1 00:00:05,830 --> 00:00:06,630 Bonjour à tous. 2 00:00:06,830 --> 00:00:08,950 Nous envisageons donc à présent un troisième paragraphe, 3 00:00:09,150 --> 00:00:13,750 toujours dans cette section relative à l'équité, consacrée à la motivation 4 00:00:14,170 --> 00:00:16,870 des décisions de justice et la motivation plus largement en procédure 5 00:00:17,070 --> 00:00:17,830 pénale. 6 00:00:18,030 --> 00:00:22,900 Alors, je reviendrai d'abord sur la signification de ce principe 7 00:00:23,800 --> 00:00:25,570 de motivation, de cette exigence. 8 00:00:25,770 --> 00:00:27,520 Nous envisagerons ensuite des applications.  9 00:00:29,230 --> 00:00:29,990 A. 10 00:00:30,190 --> 00:00:30,950 Significations. 11 00:00:31,150 --> 00:00:33,730 Avec une remarque préliminaire qui tient au fait d'abord que les 12 00:00:33,930 --> 00:00:37,000 motifs véritablement imprègnent la procédure pénale. 13 00:00:37,570 --> 00:00:40,390 Que l'on soit au stade de la garde à vue, que l'on soit au stade de 14 00:00:40,590 --> 00:00:43,780 la détention provisoire, au stade de l'emprisonnement ferme, 15 00:00:44,050 --> 00:00:46,540 les motifs sont de plus en plus détaillés, développés, 16 00:00:46,740 --> 00:00:47,500 précis. 17 00:00:48,610 --> 00:00:51,670 L'emprisonnement ferme doit être particulièrement motivé. 18 00:00:52,180 --> 00:00:56,500 La détention provisoire, les motifs se trouvent à l'article 144. 19 00:00:56,700 --> 00:00:58,450 On en a beaucoup parlé dans le cadre de l'affaire Palmade. 20 00:00:59,050 --> 00:01:05,530 La garde à vue, nous le verrons, a été réformée en 2011 avec une 21 00:01:05,730 --> 00:01:10,240 motivation renforcée qui se calque sur une logique similaire à celle 22 00:01:10,900 --> 00:01:13,060 qui peut exister en matière de détention provisoire. 23 00:01:13,260 --> 00:01:23,800 Évidemment, plus vous exigez une 24 00:01:24,000 --> 00:01:27,370 motivation précise de ces procédés, plus l'objectif poursuivi par 25 00:01:27,570 --> 00:01:29,680 législateur est d'éviter au maximum ces procédés. 26 00:01:29,880 --> 00:01:33,850 Évidemment, la détention provisoire, la garde à vue considérée parfois 27 00:01:34,050 --> 00:01:36,970 dans certaines hypothèses comme étant abusive, l'emprisonnement 28 00:01:37,170 --> 00:01:39,400 ferme – vous savez qu'on cherche aujourd'hui beaucoup d'alternatives 29 00:01:39,600 --> 00:01:43,420 à l'incarcération pour plus de réinsertion, mais aussi pour lutter 30 00:01:43,620 --> 00:01:44,980 contre la surpopulation carcérale. 31 00:01:45,180 --> 00:01:49,360 Donc c'est l'idée qu'il y a un véritable enjeu derrière cela. 32 00:01:50,080 --> 00:01:54,490 Nous verrons aussi qu'aujourd'hui, la question de la motivation se 33 00:01:54,690 --> 00:01:58,150 pose avec une particulière acuité en matière d'actes d'investigation. 34 00:01:58,350 --> 00:02:01,540 Nous reviendrons beaucoup sur les actes d'investigation dans le cadre 35 00:02:01,740 --> 00:02:02,830 de l'enquête pénale. 36 00:02:04,090 --> 00:02:08,680 Vous avez donc certaines dispositions qui ont été renforcées ces dernières 37 00:02:08,880 --> 00:02:13,510 années, conduisant le juge des libertés et de la détention qui 38 00:02:13,710 --> 00:02:18,070 contrôle certains de ces actes à motiver davantage ses ordonnances. 39 00:02:18,310 --> 00:02:20,410 Je prends l'exemple des perquisitions pénales. 40 00:02:20,710 --> 00:02:25,120 Les perquisitions pénales qui peuvent être réalisées de nuit doivent 41 00:02:25,320 --> 00:02:28,780 être aujourd'hui motivées par une ordonnance motivée en fait et en 42 00:02:28,980 --> 00:02:33,070 droit au regard de la nécessité de l'acte, mais aussi par la 43 00:02:33,270 --> 00:02:37,390 démonstration de l'impossibilité de réaliser de jour l'opération. 44 00:02:37,590 --> 00:02:42,040 Autrement dit, vous devez démontrer en quoi l'opération devait 45 00:02:42,240 --> 00:02:43,930 nécessairement se réaliser de nuit. 46 00:02:44,130 --> 00:02:48,250 Donc, une forme de subsidiarité ici qui rend plus difficile la 47 00:02:48,450 --> 00:02:50,500 mise en œuvre de ce dispositif. 48 00:02:50,740 --> 00:02:54,880 Et globalement, nous le verrons, de façon générale, les dispositions 49 00:02:55,080 --> 00:02:58,960 sont peu à peu renforcées, la difficulté étant que ces actes-là 50 00:02:59,160 --> 00:03:02,410 se sont superposés au fil des réformes, sans que les législateurs prennent 51 00:03:02,610 --> 00:03:06,820 toujours le soin d'harmoniser les exigences de motivation. 52 00:03:07,060 --> 00:03:09,460 Je prends l'exemple des écoutes téléphoniques qui ont été introduites 53 00:03:09,660 --> 00:03:10,720 en 1991. 54 00:03:11,260 --> 00:03:14,800 Jusqu'à récemment, les écoutes téléphoniques n'étaient décidées 55 00:03:15,000 --> 00:03:17,290 que par une décision écrite, nous disait le code, 56 00:03:17,530 --> 00:03:19,510 sans forcément de motivation précise. 57 00:03:19,810 --> 00:03:23,080 Nous verrons plus tard que cette motivation aujourd'hui a été renforcée. 58 00:03:23,920 --> 00:03:28,420 Par ailleurs, la motivation du JLD aujourd'hui doit être plus précise. 59 00:03:28,750 --> 00:03:33,430 La Cour de cassation sanctionne désormais la pratique consistant 60 00:03:33,630 --> 00:03:38,590 pour les JLD à faire des copier/coller des réquisitions du parquet, 61 00:03:38,790 --> 00:03:43,060 c'est-à-dire que le parquet demandait un acte, le JLD l'accordait en 62 00:03:43,260 --> 00:03:47,020 reprenant mot pour mot la réquisition, parfois même avec les fautes qui 63 00:03:47,220 --> 00:03:48,280 pouvaient exister. 64 00:03:48,820 --> 00:03:53,080 Aujourd'hui et sous influence européenne, la Cour de cassation 65 00:03:53,280 --> 00:03:55,840 exige une motivation précise des ordonnances du JLD. 66 00:03:56,040 --> 00:03:58,640 Bref, tout Cela pour vous dire – c'est cette remarque préliminaire 67 00:03:58,840 --> 00:04:01,870 – que vous avez un certain nombre d'actes qui supposent aujourd'hui 68 00:04:02,070 --> 00:04:05,710 une motivation particulièrement renforcée, là où en revanche, 69 00:04:05,910 --> 00:04:09,450 les mesures alternatives aux poursuites que nous étudierons ne supposent pas, 70 00:04:09,650 --> 00:04:11,080 elles, de motivation. 71 00:04:11,280 --> 00:04:14,560 Donc, c'est l'idée finalement, qu'il y a un véritable enjeu derrière 72 00:04:14,760 --> 00:04:19,600 cela, un enjeu de politique criminelle, une motivation utilisée par le 73 00:04:19,800 --> 00:04:22,630 législateur en fonction de la politique criminelle qu'il souhaite mener. 74 00:04:22,830 --> 00:04:26,320 Souhaite-t-il mettre en œuvre plus facilement un tel dispositif ? 75 00:04:26,520 --> 00:04:29,020 Alors, il sera moins exigeant en termes de motivation. 76 00:04:29,470 --> 00:04:33,100 Tel est le cas notamment avec les procédures alternatives, 77 00:04:33,300 --> 00:04:36,160 puisqu'on sait qu'aujourd'hui, la très forte tendance en procédure 78 00:04:36,360 --> 00:04:41,680 pénale est celle de la déjudiciarisation, la 79 00:04:41,880 --> 00:04:43,900 contractualisation aussi de la justice. 80 00:04:44,100 --> 00:04:46,660 Vous avez d'ailleurs un colloque organisé à la Cour de cassation 81 00:04:47,260 --> 00:04:51,370 le 13 mars 2023 sur la contractualisation du procès pénal, 82 00:04:51,910 --> 00:04:57,640 déploiement de ces mesures alternatives et donc forcément, si l'on souhaite 83 00:04:57,840 --> 00:05:01,810 les mettre facilement en œuvre, il faut pouvoir alléger les conditions 84 00:05:02,010 --> 00:05:06,640 procédurales et cela passe notamment par la moindre motivation en la 85 00:05:06,840 --> 00:05:07,600 matière. 86 00:05:08,140 --> 00:05:12,770 Alors, au-delà de cette remarque préliminaire, que signifie cette 87 00:05:13,060 --> 00:05:14,350 obligation de motivation ? 88 00:05:14,550 --> 00:05:17,980 D'abord, rappeler que cette obligation de motiver les décisions de justice 89 00:05:18,460 --> 00:05:20,860 découle d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme 90 00:05:21,060 --> 00:05:29,650 en date du 19 avril 1994, Arrêt Van de Hurk contre Pays-Bas. 91 00:05:31,470 --> 00:05:34,510 Elle affirme cette exigence, mais elle précise quand même que 92 00:05:34,710 --> 00:05:37,660 "cette obligation", je cite,"ne peut se comprendre comme exigeant 93 00:05:37,860 --> 00:05:39,660 une réponse détaillée à chaque argument". 94 00:05:39,860 --> 00:05:43,090 Donc, ce qu'il faut retenir, c'est que c'est quand même une 95 00:05:43,290 --> 00:05:48,550 exigence européenne qui est empreinte de pragmatisme, évidemment. 96 00:05:49,090 --> 00:05:51,400 Nous le verrons en matière criminelle, par exemple. 97 00:05:52,390 --> 00:05:54,100 Alors, quelles sont les justifications de cela ? 98 00:05:56,290 --> 00:06:01,090 Quelles sont les justifications de cette exigence de motivation ? 99 00:06:01,690 --> 00:06:04,920 La motivation d'abord, est une garantie contre l'arbitraire. 100 00:06:05,120 --> 00:06:05,880 C'est très important. 101 00:06:06,080 --> 00:06:12,730 En effet, cette motivation oblige le juge à retracer son raisonnement, 102 00:06:12,930 --> 00:06:13,990 donc à délibérer. 103 00:06:14,740 --> 00:06:19,030 En outre, observons que lors d'un appel, la motivation est une condition 104 00:06:19,230 --> 00:06:21,250 nécessaire pour l'exercice des droits de la défense, 105 00:06:21,640 --> 00:06:24,640 puisqu'en ignorant les motifs de l'arrêt, il est difficile de le 106 00:06:24,840 --> 00:06:27,100 contester et d'identifier une éventuelle erreur de jugement. 107 00:06:27,300 --> 00:06:31,750 Donc, il faut bien connaître les motifs pour pouvoir les contester. 108 00:06:32,560 --> 00:06:38,230 Puis par ailleurs, troisième considération, seule une motivation 109 00:06:38,430 --> 00:06:41,530 circonstanciée, mais la Cour de cassation en mesure d'exercer un 110 00:06:41,730 --> 00:06:43,630 véritable contrôle de légalité. 111 00:06:44,570 --> 00:06:48,280 Puis enfin, dernière observation, cette motivation est aussi la 112 00:06:48,480 --> 00:06:53,500 manifestation d'une justice pédagogue, d'une justice qui entend faire 113 00:06:53,700 --> 00:06:58,300 œuvre de pédagogie de façon à faire mieux accepter les décisions de 114 00:06:58,500 --> 00:06:59,260 justice. 115 00:06:59,460 --> 00:07:03,760 Nous le verrons, c'est assez marquant avec l'évolution relevée en matière 116 00:07:03,960 --> 00:07:04,720 criminelle. 117 00:07:04,920 --> 00:07:08,590 Donc faire œuvre de pédagogie, faire rendre la justice plus 118 00:07:08,790 --> 00:07:09,550 accessible. 119 00:07:09,750 --> 00:07:14,610 Évidemment, on peut mettre cela aussi en lien avec la réforme de 120 00:07:16,750 --> 00:07:22,990 la nouvelle motivation des décisions, la motivation enrichie des décisions 121 00:07:23,190 --> 00:07:28,240 de justice : objectif de clarté, de pédagogie, d'accessibilité du 122 00:07:28,440 --> 00:07:33,310 droit pour tous les justiciables, objectif corroboré par la mise 123 00:07:33,510 --> 00:07:36,040 en place de l'open data, les décisions de justice rendant 124 00:07:36,760 --> 00:07:39,130 ainsi cet accès plus facile. 125 00:07:40,120 --> 00:07:42,370 Alors, quelle est ensuite la portée de cette motivation ? 126 00:07:43,030 --> 00:07:46,750 Nous allons ici distinguer la matière correctionnelle et la matière 127 00:07:46,950 --> 00:07:47,710 criminelle. 128 00:07:47,910 --> 00:07:53,380 D'abord, 1, s'agissant de la matière correctionnelle, relevons que depuis 129 00:07:53,580 --> 00:07:56,410 la loi du 15 août 2014, dite la loi Taubira, 130 00:07:56,800 --> 00:08:02,650 l'article 132-1 du Code pénal prévoit expressément que "toute peine prononcée 131 00:08:02,850 --> 00:08:04,960 par la juridiction doit être individualisée". 132 00:08:05,740 --> 00:08:08,410 Le texte précise que "dans les limites fixées par la loi, 133 00:08:08,710 --> 00:08:12,250 la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines 134 00:08:12,450 --> 00:08:15,040 prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et 135 00:08:15,240 --> 00:08:18,970 de la personnalité de son auteur, ainsi que de sa situation matérielle, 136 00:08:19,170 --> 00:08:22,300 familiale et sociale, conformément aux finalités de la 137 00:08:22,500 --> 00:08:27,220 peine énoncées à l'article 130-1 du Code pénal, à savoir sanctionner 138 00:08:27,420 --> 00:08:31,390 l'auteur de l'infraction et favoriser son amendement, son insertion ou 139 00:08:31,590 --> 00:08:32,530 sa réinsertion". 140 00:08:33,940 --> 00:08:37,450 Mais la difficulté tenait au fait que le Code pénal ne prévoyait 141 00:08:37,650 --> 00:08:40,690 une obligation de motivation spéciale que pour les peines d'emprisonnement 142 00:08:40,890 --> 00:08:45,610 ferme, donc à l'article 132-19 du Code pénal. 143 00:08:46,270 --> 00:08:48,970 Lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine d'emprisonnement 144 00:08:49,170 --> 00:08:52,300 sans sursis et ne faisant pas l'objet d'une des mesures d'aménagement 145 00:08:52,500 --> 00:08:56,020 prévues aux sous-sections 1 et 2, il doit spécialement motiver sa 146 00:08:56,220 --> 00:08:58,270 décision au regard des faits de l'espèce et de la personnalité 147 00:08:58,470 --> 00:09:00,280 de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, 148 00:09:00,610 --> 00:09:01,720 familiale et sociale. 149 00:09:01,920 --> 00:09:08,920 Donc, en matière d'amende, le texte évoquait à l'article 132-20  150 00:09:09,400 --> 00:09:12,190 que "le montant de l'amende est déterminé en tenant compte des 151 00:09:12,390 --> 00:09:16,390 ressources et des charges de l'auteur de l'infraction". 152 00:09:16,810 --> 00:09:19,280 La Cour de cassation estimait par le passé que seul l'emprisonnement 153 00:09:19,480 --> 00:09:21,310 ferme devait être motivé spécialement. 154 00:09:23,440 --> 00:09:28,840 Sauf que la Cour a évolué sur ce sujet et il faut avoir en tête 155 00:09:29,040 --> 00:09:32,940 trois arrêts importants, trois arrêts en date du 1ᵉʳ février 156 00:09:33,140 --> 00:09:42,040 2017, pourvoi numéro 15-83.984, pourvoi numéro 15-85.199 et pourvoi 157 00:09:42,240 --> 00:09:43,000 numéro 15-84.511. 158 00:09:44,920 --> 00:09:48,220 Ces trois arrêts en effet du 1ᵉʳ février 2017 ont remis en cause 159 00:09:48,420 --> 00:09:49,810 cette position de principe. 160 00:09:50,530 --> 00:09:56,590 Dans la première affaire, numéro 15-83.984, les prévenues 161 00:09:56,790 --> 00:09:59,110 étaient poursuivies pour recel et blanchiment d'extorsion. 162 00:09:59,310 --> 00:10:02,570 Elles avaient subit une aggravation conséquente de la peine d'amende 163 00:10:02,770 --> 00:10:06,410 prononcée à leur encontre, puisque le montant était passé 164 00:10:06,610 --> 00:10:11,990 de 5 000 € en première instance à respectivement 50 000 et 30 000 165 00:10:12,190 --> 00:10:13,010 € en appel. 166 00:10:13,210 --> 00:10:18,140 La chambre criminelle énonce par une formule générale "qu'en matière 167 00:10:18,340 --> 00:10:22,130 correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision 168 00:10:22,330 --> 00:10:25,550 au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité 169 00:10:25,940 --> 00:10:28,760 et de la situation personnelle de l'auteur, en tenant compte de 170 00:10:28,960 --> 00:10:30,710 ses ressources et de ses charges". 171 00:10:31,340 --> 00:10:37,760 L'arrêt d'appel est cassé au visa des articles 132-20 et 132-1 du 172 00:10:37,960 --> 00:10:44,270 Code pénal, 485 et 512 du CPP, faute pour les juges du fond d'avoir 173 00:10:44,470 --> 00:10:46,070 suffisamment justifié leur décision. 174 00:10:46,820 --> 00:10:54,230 Le deuxième arrêt – numéro 15-84.511 – consacre la même solution s'agissant 175 00:10:54,430 --> 00:10:57,920 d'une peine d'inéligibilité prononcée contre un élu en matière de 176 00:10:58,120 --> 00:11:00,920 diffamation, peine qui, cette fois en l'espèce, 177 00:11:01,120 --> 00:11:02,360 était suffisamment motivée. 178 00:11:02,900 --> 00:11:08,720 Le troisième arrêt enfin – numéro 15-85.199 – reprend la même formule 179 00:11:08,920 --> 00:11:12,920 concernant une peine d'interdiction de gérer prononcée contre un dirigeant 180 00:11:13,120 --> 00:11:17,210 en matière d'abus de biens sociaux, suffisamment justifiée au regard 181 00:11:17,410 --> 00:11:24,320 de l'exigence résultant des articles 132-1 du Code pénal et 485 du Code 182 00:11:24,520 --> 00:11:28,730 de procédure selon laquelle, en matière correctionnelle, 183 00:11:28,930 --> 00:11:31,790 toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, 184 00:11:32,180 --> 00:11:35,390 de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle. 185 00:11:35,960 --> 00:11:39,410 C'est un apport fondamental puisque la Cour de cassation pose une 186 00:11:39,610 --> 00:11:42,770 obligation de motivation de toutes les peines principales comme 187 00:11:42,970 --> 00:11:45,500 complémentaires prononcées en matière correctionnelle. 188 00:11:46,580 --> 00:11:51,440 Cette solution finalement, est conforme à l'objectif 189 00:11:51,640 --> 00:11:55,760 d'individualisation des peines poursuivi par le législateur en 2014. 190 00:11:55,960 --> 00:12:01,550 Donc, ces décisions ont représenté une avancée véritablement majeure. 191 00:12:02,420 --> 00:12:06,230 Alors, qu'en est-il ensuite, 2, en matière criminelle ? 192 00:12:07,430 --> 00:12:11,510 La question posée est celle de la motivation cette fois des arrêts 193 00:12:11,710 --> 00:12:13,070 d'assises, des arrêts de Cour d'assises. 194 00:12:13,270 --> 00:12:17,870 Alors, revenons d'abord sur les exigences européennes. 195 00:12:20,210 --> 00:12:26,150 Les exigences européennes dans un arrêt Taxquet contre Belgique 196 00:12:26,390 --> 00:12:30,620 en date du 13 janvier 2009, la Cour européenne a considéré 197 00:12:30,820 --> 00:12:34,700 que l'absence de motivation des arrêts de Cour d'assises constitue 198 00:12:34,900 --> 00:12:37,010 une violation du procès équitable. 199 00:12:37,210 --> 00:12:42,050 Or, malgré cela, la Cour de cassation, la chambre criminelle estimait 200 00:12:42,590 --> 00:12:46,940 alors par exemple, le 14 octobre 2009, donc peu après, le 20 janvier 2010, 201 00:12:47,210 --> 00:12:50,570 que l'arrêt d'assises, l'arrêt de Cour d'assises satisfaisait 202 00:12:50,770 --> 00:12:53,030 aux exigences légales et conventionnelles. 203 00:12:53,570 --> 00:12:57,590 Alors retraçons ici toute une véritable épopée. 204 00:12:59,000 --> 00:13:00,770 Il y a eu un véritable bras de fer. 205 00:13:01,490 --> 00:13:05,270 La Cour de cassation d'abord, le 4 juin 2010, par cette décision, 206 00:13:05,470 --> 00:13:09,650 a refusé la transmission de QPC contestant la constitutionnalité 207 00:13:09,850 --> 00:13:17,060 de dispositions des articles 349, 350, 353 et 357 au regard des articles 208 00:13:17,260 --> 00:13:20,000 7, 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme. 209 00:13:20,200 --> 00:13:24,530 Entre-temps, les circonstances ont changé puisque la Cour Européenne 210 00:13:24,730 --> 00:13:28,790 des Droits de l'Homme de son côté, a rendu son arrêt en grande chambre 211 00:13:29,000 --> 00:13:32,270 dans la même affaire, l'affaire Taxquet contre Belgique. 212 00:13:32,470 --> 00:13:35,960 Donc, c'est un arrêt du 16 novembre 2010. 213 00:13:36,160 --> 00:13:40,190 A partir de là, certaines juridictions, comme par exemple la Cour d'assises 214 00:13:40,520 --> 00:13:44,900 du Pas-de-Calais le 24 novembre 2010, ont pris l'initiative d'appliquer 215 00:13:45,100 --> 00:13:46,610 la jurisprudence européenne. 216 00:13:46,810 --> 00:13:52,490 Finalement, par deux arrêts du 19 janvier 2011, la Chambre criminelle 217 00:13:52,690 --> 00:13:57,200 acceptait de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC portant 218 00:13:57,400 --> 00:14:00,920 sur la motivation des arrêts d'assises en jugeant que la question soulevée 219 00:14:01,120 --> 00:14:03,650 était nouvelle au regard de changement de circonstances. 220 00:14:04,730 --> 00:14:09,290 Dans une décision du 1ᵉʳ avril 2011, le Conseil constitutionnel saisi 221 00:14:09,490 --> 00:14:13,580 des QPC refusa cependant de censurer des dispositions contestées en 222 00:14:13,780 --> 00:14:17,630 mettant en avant les garanties procédurales entourant le prononcé 223 00:14:17,830 --> 00:14:18,860 des verdicts d'assises. 224 00:14:20,060 --> 00:14:23,660 Puis finalement, est intervenue la loi du 10 août 2011 sur la 225 00:14:23,860 --> 00:14:26,450 participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale 226 00:14:26,650 --> 00:14:29,750 et le jugement des mineurs, en insérant dans notre Code de 227 00:14:29,950 --> 00:14:35,480 procédure pénale un article 365-1, prévoyant que le Président de la 228 00:14:35,680 --> 00:14:40,040 Cour ou l'un de ses assesseurs doit motiver l'arrêt et le texte 229 00:14:40,460 --> 00:14:44,030 impose l'énonciation des principales raisons qui, pour chacun des faits 230 00:14:44,230 --> 00:14:47,540 reprochés à l'accusé, ont convaincu la Cour d'assises. 231 00:14:47,990 --> 00:14:52,040 Ces éléments doivent être récapitulés sur la feuille de motivation et 232 00:14:52,240 --> 00:14:55,880 la motivation doit concerner toutes les décisions et ne peut se substituer 233 00:14:56,600 --> 00:14:58,970 aux réponses à l'époque données par la Cour et le jury, 234 00:14:59,170 --> 00:15:02,000 donc aux questions posées à l'issue des débats. 235 00:15:03,680 --> 00:15:09,170 Par la suite, la Cour européenne a validé le dispositif dans cinq 236 00:15:09,370 --> 00:15:13,970 arrêts rendus le 10 janvier 2013, notamment deux arrêt, 237 00:15:14,180 --> 00:15:22,700 Agnelet contre France et Legillon contre France, 10 janvier 2013. 238 00:15:22,900 --> 00:15:26,750 Alors, je signale ces arrêts parce qu'encore une fois, ils ont permis 239 00:15:26,950 --> 00:15:30,950 de valider le dispositif et puis surtout, ils nous permettent de 240 00:15:31,150 --> 00:15:32,930 mesurer la portée de la motivation. 241 00:15:33,260 --> 00:15:38,420 En réalité – j'évoquais tout à l'heure le pragmatisme européen 242 00:15:38,620 --> 00:15:42,380 – il suffit que l'accusé puisse comprendre les raisons de sa 243 00:15:42,580 --> 00:15:46,010 condamnation au regard des éléments de preuve et des circonstances 244 00:15:46,210 --> 00:15:49,910 de fait qui ont déterminé la réponse des jurés aux questions, 245 00:15:50,420 --> 00:15:53,180 questions qui, par ailleurs, doivent être précises et 246 00:15:53,380 --> 00:15:54,140 individualisées. 247 00:15:54,740 --> 00:15:58,340 J'évoque particulièrement les arrêts Agnelet et Legillon – deux des 248 00:15:58,540 --> 00:16:02,420 cinq arrêts rendus le 10 janvier 2013 – puisqu'ils sont particulièrement 249 00:16:02,620 --> 00:16:05,390 révélateurs du degré d'exigence de la Cour européenne. 250 00:16:06,350 --> 00:16:10,430 Dans l'arrêt Agnelet en effet, la Cour a conclu à la violation 251 00:16:10,630 --> 00:16:13,940 de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention, parce que seulement 252 00:16:14,140 --> 00:16:17,870 deux questions non circonstanciées et laconiques avaient été posées 253 00:16:18,070 --> 00:16:22,610 aux jurés, malgré la complexité de l'affaire et malgré le nombre 254 00:16:22,810 --> 00:16:27,590 d'incertitudes laissées sans réponse au regard des constatations factuelles 255 00:16:27,790 --> 00:16:30,740 de l'acte d'accusation, de sorte que le requérant n'avait 256 00:16:30,940 --> 00:16:34,430 pas été en mesure de comprendre le verdict de la condamnation. 257 00:16:35,330 --> 00:16:38,900 Dans l'arrêt Legillon, en revanche, la Cour européenne 258 00:16:39,100 --> 00:16:43,430 a conclu au respect de l'article 6 paragraphe 1er, parce que l'arrêt 259 00:16:43,630 --> 00:16:46,700 de mise en accusation était particulièrement circonstancié. 260 00:16:47,120 --> 00:16:50,930 Les charges avaient été longuement débattues et les questions posées 261 00:16:51,130 --> 00:16:54,200 au jury étaient précises et sans ambiguïté, si bien qu'il était 262 00:16:54,400 --> 00:16:58,040 tout à fait possible pour l'accusé de comprendre les raisons de sa 263 00:16:58,240 --> 00:16:59,000 condamnation. 264 00:16:59,690 --> 00:17:03,290 On le voit, la Cour européenne valide donc le dispositif résultant 265 00:17:03,490 --> 00:17:08,540 de l'article 365-1 qu'elle considère susceptible de renforcer de manière 266 00:17:08,740 --> 00:17:13,670 significative les garanties contre l'arbitraire et de favoriser la 267 00:17:13,870 --> 00:17:17,630 compréhension de la condamnation par l'accusé, donc conformément 268 00:17:17,830 --> 00:17:19,430 aux exigences de la Convention européenne. 269 00:17:19,630 --> 00:17:22,880 Cet objectif véritablement de bonne compréhension, encore une fois 270 00:17:23,080 --> 00:17:28,820 de pédagogie et d'accessibilité, et la Cour européenne s'est prononcé 271 00:17:29,020 --> 00:17:40,490 par la suite dans deux arrêts Peduzzi et Haddad contre France en date 272 00:17:40,690 --> 00:17:42,470 du 21 mai 2015. 273 00:17:43,520 --> 00:17:47,530 Les questions posées au jury laconique ne permettent pas, selon la Cour, 274 00:17:47,730 --> 00:17:50,840 au requérant acquitté en première instance et condamné en appel, 275 00:17:51,170 --> 00:17:54,410 de disposer de garanties suffisantes pour comprendre le verdict de 276 00:17:54,610 --> 00:17:59,030 condamnation, ce qui constitue donc une violation du procès équitable. 277 00:17:59,230 --> 00:18:06,140 Voilà, donc on est toujours dans la même idée, dans la même logique 278 00:18:06,400 --> 00:18:09,290 de bonne compréhension de la justice. 279 00:18:09,950 --> 00:18:13,760 Alors, quid ensuite des exigences constitutionnelles ? 280 00:18:14,780 --> 00:18:16,320 Nous le verrons donc la prochaine fois. 281 00:18:16,520 --> 00:18:17,280 Je vous remercie.