1 00:00:05,620 --> 00:00:10,040 Dans cette vidéo, nous allons en terminer avec notre pyramide des 2 00:00:10,240 --> 00:00:11,000 normes. 3 00:00:11,200 --> 00:00:13,600 Nous savons que les conventions internationales ont pris place 4 00:00:13,800 --> 00:00:17,200 juste en dessous de la Constitution, avec l'article 55 de celle-ci 5 00:00:17,400 --> 00:00:20,180 d'ailleurs, au-dessus des lois, décrets, tout ce que l'on veut, 6 00:00:21,360 --> 00:00:24,920 et ce principe se trouve appliqué dans plusieurs exemples que je 7 00:00:25,120 --> 00:00:28,420 vous ai déjà pris, la Convention européenne des droits de l'homme, 8 00:00:28,620 --> 00:00:31,140 le droit communautaire et maintenant le dernier, la Convention 9 00:00:31,340 --> 00:00:33,240 internationale des droits de l'enfant. 10 00:00:33,440 --> 00:00:38,560 Cette Convention a été signée à New York le 26 janvier 1990, 11 00:00:38,760 --> 00:00:41,140 au siège de l'ONU, c'est pourquoi on l'appelle souvent la Convention 12 00:00:41,340 --> 00:00:42,100 de New York. 13 00:00:42,300 --> 00:00:45,280 Elle a été immédiatement ratifiée et publiée en France par un décret 14 00:00:45,480 --> 00:00:46,740 du 8 octobre 1990. 15 00:00:47,100 --> 00:00:48,780 Si bien que si vous la cherchez dans votre Code civil, 16 00:00:48,980 --> 00:00:54,240 vous allez la chercher à cette date du 8 octobre 1990, 17 00:00:54,440 --> 00:00:56,080 avec ce décret du 8 octobre. 18 00:00:56,280 --> 00:01:00,080 Et alors cette Convention énonce de multiples droits, 19 00:01:00,860 --> 00:01:02,780 on peut les classer d'ailleurs en deux catégories. 20 00:01:02,980 --> 00:01:08,020 Il y a de grands droits vitaux de l'enfant, proclamés notamment 21 00:01:08,220 --> 00:01:10,800 à l'article 6 avec ce droit inhérent à la vie. 22 00:01:11,180 --> 00:01:14,260 Les États parties reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent 23 00:01:14,460 --> 00:01:18,000 à la vie et l'article 7 qui est un grand texte aussi, 24 00:01:18,320 --> 00:01:21,860 l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci 25 00:01:22,060 --> 00:01:25,600 le droit à un nom et dans la mesure du possible le droit de connaître 26 00:01:25,800 --> 00:01:27,740 ses parents et d'être élevé par eux. 27 00:01:27,940 --> 00:01:32,580 Donc des très grands droits pour l'enfant, mais aussi dans une seconde 28 00:01:32,780 --> 00:01:36,540 catégorie de droits qui apparaissent ici, qui sont plutôt des libertés 29 00:01:36,740 --> 00:01:37,500 de l'enfant. 30 00:01:37,700 --> 00:01:40,840 Par exemple, à l'article 14, le droit à la liberté d'association 31 00:01:41,040 --> 00:01:44,540 ou bien à l'article 13, le droit de recevoir et de répandre 32 00:01:44,740 --> 00:01:47,640 des informations et des idées de toute espèce, qui est d'ailleurs 33 00:01:47,840 --> 00:01:50,520 un petit peu étonnant, libertés plutôt ici, 34 00:01:50,720 --> 00:01:51,480 vous voyez ? 35 00:01:51,680 --> 00:01:54,700 Dans un premier temps, la Cour de cassation et les 36 00:01:54,900 --> 00:01:58,820 juridictions judiciaires ont estimé que la Convention de New York ne 37 00:01:59,020 --> 00:02:03,060 pouvait pas être invoquée devant les juridictions françaises par 38 00:02:03,260 --> 00:02:04,200 des particuliers. 39 00:02:04,400 --> 00:02:07,640 Et c'était une grande décision connue sous le nom d'arrêt Lejeune 40 00:02:07,840 --> 00:02:13,540 du 10 mars 1993, dans lequel la Cour de cassation a jugé que cette 41 00:02:13,740 --> 00:02:18,180 Convention, qui ne crée que des obligations à la charge des États 42 00:02:18,380 --> 00:02:22,040 parties, n'est pas directement applicable en droite interne. 43 00:02:22,240 --> 00:02:25,860 Et il est vrai qu'un certain nombre d'articles de la Convention sont 44 00:02:26,060 --> 00:02:30,560 ainsi libellés, comme tenez l'article 9 : "Les États parties veillent 45 00:02:30,760 --> 00:02:34,100 à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré", 46 00:02:34,740 --> 00:02:35,500 etc. 47 00:02:35,700 --> 00:02:36,460 Vous voyez ? 48 00:02:36,660 --> 00:02:41,560 Les États parties, ou encore l'article 14 : "Les États parties respectent 49 00:02:41,760 --> 00:02:45,740 le droit de l'enfant à la liberté de penser, de conscience et de 50 00:02:45,940 --> 00:02:46,700 religion". 51 00:02:46,900 --> 00:02:49,640 Alors, il est vrai que de tels articles ne sont pas directement 52 00:02:49,840 --> 00:02:53,540 applicables parce qu'ils ne s'adressent qu'aux États et non pas aux citoyens 53 00:02:53,740 --> 00:02:54,500 de ces États. 54 00:02:54,700 --> 00:02:58,460 Aux États de prendre le cas échéant les mesures nécessaires pour tenir 55 00:02:58,660 --> 00:03:01,740 compte de ce qu'ils ont promis en signant la Convention de New York. 56 00:03:02,160 --> 00:03:06,220 Et d'ailleurs, cette pression s'est traduite par de multiples textes 57 00:03:06,420 --> 00:03:08,600 de droit interne qui ont été votés par la suite. 58 00:03:10,120 --> 00:03:14,580 La loi du 8 janvier 1993 en matière de filiation d'autorité parentale 59 00:03:14,780 --> 00:03:17,700 et sur le même domaine, la loi du 4 mars 2002, 60 00:03:17,980 --> 00:03:21,760 où on a développé au maximum la coparentalité, comme l'on dit, 61 00:03:21,960 --> 00:03:23,460 et dans le prolongement de la Convention de New York, 62 00:03:23,960 --> 00:03:24,720 justement. 63 00:03:24,920 --> 00:03:28,160 Et la loi du 5 mars 2007, qui a introduit dans le Code civil 64 00:03:28,360 --> 00:03:33,440 l'article 388-1 nouveau pour organiser l'audition de l'enfant en justice 65 00:03:33,640 --> 00:03:35,120 comme le veut la Convention de New York. 66 00:03:37,060 --> 00:03:42,560 Mais il y a aussi des articles de la Convention qui sont rédigés 67 00:03:42,760 --> 00:03:47,100 autrement et qui ne paraissent pas s'adresser seulement aux États. 68 00:03:47,300 --> 00:03:49,540 Nous avons cité tout à l'heure l'article 7, c'est manifeste, 69 00:03:49,740 --> 00:03:53,260 "l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci 70 00:03:53,460 --> 00:03:57,080 le droit à un nom, le droit de connaître ses parents". 71 00:03:57,640 --> 00:04:03,820 Donc, le Conseil d'État, lui, s'est livré à une distinction 72 00:04:04,020 --> 00:04:07,000 parmi les dispositions de la Convention, les articles de la 73 00:04:07,200 --> 00:04:11,840 Convention entre ceux qui ne peuvent être directement appliqués devant 74 00:04:12,040 --> 00:04:13,700 les juridictions françaises et ceux qui peuvent l'être. 75 00:04:13,900 --> 00:04:16,880 Et au fond, la Cour de cassation s'est alignée sur cette position. 76 00:04:17,080 --> 00:04:23,160 C'était un revirement par un arrêt du 18 mai 2005 où elle a visé l'article 77 00:04:23,360 --> 00:04:29,760 3, paragraphe premier de la Convention, sur l'intérêt supérieur de l'enfant, 78 00:04:29,960 --> 00:04:34,540 qui est une considération primordiale dans toutes les décisions qui le 79 00:04:34,740 --> 00:04:35,500 concernent. 80 00:04:35,700 --> 00:04:38,200 Et on a encore cela, par exemple, dans un arrêt du 17 81 00:04:38,400 --> 00:04:44,680 mars 2010, ce qui est très clair, où l'on voit, s'agissant ici de 82 00:04:44,880 --> 00:04:49,140 la disparition de la filiation d'un enfant, la filiation paternelle 83 00:04:49,340 --> 00:04:51,640 d'un enfant qui avait été reconnu par un homme qui, en fait, 84 00:04:51,840 --> 00:04:52,600 n'était pas son père. 85 00:04:52,920 --> 00:04:57,460 Or, l'on sait qu'en droit français, l'enfant porte le nom de son père 86 00:04:57,660 --> 00:05:00,040 ou de sa mère, ou les deux, mais en tout cas, nécessairement 87 00:05:00,240 --> 00:05:01,000 de son père ou de sa mère. 88 00:05:02,400 --> 00:05:05,620 Et s'il porte le nom de son père, mais alors que cet homme, 89 00:05:05,820 --> 00:05:07,940 en fait, n'est pas son père, la filiation est anéantie, 90 00:05:08,140 --> 00:05:09,280 quelles sont les conséquences sur le nom ? 91 00:05:09,480 --> 00:05:14,360 Logiquement, le nom du père disparaît et il faut attribuer à l'enfant 92 00:05:14,560 --> 00:05:17,920 un autre nom qui va être celui de sa mère ou éventuellement d'un 93 00:05:18,120 --> 00:05:20,860 autre homme dont la filiation sera établie à l'égard de l'enfant. 94 00:05:21,060 --> 00:05:22,460 Ça, c'est la logique du droit français. 95 00:05:22,660 --> 00:05:24,900 Oui, mais on introduit la Convention de New York. 96 00:05:25,360 --> 00:05:27,460 L'intérêt supérieur de l'enfant doit dominer. 97 00:05:27,660 --> 00:05:31,860 Peut-être que ça pourrait conduire à maintenir à l'enfant le nom de 98 00:05:32,060 --> 00:05:34,100 cet homme qui n'était pas son père, mais qui l'avait reconnu. 99 00:05:34,540 --> 00:05:39,740 Et là, on voit très bien dans cette décision que l'attribution du nom 100 00:05:39,940 --> 00:05:46,400 se trouve en réalité décidée sous l'angle de l'intérêt supérieur 101 00:05:46,600 --> 00:05:50,240 de l'enfant et non pas la logique simple des textes du droit français 102 00:05:50,440 --> 00:05:54,660 que l'on trouve notamment à l'article 61-3 du Code civil. 103 00:05:55,300 --> 00:06:01,020 Alors, on verra à l'avenir si cette application directe de certains 104 00:06:01,220 --> 00:06:05,060 des articles au moins de la Convention conduit les juges français à écarter 105 00:06:05,260 --> 00:06:10,320 carrément une disposition législative qui ne leur paraîtrait pas conforme 106 00:06:10,520 --> 00:06:14,060 à la Convention et cela en vertu de l'article 55 de la Constitution. 107 00:06:14,480 --> 00:06:18,020 On pense à l'article 6, le droit inhérent à la vie. 108 00:06:20,160 --> 00:06:23,180 Alors ça ne peut pas concerner la question de l'avortement parce 109 00:06:23,380 --> 00:06:26,680 que la Convention n'a été signée et ratifiée par la France que sous 110 00:06:26,880 --> 00:06:29,540 réserve, justement, que l'article 6 ne remette pas en cause la 111 00:06:29,740 --> 00:06:31,200 législation française sur l'avortement. 112 00:06:31,400 --> 00:06:35,120 Mais une question pourrait se poser au regard du sort de ce que l'on 113 00:06:35,320 --> 00:06:39,220 appelle les embryons surnuméraires dans les procréations médicalement 114 00:06:39,420 --> 00:06:41,260 assistées avec congélation d'embryons. 115 00:06:41,960 --> 00:06:47,040 De même, il faudra suivre de très près, d'ailleurs dans les semaines ou 116 00:06:47,240 --> 00:06:50,040 les mois qui viennent, l'influence que pourrait avoir 117 00:06:50,240 --> 00:06:52,340 l'article 7 de la Convention. 118 00:06:52,540 --> 00:06:55,800 Peut-être que ça se traduira d'ailleurs par une disposition législative 119 00:06:56,000 --> 00:07:03,080 sur la question de l'anonymat du donneur de gamètes dans une procréation 120 00:07:03,280 --> 00:07:04,660 médicalement assistée avec donneur. 121 00:07:04,860 --> 00:07:08,380 Actuellement, il n'est pas possible de connaître, de lever cet anonymat. 122 00:07:08,760 --> 00:07:12,220 On peut penser que même si une disposition législative n'est pas 123 00:07:12,420 --> 00:07:16,820 prise dans ce sens, qu'à l'avenir, les tribunaux seront saisis de 124 00:07:17,020 --> 00:07:20,320 revendication de la part d'enfants sur le terrain de l'article 7, 125 00:07:21,380 --> 00:07:23,600 demanderont à ce que cet anonymat soit levé. 126 00:07:24,240 --> 00:07:26,600 Ça sera demandé en tout cas, on verra ce qui sera décidé. 127 00:07:27,440 --> 00:07:31,260 Alors, je vous propose maintenant de voir dans un C les moyens tendant 128 00:07:31,460 --> 00:07:36,360 à faire respecter la hiérarchie des normes et tout de suite, 129 00:07:36,720 --> 00:07:41,060 peut-être le plus simple, le contrôle de constitutionnalité 130 00:07:41,260 --> 00:07:42,020 des lois. 131 00:07:42,700 --> 00:07:43,980 Et nous progresserons. 132 00:07:44,520 --> 00:07:49,900 La question de la conformité d'une loi au sens étroit de loi parlementaire 133 00:07:50,100 --> 00:07:54,660 à la Constitution ne peut pas être examinée par le juge, 134 00:07:54,860 --> 00:07:57,460 qu'il soit judiciaire ou administratif. 135 00:07:58,240 --> 00:08:02,220 Les juridictions de ces deux ordres ont toujours refusé d'accueillir 136 00:08:02,420 --> 00:08:04,780 le grief d'inconstitutionnalité. 137 00:08:05,300 --> 00:08:08,960 La conception française de la séparation des pouvoirs s'y oppose 138 00:08:09,160 --> 00:08:09,920 radicalement. 139 00:08:11,300 --> 00:08:15,400 Mais depuis 1958, il y avait des choses avant aussi, mais en tout 140 00:08:15,600 --> 00:08:19,620 cas dans la Constitution de 1958, un contrôle de constitutionnalité 141 00:08:19,820 --> 00:08:24,680 des lois existe et cette mission est confiée au Conseil constitutionnel. 142 00:08:24,880 --> 00:08:28,860 Et ce contrôle, 50 ans après son instauration, a fait l'objet d'une 143 00:08:29,060 --> 00:08:32,560 diversification puisque désormais, deux modalités existent. 144 00:08:32,760 --> 00:08:36,900 Il y a d'une part le contrôle a priori et d'autre part le contrôle 145 00:08:37,100 --> 00:08:38,240 a posteriori. 146 00:08:38,660 --> 00:08:43,900 Contrôle a priori, c'est-à-dire avant la promulgation de la loi, 147 00:08:45,800 --> 00:08:49,260 et non pas a posteriori, une fois que la loi est promulguée 148 00:08:49,460 --> 00:08:51,800 et entrée en vigueur donc avant la promulgation de la loi, 149 00:08:52,000 --> 00:08:56,620 l'ouverture de ce contrôle reste cependant assez étroite. 150 00:08:56,920 --> 00:08:59,640 Le Conseil constitutionnel ne peut en effet être saisi que par le 151 00:08:59,840 --> 00:09:02,860 Président de la République ou bien le Premier ministre ou le président 152 00:09:03,060 --> 00:09:07,300 de l'Assemblée nationale ou le président du Sénat ou depuis 1974 153 00:09:07,500 --> 00:09:11,120 par 60 députés ou 60 sénateurs, ce qui signifie d'ailleurs que 154 00:09:11,320 --> 00:09:15,180 l'opposition, si elle est tout de même suffisamment importante, 155 00:09:15,580 --> 00:09:18,560 peut déférer une loi devant le Conseil constitutionnel avant sa 156 00:09:18,760 --> 00:09:19,520 promulgation. 157 00:09:20,440 --> 00:09:23,840 Le Conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois 158 00:09:24,040 --> 00:09:27,520 et la promulgation du texte est suspendue dans l'attente de sa 159 00:09:27,720 --> 00:09:28,480 décision. 160 00:09:28,680 --> 00:09:35,540 Et si la décision censure partiellement une loi votée, cette loi sera ensuite 161 00:09:35,740 --> 00:09:39,100 promulguée sans les dispositions inconstitutionnelles. 162 00:09:39,600 --> 00:09:42,960 Alors la loi, vous aurez au Journal officiel les articles de la loi 163 00:09:43,160 --> 00:09:45,620 avec le numéro qu'ils avaient quand ils sont sortis du Parlement, 164 00:09:45,940 --> 00:09:48,960 mais par exemple article 31, hop, disposition déclarée 165 00:09:49,160 --> 00:09:52,180 inconstitutionnelle par la telle décision, fermez la parenthèse, 166 00:09:52,380 --> 00:09:56,040 et vous n'aurez pas au Journal officiel la teneur de ce qui a 167 00:09:56,240 --> 00:09:57,500 été jugé inconstitutionnel. 168 00:09:57,700 --> 00:10:00,440 Hop, ça disparaît, ça n'est pas promulgué. 169 00:10:00,700 --> 00:10:06,620 Alors, on voit en même temps que si l'unanimité règne au Parlement 170 00:10:06,820 --> 00:10:09,960 sur un texte à adopter, ça se produit parfois, 171 00:10:11,200 --> 00:10:13,740 alors que ce texte pourrait éventuellement être contraire à 172 00:10:13,940 --> 00:10:17,900 la Constitution, dans un cas pareil, le texte ne se sera pas déféré 173 00:10:18,100 --> 00:10:20,140 au Conseil constitutionnel. 174 00:10:20,340 --> 00:10:24,400 Mais aujourd'hui, il peut l'être après coup, il peut l'être après 175 00:10:24,600 --> 00:10:29,440 coup puisqu’un contrôle a posteriori a été organisé. 176 00:10:29,640 --> 00:10:35,200 Alors on signalera qu'assez souvent, le Conseil constitutionnel déclare 177 00:10:35,400 --> 00:10:40,700 ne refuser de censurer une disposition attaquée que sous réserve de 178 00:10:40,900 --> 00:10:42,000 l'interprétation qu'il en donne. 179 00:10:42,200 --> 00:10:46,200 Ça a été manifeste avec la loi du 15 décembre 1999 relatif au 180 00:10:46,400 --> 00:10:50,240 pacte civil de solidarité où il y a eu beaucoup de réserves 181 00:10:50,440 --> 00:10:54,800 d'interprétation sans lesquelles le Conseil eut déclaré la loi 182 00:10:55,000 --> 00:10:55,760 inconstitutionnelle. 183 00:10:55,960 --> 00:10:58,340 Elle n'est constitutionnelle que sous réserve de comprendre tel 184 00:10:58,540 --> 00:10:59,880 article comme ceci, comme cela. 185 00:11:00,340 --> 00:11:04,020 Alors de telles réserves sont extrêmement importantes, 186 00:11:04,220 --> 00:11:08,680 car elles s'imposent au pouvoir public et à toutes les autorités 187 00:11:08,880 --> 00:11:11,000 administratives et juridictionnelles. 188 00:11:11,200 --> 00:11:12,820 C'est très clair. 189 00:11:13,240 --> 00:11:19,020 Enfin, on relèvera que le législateur qui exprime la volonté générale 190 00:11:19,220 --> 00:11:22,940 a le moyen d'avoir le dernier mot sur les neuf membres du Conseil 191 00:11:23,140 --> 00:11:26,780 constitutionnel et il suffit, par un vote du Congrès, 192 00:11:26,980 --> 00:11:30,320 ce n'est pas si simple, il faut réunir tout de même l'Assemblée 193 00:11:30,520 --> 00:11:34,220 nationale et le Sénat tous ensemble, aller à Versailles, le Congrès, 194 00:11:34,540 --> 00:11:38,960 il suffit par un vote du Congrès de modifier la Constitution afin 195 00:11:39,160 --> 00:11:42,140 de briser cette jurisprudence du Conseil constitutionnel et d'adopter 196 00:11:42,340 --> 00:11:47,460 dans la Constitution les dispositions qui iront bien avec le texte de 197 00:11:47,660 --> 00:11:48,680 loi que l'on veut adopter. 198 00:11:48,900 --> 00:11:53,320 Donc là, c'est toujours le peuple avec ses représentants qui peut 199 00:11:53,520 --> 00:11:55,120 avoir le dernier mot. 200 00:11:55,320 --> 00:12:00,460 Alors un contrôle a été mis en place maintenant a posteriori, 201 00:12:00,660 --> 00:12:05,420 c'est ce qu'on appelle la question prioritaire de constitutionnalité, 202 00:12:05,620 --> 00:12:11,740 la QPC avec une loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a organisé 203 00:12:11,940 --> 00:12:15,940 cette seconde voie tendant à vérifier la constitutionnalité des lois, 204 00:12:16,140 --> 00:12:20,080 mais cette fois, des lois déjà entrées en vigueur. 205 00:12:20,620 --> 00:12:22,900 Donc c'est un contrôle a posteriori. 206 00:12:23,240 --> 00:12:27,120 C'est l'article 61-1 nouveau de la Constitution qui l'organise 207 00:12:27,320 --> 00:12:32,480 et cette voie suppose qu'une instance soit en cours devant une juridiction, 208 00:12:33,020 --> 00:12:35,900 mais peu importe, peu importe la juridiction, qu'elle soit civile, 209 00:12:36,160 --> 00:12:39,800 administrative, pénale, sociale, tout va bien. 210 00:12:40,080 --> 00:12:45,440 Peu importe si le stade où s'en trouve la procédure dans cette 211 00:12:45,640 --> 00:12:48,760 instance, ça peut être en première instance, par exemple devant le 212 00:12:48,960 --> 00:12:50,800 tribunal de grande instance ou le tribunal administratif, 213 00:12:51,000 --> 00:12:54,160 ça peut être en appel, ça peut être devant la Cour de 214 00:12:54,360 --> 00:12:56,920 cassation, devant le Conseil d'État, tout est bon. 215 00:12:57,560 --> 00:13:02,260 Alors il faut qu'il soit soutenu dans cette instance qu'une disposition 216 00:13:02,460 --> 00:13:06,560 législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution 217 00:13:06,760 --> 00:13:07,780 garantit. 218 00:13:08,020 --> 00:13:13,500 Alors le Conseil constitutionnel dit la Constitution peut être saisi 219 00:13:13,700 --> 00:13:17,200 de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de 220 00:13:17,400 --> 00:13:21,640 cassation, peut être saisi, ce n'est pas doit, peut-être qu'il 221 00:13:21,840 --> 00:13:24,820 ne le sera pas, ce n'est pas nécessairement qu'il est saisi 222 00:13:25,020 --> 00:13:29,100 chaque fois qu'une question de cette nature est soulevée, 223 00:13:29,300 --> 00:13:30,060 est posée. 224 00:13:30,260 --> 00:13:31,020 Alors pourquoi ? 225 00:13:31,220 --> 00:13:35,280 Il s'agit très certainement d'éviter les manœuvres purement dilatoires 226 00:13:35,480 --> 00:13:39,600 et aussi d'éviter l'asphyxie du Conseil constitutionnel, si bien 227 00:13:39,800 --> 00:13:44,680 qu'une loi organique du 10 décembre 2009 a mis en place un système 228 00:13:44,880 --> 00:13:47,100 de double filtrage des questions. 229 00:13:48,660 --> 00:13:54,260 Ainsi, la juridiction devant laquelle une QPC est soulevée doit décider 230 00:13:54,460 --> 00:13:57,860 de la transmettre ou non à la Cour de cassation ou bien au Conseil d'État, 231 00:13:58,060 --> 00:13:59,960 selon l'ordre de la juridiction dans lequel nous sommes. 232 00:14:01,260 --> 00:14:06,080 Il n'y aura pas de transmission si la loi a déjà été déclarée conforme 233 00:14:06,280 --> 00:14:10,780 à la Constitution ou si la question est dépourvue de caractère sérieux. 234 00:14:10,980 --> 00:14:14,440 Inversement, si les deux circonstances inverses sont remplies, 235 00:14:14,640 --> 00:14:19,220 il y aura transmission à la juridiction suprême de l'ordre de la question. 236 00:14:19,860 --> 00:14:23,360 Alors si la question est transmise au Conseil d'État ou à la Cour 237 00:14:23,560 --> 00:14:28,920 de cassation, cette juridiction doit se prononcer sur son renvoi 238 00:14:29,120 --> 00:14:30,720 au Conseil constitutionnel. 239 00:14:30,920 --> 00:14:34,060 Ce qu'elle fait seulement si plusieurs conditions sont remplies, 240 00:14:34,260 --> 00:14:36,620 il faut que la disposition soit applicable au litige, 241 00:14:37,180 --> 00:14:40,760 il faut que la disposition n'ait pas déjà été déclarée conforme 242 00:14:40,960 --> 00:14:45,120 à la Constitution, il suppose de le savoir, mais la Constitutionnelle, 243 00:14:45,320 --> 00:14:48,660 lui, dresse des tableaux de toutes les dispositions qui ont été déjà 244 00:14:48,860 --> 00:14:53,580 déclarées conformes à la Constitution, et il faut que la question soit 245 00:14:53,780 --> 00:14:57,360 nouvelle ou qu'elle présente un caractère sérieux. 246 00:14:58,580 --> 00:15:03,280 Alors pourquoi l'adjectif prioritaire, QPC, question prioritaire ? 247 00:15:03,640 --> 00:15:08,540 C'est la loi organique de 2009 qui l'a employé dans l'idée que 248 00:15:08,740 --> 00:15:13,240 la juridiction devant laquelle la question est posée doit l'examiner 249 00:15:13,440 --> 00:15:15,520 sans délai, c'est maintenant, hop, sans délai. 250 00:15:15,720 --> 00:15:20,660 Et si cette juridiction est saisie de moyens contestant à la fois 251 00:15:20,860 --> 00:15:25,180 la constitutionnalité et la conventionnalité d'une loi, 252 00:15:25,920 --> 00:15:30,060 c'est la constitutionnalité qui doit être examinée en priorité. 253 00:15:31,420 --> 00:15:35,640 Alors les questions qui franchissent ces deux filtres sont donc ensuite 254 00:15:35,840 --> 00:15:38,420 examinées par le Conseil constitutionnel, toutes ne le sont pas, 255 00:15:38,620 --> 00:15:41,020 il y en a beaucoup qui ne franchissent pas les filtres, le Conseil 256 00:15:41,220 --> 00:15:45,580 constitutionnel qui se prononce sur la conformité des dispositions 257 00:15:45,780 --> 00:15:48,780 législatives litigieuses, non pas à toute la Constitution, 258 00:15:49,280 --> 00:15:52,540 mais aux droits et libertés que la Constitution garantit. 259 00:15:52,740 --> 00:15:54,840 Bah oui, il y a autre chose dans la Constitution que des droits 260 00:15:55,040 --> 00:15:57,420 et libertés, par exemple les pouvoirs du président de la République, 261 00:15:58,260 --> 00:16:00,200 la durée de son mandat, les pouvoirs du Premier ministre, 262 00:16:00,420 --> 00:16:03,340 c'est une question de répartition des pouvoirs, ce n'est pas une 263 00:16:03,540 --> 00:16:04,900 question de droits et libertés. 264 00:16:05,140 --> 00:16:08,880 Mais il y a aussi dans la Constitution, par exemple l'article 66, 265 00:16:09,200 --> 00:16:12,260 l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle, 266 00:16:12,460 --> 00:16:13,220 voilà qui est dit. 267 00:16:13,420 --> 00:16:18,500 Et surtout, le renvoi effectué par la Constitution, dans le préambule 268 00:16:18,700 --> 00:16:23,080 de celle-ci, à la Déclaration des droits de l'homme de 1789, 269 00:16:24,020 --> 00:16:28,300 au préambule de la Constitution de 1946, aux principes fondamentaux reconnus 270 00:16:28,500 --> 00:16:31,800 par les lois de la République, et à la charte de l'environnement 271 00:16:32,000 --> 00:16:32,760 de 2004. 272 00:16:32,960 --> 00:16:37,020 Voilà tout un corpus de droits et libertés que la Constitution 273 00:16:37,220 --> 00:16:37,980 garantit. 274 00:16:38,180 --> 00:16:42,620 Alors le Conseil constitutionnel rend ensuite sa décision. 275 00:16:42,820 --> 00:16:48,120 S'il déclare une disposition inconstitutionnelle, celle-ci est 276 00:16:48,320 --> 00:16:51,500 abrogée à compter de la publication de la décision au Journal officiel 277 00:16:51,700 --> 00:16:54,960 ou bien de la date que le Conseil constitutionnel fixe. 278 00:16:55,200 --> 00:16:59,400 Alors cette voie de contrôle, a posteriori, est entrée en vigueur 279 00:16:59,600 --> 00:17:01,320 en 2010, le 1er mars 2010. 280 00:17:01,760 --> 00:17:04,320 Et depuis cette date, de nombreuses questions ont été 281 00:17:04,520 --> 00:17:07,540 soulevées, surtout dans les premiers temps, et une partie a été transmise 282 00:17:07,740 --> 00:17:08,880 au Conseil constitutionnel. 283 00:17:09,080 --> 00:17:13,620 Celui-ci s'est prononcé à 306 reprises, à 306 décisions sur des QPC, 284 00:17:14,100 --> 00:17:20,280 aujourd'hui, qui portent sur toutes sortes de textes, parfois des textes 285 00:17:20,480 --> 00:17:24,120 anciens qui datent du Code civil lui-même, d'ailleurs une des premières 286 00:17:24,320 --> 00:17:28,540 QPC a porté sur l'article 661 du Code civil, alors vous irez voir 287 00:17:28,740 --> 00:17:32,600 l'article 661 du Code civil, c'est tout à fait incroyable que 288 00:17:32,800 --> 00:17:35,920 des plaideurs aient soulevé l'inconstitutionnalité du texte. 289 00:17:36,120 --> 00:17:39,820 C'est celui qui a des incidents sur notre urbanisme, 290 00:17:40,080 --> 00:17:42,780 c'est le texte qui prévoit la mitoyenneté. 291 00:17:43,020 --> 00:17:44,880 Ah oui, ça, c'est tout à fait particulier à la France, 292 00:17:45,120 --> 00:17:48,620 c'est-à-dire que vous avez une construction qui est en limite 293 00:17:48,820 --> 00:17:56,380 d'un terrain, le voisin a un droit de s'appuyer sur le mur et nous 294 00:17:56,580 --> 00:17:57,720 allons avoir un mur mitoyen. 295 00:17:57,920 --> 00:17:58,680 Très bien. 296 00:17:58,880 --> 00:18:01,060 Tout ça s'est organisé par l'article 661 du Code civil. 297 00:18:01,440 --> 00:18:02,200 Parfait. 298 00:18:02,400 --> 00:18:04,920 Et ce n'est pas la même chose dans d'autres législations. 299 00:18:05,520 --> 00:18:09,060 Promenez-vous à Chicago, à New York, à Tokyo ou à Hanoi, 300 00:18:09,300 --> 00:18:11,820 vous trouverez entre deux immeubles toujours un trou. 301 00:18:12,020 --> 00:18:15,180 Bah oui, parce que chacun a son mur et il ne s'agit pas de s'appuyer 302 00:18:15,380 --> 00:18:16,140 sur le mur de l'autre. 303 00:18:16,340 --> 00:18:17,380 Mais alors c'est plus ou moins propre. 304 00:18:18,600 --> 00:18:23,300 Promenez-vous à Paris ou à Lyon et vous verrez, ou dans d'autres 305 00:18:23,500 --> 00:18:27,580 villes de France, vous verrez que presque tous les immeubles se touchent, 306 00:18:27,780 --> 00:18:28,820 c'est l'article 661. 307 00:18:29,560 --> 00:18:33,820 Le Conseil constitutionnel allait-il déclarer la disposition contraire 308 00:18:34,020 --> 00:18:38,200 à la Constitution, aux droits et libertés que la Constitution garantit ? 309 00:18:38,600 --> 00:18:41,560 On a retenu son souffle et finalement non, elle est conforme, 310 00:18:41,760 --> 00:18:42,520 elle est conforme. 311 00:18:42,720 --> 00:18:46,020 Mais il y a parfois des dispositions déclarées inconstitutionnelles. 312 00:18:46,280 --> 00:18:49,440 Par exemple, ça a été le cas, c'est un cas extrêmement important 313 00:18:49,640 --> 00:18:53,740 pour l'organisation de la garde à vue par le Code de procédure pénale, 314 00:18:54,320 --> 00:18:59,180 dans une décision du 30 juillet 2010, le Conseil a estimé que les textes 315 00:18:59,380 --> 00:19:02,980 du Code pénal, à l'époque, n'étaient pas conformes aux droits 316 00:19:03,180 --> 00:19:05,500 et libertés que la Constitution garantit. 317 00:19:05,800 --> 00:19:11,200 Il a décidé donc d'abroger ces textes, de les déclarer inconstitutionnels 318 00:19:11,400 --> 00:19:12,360 et donc de les abroger. 319 00:19:13,060 --> 00:19:15,880 Mais les choses étaient quand même extrêmement importantes. 320 00:19:16,080 --> 00:19:18,960 On ne pouvait quand même pas décider du jour au lendemain qu'on ne pouvait 321 00:19:19,160 --> 00:19:21,800 plus procéder à aucune garde à vue le temps que de nouveaux textes 322 00:19:22,000 --> 00:19:26,300 soient adoptés, si bien que la décision a vu son effet repoussé 323 00:19:26,500 --> 00:19:31,160 d'un an au 1er juillet 2011, le temps de mettre en place une 324 00:19:31,360 --> 00:19:34,500 nouvelle organisation législative de la garde à vue, plus conforme 325 00:19:34,700 --> 00:19:36,880 aux droits et libertés fondamentaux. 326 00:19:37,080 --> 00:19:44,040 Alors donc parfois, des conformités totales ou des conformités sous 327 00:19:44,240 --> 00:19:48,480 réserve d'interprétation, des non-conformités partielles ou des 328 00:19:48,680 --> 00:19:50,920 non-conformités totales, nous avons un peu de tout dans 329 00:19:51,120 --> 00:19:53,200 les décisions qui ont été rendues. 330 00:19:53,920 --> 00:19:57,140 Voici pour notre contrôle de constitutionnalité. 331 00:19:57,420 --> 00:20:01,490 Le deuxième point concerne le contrôle de conventionnalité. 332 00:20:01,690 --> 00:20:05,360 Alors là, ça va être assez rapide parce que nous l'avons déjà aperçu. 333 00:20:05,560 --> 00:20:08,600 En réalité, les juridictions judiciaires et administratives 334 00:20:08,800 --> 00:20:12,920 ont découvert dans l'article 55 de la Constitution le moyen d'écarter 335 00:20:13,120 --> 00:20:15,780 des normes internes, des lois ou règlements qu'elles 336 00:20:15,980 --> 00:20:19,560 estiment contraires à des conventions internationales ratifiées par la 337 00:20:19,760 --> 00:20:24,100 France ou du moins contraires à l'interprétation parfois très extensive 338 00:20:24,300 --> 00:20:27,720 que les juridictions donnent de ces conventions internationales. 339 00:20:27,920 --> 00:20:30,700 Alors nous ne revenons pas ici sur ce phénomène qui est un phénomène 340 00:20:30,900 --> 00:20:36,400 assez curieux, surtout si l'on observe que la constitutionnalité, 341 00:20:36,600 --> 00:20:39,220 elle, n'est pas contrôlée par ces juridictions. 342 00:20:40,060 --> 00:20:46,360 Et il faut remarquer que le législateur ici n'a aucun moyen de briser une 343 00:20:46,560 --> 00:20:47,760 telle jurisprudence. 344 00:20:48,900 --> 00:20:52,920 Bref, la loi expression de la volonté générale ne peut pas l'emporter 345 00:20:53,120 --> 00:20:56,740 sur des interprétations jurisprudentielles de textes plus 346 00:20:56,940 --> 00:21:00,000 ou moins fumeux, sauf à dénoncer ces conventions. 347 00:21:00,660 --> 00:21:03,400 Mais c'est tout un processus et il faut avoir envie de le faire. 348 00:21:03,600 --> 00:21:06,600 Il n'est pas exclu d'ailleurs qu'en Angleterre, qui est la vraie patrie 349 00:21:06,800 --> 00:21:09,080 des droits de l'homme, depuis la charte de Jean sans Terre 350 00:21:09,280 --> 00:21:12,400 de 1215, huit siècles de défense des droits de l'homme, 351 00:21:12,660 --> 00:21:16,420 on sent monter dans ce pays une aversion de plus en plus forte 352 00:21:16,620 --> 00:21:19,400 contre la Convention européenne des droits de l'homme, 353 00:21:20,320 --> 00:21:23,120 les Anglais reprochant à la Cour européenne des droits de l'homme 354 00:21:23,880 --> 00:21:28,740 de ne pas s'intéresser aux vrais droits de l'homme, de ne s'intéresser 355 00:21:28,940 --> 00:21:32,240 qu'à des choses mineures. 356 00:21:32,440 --> 00:21:35,600 Dans un troisième point, je vous propose maintenant d'examiner 357 00:21:35,800 --> 00:21:40,900 le contrôle de légalité des règlements, contrôle de l'égalité des règlements, 358 00:21:41,200 --> 00:21:45,160 il est logique de distinguer deux cas, les règlements autonomes et ceux 359 00:21:45,360 --> 00:21:46,120 qui ne le sont pas. 360 00:21:46,320 --> 00:21:48,940 Alors, s'agissant des règlements autonomes, c'est-à-dire qui ne 361 00:21:49,140 --> 00:21:52,940 sont pas pris en exécution d'une loi et qui interviennent dans des 362 00:21:53,140 --> 00:21:55,960 matières autres que celles qui sont réservées au Parlement, 363 00:21:56,380 --> 00:22:00,560 ils peuvent donner lieu éventuellement à un contrôle du respect du domaine 364 00:22:00,760 --> 00:22:04,300 de compétence du pouvoir réglementaire afin d'éviter des empiétements 365 00:22:04,500 --> 00:22:08,540 sur le domaine législatif donc un contrôle de l'articulation des 366 00:22:08,740 --> 00:22:10,600 articles 34 et 37 de la Constitution. 367 00:22:11,160 --> 00:22:14,600 Et ce contrôle est effectué par le recours pour excès de pouvoir 368 00:22:14,800 --> 00:22:18,720 ou bien par exception d'illégalité devant les juridictions 369 00:22:18,920 --> 00:22:19,940 administratives. 370 00:22:20,440 --> 00:22:24,760 Ce contrôle conduirait le cas échéant à anéantir un règlement pris hors 371 00:22:24,960 --> 00:22:27,080 compétence du pouvoir réglementaire. 372 00:22:27,280 --> 00:22:30,860 Alors, ces règlements autonomes peuvent aussi logiquement poser 373 00:22:31,060 --> 00:22:34,500 des questions de conformité au reste de la Constitution et du 374 00:22:34,700 --> 00:22:36,160 bloc de constitutionnalité. 375 00:22:36,880 --> 00:22:40,540 Ce contrôle-là n'est pas assuré par le Conseil constitutionnel, 376 00:22:40,740 --> 00:22:43,980 qui n'a pour mission que de vérifier la conformité à la Constitution 377 00:22:44,180 --> 00:22:48,020 des lois au sens strict, mais qui effectue le contrôle de 378 00:22:48,220 --> 00:22:50,960 constitutionnalité des règlements, ce sont les juridictions 379 00:22:51,160 --> 00:22:54,160 administratives lorsqu'elles sont saisies de la question à l'occasion 380 00:22:54,360 --> 00:22:57,140 notamment donc d'un recours pour excès de pouvoir. 381 00:22:58,100 --> 00:23:01,320 Alors, s'agissant maintenant des règlements subordonnés aux lois, 382 00:23:01,800 --> 00:23:08,280 qu'il s'agisse des lois ayant fixé les principes fondamentaux ou déjà 383 00:23:08,480 --> 00:23:12,400 ayant fixé des règles assez précises, mais nécessitant encore des mesures 384 00:23:12,600 --> 00:23:17,460 d'exécution, il est logique que tous ces règlements subordonnés 385 00:23:17,660 --> 00:23:21,540 aux lois doivent respecter les lois qui se trouvent au-dessus 386 00:23:21,740 --> 00:23:23,120 d'eux dans la pyramide des normes. 387 00:23:23,320 --> 00:23:28,480 Et lorsque la légalité d'un règlement est contestée, le contrôle de cette 388 00:23:28,680 --> 00:23:30,520 légalité relève des juridictions. 389 00:23:30,940 --> 00:23:34,240 Alors ici, c'est la légalité, mais pas la constitutionnalité 390 00:23:34,440 --> 00:23:35,920 parce qu'on applique la théorie de la loi-écran. 391 00:23:36,780 --> 00:23:41,980 Si la constitutionnalité d'un règlement subordonné, d'un règlement d'exécution 392 00:23:42,180 --> 00:23:45,940 est discutée, en réalité, c'est la constitutionnalité de 393 00:23:46,140 --> 00:23:47,800 la loi elle-même qui est discutable. 394 00:23:48,000 --> 00:23:53,260 Et si cette conformité a été vérifiée, alors nécessairement, 395 00:23:53,460 --> 00:23:57,400 on va estimer que le règlement d'application, lui, est conforme 396 00:23:57,600 --> 00:23:58,360 à la Constitution. 397 00:23:58,560 --> 00:24:01,560 Donc il n'est pas question de contrôler ceci, on contrôle sa légalité, 398 00:24:01,760 --> 00:24:03,980 sa conformité à la loi qui est au-dessus de lui. 399 00:24:05,220 --> 00:24:08,100 Alors, comment faire ce contrôle ? 400 00:24:08,300 --> 00:24:09,540 Deux possibilités. 401 00:24:09,900 --> 00:24:13,780 C'est le recours en annulation qui ne peut être porté que devant 402 00:24:13,980 --> 00:24:16,680 le juge administratif, jamais devant le juge judiciaire, 403 00:24:16,880 --> 00:24:21,460 et s'il aboutit à reconnaître l'illégalité de l'acte réglementaire 404 00:24:21,660 --> 00:24:26,420 attaqué, celui-ci est anéanti, il disparaît de l'ordre juridique. 405 00:24:26,620 --> 00:24:30,020 Et ce recours s'appelle le recours pour excès de pouvoir et il doit 406 00:24:30,220 --> 00:24:31,980 être intenté dans un délai de deux mois. 407 00:24:33,160 --> 00:24:37,900 Et l'autre démarche procédurale, c'est l'exception d'illégalité 408 00:24:38,100 --> 00:24:43,140 qui tend à l'occasion d'un litige particulier à faire écarter 409 00:24:43,340 --> 00:24:47,560 l'application d'un règlement en raison de son illégalité prétendue, 410 00:24:47,760 --> 00:24:50,960 alors même que le délai de deux mois pour agir pour excès de pouvoir 411 00:24:51,160 --> 00:24:52,400 est dépassé. 412 00:24:53,040 --> 00:24:58,020 Alors les juridictions judiciaires n'ont pas en principe compétences 413 00:24:58,220 --> 00:25:03,460 pour se prononcer sur cette exception, exception, c'est-à-dire un moyen 414 00:25:03,660 --> 00:25:06,860 de défense dans un procès, une partie se voit opposer un 415 00:25:07,060 --> 00:25:08,700 règlement, mais dit non, je ne veux pas qu'on me l'applique 416 00:25:08,900 --> 00:25:09,880 parce qu'il est illégal. 417 00:25:10,080 --> 00:25:12,220 On excipe de l'illégalité. 418 00:25:12,420 --> 00:25:14,260 Les juridictions judiciaires ne peuvent pas en connaître, 419 00:25:14,460 --> 00:25:17,000 elles doivent renvoyer la question aux juridictions administratives 420 00:25:17,200 --> 00:25:20,940 en leur posant une question, c'est la question préjudicielle 421 00:25:21,640 --> 00:25:24,800 à la juridiction administrative de dire si le règlement est légal 422 00:25:25,000 --> 00:25:26,120 ou ne l'est pas. 423 00:25:26,940 --> 00:25:32,260 Toutefois, une longue tradition permet aux juges judiciaires d'examiner 424 00:25:32,460 --> 00:25:36,740 l'exception d'illégalité d'un règlement administratif lorsqu'est en jeu 425 00:25:36,940 --> 00:25:40,540 la liberté individuelle, le respect de la propriété, 426 00:25:41,400 --> 00:25:43,240 l'inviolabilité du domicile. 427 00:25:43,880 --> 00:25:48,320 Et il en va de même de manière générale en matière pénale, 428 00:25:48,680 --> 00:25:53,600 le juge pénal peut apprécier la légalité des règlements dans son 429 00:25:53,800 --> 00:25:54,560 domaine. 430 00:25:54,760 --> 00:25:59,360 On peut encore préciser que le tribunal des conflits accepte depuis 431 00:25:59,560 --> 00:26:02,060 2011 deux autres exceptions. 432 00:26:02,580 --> 00:26:07,720 D'une part, le juge judiciaire peut apprécier lui-même la légalité 433 00:26:07,920 --> 00:26:11,800 d'un acte réglementaire contesté au regard du droit de l'Union 434 00:26:12,000 --> 00:26:16,300 européenne, et d'autre part, le juge judiciaire peut accueillir 435 00:26:16,500 --> 00:26:20,880 une contestation sérieuse sur la légalité d'un acte administratif 436 00:26:21,080 --> 00:26:25,420 lorsque cette contestation repose manifestement sur une jurisprudence 437 00:26:25,620 --> 00:26:26,380 bien établie.