectif d'empêcher,  dans l'ordre juridique interne, 150 00:11:34,200 --> 00:11:38,750 que les ressortissants, les justiciables, les individus 151 00:11:39,850 --> 00:11:44,850 puissent se prévaloir de règles insuffisamment juridiques,  152 00:11:45,300 --> 00:11:48,850 parce qu'en réalité, il s'agirait de règles internationales 153 00:11:48,850 --> 00:11:56,875 qui se contentent de proclamer de bonnes intentions, d'afficher de bonnes intentions. 154 00:11:58,070 --> 00:12:01,700 Depuis un arrêt du Conseil d'État d'Assemblée du 11 avril 2012, 155 00:12:02,200 --> 00:12:09,875 un arrêt Gisti et Fapil, le Conseil d'État considère qu'une stipulation internationale 156 00:12:10,600 --> 00:12:13,575 sera considérée comme ayant un effet direct 157 00:12:14,700 --> 00:12:20,250 si elle n'a pas pour objet exclusif de régir des relations entre États 158 00:12:20,800 --> 00:12:26,850 et si, conditions cumulatives, elle ne requiert  l'intervention d'aucun acte complémentaire 159 00:12:26,975 --> 00:12:30,100 pour produire des effets à l'égard des parties. 160 00:12:31,150 --> 00:12:36,050 Donc en présence d'une convention internationale, 161 00:12:36,050 --> 00:12:41,325 d'une disposition internationale, et si jamais un litige se noue devant lui, 162 00:12:41,810 --> 00:12:46,100 le juge administratif va vérifier si la norme internationale 163 00:12:46,100 --> 00:12:54,100 dont se prévalent les administrés comme les administrations, eh bien a bien un effet direct. 164 00:12:54,600 --> 00:12:59,300 Et il fait une analyse au cas par cas, stipulation par stipulation,  165 00:12:59,900 --> 00:13:02,500 disposition internationale par disposition internationale. 166 00:13:02,900 --> 00:13:09,700 Par exemple, l'article 3 paragraphe 2 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 167 00:13:10,075 --> 00:13:14,650 relative aux droits de l'enfant,  qui énonce que les États 168 00:13:14,650 --> 00:13:18,900 doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer protection et bien-être aux enfants,  169 00:13:19,850 --> 00:13:22,975 le juge administratif considère que cette disposition n'a pas d'effet direct 170 00:13:22,970 --> 00:13:26,175 parce qu'elle impose des obligations aux seuls États. 171 00:13:27,000 --> 00:13:30,025 En revanche, l'article 3 paragraphe 1 172 00:13:30,150 --> 00:13:35,725 qui demande de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant 173 00:13:36,200 --> 00:13:41,025 est une disposition qui est reconnue comme ayant un effet direct. 174 00:13:41,120 --> 00:13:46,875 Elle est donc d'applicabilité en droit français dans l'ordre juridique interne. 175 00:13:47,000 --> 00:13:51,880 Les individus, les administrés, les administrations 176 00:13:52,080 --> 00:13:59,150 peuvent se prévaloir et se fonder sur cette disposition pour réclamer des droits 177 00:13:59,150 --> 00:14:01,050 ou pour prendre des décisions. 178 00:14:02,630 --> 00:14:05,800 Toujours au titre du droit international  public, il nous reste à examiner 179 00:14:05,800 --> 00:14:09,525 la question de l'applicabilité des autres sources extra nationales. 180 00:14:09,520 --> 00:14:13,750 Alors pour rappelez-vous les actes internationaux de droit dérivé, 181 00:14:14,275 --> 00:14:19,650 il y a lieu de se référer à l'article 55 de la Constitution parce que le droit dérivé 182 00:14:19,650 --> 00:14:22,400 dérive des conventions internationales. 183 00:14:22,525 --> 00:14:26,475 Donc on estime que c'est les mêmes conditions que pour l'article 55, 184 00:14:26,470 --> 00:14:29,225 par exemple pour une résolution de l'ONU, il faut qu'elle existe, 185 00:14:29,220 --> 00:14:31,800 il faut qu'elle ait été publiée au Journal Officiel de la République française. 186 00:14:31,800 --> 00:14:33,475 A défaut, pas l'applicabilité. 187 00:14:34,225 --> 00:14:39,625 Pour le droit international non écrit, souvenez-vous, la coutume internationale,  188 00:14:39,750 --> 00:14:44,575 les principes généraux du droit international public, 189 00:14:44,810 --> 00:14:48,450 eh bien là aussi, comme pour les principes généraux de droit français, 190 00:14:48,650 --> 00:14:52,225 il n'y a pas évidemment d'acte officiel de naissance  191 00:14:52,220 --> 00:14:58,850 donc il ne peut pas y avoir ici de décision de ratification ou de mesure d'approbation. 192 00:14:58,850 --> 00:15:00,525 Cela n'a évidemment aucun sens. 193 00:15:00,530 --> 00:15:02,875 De la même manière qu'il ne peut pas y avoir un décret de publication 194 00:15:02,870 --> 00:15:05,200 d'une norme non écrite, par définition. 195 00:15:05,870 --> 00:15:13,350 Donc depuis un arrêt du Conseil d'État de section du 14 octobre 2011, un arrêt Saleh,  196 00:15:13,920 --> 00:15:18,500 on considère en droit français que l'applicabilité 197 00:15:19,610 --> 00:15:27,175 des normes internationales non écrites est à rattacher à l'alinéa 14 198 00:15:27,350 --> 00:15:32,625 du préambule de la Constitution de 1946,  alinéa 14 selon lequel je vous rappelle,  199 00:15:32,620 --> 00:15:35,750 la République française,  fidèle à ses traditions,  200 00:15:35,750 --> 00:15:38,825 se conforme aux règles du droit public international,  201 00:15:39,050 --> 00:15:42,100 pas simplement des traités et  accords, du droit public international. 202 00:15:43,110 --> 00:15:47,900 Et puis bien évidemment, comme il ne peut pas y avoir de décision de ratification 203 00:15:47,900 --> 00:15:52,175 ou d'acte de publication, on va considérer que la coutume internationale 204 00:15:52,220 --> 00:15:54,975 comme les principes généraux du droit international 205 00:15:55,375 --> 00:15:59,900 sont présumés être d'applicabilité directe dans l'ordre juridique français 206 00:15:59,950 --> 00:16:05,100 sur le fondement du quatorzième alinéa du préambule de 1946. 207 00:16:06,290 --> 00:16:09,325 Venons-en maintenant à la question de l'applicabilité plus spécifique 208 00:16:09,320 --> 00:16:11,925 du droit de l'Union européenne. 209 00:16:14,270 --> 00:16:16,975 En effet, le droit de l'Union européenne doit être mise à part, 210 00:16:17,120 --> 00:16:24,200 car au nom de processus d'intégration,  le droit de l'Union européenne 211 00:16:24,200 --> 00:16:33,775 accorde à ces normes une aptitude générale à produire virtuellement de très larges effets 212 00:16:34,150 --> 00:16:40,050 au cœur même de chacun des ordres juridiques des États membres de l'Union européenne. 213 00:16:41,850 --> 00:16:47,925 Le droit à l'Union européenne a vocation à être une source immédiate du droit 214 00:16:48,125 --> 00:16:52,950 pour l'ensemble des citoyens européens,  pour l'ensemble des ressortissants européens, 215 00:16:53,075 --> 00:16:56,025 particuliers, entreprises,  autorités publiques. 216 00:16:56,950 --> 00:16:58,500 Pendant très longtemps,  217 00:16:59,125 --> 00:17:06,475 cette applicabilité était rattachée à l'article 55 de la Constitution, 218 00:17:07,925 --> 00:17:10,550 mais avec le temps, il est apparu que cet article 219 00:17:10,650 --> 00:17:13,975 était très mal adapté au droit de l'Union européenne. 220 00:17:14,520 --> 00:17:16,700 Je vous rappelle que l'article  55, on vient de le voir, 221 00:17:16,700 --> 00:17:20,600 ne parle que des traités et accords régulièrement ratifiés, mais on l'a vu ensemble, 222 00:17:20,600 --> 00:17:23,250 le droit de l'Union européenne ne se limite pas à des traités. 223 00:17:23,850 --> 00:17:30,875 Donc ce fondement juridique n'était pas satisfaisant, donc désormais, 224 00:17:31,425 --> 00:17:38,725 pour déterminer, pour justifier, pour fonder l'applicabilité du droit de l'Union européenne 225 00:17:38,720 --> 00:17:46,450 dans l'ordre juridique interne, on se fonde sur l'article 88-1 de la Constitution, rappelez-vous, 226 00:17:46,450 --> 00:17:50,850 cet article qui a été introduit à l'occasion de la révision constitutionnelle de 1992 227 00:17:50,880 --> 00:17:52,775 suite à l'adoption du traité de Maastricht 228 00:17:52,770 --> 00:17:57,625 et article qui dit que la France participe à la construction européenne. 229 00:17:58,300 --> 00:18:03,250 Alors s'agissant des traités européens, 230 00:18:03,250 --> 00:18:07,525 là on retrouve les mêmes conditions que pour n'importe quel traité,  231 00:18:07,850 --> 00:18:10,475 y compris la condition de l'effet direct. 232 00:18:11,760 --> 00:18:16,075 Rappelez-vous l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne 233 00:18:16,150 --> 00:18:20,175 définit par ailleurs le règlement européen comme un acte général,  234 00:18:20,170 --> 00:18:23,175 obligatoire et directement applicable dans tout État membre. 235 00:18:23,170 --> 00:18:25,350 Donc là ici, pas de difficulté. 236 00:18:25,500 --> 00:18:28,720 Le juge français, comme les autres États membres, 237 00:18:28,900 --> 00:18:37,340 en a toujours déduit que le règlement européen était d'application immédiate et d'effet direct,  238 00:18:38,325 --> 00:18:40,300 c'est le texte même du traité qui le dit. 239 00:18:40,700 --> 00:18:46,400 Autrement dit, un règlement européen entre en vigueur par sa seule publication,  240 00:18:46,525 --> 00:18:49,000 non pas d'ailleurs au Journal Officiel de la République française, 241 00:18:49,075 --> 00:18:51,275 mais au Journal Officiel de l'Union européenne. 242 00:18:52,440 --> 00:18:56,125 Et une fois qu'il est publié au Journal Officiel de l'Union européenne, 243 00:18:56,120 --> 00:18:59,500 il se substitue immédiatement aux législations 244 00:18:59,500 --> 00:19:01,625 et aux règlementations nationales. 245 00:19:02,120 --> 00:19:06,800 D'ailleurs il en va à peu près de même pour les décisions. 246 00:19:08,390 --> 00:19:12,050 S'agissant des directives, la situation est un peu différente. 247 00:19:12,440 --> 00:19:15,425 Je vous rappelle qu'à la différence des règlements, 248 00:19:15,670 --> 00:19:19,625 l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne 249 00:19:19,900 --> 00:19:24,500 impose seulement aux États membres, dans un délai imparti,  250 00:19:25,150 --> 00:19:31,200 de transposer les objectifs d'une directive dans une règle nationale. 251 00:19:33,250 --> 00:19:37,350 Pendant très longtemps, le juge administratif français en a déduit 252 00:19:37,350 --> 00:19:43,200 que la directive était le type même de l'acte international dépourvu d'effet direct 253 00:19:44,000 --> 00:19:48,500 puisque précisément, pour produire effet dans l'ordre juridique français,  254 00:19:48,670 --> 00:19:54,975 il doit avoir préalablement été transposé,  transposé dans une loi ou dans un règlement, 255 00:19:55,000 --> 00:19:58,250 tout dépend de l'organe compétent en droit français. 256 00:19:58,250 --> 00:20:03,950 Mais donc il faut un processus de réception, un acte de transposition. 257 00:20:03,950 --> 00:20:08,075 C'est le traité lui-même qui le dit. 258 00:20:09,200 --> 00:20:13,950 Et c'est la position que le Conseil d'État avait adoptée dans une très célèbre affaire, 259 00:20:14,125 --> 00:20:17,950 un arrêt du Conseil d'Assemblée du 22 décembre 1978, 260 00:20:17,950 --> 00:20:22,375 un arrêt ministre de l'Intérieur contre Daniel Cohn-Bendit. 261 00:20:24,450 --> 00:20:26,125 Cette décision est restée fameuse. 262 00:20:26,120 --> 00:20:29,400 Elle est restée fameuse pour une raison précise en réalité,  263 00:20:29,670 --> 00:20:35,125 c'est qu'en 1978 de manière totalement délibérée et consciente, 264 00:20:35,400 --> 00:20:41,025 le Conseil d'État avait ignoré une jurisprudence beaucoup plus évolutive 265 00:20:41,020 --> 00:20:43,550 et beaucoup plus constructive et beaucoup plus originale, 266 00:20:43,800 --> 00:20:48,025 au même moment, de la Cour de justice des Communautés européennes,  267 00:20:48,020 --> 00:20:51,875 comme on l'appelait à l'époque,  la CJCE devenue CJUE. 268 00:20:52,530 --> 00:20:55,100 Parce qu'en effet, la Cour de justice de l'Union européenne 269 00:20:56,260 --> 00:21:01,160 était confrontée à des hypothèses où les États membres, la France notamment, 270 00:21:01,550 --> 00:21:08,675 tardait à transposer les directives,  voire ne les transposait jamais. 271 00:21:10,025 --> 00:21:15,375 Face à cette inertie, voire à ce mauvais vouloir d'un État membre,  272 00:21:15,750 --> 00:21:24,325 la Cour de justice de Luxembourg avait inventé une jurisprudence 273 00:21:24,325 --> 00:21:29,375 au terme de laquelle les particuliers pouvaient tout de même se prévaloir, 274 00:21:30,275 --> 00:21:36,150 une fois le délai de transposition expiré, des dispositions d'une directive 275 00:21:36,350 --> 00:21:39,175 dès lors qu'elles étaient suffisamment précises et inconditionnelles. 276 00:21:40,860 --> 00:21:46,800 Et dans l'arrêt Cohn-Bendit de 1978, le Conseil d'État n'a pas adopté cette nuance. 277 00:21:46,850 --> 00:21:50,300 Il a dit de manière toute simple,  les directives européennes, 278 00:21:51,325 --> 00:21:54,525 si elles n'ont pas été transposées,  n'ont pas d'effet direct en droit français. 279 00:21:57,160 --> 00:22:00,250 Alors l'arrêt Cohn-Bendit a longtemps été un exemple d'un arrêt 280 00:22:00,250 --> 00:22:04,180 par lequel le Conseil d'État se démarquait de l'ordre juridique européen. 281 00:22:04,390 --> 00:22:08,500 Cela même été souvent considéré comme un acte de résistance 282 00:22:09,625 --> 00:22:14,125 à la jurisprudence de la Cour de justice de Luxembourg. 283 00:22:15,530 --> 00:22:19,925 Le droit français a mis longtemps à évoluer, mais il a fini par évoluer. 284 00:22:19,920 --> 00:22:23,900 Et le Conseil d'État a fini par opérer son revirement de jurisprudence. 285 00:22:24,290 --> 00:22:25,150 Il a été long à venir. 286 00:22:25,150 --> 00:22:26,000 Il a tardé à venir 287 00:22:26,000 --> 00:22:30,825 puisqu'il faut attendre un arrêt du Conseil d'Etat d'Assemblée du 30 octobre 2009, 288 00:22:31,000 --> 00:22:34,850 un arrêt Mme Perreux, 30 octobre 2009.  289 00:22:35,550 --> 00:22:41,250 78 -2009, vous voyez que le Conseil d'État a mis du temps à abandonner sa jurisprudence. 290 00:22:41,400 --> 00:22:43,950 Aujourd'hui, au terme de cette jurisprudence 291 00:22:44,100 --> 00:22:46,800 que je me permets de citer parce qu'elle est explicite,  292 00:22:47,850 --> 00:22:48,975 le Conseil d'État nous dit 293 00:22:49,175 --> 00:22:52,450 que la transposition en droit interne des directives communautaires, 294 00:22:52,625 --> 00:22:56,275 qui est une obligation, résultant du traité instituant la communauté européenne, 295 00:22:56,270 --> 00:23:00,050 revêt en outre, en vertu de l'article 88-1 de la Constitution,  296 00:23:00,175 --> 00:23:03,100 le caractère de l'obligation constitutionnelle, 297 00:23:03,850 --> 00:23:07,350 que par conséquent, tout justiciable peut se prévaloir,  298 00:23:07,700 --> 00:23:10,900 à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire,  299 00:23:11,375 --> 00:23:15,425 des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive 300 00:23:15,800 --> 00:23:19,600 lorsque l'État n'a pas pris dans les délais impartis par celle-ci 301 00:23:19,850 --> 00:23:23,100 les mesures de transposition nécessaires.